L’Encyclopédie/1re édition/MÉDAILLE

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MÉDAILLE, s. f. (Art numismat.) numisma dans Horace, piece de métal frappée & marquée, soit qu’elle ait été monnoie ou non.

Le goût pour les médailles antiques prit faveur en Europe à la renaissance des beaux-arts. Pétrarque, qu’a tant contribué à retirer les Lettres de la barbarie où elles étoient plongées, rechercha les médailles avec un grand empressement ; & s’en étant procuré quelques-unes, il crut les devoir offrir à l’empereur Charles IV. comme un présent digne d’un grand prince.

Dans le siecle suivant, Alphonse roi de Naples & d’Arragon, plus celebre encore par son amour pour les Lettres que par ses victoires, fit une suite de médailles assez considérable pour ce tems là. A l’exemple de ce monarque, Antoine, cardinal de Saint Marc, eut la curiosité de former à Rome un cabinet de médailles impériales.

Cosme de Médicis commençoit dans le même tems à Florence cet immense recueil de manuscrits, de statues, de bas-reliefs, de marbres, de pierres gravées & de médailles antiques, qui fut ensuite continué avec la même ardeur par Pierre de Médicis son fils, & par Laurent son petit-fils. Les encouragemens & les secours que les Savans reçurent de la maison de Médicis, contribuerent infiniment aux progrès rapides que les Lettres firent en Italie. Depuis la fin du xv. siecle, le goût de l’antique & l’étude des médailles s’y sont perpétués, & les cabinets s’y sont multipliés & perfectionnés.

L’Allemagne connut les médailles dans le xvj. siecle, Maximilien I. en rassembla beaucoup, & inspira par son exemple aux Allemans l’amour pour ces précieux restes d’antiquité. Nous trouvons les essais de leur goût pour ces monumens, dans le livre de Jean Xuttichius sur la vie des empereurs & des Césars, enrichie de leurs portraits tirés des médailles antiques. Ce livre fut publié en 1525, réimprimé en 1534, & augmenté trois ans après de 42 médailles consulaires gravées en bois.

Budé fut le premier en France qui né pour l’étude de l’antiquité, fit une petite collection de médailles d’or & d’argent, avant même que d’écrire sur les monnoies des anciens. Il fut imité par Jean Grollier, Guillaume du Choul & quelques autres. Les progrès que cette science a fait ensuite dans ce royaume, sont trop connus pour qu’il soit nécessaire de nous y arrêter.

Le goût des médailles prit la plus grande faveur dans les Pays-Bas, lorsque Goltzius vint à s’y réfugier : & ce goût passa bientôt la mer, pour jetter dans la grande-Bretagne des racines aussi vives que profondes.

A l’égard de l’Espagne, Antonio Augustini, mort archevêque de Tarragone en 1586, est le premier & paroît être presque le seul qui se soit appliqué à connoître & à rassembler des médailles. Ce savant homme, l’un des plus célebres antiquaires de son tems, essaya de répandre parmi les compatriotes la passion qu’il avoit pour les monumens antiques ; mais ses tentatives furent infructueuses, personne ne marcha sur ses traces.

Il n’en a pas été de même dans les autres pays que j’ai nommés. Dès l’an 1555 on avoit vû paroître en Italie le discours d’Enée Vico, pour introduire les amateurs dans l’intime connoissance des médailles. L’auteur y traita de la plûpart des choses qu’on peut y observer en général, des métaux sur lesquels on les a frappées, des têtes des princes qu’elles représentent ; des types gravés sur les revers, des légendes ou inscriptions qui se lisent sur les deux côtés de la médaille ; des médaillons & des contorniates ; des médailles fausses ou falsifiées ; enfin, des faits historiques dont on peut ou établir la vérité, ou fixer la date par le moyen des médailles ; de la forme des édifices publics qu’on y remarque ; des noms des personnages qu’on lit sur ces monumens, & des différentes magistratures dont il y est fait mention.

En 1576 Goltzius publia dans les Pays-Bas ses médailles des villes de Sicile & de la grande Grece ; l’année suivante Ursini mit au jour les monumens numismatiques des familles romaines jusqu’au regne d’Auguste ; entreprise continuée dans le même siecle par Adolphe Occo, jusqu’à la chûte de l’empire.

A la foule de beaux ouvrages qui parurent dans le siecle suivant sur les médailles en général, les Antiquaires y joignirent les explications de toutes celles de leurs propres cabinets & des cabinets étrangers : alors on fut en état, par la comparaison de tant de monumens, soit entr’eux, soit en les confrontant avec les auteurs grecs & latins, de former des systèmes étendus sur l’art numismatique.

Plusieurs savans n’oublierent pas d’étaler, peut-être avec excès, les avantages que l’Histoire & la Géographie peuvent tirer des médailles & des inscriptions ; il est vrai cependant que ces monumens précieux réunis ensemble, forment presque une histoire suivie d’anciens peuples, de princes, & de grandes villes ; & leur autorité est d’autant plus respectable, qu’ils n’ont pu être altérés. Ce sont des témoins contemporains des choses qu’ils attestent revêtus de l’autorité publique, qui semblent n’avoir survécu à une longue suite de siecles & aux diverses révolutions des états, que pour transmettre à la postérité des faits plus ou moins importans, dont elle ne pourroit d’ailleurs avoir aucune connoissance. On n’ignore pas que M. Spanheim a réduit à des points généraux l’objet des médailles en particulier, pour en justifier l’utilité ; & M. Vaillant, rempli des mêmes vûes, a distribué par regnes toutes les médailles des villes grecques sous l’empire Romain.

D’autres auteurs se tournant d’un autre côté, ont envisagé les médailles comme monnoie, & en ont comparé le poids & la valeur avec celle des monnoies modernes ; l’examen de ce seul point a déja produit plusieurs volumes.

Enfin les ouvrages numismatiques se sont tellement multipliés, qu’on avoit besoin d’une notice des savans qui ont écrit sur cette matiere ; c’est ce qu’a exécuté complettement le P. Bauduri, dans sa bibliotheca nummaria, imprimée à la tête de son grand ouvrage des médailles depuis Trajan Dece, jusqu’à Constantin Paléologue.

Mais ce siecle ayant trouvé quantité de nouvelles médailles, dont on a publié des catalogues exacts, c’est aujourd’hui qu’on est en état de rendre par ce moyen l’histoire des peuples plus détaillée & plus intéressante qu’on ne pouvoit la donner dans le siecle précédent.

Voilà comment la science des médailles s’étant insensiblement perfectionnée, est devenue, parmi les monumens antiques, celle qui se trouve la plus propre à illustrer ceux qui la cultivent. Il ne faut pas s’étonner du goût qu’on a pris pour elle : son étude brillante n’est point hérissée des épines qui rendent les autres sciences tristes & fâcheuses. Tout ce qui entre dans la composition d’une médaille contribue à rendre cette étude agréable : les figures amusent les yeux ; les légendes, les inscriptions, les symboles toujours variés, réveillent l’esprit & quelquefois l’étonnent. On y peut faire tous les jours d’heureuses découvertes : son étendue n’a point de bornes ; les objets de toutes les sciences & de tous les arts sont de son ressort, sur-tout l’Histoire, la Mythologie, la Chronologie, & l’ancienne Géographie.

Je voudrois bien traiter un peu profondément cette belle science dans tous les articles qui la concernent, entr’autres dans son article générique, & c’est à ouoi du-moins je donnerai mes soins ; mais pour éviter que ma foible vûe ne m’égare dans cette entreprise, j’emprunterai mes lumieres des instructions du P. Jobert, des excellentes notes dont M. le baron de la Bastie les a enrichies ; des mémoires de l’académie des Inscriptions, & de tous les autres livres propres à me guider. Je tâcherai de mettre de la netteté dans les subdivisions nécessaires, & de remplir avec exactitude les articles particuliers. Le lecteur en les rassemblant y pourra trouver les secours suffisans pour acquérir les élémens de la science numismatique, & peut-être pour l’engager à en faire une étude plus profonde. L’on s’étoit proposé de faciliter cette étude par les Planches ; mais des hommes habiles nous ont représenté que les seules médailles très-rares alloient à plusieurs milles.

Division générale des médailles. Toutes les médailles se partagent en deux classes générales, en antiques & en modernes ; car c’est de cette premiere notion que dépend l’estime & le prix des médailles.

Les antiques sont toutes celles qui ont été frappées jusque vers le milieu du iij. ou jusqu’au ix. siecle de Jesus-Christ ; je suis obligé de m’exprimer ainsi, à cause du différent goût des curieux, dont les uns font finir les médailles antiques avec le haut empire, dès le tems de Gallien, & même quelquefois avant Gallien ; les autres seulement au tems de Constantin ; d’autres les portent jusqu’à Auguste, dit Augustule ; d’autres même ne les terminent qu’avec Charlemagne, selon les idées différentes qu’ils se forment, & qui sont purement arbitraires.

Les modernes sont toutes celles qui ont été faites depuis 300 ans : nous en ferons un article à part.

On distingue dans les antiques les grecques & les romaines : les grecques sont les premieres & les plus anciennes, puisqu’avant la fondation de Rome les rois & les villes grecques frappoient de très-belles monnoies de tous les trois métaux, & avec tant d’art, que dans l’état le plus florissant de la république & de l’empire, l’on a eu bien de la peine à les égaler. On en peut juger par les médaillons grecs qui nous restent, car il y en a de frappés pour les rois & d’autres pour les villes de la Grece. Il faut avouer que dans ce qui concerne les figures, les médailles grecques, généralement parlant, ont un dessein, une attitude, une force & une délicatesse à exprimer jusqu’aux muscles & aux veines, qui, soutenues par un très-grand relief, leur donnent une juste préférence en beauté sur les romaines.

Ces dernieres sont consulaires ou impériales. On appelle médailles consulaires celles qui ont été frappées pendant que la république romaine étoit gouvernée par les consuls ; on nomme médailles impériales celles qui ont été faites sous les empereurs.

Parmi les impériales on distingue le haut & le bas empire ; & quoiqu’à l’égard de ce qu’on appelle moderne les medailles des empereurs jusqu’aux Paléologues passent pour antiques, encore qu’elles descendent jusqu’au xv. siecle, les curieux en gravure n’estiment que celles du haut empire, qui commence à Jules-César ou à Auguste, & finit, selon eux, au tems des trente tyrans. Ainsi les médailles du haut empire s’étendent environ depuis l’an 700 de Rome, 54 ans avant Jesus-Christ, jusqu’à l’an 1010 de Rome ou environ, & de Jesus-Christ environ 260.

Le bas empire comprend près de douze cens ans, si l’on veut aller jusqu’à la ruine de l’empire de Constantinople, qui arriva l’an 1453, que les Turcs s’en rendirent les maîtres ; de sorte qu’on ne reconnut plus que l’empire d’Occident dans tout le monde chrétien. Ainsi l’on peut y trouver deux différens âges ; le premier depuis l’empire d’Aurelien ou de Claude le Gothique, jusqu’à Héraclius, qui est d’environ 350 ans ; le deuxieme depuis Héraclius jusqu’aux Paléologues, qui est de plus de 800 ans.

