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falloit affirmer qu’elle étoit vraie ; & comme on ne pouvoit pas savoir quand elle cesseroit, la remise, par cette raison, n’étoit jamais à un jour certain.

Beaumanoir, chap. iij. dit qu’il y a grande différence entre contre-mans & essoines ; qu’en toutes querelles (causes) où il échet contre-mans, on en peut prendre trois avant que l’on vienne à court, dont chacun des trois contient quinze jours ; qu’il n’est pas nécessaire de faire serment ni de dire pourquoi, mais que pour l’essoinement (exoine) on n’en peut avoir qu’un entre deux jours de cour ; qu’il doit être fait sans jour, parce que nul ne sait quand il doit être hors de son exoine, & qu’il faut jurer l’exoine si la partie le requiert quand on vient à court. Qu’en toutes querelles où il y a contre-mand l’on peut exoiner une fois s’il y a lieu ; mais que dans toutes les querelles où l’on peut exoiner, l’on ne peut pas contre-mander, parce qu’on ne peut contremander si la semonce n’est faite simplement, &c.

Celui qui étoit obligé d’user de contre-mans ou d’exoines, ne pouvant les proposer lui-même, avoit recours au ministere d’un messager pour les proposer s’il ne vouloit pas avoir de procureur, & en ce cas il ne lui falloit ni grace ni le consentement de son adversaire. Voyez l’auteur du grand coûtumier, liv. III. ch. vij. (A)

CONTRE-MARCS, s. m. pl. traits dont les Charpentiers se servent, & qu’ils tracent sur leurs bois à mesure qu’ils les achevent, afin de les reconnoître quand ils en feront l’assemblage.

CONTRE-MARCHE, s. f. (Art milit.) est un changement de la face ou des ailes d’un bataillon, par laquelle les hommes qui étoient à la tête du bataillon passent à la queue. On a recours à cet expédient lorsque le bataillon est chargé en queue, & qu’on veut que les chefs des files, qui sont pour l’ordinaire des gens choisis, prennent la place des serre-files.

La contre-marche se fait par files ou par rangs, par files, lorsqu’on met les hommes de la tête du bataillon à la queue ; par rangs, en faisant passer un des flancs du bataillon sur le terrein de l’autre flanc. On se sert encore de ce terme, dans la Marine. Voyez plus bas Contre-marche (Marine). Chambers.

Il est fort parlé de la contre-marche dans nos Tacticiens francois, comme Castelnau, &c. mais elle n’est plus d’un grand usage, parce qu’elle suppose les files fort au large & distantes les unes des autres, ce qui n’est plus la coûtume d’aprésent. Comme cette manœuvre est d’assez grand détail, & qu’elle est expliquée tout au long dans la tactique d’Elien, on y renvoye ceux qui seront curieux de la connoître plus au long, en les avertissant seulement que l’on appelle en francois,

1°. Contre-marche en perdant le terrein, ce que les anciens appelloient évolution macédonique.

2°. Contre-marche en gagnant du terrein, ce qui étoit appellé évolution laconique.

3°. Contre-marche sans changer de terrein, ce qui étoit nommé évolution crétoise. (Q)

Contre-marche, (Marine.) Faire la contremarche, cela se dit quand tous les vaisseaux d’une armée ou d’une division, qui sont en ligne, vont derriere le dernier jusqu’à un certain lieu pour revirer ou changer de bord. (Z)

* CONTRE-MARCHES, s. m. plur. (Manufact. en soie.) especes de calquerons qui en ont le jeu, & qui enfilés d’un côté ne tirent que de l’autre. Voyez l’article Calqueron.

CONTRE-MARCHÉ, adject. (Rubanerie.) lorsqu’un ouvrage est d’un dessein tel que la fin en ressemble parfaitement au commencement, alors il est non-seulement contre-marché, mais encore fourché ; voyez Fourché. Voici comme la contre-marche

s’exécute : l’on suppose un ouvrage qui ait six retours, l’ouvrier étant parvenu au dernier, ayant marché ses marches du centre à l’extrémité, comme cela se pratique ordinairement ; étant parvenu, dis-je, au dernier, au lieu de tirer le premier retour comme cela se fait aux ouvrages qui ne sont pas contre-marchés, il travaille une seconde fois ce dernier retour, mais en sens contraire, c’est-à-dire qu’après avoir marché ce retour du centre à l’extrémité, il revient sur ses pas en marchant de l’extrémité au centre : après ce retour travaillé ainsi une seconde fois, il tire le cinquieme retour pour finir par le premier, qui sera de même travaillé deux fois de suite de même en sens contraire ; puis il tirera le second qui ne sera travaillé qu’une fois, de même que les autres, n’y ayant que le premier & le dernier qui se travaillent comme il vient d’être dit : on observera que tous les retours contre-marchés doivent être marchés de l’extrémité au centre quand on a une fois commencé, jusqu’à ce que la contre-marche soit achevée.

CONTRE-MARÉE, s. f. (Marine.) marée différente ; il y a des contre-marées dans certains endroits où la mer est resserrée. Voyez Marée. (Z)

CONTRE-MARQUE d’une médaille, s. f. (Belles Lettres.) est une marque ajoutée à une médaille longtems après qu’elle a été frappée. Voyez Médaille.

Les contre-marques des médailles paroissent être des fautes ou des pailles qui en défigurent le champ, soit du côté de la tête ou du côté du revers, surtout dans les larges médailles de cuivre & celles de médiocre grandeur : cependant les curieux regardent ces contre-marques comme des beautés, en conséquence desquelles ils en estiment les médailles bien davantage ; parce qu’ils prétendent connoître par-là les différens changemens de valeur survenus en differens tems à ces médailles.

Les antiquaires ne sont cependant pas bien d’accord sur la signification des caracteres que portent ces medailles ; sur quelques-unes on trouve ces lettres N. PROB. sur d’autres N. CAPR. & sur d’autres CASR. RM. NT. AUG. SC. d’autres ont pour contre-marque une tête d’empereur, d’autres une corne d’abondance, & d’autres emblèmes.

Il ne faut pas confondre les monogrammes avec les contre-marques, il est aisé d’en faire la distinction. Les contre-marques ayant été frappées après coup, sont enfoncées dans la médaille ; au lieu que les monogrammes qui ont été frappés en même tems que la médaille, ont au contraire un peu de relief.

M. de Boze, dans une lettre à M. le baron de la Bastie insérée dans la nouvelle édition de la science des médailles du P. Jobert, éclaircit parfaitement ce qui regarde les contre-marques des Romains, & prouve très-bien que les contre-marques n’ont jamais été en usage du tems de la république ; que cet usage n’a commencé que vers l’empire d’Auguste, & ne s’est guere étendu au-delà du regne de Trajan ; qu’après avoir repris quelque-tems vigueur sous Justin & sous Justinien, il cessa bien-tôt après ; enfin qu’il n’eut jamais lieu sur les médailles d’or ou d’argent, mais simplement sur celles de bronze : d’où il conclut que les contre-marques n’ont jamais été un caractere d’augmentation aux monnoies, puisque ces augmentations ne furent jamais plus fréquentes que du tems de la république dont on ne trouve aucune piece contre-marquée. 2°. qu’elles ne signifierent non plus nulle augmentation de monnoie sous les empereurs, dont pour une médaille en bronze contremarquée on en trouve cent du même type qui ne le sont pas, & qu’aucune de leurs médailles d’or ou d’argent ne porte la contre-marque : 3°. que ces médailles contre-marquées étoient des monnoies qu’on distribuoit aux ouvriers occupés aux travaux pu-