Des différens métaux qui composent les médailles. Le prix des médailles ne doit pas être considéré précisément par la matiere, c’est un des premiers principes de la science des médailles : souvent une même médaille frappée sur l’or sera commune, qui sera très rare en bronze ; & d’autres fort estimées en or, le seront très-peu en argent & en bronze. Par exemple, un Othon latin de grand bronze, n’auroit pas de prix : on ne connoît que des médailles d’Othon en moyen bronze, frappées dans l’Orient, à Antioche & en Egypte, elles sont même très-précieuses ; mais un Othon d’or ne vaut que quelques pistoles au-dessus de son poids, qui est environ de deux gros ; & le même Othon d’argent ne vaut qu’un écu au-delà de ce qu’il pese, excepté qu’il n’eût quelque revers extraordinaire qui en augmentât le prix. Si même l’on pouvoit recouvrer quelques-unes des monnoies de cuir qui étoient en usage à Rome avant le regne de Numa, & que l’histoire nomme asses scortei, on n’épargneroit rien pour les mettre à la tête d’un cabinet.

Il est utile de connoître les métaux antiques, afin de n’y être pas trompé, & de savoir ce qui forme les différentes suites où les métaux ne doivent jamais être mêlés, si ce n’est lorsque pour rendre la suite d’argent plus ample & plus complette, on y place certaines têtes d’or qui ne se trouvent plus en argent ; car cela s’appelle enrichir une suite. Ajoutons cependant que dans la suite des rois & des villes, il est assez d’usage de mêler ensemble les trois métaux, & même les différentes grandeurs : c’est aussi ce qui se pratique ordinairement dans la suite des médailles consulaires ; mais cela vient de ce qu’il y a des têtes de rois & des familles romaines qui ne se trouvent que dans l’un des trois métaux & sur ces pieces de différent volume, outre l’extrème difficulté qu’il y auroit de rassembler un assez grand nombre de ces têtes de même métal & de même volume, pour en composer une suite.

On voit déja par ce détail que la matiere des médailles antiques se réduit à trois principaux métaux, l’or, l’argent & le cuivre, qu’on nomme bronze par honneur. Les médailles d’or, à ne parler que des seules impériales, peuvent être d’environ trois mille : les médailles d’argent vont bien à six mille ; mais les médailles de bronze, en y comprenant les trois différentes grandeurs, pourroient aller à plus de trente mille, puisque le petit bronze seul s’étend peut-être jusqu’à vingt mille. Le célebre Morel, que la mort surprit lorsqu’il travailloit à exécuter le grand & utile dessein de graver toutes les médailles connues, se proposoit d’en représenter vingt cinq mille, quoiqu’il terminât la suite des impériales à l’empereur Héraclius. Si donc au nombre des médailles impériales en or, en argent, & dans les trois grandeurs de bronze, on y ajoutoit les médaillons en tous métaux, les quinaires, les potins, les plombs antiques, les consulaires, les médailles des rois & des villes grecques, il est vraissemblable que le nombre des médailles antiques connues passeroit cinquante mille.

On ne peut guère réfléchir sur la découverte de tant de médailles, sans venir à se persuader qu’elles étoient originairement des monnoies répandues dans le commerce, c’est-à-dire des especes courantes ou dans tout l’empire, ou du-moins dans les pays où elles ont été battues.

1°. L’usage des métaux monnoyés a de tous tems été dans l’Empire, comme il est encore aujourd’hui parmi nous : cet usage est absolument nécessaire dans le commerce, depuis qu’on ne trafique plus par le seul échange des marchandises ; il faut donc croire qu’il n’a point été interrompu dans le siecle de Constantin, non plus que dans les précédens. On ne peut douter que durant tant de siecles on n’ait frappé une bien plus grande quantité de pieces de monnoies que de jettons, qui n’avoient aucun cours dans le commerce. Par quel miracle seroit-il arrivé que ces jettons seuls se fussent conservés, qu’on en trouvât une infinité par-tout, & qu’au contraire il ne nous fût resté aucune monnoie ? Quand on me dit qu’il nous est resté beaucoup moins de médaillons que de médailles, je répons aussi-tôt que les médaillons n’étoient d’aucun usage dans le commerce, & qu’il s’en frappoit beaucoup moms que de monnoies ; mais quand on me demande pourquoi on trouve une infinité de médailles, & qu’il ne nous reste plus aucune monnoie antique, je serois forcé, si je convenois du fait, d’avouer que c’est un prodige.

2°. Il est constant que la plûpart des médailles, soit d’argent, soit de bronze, que nous avons du tems de la république (car pour parler médaille, tout le monde sait qu’on donne le nom de bronze au cuivre), il est constant, dis-je, que c’étoient les monnoies courantes. La plûpart en portent la marque indubitable, qui est la valeur de chacune ; sur celles d’argent le Xa. le Q. le II-S, font voir qu’elles valoient tant d’as ; & sur celles de bronze, le nombre de 0. 00. 000. 0000. dit qu’elles valoient une once, deux onces, trois onces, quatre onces, &c. Pourquoi donc du tems des empereurs n’auroit-on pas continué la même chose, quoique ces marques ne s’y trouvent-elles pas ? c’est que l’usage commun faisoit assez savoir, comme à-présent, la valeur de chaque piece.

Ainsi nous ne nous étendrons point à répéter les preuves que Patin a données après Savot & les autres antiquaires, que toutes les médailles que nous avons sont les vraies monnoies dont on se servoit dans ces tems-là : il suffit de rappeller ceux qui seroient d’un sentiment contraire à ce miracle, qui sera toujours inconcevable, puisqu’il n’y auroit que les medailles qui auroient eu le bonheur de se conserver jusqu’à nos tems, pendant que toutes les monnoies absolument se seroient perdues, sans que dans ces trésors qu’on tire encore tous les jours des entrailles de la terre, on en pût rencontrer une seule.

3°. Quand les médailles déclarent elles-mêmes qu’elles sont des monnoies, il me semble qu’on doit les en croire sur leur propre témoignage. Or nous avons dans le siecle de Constantin plusieurs médailles qui portent pour légende, Sacra Moneta Augg. & Coess. NN. Pourquoi ne vouloir pas lire dans les lettres initiales de l’exergue, ce qui se lit dans la légende tout au long, en expliquant S. M. par Sacra Moneta, plûtôt que par Societas Mercatorum ?

Nous avons aussi des médailles qui portent Moneta Urbis. Cela veut-il dire des jettons ? Ce qui s’appelle monnoie du prince ou monnoie de la ville, n’est point sans doute un présent fait par des marchands gaulois. Nous avons enfin Moneta Augusti, & Moneta Augg. Dans Hadrien, dans Antonin, dans Septime Severe & sous presque tous ses successeurs ; dans Trajan Dece, Trébonien, Galle, Volusien, Valérien, Gallien, Salonien, Posthume, Tétricus, Claude le gothique, Tacite, Florien, Carus, Carin, Numérien, &c. nous avons Moneta Augusti sur les médailles de quelques princesses, comme de Julia Pia, &c. Sous d’autres empereurs où on ne trouve pas Moneta, on trouve Æquitas Aug. avec le même type d’une femme assise ou debout qui tient une balance.

Cependant je ne voudrois pas décider que toutes les médailles absolument sans exception, fussent originairement des monnoies ; je crois cela presque toujours vrai, mais il peut se faire qu’en certaines occasions on ait frappé des médailles au poids & au titre de la monnoie courante, sans avoir dessein de les faire passer dans le commerce, & uniquement dans la vûe de conserver la mémoire de quelque évenement remarquable, ou par d’autres raisons particulieres ; mais s’il se trouve de ces médailles, elles sont en si petit nombré, que l’opinion d’Erizzo & du P. Hardouin n’en est pas moins insoutenable.

Des différentes grandeurs qui forment les suites en bronze. La grandeur de toutes les médailles antiques n’est ordinairement que depuis trois pouces de diametre jusqu’à un quart de pouce, soit en or, soit en argent, soit en cuivre, qui sont les principaux métaux sur lesquels travailloient les monétaires.

On appelle médaillons les médailles qui sont d’une grandeur extraordinaire. Voyez Médaillon.

Il y a une si grande quantité de médailles de bronze, qu’on les sépare en trois grandeurs, qui forment ces trois différentes suites dont les cabinets sont remplis, le grand bronze, le moyen bronze & le petit bronze : on juge du rang de chacun par son volume, qui comprend en même tems l’épaisseur & l’étendue de la médaille, la grosseur & le relief de la tête ; de sorte que telle médaille qui aura l’épaisseur du grand bronze, pour n’avoir que la tête du moyen, ne sera que de la seconde grandeur. Telle autre qui n’aura presque point d’épaisseur, pour avoir la tête assez grosse, sera rangée parmi celles de la premiere grandeur. L’inclination du curieux y fait beaucoup ; car ceux qui préferent le grand bronze y font entrer beaucoup de médailles qui dans le vrai ne sont que de moyen bronze, y placent des médailles qui devroient être mises dans le grand, particulierement pour avoir des têtes rares, qu’on a peine à trouver dans toute sorte de grandeur. Ainsi l’Othon de moyen bronze, l’Antonia, le Drusus, le Germanicus, se mettent dans le grand bronze ; & d’autres têtes du petit bronze se placent dans le moyen, sans que personne se soit opiniâtré à faire un procès sur cela aux curieux, pour les contraindre à déranger leurs cabinets.

Chacune de ces grandeurs a son mérite : la premiere, qui fait le grand bronze, excelle par la délicatesse & la force du relief, & par les monumens historiques dont les revers sont chargés, & qui y paroissent dans toute leur beauté : la seconde, qui est le moyen bronze, se fait considérer par la multitude & par la rareté des revers, sur-tout à cause d’une infinité de villes grecques & latines, qu’on ne trouve presque point en grand bronze : la troisieme, qui fait le petit bronze, est estimable par la nécessité dont elle est dans le bas empire, où le grand & le moyen bronze abandonnent les curieux, & où l’un & l’autre, quand ils se rencontrent, passent pour médaillon.

Il faut savoir, pour ne pas se donner une peine inutile, que la suite complette du grand bronze ne s’étend point au-delà des Posthumes, parce qu’il est infiniment rare de trouver dans le bas empire des médailles de ce volume : celles qui se rencontrent depuis Anastase n’ont communément ni l’épaisseur, ni le relief, ni la grosseur de tête suffisante ; cependant sans passer les Posthumes, on peut, comme nous l’avons dit, pousser la suite au delà de trois mille.

La suite de moyen bronze est la plus facile à former & la plus complette, parce que non-seulement elle va jusqu’aux Posthumes, mais jusqu’à la décadence de l’Empire romain en Occident & même en Orient jusqu’aux Paléologues. A la vérité, depuis Héraclius, il est difficile de les trouver toutes : on est forcé d’interrompre la suite ; mais cela peut venir du peu de soin qu’on a eu de les conserver, à cause qu’elles sont si grossieres & si informes, qu’il semble que la gravure ne fait plus alors que gratter misérablement le métal ; & rien ne prouve mieux la désolation de l’Empire que la perte universelle de tous les beaux-arts, qui paroît si sensiblement dans celui de la Gravure.

La suite de petit bronze est assez aisée à former dans le bas empire, puisqu’on a de ces sortes de médailles depuis les Posthumes jusqu’à Théodose ; mais depuis Jules jusqu’aux Posthumes, il est très difficile de la remplir ; & depuis Théodose jusqu’aux Palélogues, avec qui l’empire des Grecs a fini, il est absolument impossible d’y parvenir sans le secours de l’or & de l’argent, & même de quelques moyens bronzes : car ce n’est que de cette maniere que M. du Cange, un des savans hommes du dernier siecle dans l’Histoire, nous a donné cette suite dans son livre des familles, qu’il nomme byzantines, parce qu’elles ne sont venues à l’empire qu’après la fondation de Constantinople, dite auparavant Byzance, dont Constantin fit une nouvelle Rome. Aussi a-t-elle fait gloire d’oublier son ancien nom pour prendre celui de son restaurateur.

Il ne faut donc point espérer d’avoir aucune suite complette de chaque métal en particulier, ni de chaque grandeur différente, mais on ne doit pas pour cela les gâter par le mélange des différens métaux ; cependant on permet, pour la satisfaction de ceux qui veulent avoir une suite des plus complettes, de mêler le petit bronze avec le moyen, afin de se voir sans interruption notable conduits, depuis la république romaine, qui perdit sa liberté sous Jules César, jusqu’aux derniers empereurs grecs, qui furent détrônés par les Turcs l’an 1453. Ainsi la suite des médailles nous trace pour ainsi dire l’histoire de plus de quinze siecles.

Des suites de médailles par les têtes & par les revers. On peut encore composer des suites fort curieuses par les têtes des médailles, en rangeant par ordre les médailles des rois, des villes, des familles romaines, des empereurs & des déités : ce sont autant de classes sous lesquelles on distribue toutes les différentes suites de médailles, comme nous l’expliquerons fort au long au mot Suite, Art numismatique.

Quant aux revers qui rendent les médailles plus ou moins curieuses, nous en détaillerons le mérite au mot Revers ; mais dès qu’on est parvenu à former les suites de médailles d’un cabinet, il s’agit de connoître l’état de chaque médaille, parce que c’est delà que dépend particulierement leur prix & leur beauté.

De l’état & de la beauté des médailles. Les antiques médailles ne sont les plus belles & les plus précieuses que lorsqu’elles sont parfaitement conservées ; je veux dire lorsque le tour de la médaille & le grenetis en sont entiers, que les figures imprimées sur les deux côtés en sont connoissables, & que la légende en est lisible.

Il est vrai que cette parfaite conservation est quelquefois un juste sujet d’avoir la médaille pour suspecte, & que c’est par-là que le Padouan & le Parmésan ont perdu leur crédit. Cependant ce n’est point une preuve infaillible qu’elle soit moderne, puisque nous en avons quantité d’indubitables, de tous métaux, & de toutes grandeurs, que l’on appelle fleur de coin, parce qu’elles sont aussi belles, aussi nettes, & aussi entieres que si elles ne faisoient que de sortir de la main de l’ouvrier.

Le prix de la médaille antique augmente encore par une autre beauté que donne la seule nature, & que l’art jusqu’à présent n’a pu contrefaire, c’est le vernis que certaine terre fait prendre aux médailles de bronze, & qui couvre les unes d’un bleu turquin, presque aussi foncé que celui de la turquoise ; les autres d’un certain vermillon encore inimitable ; d’autres d’un certain brun éclatant & poli, plus beau sans comparaison que celui de nos figures bronzées, & dont l’œil ne trompe jamais, ceux même qui ne sont que médiocres connoisseurs, parce que son éclat passe de beaucoup le brillant que peut donner au métal le sel armoniac mêlé avec le vinaigre. Le vernis ordinaire est d’un vert très-fin, qui sans effacer aucun des traits les plus délicats de la gravure, s’y attache plus proprement que le plus bel émail ne fait aux métaux où on l’applique. Le bronze seul en est susceptible ; car pour l’argent, la rouille verte qui s’y attache ne sert qu’à le gâter, & il faut l’ôter soigneusement avec le vinaigre ou le jus de citron, lorsqu’on veut que la médaille soit estimée.

Quand donc vous trouverez une médaille fruste ordinaire, c’est-à-dire à laquelle il manque quelques-unes des choses nécessaires, soit que le métal soit écorné ou rogné, le grenetis effleuré, les figures biffées, la légende effacée, la tête méconnoissable ; ne lui donnez point de place dans votre cabinet : mais plaignant le sort malheureux des grandeurs humaines, laissez aller ces princes qui ont autrefois fait trembler la terre, mollir sur l’enclume de l’orfevre, ou sous le marteau du chaudronnier.

Si néanmoins c’étoient de certaines médailles si rares, qu’elles pussent passer pour uniques, ou que l’un des deux côtés fût encore entier, ou que la légende fût singuliere ou lisible, elles mériteroient fort d’être gardées, & ne laisseroient pas d’avoir leur prix.

En effet, on voit peu de cabinets où il n’y en ait quelqu’une de mal conservée, & l’on est trop heureux quand on peut avoir, même avec imperfection, certaines têtes rares, pourvû qu’elles soient tant-soit peu connoissables, il ne faut pas sur-tout se rebuter pour une légende effacée, quand le type est bien conservé, puisqu’il y a des savans qui les déchiffrent à merveille, témoins M. Vaillant & M. Morel, qui par un peu d’application, rappelloient les mots les plus invisibles, & résuscitoient les caracteres les plus amortis.

Il est bon de savoir que les bords des médailles, éclatées par la force du coin, ne passent pas pour un défaut qui diminue le prix de la médaille, quand les figures n’en sont point endommagées ; au contraire, c’est un signe que la médaille n’est point moulée ; ce signe néanmoins ne laisse pas d’être équivoque, à l’égard de ceux qui auroient battu sur l’antique, car cela ne prouveroit pas que la tête ou le revers ne fût d’un coin moderne, & peut-être tous les deux.

Prenez garde aussi à ne pas rebuter les médailles d’argent dont les bords sont dentelés, & qu’on nomme numismata serrata, parce que c’est encore une preuve de la bonté & de l’antiquité de la médaille.

Mais il se trouve certains défauts qui nuisent à la beauté des médailles, & qu’on ne peut attribuer qu’à la négligence des monnoyeurs ; par exemple, lorsque le coin ayant coulé forme deux têtes pour une, deux grenetis ou deux légendes ; lorsque les lettres de la légende sont ou confondues ou supprimées, ou déplacées, comme on en voit communément sur les médailles de Claude-le-Gothique, & des trente tyrans, ce sont des monstres dont il ne faut point faire des miracles ; car quoique cela n’empêche pas que la médaille ne soit antique, cependant le prix au-lieu d’en augmenter en diminue notablement. Quant à certaines médailles qui ont une tête d’empereur avec quelques revers bisarres, ou avec des revers qui appartiennent à un autre empereur que celui dont elles portent la tête, il n’en faut faire aucune estime, puisque ce n’est qu’un effet de l’ignorance ou de la précipitation du faux monnoyeur.

Enfin il arrive quelquefois que ce monnoyeur oublie de mettre les deux quarrés, & laisse ainsi la médaille sans revers : on nomme incuses ces sortes de médailles. Voyez Médaille incluse.

C’est ici le lieu de parler des contre-marques, que les jeunes curieux pourroient prendre pour des disgraces arrivées aux médailles, dont elles entament le champ, quelquefois du côté de la tête, d’autres fois du côté du revers, particulierement dans le grand & moyen bronze, assez semblables à ces marques qui se voyent sur nos sous, que le peuple nomme tappés, à cause que l’impression du coup qu’ils ont reçu, quand on leur a fait cette marque, y est demeurée : cependant ce sont des beautés pour les savans, qui recherchent les médailles où sont des contre-marques.

On en trouve sur les médailles des rois & des villes greques, sur celles des colonies, & sur les impériales. Il y a quelquefois plus d’une contre-marque sur la même médaille, mais les Antiquaires n’en ont jamais vû au-delà de trois. Rien n’est moins informe que ces contre marques, même sur les médailles latines : le plus souvent ce sont des lettres liées ensemble, qui expriment simplement le nom de l’empereur ; quelquefois ce sont les lettres S. C. Sonatus Consulto, sur les médailles frappées dans les monnoies de Rome, D. D. Decreto Decurionum ; sur les médailles des colonies, comme sur une de Sagunte, & sur une autre de Nismes, ou enfin N. C. A. P. R. que Golthius expliquoit avec Angeloni, Vicus & Manuce, par Nobis Concessum A Populo Romano, formule qu’on peut peut-être mieux interpreter par Nummus Cusus, Auctoritate Populi Romani ; d’autres fois ces contre-marques sont des types, tantôt accompagnés de lettres, comme sur une médaille de Jules-César, frappée à Bérite, où l’on voit au contre-marque une corne d’abondance au milieu de deux C ; & tantôt sans lettres, comme une petite roue, qui porte sur les têtes d’Auguste & d’Agrippa, dans une médaille de la colonie de Nismes ; & une tête de taureau gravée sur le cou de Domitien, dans une médaille de ce prince. Le malheur est que d’un côté les Antiquaires ne conviennent pas de la signification de plusieurs contremarques, & que de l’autre ils savent encore moins les raisons qui les ont fait naître, comme nous le dirons au mot Médailles contre-marquées.

Quant au relief des médailles, voyez Relief, il suffit d’observer ici que c’est une beauté, mais qui n’est pas une marque indubitable de l’antique.

Des fourberies en médailles. Non-seulement il est facile d’attraper les nouveaux curieux, par de fausses médailles, auxquelles on donne du relief, mais il est encore aisé de les surprendre à plusieurs autres égards, principalement lorsqu’ils sont dans la premiere ardeur de leur passion pour les médailles, & qu’ils se trouvent assez opulens pour ne pas appréhender la dépense. On les voit tous les jours se livrer à la mauvaise foi & à l’avarice des trafiquans, qu’on nomme par mépris brocanteurs, faute d’en soupçonner les artifices. Ils sont trompés d’autant plus aisément, que les meilleurs connoisseurs se trouvent partagés sur de certaines médailles, que les uns croyent antiques & les autres modernes ; les uns moulées, les autres frappées, à peu près comme il arrive par rapport aux tableaux, où les yeux les plus savans ne laissent pas de prendre quelquefois un original pour une copie, & une copie pour l’original. Le danger est encore devenu plus grand pour les amateurs des médailles, depuis que parmi les Médaillistes il s’est trouvé un Padouan & un Parmésan en Italie, qui ont su imiter parfaitement l’antique.

Pour dévoiler tout ce mystere, il faut commencer par indiquer les manieres différentes de falsifier les médailles, & le moyen de reconnoître la falsification, afin que le mal ne demeure pas sans remede.

La premiere & la plus grossiere, est de fabriquer des médailles qui jamais n’ont existé, comme celle de Priam, d’Enée, de Cicéron, de Virgile, & semblables personnages illustres, pour qui le Parmésan, & quelques autres ouvriers modernes, ont fait des coins tout exprès, afin de surprendre les curieux, animés du desir d’avoir des médailles singulieres.

C’est avec la même mauvaise foi, & par le même motif d’intérêt, que l’on a fabriqué des revers extraordinaires, & capables de piquer la curiosité ; par exemple, un Jules-César, avec ces mots, Veni, vidi, vici ; un Auguste avec ces deux-ci, Festina lente ; car quoique ce bon mot soit effectivement d’Auguste, cependant on ne s’étoit pas avisé d’en conserver la mémoire sur le métal.

Il est aisé à ceux qui ne sont pas novices dans l’inspection des médailles, de reconnoître l’imposture : car toutes ces médailles sont moulées, ou frappées d’un coin & d’un métal qui paroît d’abord ce qu’il est, c’est-à-dire moderne, & qui n’a ni la fierté ni la tendresse de l’antique.

La seconde fourbe est de mouler les médailles antiques, de les jetter en sable, & puis de les réparer si adroitement, qu’elles paroissent frappées. On s’en apperçoit par les grains de sable, qui s’impriment toujours d’une certaine maniere visible sur le champ de la médaille, ou par certaines petites enfonçures, ou par les bords qui ne sont pas assez polis ni arrondis, ni si licés que ceux des médailles frappées, ou par les caracteres qui ne sont point francs, mais pochés & épatés, ou enfin par les traits qui ne sont ni si vifs ni si tranchans. On les reconnoît aussi par le poids qui est toujours moindre ; car le métal fondu par le feu se raréfie, au-lieu que lorsqu’il est battu il se condense, & devient par conséquent plus pesant ; enfin quand la médaille est jettée en moule, il reste ordinairement la marque du jet, qui ne peut être bien effacée par la lime ; & les bords qui ont besoin d’être arrondis, laissent aussi voir les coups de lime, qui sont une marque essentielle de fausseté.

Comme les hommes deviennent de jour en jour plus rafinés, les uns à tromper, les autres à se défendre de la tromperie, on a trouvé le moyen d’empêcher que l’on n’apperçût, dans le champ de la médaille, les enfonçures que les grains de sable y laissent par leur inégalité qui est inévitable. On les couvre d’un certain vernis obscur qui remplit ces petits creux, & l’on pique les bords pour les rendre raboteux. Si l’on parvient, sans le secours du vernis, à polir le champ avec le burin, la fourberie n’en est que plus savante. Il faut donc, pour s’en défendre, piquer le vernis, s’il y en a, & on le trouvera beaucoup plus tendre que le vernis antique ; & s’il n’y en a point, il faut étudier avec attention la médaille, dont le champ paroîtra infailliblement plus enfoncé ; enfin si on a le toucher un peu délicat, on trouvera le métal trop poli, au lieu que l’antique a quelque chose de plus fort & de plus rude. Ceux qui ne savent point cette finesse, & la différence du poids dont nous avons parlé, admirent que l’on connoisse quelquefois les médailles fausses seulement à les manier.

Il ne faut pas néanmoins rejetter certaines médailles, qui ayant été enchâssées dans de petites bordures ou de métal, ou de corne, ou de bois, ont les bords limés, parce qu’il a fallu les arrondir, car cela n’empêche pas qu’elles ne soient bonnes & antiques : c’est pour cela que les connoisseurs disent communément que quelquefois les bords justifient le champ de la médaille, & que quelquefois aussi le champ rend témoignage aux bords, qui par accident ont reçu quelque disgrace.

La troisieme ruse, est de réparer finement les médailles antiques, ensorte que de frustes & d’effacées qu’elles étoient, elles paroissent nettes & lisibles. On connoit des gens qui y réussissent parfaitement, & qui savent avec le burin enlever la rouille, rétablir les lettres, polir le champ, & ressusciter des figures qui ne paroissent presque plus.

Quand les figures sont en partie mangées, il y a une sorte de mastic que l’on applique sur le métal, & qu’on retaille fort proprement ensuite : le tout étant couvert de vernis, fait paroître les figures entieres & bien conservées. On découvre ce déguisement avec le burin dont on se sert pour égratigner quelque petit endroit de la médaille ; si l’on s’apperçoit qu’il morde plus aisément sur une partie que sur l’autre, c’est la preuve que le morceau est ajouté.

Cependant, quand l’œil est accoutumé aux médailles, on trouve sur celles-ci de certains coups de burin trop enfoncés, des bords trop élevés, des traits raboteux & mal polis, par lesquels on devine qu’elles ont été retouchées : cela ne dégrade pas absolument une médaille antique, mais le prix en diminue du tout au tout.

Le quatrieme artifice, c’est de frapper des coins exprès sur certaines médailles antiques les plus rares, que l’on restitue de nouveau, & que l’on fait passer pour véritables, avec d’autant plus d’apparence, qu’il est visible qu’elles ne sont ni moulées ni retouchées.

C’est en quoi le Padouan & le Parmésan ont si bien réussi, que leurs fausses médailles sont devenues une partie de la curiosité. Le Padouan a plus de force, le Parmésan plus de douceur : en général on ne peut pas approcher de plus près l’antique que ces deux ouvriers l’ont fait. Cependant leur maniere finie & délicate ne vaut point cet air fier de l’antique, qui tient beaucoup plus du grand. On les reconnoit encore par le trop de conservation, qui les rend suspects ; par l’œil du métal, & principalement par le poids qui est moindre que celui du métal antique. Peut-être encore que si l’on examinoit avec attention les coins du Padouan, on pourroit les distinguer infailliblement des coins antiques. On sait, par exemple, que sur le revers de Tibere gravé par le Padouan, ces mots placés dans l’exergue, Rom. ET Aug. sont ponctués de façon que le T se trouve entre deux points, Rome T. Aug. aussi n’est-il pas possible de s’y méprendre, quand la médaille est bien conservée : l’embarras n’a lieu que lorsque la ponctuation ne se voit pas.

La cinquieme fraude, est de battre sur l’antique même, c’est-à-dire de se servir de coins modernes, pour reformer de vieilles médailles avec le marteau, afin de leur donner ensuite une nouvelle empreinte.

Quoique cette tromperie soit difficile à découvrir, sur-tout par un curieux qui commence, parce qu’il n’a aucune des indications communes ; cependant s’il veut bien prendre garde au relief, il le trouvera pour l’ordinaire ou trop fort, ou trop foible, la coupure trop nette & trop neuve, & les bords trop peu conservés, à proportion du champ & des figures.

Le sixieme stratagème consiste à effacer un revers commun pour y en mettre un plus rare, ce qui augmente considérablement le prix de la médaille. Par exemple, on met une Otacille au revers de Philippe ; un Tite au revers de Vespasien ; c’est ainsi que l’on a gâté un Helvius-Pertinax de grand bronze, en lui mettant au revers un Milon crotoniate chargé de son bœuf ; un Domitien, en y mettant une allocution de huit soldats ; & un médaillon de Dece, en lui gravant une inscription, Deciana Cæsarum, Decennalia feliciter.

On fait plus ; car afin que rien ne paroisse réparé, on coupe deux médailles, & puis avec un certain mastic on colle à la tête de l’une le revers de l’autre, pour faire des médailles uniques & qui n’ayent jamais été vûes ; on a même l’adresse de réparer si bien les bords, que les moins fins y sont ordinairement trompés. Le P. Jobert dit avoir vû un Domitien de grand bronze d’une conservation merveilleuse, dont on avoit enlevé le revers pour insérer à la place le bel amphithéâtre qu’on avoit aussi enlevé par dessous le grenetis à une médaille de Titus. Morel, dans son Specimen R. Nummar. tom…… p. 77, rapporte un exemple d’une falsification à-peu-près pareille.

On connoît ces faux revers ou par la différence qui se trouve immanquablement dans les traits d’une tête antique, & d’un revers moderne quelque bien travaillé qu’il puisse être ; ou lorsque le revers est antique & simplement appliqué, on le découvre en sondant les bords de la médaille, qui ne sont jamais si parfaitement unis que l’on ne s’apperçoive de quelque chose, & que les deux marques ne découvrent la jointure ou la différence du métal. Tel étoit un Vérus, à qui l’on avoit attaché une Lucille, pour en faire une médaille rare, sans avoir considéré que le Vérus étoit de cuivre rouge, & Lucille de cuivre jaune.

La septieme imposture se fait dans les légendes, soit du côté de la tête, soit du côté du revers. Il est plus ordinaire de le tenter du côté de la tête par l’intérêt qu’on a de trouver des têtes rares, ce qui manque communément dans les suites. Or, cela s’exécute en substituant avec adresse un nom à l’autre, sur-tout quand il y a peu de lettres à changer ou à ajouter. C’est ainsi que, dans le cabinet du P. Jobert, il y avoit une Lucille changée en Domitia de grand bronze, & un jeune Gordien d’Afrique, moyennant l’addition d’un peu de barbe, & le changement des lettres P. F. en AFR. C’est encore ainsi que dans le cabinet de M. l’abbé de Rothelin, il y avoit une Coelonia d’or, qui n’étoit autre chose qu’une Agrippine, mere de Caligula.

La huitieme finesse trompeuse est de contrefaire le vernis antique, ce qui sert à empêcher qu’on ne reconnoisse les médailles moulées, & à cacher les défauts des bords & des caracteres, comme nous l’avons déja dit. Il y en a même qui mettent les médailles en terre, afin de leur faire contracter, si ce n’est le vernis, du-moins une certaine rouille qui impose aux connoisseurs moins habiles : d’autres emploient le sel armoniac mêlé avec le vinaigre ; d’autres le simple papier brûlé, qui est la maniere la plus facile.

On se défend aisément de cette tromperie, parce qu’on ne peut donner au vernis moderne ni la couleur, ni l’éclat, ni le poli du vernis antique qui dépend de la terre. D’ailleurs on n’a pas la patience de laisser une médaille en terre assez long-tems pour qu’elle puisse y prendre cette belle rouille qu’on estime plus que le plus riche métal. Il faudroit être assûré d’une longue vie, & pouvoir compter sur un prince aussi dupe que l’étoit le pape Paul III. pour tenter ce qui réussit à un fourbe italien. Il fit frapper sur le plomb un buste de S. Pierre, avec ces mots, Petrus Apostolus Jesu Christi : au revers deux clés en pal, Tibi dabo claves regni cælorum. Il enfouit cette piece fort avant en terre, & l’y laissa quelques années : ensuite faisant creuser dans cet endroit comme par hazard, on y trouva cette médaille qu’il décrassa soigneusement, & qu’il montroit à tout le monde comme un monument de la piété des premiers chrétiens. Le bruit s’en répandit bientôt à Rome : le pape voulut avoir cette médaille, il la demanda au possesseur, & la lui paya mille écus. Enfin le vernis moderne est tendre, & se pique aisément, au lieu que l’antique est dur comme le métal même.

La neuvieme supercherie a pour fondement un accident qui arrive quelquefois aux médailles qu’on frappe, ce qui a fait dire aux Antiquaires que toute médaille, dont les bords ont éclaté, est infailliblement frappée. Pour profiter de cette préoccupation, ceux qui font de fausses médailles, tâchent de les faire éclater lorsqu’ils les frappent effectivement, ou même de les fendre tout exprès quand elles sont assez bien moulées.

On n’en sera pas la dupe si l’on examine ces fentes avec un peu de soin ; car quand elles ne sont point assez profondes, ou que la coupure n’en est pas franche, ou qu’elles ne finissent pas par certains filamens presque imperceptibles ; c’est une preuve que cela n’est point arrivé par l’effort du coin, mais par artifice.

Enfin le moyen général de se précautionner contre toutes les fourberies des brocanteurs, c’est de s’appliquer à la connoissance de l’antique qui comprend le métal, la gravure des coins & le poinçonnement des caracteres ; c’est ainsi qu’on acquiert ces yeux, que Cicéron appelle oculos cruditos. Mais exiger d’un homme de lettres qu’il s’attache à démêler la différence de l’antique & du moderne, qu’il descende jusqu’au détail de la gravure & de la fabrique des médailles, n’est-ce point le réduire à la condition d’un simple artiste ? n’est-ce point même lui imposer une obligation qu’il sera hors d’état de remplir, puisque le goût qu’il doit avoir pour la lecture, ne peut s’accorder avec la dissipation inséparable de la vie d’un homme qui s’occuperoit à visiter les cabinets.

Nous conviendrions de la force de cette objection, si la connoissance du matériel de la médaille demandoit une occupation longue & sérieuse, ou, si l’on ne supposoit pas un goût né pour les médailles, dans celui qui veut acquérir cette connoissance. En effet, sans ce goût, ce seroit faire trop peu de cas de son tems que de le consacrer à de tels soins. Mais il s’agit ici d’un curieux, en qui l’amour des lettres augmente le penchant naturel qu’il se sent pour déchiffrer ces précieux restes de l’antiquité. Il s’agit d’un curieux qui se propose sans cesse d’étudier le sens, l’esprit des médailles, & pour y parvenir de consacrer ses veilles à la lecture des ouvrages, dans lesquels il peut puiser des lumieres. Nous allons donc lui en indiquer les principaux.

Livres sur les médailles. Je suppose qu’il sait aussi bien que moi qu’on ne fera jamais de progrès dans l’art numismatique sans la connoissance des langues savantes, de l’Histoire greque & romaine, de la Géographie ancienne & moderne, de la Chronologie & de la Mythologie. Si cependant je parlois à un jeune homme qui n’eût pas étudié préalablement toutes ces sciences, je lui conseillerois de commencer à les apprendre par les tables chronologiques du P. Pétau, les paralleles géographiques du P. Briet, la mythologie de l’abbé Banier, ou autres semblables.

Le livre du P. Pétau est connu sous le titre de Dionysii Petavii rationarium temporum ; il y en a grand nombre d’éditions. Celui du P. Briet est intitulé : Philippi Brietii parallela geographiæ veteris & novæ. Mais attendu qu’il n’est pas complet, il est nécessaire d’y joindre la géographie ancienne de Cellarius, Christoph. Cellarii notitia orbis antiqui, ab ortu rerum publicarum ad Constantinorum tempora ; cum tabulis geographicis : on préférera l’édition de Leipsic 1733, in-4°. deux volumes, avec les observations de M. Schuwartz.

Comme l’Histoire doit être la principale étude d’un curieux en médailles, on conçoit bien que, pour les entendre, il doit lire Hérodote, Dion, Denis d’Halicarnasse, Tite-Live, Tacite, César, Velleius Paterculus, &c. A mesure qu’il fera des progrès dans l’art numismatique, il faudra qu’il ait sous les yeux Suidas, Pausanias, Philostrate, & parmi les modernes Rhodiginus, Giraldus, Rosinus, & autres semblables, qui lui fourniront des lumieres pour l’explication des types & des symboles.

A ces secours, il joindra le livre du P. Hardouin, intitulé : Nummi populerum & urbium illustrati ; ce livre où l’on trouve cent choses curieuses, quoique souvent conjecturales, a été réimprimé avec des changemens & des augmentations dans le recueil des œuvres choisies du même auteur : Joan. Hardouin Opera selecta, Amstelod. 1709, in-fol. mais si notre curieux veut s’animer encore davantage dans la carriere qu’il a choisie, il faut qu’il lise le savant traité de M. Spanheim sur l’usage des médailles. Ce bel ouvrage, dont voici la bonne édition, est intitulé : Ezechielis Spanhemii, &c. dissertationes de proestantia & usu numismatum antiquorum, editio nova, tom. I. Lond. 1706, in-fol. volumen alterum, opus posthumum, ex autoris autographo editum, ac numismatum iconibus illustratum, ab Isaaco Verburgio, Amst. 1717, in fol. La premiere édition est de Rome 1664, in-4°. & la deuxieme d’Amsterdam 1671, in-4°.

Il faut ensuite se procurer les ouvrages où les médailles antiques de toutes especes sont gravées & expliquées. Voici quelques-uns des plus nécessaires.

On acquérera la connoissance des médailles greques des villes, dans les livres de Goltzius sur la Sicile & la Grece ; en voici les titres : Huberti Goltzii Sicilia, & magna Groecia, sive historiæ urbium & populorum Siciliæ & magnæ Groecoe, ex antiquis numismatibus restitutæ liber primus, Brugis 1576, in folio. On doit préférer la seconde édition imprimée à Anvers 1618, par les soins de Jacques de Bie, avec les remarques du P. André Schott, jésuite. L’autre livre de Goltzius sur les médailles des villes greques n’a paru que long-tems après sa mort, avec les commentaires de Louis Nugnez, savant Espagnol, Ludovici Nonnii Commentarius in Huberti Goltzii Groeciam, Insulas, & Asiam minorem, Ant. 1620, in-fol.

Nous avons un excellent ouvrage de M. Vaillant sur les médailles des villes greques qui ont été frappées avec des têtes d’empereurs. On y a joint une ample explication des époques, des jeux, des fêtes, des alliances, & de tout ce qui donne de la peine à ceux qui commencent à s’appliquer à cette étude, ce qui est d’un grand secours pour les médailles, dont les légendes ont quelque chose de fruste & de difficile à déchiffrer. La premiere édition est à Paris en 1698. La seconde édition faite en Hollande avec plusieurs augmentations est connue sous ce titre : Numismata imperatorum, Augustarum, & Cæsarum à populis Romanæ ditionis græcè loquentibus, ex omni modulo percussa, &c. editio altera ab ipso autore recognita, septingentis nummis aucta, &c. Amst. 1700, in-folio.

Quoique ce recueil soit fort considérable, le nombre des médailles qui avoient échappé aux recherches de M. Vaillant, est presque aussi grand que celui des médailles décrites dans son ouvrage. On en trouvera 700 nouvelles dans les Numismata Musei Teupoli, &c. Venet. 1736, in-4°. deux volumes ; & plus de 300 dans le livre d’un jésuite allemand, intitulé : Erasmi Froelich soc. Jes. quatuor tentamina in re monetariâ vetere..... editio altera..... Vienn. 1737, in-4°. Il y en a de même plusieurs dans le Tesoro Britanico Nic. Haym. On pourroit joindre celles du cabinet du roi, & d’autres cabinets particuliers, qui fourniroient le moyen d’augmenter du double le recueil de M. Vaillant.

Nous sommes enrichis de quatre ouvrages sur les médailles des familles romaines. 1° De l’ouvrage de Fulvio Ursini, intitulé : Familiæ romanae quæ reperiuntur in antiquis numismatibus, ab urbe conditâ, ad tempora divi Augusti, Rom. 1577, in-fol.Idem..... Carolus Patinus, &c. restituit, recognovit, auxit. Paris 1663, in-fol.Nummi antiqui familiarum romanarum, perpetuis interpretationibus illustrati, per Joan. Vaillant, &c. Amstel. 1703, deux vol. in fol.Thesaurus Morellianus, sive familiarum romanarum numismata omnia, juxta ordinem F. Ursini & Car. Patini disposita, à Cel. antiquart And. Morellio. Accedunt nummi miscellanei urbis Romæ, Hispanici, & Goltziani. Nunc primum edidit, & commentariis perpetuo illustravit, Sigeb. Havercampus, Amstel. 1734, in-fol. deux volumes.

Pour les impériales, il faut nécessairement avoir un Occo : son livre est intitulé : Imperatorum romanorum numismata, à Pompeio magno, ad Heraclium, ab Adolpho Occone olim congesta, studio Francisci Mediobardi, Mediol. 1683, in-folio. On en a fait une seconde édition à Milan en 1730, par les soins de M. Archelati, avec quelques additions & corrections, qui ne sont pas aussi considérables que le public avoit lieu de l’espérer.

Mais à l’Occo & au Mezzabarba, on ne peut se dispenser d’ajouter, Numismata imperatorum, à Trajano Decio, ad Paloeologos Augustos, studio D. Anselmi Banduri, &c. Paris 1718, in-fol. deux volumes.

Quoique M. Patin, dans son grand ouvrage des impériales, n’ait fait graver que le moyen bronze, il y a cependant beaucoup à apprendre pour tous les métaux & pour toutes les grandeurs, à cause de la ressemblance des types : son livre est intitulé : Imperatorum romanorum numismata, a Julio Cæsare ad Heraclium, per Car. Patinum, Argentinae 1671, in fol. edit. prim. Amstel. 1697, in-fol. edit. sec.

Il convient d’avoir encore sur les médailles impériales les descriptions du cabinet du duc d’Arschot, que Gevarsius a fait imprimer avec des explications, & où l’on trouve presque toutes les médailles ordinaires : il est intitulé : Regum & imperatorum romanorum numismata aurea, argentea, ærea, à Romulo & C. Julio Cæsare usque ad Justinanum, Antuerp. 1654, in-fol. Si l’on veut y joindre Oiselius, ses explications sont encore meilleures : son livre porte pour titre : Jac. Oiselii Thesaurii selectorum numismatum antiquarum cum fig. Amstel. 1677, in-4°.

Il est vrai que les auteurs que nous venons de nommer, n’ont parlé proprement que des médailles de bronze, mais Hemelarius, chanoine d’Anvers, a fait un volume à part sur les médailles d’or : ce volume est intitulé : Imperatorum romanorum numismata aurea, à Julio Cæsare ad Heraclium collecta, & explicata à Joan. Hamelario, Antuerp. 1627, in-4°. cum fig. æneis.

Patin a rassemblé dans son trésor un assez beau recueil de médailles d’argent, quelques médaillons, & quelques grands bronzes : mais on en trouvera un beaucoup plus grand nombre dans M. Vaillant, qui ne s’est pas contenté d’en donner simplement la description, comme il avoit fait pour le bronze, il a encore ajouté à chacune une explication succinte.

Le même auteur, dans les deux volumes qu’il a publiés sur les médailles des colonies, n’a rien omis de ce qu’on pouvoit exiger d’un habile antiquaire ; il en a donné les types & les explications avec un succès admirable, & a fait graver les médailles avec un très-grand soin : cet ouvrage est intitulé : Numismata ærea, imperatorum in coloniis, Paris 1688, in-fol. deux volumes.

M. du Cange, dans les familles byzantines, a fait graver aussi fort exactement tout le bas-empire, & en a facilité l’explication par une savante dissertation qu’il a imprimée à la fin de son glossaire de la basse & moyenne latinité, t. III. Paris 1678, in-fol. Les familles byzantines portant pour titre : Historia Bysantina, duplici commentario illustrata, &c. auctore Car. du Fresne, D. du Cange, Paris 1680, in-folio. Les gravures de ce livre se retrouvent presque toutes dans celui du P. Banduri.

Il importe aussi de connoître quelles sont les médailles rares, afin de les savoir estimer ce qu’elles méritent. Elles ont été autrefois expliquées fort au long par Jean Tristan, sieur de Saint-Amand. Son livre est intitulé, Commentaires historiques ; contenant l’histoire des empereurs, impératrices, césars & tyrans de l’empire romain, illustrés par les inscriptions & énigmes de 13 à 1400 médailles, tant greques que latines, Paris 1644, 3 vol. in-fol. Si les commentaires de Tristan sont très-fautifs, il faut observer qu’il vivoit dans un siecle où personne ne lui pouvoit encore servir de guide. Mais en échange, M. Vaillant a excellé dans ses Explications des médailles rares en général, & dans l’exposition de la rareté de chacune en particulier. Tous les Antiquaires possedent l’ouvrage dont nous parlons : Numismata imperatorun romanorum præstantiora, à Julio cæsare ad posthumum & tyrannos, per Joann. Foi-Vaillant, &c. tom. I. De romanis æreis senatus-consulto percussis, &c. cui accessit series numismatum maximi moduli nondum observata. tom. II. De aureis & argenteis, &c. Paris, 1692, in 4°. Il faut aussi avoir la premiere édition de cet ouvrage, Paris, 1682 ; parce qu’on y a marqué le cabinet où se trouvoit chacune des médailles qui y sont décrites : & de-plus, les posthumes d’or & d’argent ont été obmis dans la seconde édition.

M. Baudelet, dans son livre de l’Utilité des voyages, s’est aussi donné la peine d’y marquer les médailles rares, par rapport à la tête. Enfin, on en trouve un grand nombre qui sont expliquées dans le Recueil de l’acad. des belles lettres.

En indiquant ces livres profonds sur la science des médailles, j’allois presqu’oublier d’en nommer quelques-uns, qui sont propres à y introduire un nouveau curieux, & à lui en donner une connoissance générale. Il peut donc commencer sa carriere par le Discours d’Énée Vico sur les médailles, imprimé à Rome en 1555 ; ou plutôt par les Dialogues d’Antonius Augustinus, qui sont comme autant de leçons capables de l’éclairer.

Le livre de l’archevêque de Tarragone est intitulé : Dialogos dè medallas, inscriciones, y otras antiquidades en Tarragona, per Félipe Mey, 1587. C’est un petit in 4°. de 470 pages, avec 26 Planches de médailles, dont les deux premieres sont ordinairement placées à la tête du premier dialogue, & les 24 autres avant le dialogue suivant. Cette édition, d’ailleurs très-bien imprimée, est devenue très-rare, & on l’a vue vendre juqu’a trente pistoles. L’ouvrage d’Antoine Augustin a été traduit deux fois en italien. La premiere de ces traductions, imprimée à Venise, in-4°. est assez conforme à l’édition espagnole. La seconde dont l’auteur s’appelloit Ottaviano Sada, est de Rome, 592, in-fol. Le traducteur y a joint quelques observations, & une dissertation de Lælio Paschalini sur les médailles de Constantin, qu’il a insérée dans le premier dialogue. Les médailles y sont placées dans le corps de l’ouvrage, aux endroits où il en fait mention ; on y a même ajouté celles qui y sont expliquées, & qu’on n’avoit pas fait graver dans l’édition espagnole. Mais il auroit été à souhaiter que les desseins eussent été plus exacts. & les gravures plus belles. Enfin, le P. André Schott traduisit ces dialogues en latin, & les fit imprimer à Anvers en 1617, in-fol, avec fig.

Le même curieux trouvera dans le Trésor de Goltzius, l’intelligence des abréviations les plus ordinaires, sans quoi l’on ne peut rien connoître aux légendes ; il y verra les noms & les prénoms des empereurs, des charges & des magistratures, qui ne se trouvent qu’en abrégé sur les médailles. S’il veut un plus grand répertoir, Ursatus le lui fournira. Le livre de ce dernier auteur est intitulé, Sertorii Ursati de Notis Romanorum Commentarius, Patavii, 1672, in-fol.

Mais la Science des médailles, du P. Louis Jobert jésuite, me paroît être, en petit, le meilleur livre qu’on ait jusqu’à présent, pour rendre l’étude de ces monumens antiques plus facile, plus utile, & plus agréable. La derniere édition est à Paris 1739, 2 vol. in-12. avec fig.

Quant à ceux qui desireront de connoître ou de se procurer tous les auteurs qui ont écrit sur l’art numismatique, je ne puis rien faire de mieux, que de les renvoyer à la Bibliotheca nummaria, du P. Banduri, imprimée à Hambourg en 1719, in-4°. avec les Notes de Fabricius ; car depuis ce tems-là, à-peine a-t-il paru dix livres un peu considérables sur les médailles.

Observations générales sur les médailles, & sur leur étude. La publication de tant d’ouvrages sur l’art numismatique, & la description d’une infinité de cabinets, ont fait dans cette science, ce que fait l’expérience dans les arts. Les arts ne se sont perfectionnés que par les diverses observations de ceux qui ont su profiter de ce que l’usage leur avoit appris ; mais dans la science des médailles on a voulu trop tôt établir des principes indubitables, que les moins habiles ont détruits en un moment, par la seule vûe de quelques médailles que le hasard leur a fait tomber entre les mains.

Ainsi la croyance du siecle passé, que l’on n’avoit aucun véritable Othon de bronze, est aujourd’hui entierement effacée par la quantité des Othons de ce métal qui se trouvent dans les cabinets, & dont on n’oseroit disputer l’antiquité, d’autant plus qu’ils nous sont venus de l’Orient.

Ainsi, pour réfuter celui qui a dit, qu’on ne donnoit la couronne de laurier qu’aux Augustes, & jamais aux Césars ; il n’y a qu’à voir le médaillon de Maxime Γ. ΙΟΥ. ΜΑΞΙΜΟϹ ΚΑΙϹΑΡ, où il a la couronne de laurier, avec la qualité de César, sans parler du bas empire où Crispus César est couronné de laurier.

On a encore avancé deux maximes comme constantes, au sujet des fleuves qu’on voit très-souvent sur les revers des médailles. La premiere, que les fleuves étant ordinairement représentés par des figures couchées à terre ; on ne mettoit debout que ceux qui portoient leurs eaux dans celui qui étoit couché. La seconde, que si l’on trouvoit un fleuve représenté sans barbe, il falloit conclure que ce n’étoit qu’une petite riviere qui n’étoit point navigable. Cependant voici trois médailles qui prouvent la fausseté de ces principes. 1°. Une médaille de Gordien III ; elle porte au revers le Méandre & le Marsyas, tous deux couchés par-terre, quoique le Marsyas se jette dans le Méandre. 2°. Une médaille de Philippe, où ces deux mêmes fleuves sont sans barbe, quoique le Méandre soit assurément très-navigable, au rapport de Strabon. 3°. Une médaille d’Antonin Pie, Τιανων, où l’on voit le Billœus & le Sardo, tous deux de-bout : & l’on sait que le second se décharge dans le premier.

Cependant, quoiqu’il y ait peu de maximes qui ne souffrent des exceptions, il seroit dangereux de n’en vouloir jamais admettre aucune. Observons seulement, qu’elles soient toujours fondées en nécessité ou en raison, & qu’elles fassent plier la regle à leur objet, sans la détruire sur les autres points, où elle peut avoir son application.

C’est, par exemple, une maxime généralement adoptée par les antiquaires, que ce que nous appellons médailles, les romaines sur-tout, étoient originairement la monnoie courante ; & ils en donnent une bonne preuve. On trouve tous les jours, disent-ils, une prodigieuse quantité de ces médailles cachées, dans la terre, comme autant de trésors particuliers qu’on vouloit mettre à couvert de l’incursion & de l’avidité des Barbares. Et lorsque ces petits trésors forment jamais des suites de médailles plus ou moins completes, ou qu’ils soient tous composés de différens revers ; ils ne consistent communément que dans un petit nombre d’empereurs qui ont régné ensemble, ou qui se sont immédiatement succédés ; & le même revers s’y trouve quelquefois par milliers ; ce qui seul porte avec soi un caractere si marqué de monnoie courante, qu’il est comme impossible de se refuser à l’évidence d’un pareil témoignage.

On ne laisse pas d’en excepter les médaillons, du-moins ceux qui par leur relief, leur étendue, & leurs poids, auroient été fort à charge dans le commerce, ceux sur-tout, qui, composés de plusieurs cercles de différentes especes de cuivre, semblent nous dire encore qu’ils ont uniquement été faits pour le plaisir & l’ostentation, & nullement pour l’usage & la commodité.

Peut-être en viendra-t-on aussi à faire une classe séparée en plusieurs autres sortes de médailles qui, quoiqu’au même titre, & uniformes entr’elles par le poids & le volume, offrent des objets tout-à-fait étrangers, pour ne pas dire contraires à l’idée d’une monnoie courante. Telles sont entr’autres, ces médailles qui paroissent n’avoir été imaginées que pour honorer après leur mort, des princes & des princesses, dont le portrait n’avoit jamais été gravé, de leur vivant, des gendres, des sœurs, des nieces d’empereurs, des enfans décédés au berceau ou dans la plus tendre jeunesse. Telles encore celles, où après une assez longue succession d’empereurs, on a renouvellé l’image & le souvenir de quelques illustres romains des premiers tems de la république.

Non toutefois que ces mêmes médailles n’ayent pu être reçues & même recherchées dans le commerce, parce qu’elles étoient de la même forme & de la même valeur intrinseque ; parce que travaillées avec autant & plus de soin, on y trouvoit aussi des choses plus singulieres & plus intéressantes. Enfin, parce que frappées sans doute en moindre quantité qu’on ne frappoit des revers de la monnoie ordinaire, elles étoient dans le même tems, à-proportion aussi rares qu’elles le sont aujourd’hui.

Une autre maxime en fait de médailles, c’est lorsqu’au revers d’un empereur romain, on trouve le nom d’une ville, d’un peuple, d’un pays ; ce pays, ce peuple, cette ville doivent avoir été de la domination romaine ; ou, s’ils ne lui ont pas été immédiatement soumis, ils reconnoissoient du-moins son autorité par quelque hommage, par quelque tribut, ou autre condition équivalente stipulée dans des traités. Il en faut cependant excepter ces médailles, où l’on voit d’un côté, la tête d’un empereur, & de l’autre, celle d’un prince voisin allié de l’empire, qui s’honoroit bien du titre d’ami du peuple & des empereurs romains, φιλορωμαιος, mais dont l’alliance utile étoit quelquefois achetée par de gros subsides, que la vanité romaine qualifoit de gratifications.

A combien plus forte raison, n’en devroit-on pas excepter encore les médailles, où l’on verroit d’un côté, la tête d’un empereur romain, & de l’autre, le nom & les symboles d’une ville, qui, loin d’avoir été jamais sous sa domination, se trouveroit appartenir depuis long-tems à une autre prince puissant, lequel n’avoit rien à démêler avec l’empire ; rien à espérer de son alliance, rien à craindre de ses entreprises ? Sans cela, quelle absurde conséquence ne tireroit-on pas un jour de la médaille du czar Pierre I. frappée en 1718, avec le nom de la ville de Paris à l’exergue, Lutesiæ-Parisiorum ? & vingt autres semblables ; si ceux qui joindront la connoissance de l’histoire à celle des médailles, n’étoient pas à-portée d’expliquer ces énigmes d’or & d’argent, comme le poëte Prudence les appelloit déjà de son tems.

On ne tariroit point sur les abus qui se sont glissés dans l’étude des médailles, & qui ont pour auteurs, je ne dis pas des hommes sans lettres, mais des écrivains d’une érudition reconnue. C’est sur la parole de ces écrivains célebres qu’on cite chaque jour des médailles, qui n’ont peut-être jamais existé ; c’est leur témoignage qui empêche de rejetter des médailles d’une autre espece, qui malgré leur antiquité, ne peuvent faire foi dans l’histoire ; c’est sur leur autorité que sont fondées ces interprétations chimériques qui dégraderoient les monumens les plus respectables, en les rendant le jouet de l’imagination de chaque particulier. Enfin, c’est principalement à ces auteurs qu’il faut imputer plusieurs fautes, où tombent tous les jours des amateurs des médailles, sur-tout ceux qui les recueillent uniquement, ou par le goût naturel qu’ils ont de ramasser, ou par le desir de s’acquérir une sorte de nom dans les lettres.

Il en est des médailles comme d’une infinité d’autres choses, qui font partie de ce qu’on appelle curiosités ; la vanité de posséder une piece rare & unique, fait souvent mettre en usage toutes sortes de ruses & d’artifices pour en imposer. De là sont venus ces catalogues informes, où des médailles qui n’ont d’autre qualité que d’avoir été frappées par des faussaires & par des ignorans, sont décrites avec de pompeux éloges. De là ces interprétations arbitraires qui vont quelquefois jusqu’à renverser les points d’histoire les plus constans. De-là cette confusion & ce mélange dans les cabinets, & dans les livres, des médailles fausses avec les vraies, ou des modernes avec les antiques. De-là enfin, mille inconvéniens que l’on découvre à chaque instant dans l’étude & dans la recherche des médailles ; car cette vanité s’étant une fois emparée de l’esprit, on ne s’en est point tenu au vrai, on a couru après le merveilleux. Chacun a voulu que sa collection fût plus singuliere que celle d’un autre, ou du-moins qu’elle passât pour telle. Pour y parvenir, on a tout fait valoir, on a tout loué, on a tout admiré.

Il est donc essentiel à un amateur de ces monumens antiques, d’être en état de juger par lui-même du mérite de chaque piece, & de ne point se laisser séduire aux pompeuses descriptions qu’il entendra faire, soit au nouvel acquéreur d’une médaille, soit à celui qui cherche à en vendre. Souvent, après avoir examiné ce qu’on lui vantoit avec tant d’emphase, il trouvera que c’est un coin moderne ; que la médaille est fausse ou réparée. Mais supposons-la antique & légitime, elle sera peut-être inutile pour l’histoire ; il cessera pour lors d’admirer cette médaille ; & ayant cessé de l’admirer ; il cessera bientôt de rechercher ce qu’il ne désiroit ardemment, que faute de le bien connoître. C’est encore un nouvel avantage pour le grand nombre des gens de lettres, à qui la nature a donné de la facilité pour les sciences, plus que la fortune ne leur a procuré de secours pur les acquérir.

Les vains curieux qui ne joignent au goût qu’ils ont pour les médailles, ni une certaine connoissance de l’histoire, ni la lecture des ouvrages de l’antiquité, n’estiment communément les médailles, qu’à proportion de leur rareté ; & cette rareté dépend souvent ou du caprice, ou de la mauvaise foi de ceux qui ont fait imprimer des catalogues de médailles, quelquefois de la beauté seule & de la conservation de la médaille, & presque toujours du hazard qui a permis qu’on ait découvert un trésor antique plûtôt ou plus tard.

Au contraire, celui qui n’envisage les médailles qu’en homme de lettres, c’est-à-dire, qui n’en mesure le prix que sur l’utilité, ne préfere en médailles, que celles qui servent à découvrir quelque fait nouveau, ou à éclaircir quelque point obscur de l’histoire. Une médaille qui porte une date intéressante, ou qui fixe une époque de quelque conséquence, est plus précieuse pour lui que les Cornelia supera, les Tranquillines, & les Pescennius.

Ce n’est pas que nous voulions condamner les gens qui n’épargnent rien pour recueillir toutes les têtes des personnages illustres de l’antiquité ; nous avouons que les médailles ne seroient pas dépouillées de tout prix, quand même elles ne serviroient qu’à nous conserver les portraits des grands hommes ; mais ce n’est point là ce qui doit les faire principalement rechercher par un homme de lettres. Si une médaille de Pescennius ne porte aucune date particuliere ; si elle n’apprend aucun fait d’histoire, & qu’elle ne nous présente qu’un portrait, il est indifférent à celui qui veut devenir savant, que cette piece rare soit entre ses mains, ou entre celles d’un autre. Tout le monde convient de l’existence de Pescennius. Le curieux qui possede la médaille, n’en est pas plus assuré qu’un autre. L’homme de lettres voudroit fixer précisément le tems où ce prince a vécu ; il voudroit apprendre quelque circonstance particuliere de sa vie : si la médaille ne peut l’instruire de ce qu’il cherche, il est presque inutile qu’il l’ait vue.

Voilà la vraie maniere dont on doit envisager les médailles, sans les estimer ni chacune en particulier ni toutes en général, au-delà de l’utilité dont elles sont réellement. Gardons-nous sur-tout, d’imaginer que leur étude puisse se séparer de celle des inscriptions, & de la lecture des auteurs anciens. Elles éclaircissent des passages ; elles suppléent des dates ou des noms, & redressent même quelquefois des erreurs ; mais, pour un service qu’elles rendent à l’histoire, elles en reçoivent mille des historiens, & tous d’une si grande conséquence, qu’avec les livres sans médailles, on peut savoir beaucoup & savoir bien ; & qu’avec les médailles sans les livres, on saura peu & l’on saura mal. C’est par cette remarque qui n’est point d’un amateur anthousiaste, que je termine ce détail. Il ne me reste plus qu’à y joindre une courte explication de quelques mots fréquens dans la langue numismatique.

Termes d’usage dans l’art numismatique. Ame de la médaille. Les Antiquaires regardent la légende comme l’ame de la médaille, & les figures comme le corps ; tout-de-même que dans l’emblème où la devise tient lieu d’ame ; sans quoi l’on n’auroit aucune connoissance de ce que les figures qui en font le corps, nous doivent apprendre. Par exemple, nous voyons, dans une médaille d’Auguste, deux mains jointes qui serrent un caducée entre deux cornes d’Amalthée, voilà le corps ; le mot pax qui y est gravé, marque la paix que ce prince avoit rendue à l’état, en se réconciliant avec Marc Antoine, réconciliation qui ramena la félicité & l’abondance, voilà l’ame.

Buste. Il désigne, en matiere de médailles, comme dans les autres arts, un portrait à-demi-corps, qui ne présente que la tête, le col, les épaules, une partie de la poitrine, & quelquefois les deux bras. Les bustes qu’on voit sur les médailles, se trouvent accompagnés de symboles qui leur sont particuliers, sur-tout quand les deux bras paroissent, comme il est ordinaire dans les médaillons & dans les petites médailles du bas empire. Ces symboles sont le sceptre, la férule, l’acacia. Dans d’autres bustes qui vont jusqu’à-mi-corps, on y voit le casque, le bouclier, & un cheval qu’on tient par la bride, pour marquer les victoires remportées ou dans les combats de la guerre, ou dans les jeux.

Champ. C’est le fond de la piece qui est vuide, & sur lequel il n’y a rien de gravé. On est parvenu à trouver l’explication de certaines lettres initiales qui se trouvent dans le champ des médailles du bas empire. En voici des exemples :

B. T. Beata Tranquillitas.
C. R. Claritas Reipablicæ.
C. S. Claritas Sæculi.
F. B. Felicitas Beata.
F. T. Felicitas Temporum.
P. A. Pietas Augusta.
S. A. Securitas Augusti.
S. P. Securitas Publica ou Populi.
T. F. Temporum Felicitas.
V. I. Vota Imperii.
V. P. Vota Publica ou Populi.

Coin. On sait que c’est la même chose que la matrice ou le carré d’une médaille. Chaque médaille n’a point eu un coin différent de toutes les autres qui lui sont semblables. M. Baudelot a combattu savamment l’opinion contraire, dans son livre de l’utilité des voyages.

Corps. On regarde toutes les figures comme le corps de la médailles.

Exergue. C’est un mot, une date, des lettres, des chiffres marqués dans les médailles au-dessous des têtes qui y sont représentées, soit sur le revers, ce qui est le plus ordinaire, soit sur la tête. Les lettres ou les chiffres des exergues de médailles signifient ordinairement, ou le nom de la ville dans laquelle elles avoient été frappées, ou le tems, ou la valeur de la piece de monnoie : & les lettres initiales ne marquent que cela.

Inscription. On appelle proprement inscription, les paroles qui tiennent lieu de revers, & qui chargent le champ de la médaille au lieu de figures.

Légende. Elle consiste dans les lettres qui sont autour de la médaille, & qui servent à expliquer les figures gravées dans le champ.

Module. Grandeur déterminée des médailles, d’après laquelle on compose les différentes suites.

Monogramme. Lettres, caracteres ou chiffres, composés de lettres entrelacées. Ils dénotent quelquefois le prix de la monnoie, d’autrefois une époque, quelquefois le nom de la ville, du prince, de la déité représentée sur la médaille.

Nimbe. Cercle rayonnant qu’on remarque sur certaines médailles, sur-tout sur celles du bas empire.

Ordre. C’est ainsi qu’on appelle une classe générale sous laquelle on distribue les suites : on forme ordinairement cinq ordres de médailles, l’un desquels contient la suite des rois, un second la suite des villes, un troisieme la suite des consulaires, un quatrieme la suite des impériales ; & sous un cinquieme on range toutes les divinités, les héros, les hommes célebres de l’antiquité. L’ordre dans les suites du moderne est absolument arbitraire.

Panthées. Ce sont des têtes ornées de symboles de plusieurs divinités.

Parazonium.. Sorte de poignard, de courte épée, de bâton, de sceptre tantôt attaché à la ceinture, tantôt appuyé par un bout sur le genou, & tantôt placé d’une autre maniere.

Quinaire. C’est une médaille du plus petit volume en tout métal.

Relief. Saillie des figures & des types empreints sur la tête ou sur le revers d’une médaille.

Revers. Côté de la médaille opposé à la tête.

Suite. C’est l’arrangement qu’on donne aux médailles dans un cabinet, soit d’après leur différente grandeur, soit d’après les têtes & les revers.

Symbole ou type. Terme générique qui désigne l’empreinte de tout ce qui est marqué dans le champ des médailles.

Têts. Côté de la médaille opposé aux revers. Chez les Romains, Jules César est le premier dont on ait osé mettre la tête sur la monnoie, de son vivant.

Volume. On entend par ce mot l’épaisseur, l’étendue, le relief d’une médaille, & la grosseur de la tête.

Le lecteur trouvera les articles de médailles qui suivent, rangés avec quelque ordre.

Toute médaille est antique ou moderne ; nous commencerons par ces deux mots.

Ensuite nous viendrons aux métaux, parce qu’il y a des médailles d’or, d’argent, de billon, de bronze, de cuivre, d’étain, de fer, de plomb, de potin.

Une médaille peut être contrefaite, dentelée, éclatée, fausse, fourrée, frappée sur l’antique, non frappée, fruste, inanimés, incertaine, incuse, martelés, moulés, réparés, saucée, sans tête.

Parmi les médailles, il y en a de contorniattes, de contre marquées, de rares, de restituées, d’uniques & de votives.

Il y a encore des médailles sur les allocutions, & d’autres qu’on nomme de consécration ; nous en ferons aussi les articles.

Les médailles de colonies, les consulaires, les grecques, les impériales, les romaines, méritent surtout notre curiosité.

Cependant nous n’oublierons pas de parler des médailles arabes, égyptiennes, espagnoles, étrusques, gothiques, hébraïques, phéniciennes & samaritaines.

Enfin, les médailles d’Athenes, de Crotone, de Lacédémone & d’Olba, intéressent trop les curieux pour les passer sous silence.

Nous terminerons ce sujet par dire un mot des époques marquées sur les médailles.

Il est inutile d’avertir que les autres articles de l’art numismatique sont traités sous leurs lettres. (D. J.)

Médaille antiques. (Art numismat.) J’ai déja dit que ce sont toutes celles qui ont été frappées jusques vers le milieu du troisieme ou du neuvieme siecle de Jesus-Christ.

Depuis les progrès de la renaissance des Lettres, on a rassemblé les médailles antiques ; on les a gravées, déchiffrées & distribuées par suites ; on en a fait une science à part très-étendue. Il ne s’agit peut-être plus aujourd’hui que d’éclairer le zele de ceux qui l’étudient avec passion, & leur prouver qu’ils ne doivent pas donner une confiance aveugle à toutes les médailles qui sont antiques, de bon alloi, & frappées dans les monnoies publiques. Justifions ici cette vérité par les judicieuses observations de M. l’abbé Geinoz, rapportées dans l’histoire de l’acad. des Inscriptions, tom. XII.

Il n’y a, dit-il, que trop de médailles antiques singulieres, & qui renferment des contradictions palpables avec la tradition historique la plus constante, & même avec les autres médailles.

La cause de ces singularités vient sans doute d’une confusion de coins, semblable à celle qu’on a remarquée sur les médailles fourrées. Il est arrivé plus d’une fois aux Monétaires même, sur-tout lorsqu’il y avoit plus d’un prince pour lequel on travailloit dans le même hôtel des monnoies : il leur est, dis je, arrivé plus d’une fois de joindre ensemble deux coins, qui n’étoient pas faits pour la même piece de métal. Il n’étoit pas difficile que deux ouvriers travaillant l’un près de l’autre, celui qui vouloit appliquer un revers à la tête de Vespasien, prît par mégarde le coin dont son voisin devoit se servir, pour en frapper un à celle de Titus : il n’étoit pas même impossible qu’un ancien coin oublié dans la salle, fût employé par inadvertance à former le revers de quelque médaille nouvelle par un ouvrier peu attentif. Cette confusion n’a rien qui répugne, & elle a été avouée par le Pere Pagi dont la bonne critique est assez connue, & par M. Liebe, un des célebres antiquaires de ces derniers tems. Les exemples en sont rares à la vérité, & les médailles qui nous les fournissent, sont ordinairement uniques : on va cependant en rapporter quelques-unes pour preuve de ce qu’on vient d’avancer.

Sur deux médailles d’argent d’Antonin Pic, on trouve au revers Augusta, avec des types qui montrent évidemment qu’on a joint à la tête de cet empereur des revers qui avoient été destinés aux médailles de Faustine sa femme. Deux autres médailles d’argent de Julia Domna ont à leurs revers, l’une Liberal. Augg. & l’autre Virtus Aug. Cos… On voit bien que ces légendes ne peuvent convenir à cette princesse : aussi les a-t-on prises pour des médailles de Severe, où on les trouvera facilement. Une autre médaille d’argent d’Herennia Etruscilla, a pour revers un type connu parmi ceux de Trajan Dece, avec la légende Pannoniæ. Au revers d’une médaille de Faustine la jeune en grand bronze, on lit Primi Decennales Cos. III. S. C. Quelqu’un prétendroit-il qu’on faisoit des vœux décennaux pour les femmes des empereurs ? non, car le silence de l’histoire & de tous les autres monumens nous prouve le contraire ; mais si on consulte les médailles de M. Aurele, on verra que ce revers a été frappé avec un coin destiné à cet empereur. Une autre médaille en grand bronze de Didius Julianus, a sur le revers June Regina, légende qui ne lui peut appartenir, mais qu’on a empruntée d’un coin de Manlia Scantilla,

M. Liebe a fait graver dans son trésor de Saxe-Gotha une médaille d’argent d’Hadrien, où on lit d’un côté Hadrianus Augustus, & de l’autre S. P. Q. R. M. O. PRINC. Qui est-ce qui ne voit pas que le coin d’un des revers de Trajan a été employé par mégarde avec un coin d’Hadrien ? le même antiquaire rapporte ensuite une médaille d’Antonin Pie, dans laquelle sa 15e. puissance tribunitienne se trouve également marquée autour de la tête & au revers. La cause de cette singularité est que le monétaire s’est servi de deux coins qui étoient bien de la même année, mais qui n’avoient pas été faits pour être unis ensemble.

Tous ces exemples paroissent prouver sans contestation, du-moins aux yeux des critiques impartiaux, que les Monétaires même ont fait des méprises ; & si le pere Chamillard eût connu les médailles qu’on vient de citer, il n’auroit point cherché des moyens plausibles de les concilier avec l’histoire, ou d’accorder ensemble les légendes des têtes & celles des revers. Tandis que le pere Hardouin rejette avec hauteur l’idée de ces méprises de Monétaires, il nous en fournit lui même plusieurs traits dans son histoire auguste. On y voit une médaille de grand bronze, qui joint le sixieme consulat de Vespasien avec le second de Titus ; quelques-unes de Domitien avec la tête de Vespasien au revers ; une de Trajan avec son cinquieme consulat, & au revers les têtes d’Hadrien &. de Plotine, avec la légende Hadrianus Aug. Les critiques sages aimeront toûjours mieux adopter dans ces médailles des erreurs de Monétaires, erreurs qui n’ont rien que de naturel & d’ordinaire, que d’en faire la base de quelque système entierement opposé à l’histoire de toute l’antiquité.

Ne reconnoissons donc point pour des pieces authentiques ces médailles singulieres, qui ne peuvent s’accorder ni avec les autres médailles reçues, ni avec l’histoire ; & examinons si ce qui cause notre embarras, lorsque nous cherchons à en déméler le sens, ne vient pas de quelque méprise du monétaire. Nous pourrons facilement nous en appercevoir, en vérifiant si ces revers ne se trouvent pas joints sur d’autres médailles à des têtes auxquelles ils conviennent mieux ; quand cela se rencontrera, nous avouerons que des coins mélés ou confondus sont la source de nos doutes, & nous verrons la difficulté disparoître.

Au reste, on voudroit en vain nous persuader qu’il regne quelquefois sur les médailles antiques des traits d’ironie & de plaisanterie, semblables à ceux qu’on voit assez souvent dans nos médailles modernes. On cite pour le prouver la médaille de Gallien que le roi possede, Galliena Augusta Pax Ubique : médaille frappée dans le tems que par la lâcheté & l’indolence de cet empereur l’Empire étoit déchiré par les trente tyrans. Ce qu’il y a de sûr, c’est que tout ce que M. Baudelot nous a ingénieusement expliqué des médailles qui se frappoient pour les plaisirs des saturnales, ne sert de rien pour appuyer ce sentiment. Il n’est pas mieux établi par une seule médaille équivoque. Je conviens que la difficulté d’accommoder le nom d’une princesse à la tête d’un empereur est d’abord embarrassante ; mais on peut la résoudre par l’inadvertance ou la précipitation du monétaire, & confirmer cette solution par les preuves que nous venons d’en donner tout-à-l’heure. Enfin, on adoptera bien moins un fait unique, que le desir qui nous anime de prêter aux anciens le caractere d’esprit de notre siecle. (D. J.)

Médaille moderne. (Art numism.) On appelle médailles modernes celles qui ont été frappées depuis environ trois siecles. En effet, il faut observer qu’on ne met point au rang des médailles modernes celles qu’on a fabriquées pendant la vie de Charlemagne, &, après lui, pendant cinq cens ans ; parce qu’elles sont si grossieres, que les antiquaires regardent cet espace de tems comme un vilain entre-deux de l’antique & du moderne. Mais quand les beaux Arts vinrent à renaître, ils se prêterent une main secourable pour procurer des médailles qui ne fussent plus frappées au coin de la barbarie. Voilà nos médailles modernes.

Leur curiosité, comme celle de la belle Peinture, eut sa premiere aurore au commencement du quinzieme siecle, après avoir été ensevelie l’espace de mille ans avec les tristes restes de la majesté romaine. Ce fut d’abord par les soins d’un Pisano, d’un Bolduci, & de quelques autres artistes, qu’on vit reparoître de nouvelles médailles avec du dessein & du relief. Le Pisano fit en plomb, en 1448, la médaille d’Alphonse, roi d’Arragon ; &, dix ans auparavant, il avoit donné celle de Jean Paléologue, dernier empereur de Constantinople. Ensuite, on se mit à frapper des médailles en or ; telle est celle du concile de Florence, & d’un consistoire public de Paul II. qui sont les premieres ébauches des médailles modernes, perfectionnées dans le siecle suivant, & ensuite recherchées, pour la gravure, par quelques curieux.

Il est vrai que la plûpart de ces nouvelles médailles ont été faites avec grand soin, que les époques s’y trouvent toûjours marquées, que les types en sont choisis & l’explication facile, pour peu qu’on ait connoissance de l’histoire. On y voit des combats sur terre & sur mer, des sieges, des entrées, des sacres de rois, des pompes funebres, les alliances, les mariages, les familles, en un mot, les événemens les plus importans qui concernent la religion & la politique : cependant tout cela réuni ne nous touche point comme une seule médaille de Brutus, de Lacédémone, ou d’Athènes.

Je ne puis même deviner les raisons qui ont engagé le pere Jobert à décider que sur les médailles antiques on trouve, plus que sur les modernes, le faux mérite honoré. Il semble, au contraire, que cet inconvénient, qui est inévitable dans toute société humaine, est beaucoup plus à craindre dans les médailles modernes, qu’il ne l’étoit dans les monnoies antiques ; car parmi nous les princes sont maîtres absolus de la fabrication de leurs monnoies, tandis qu’à Rome le sceau de l’autorité du sénat, quelque corrompu qu’on le suppose, y intervenoit encore.

D’un autre côté, les monnoies antiques ne se frappoient que pour le prince ; & l’histoire nous a éclairé sur ses vertus ou sur ses vices. Mais aujourd’hui il n’est point de particulier qui ne puisse faire frapper des médailles en son honneur : combien de gens sans mérite, que la vanité a déja porté à essayer de se procurer une espece d’immortalité, en se faisant représenter sur des médailles !

Je ne détournerai néanmoins personne de donner dans la curiosité du moderne. On peut rassembler, si l’on veut, ces sortes de médailles, & former même des suites de papes, d’empereurs, de rois, de villes & de particuliers, avec le secours des monnoies & des jettons. La suite complette des papes peut se faire depuis Martin V. jusqu’à présent : mais la suite des empereurs d’Occident depuis Charlemagne ne pourroit s’exécuter qu’en y joignant les monnoies. Si l’on me dit qu’Octavius Strada a conduit cet ouvrage depuis Jules-César jusqu’à l’empereur Matthias, je réponds que c’est avec des médailles presque toutes fausses, inventées pour remplir les vuides, ou copiées sur celles que Maximilien II. fit battre pour relever la grandeur de la maison d’Autriche.

Quant à la suite des rois de France, il faut se contenter des monnoies pour les deux premieres races : car il n’y a aucune médaille avec l’effigie du prince avant Charles VII. Toutes celles qu’on a frappées dans la France métallique jusqu’à Charlemagne, sont imaginaires ; & la plûpart des postérieures, sont de l’invention de Jacques de Bie, & de Duval son associé. Il est vrai qu’il y a dans le cabinet de Louis XV. une suite de tous ses prédécesseurs jusqu’à Louis XIV. gravée très-proprement en relief sur de petites agates ; mais on sait que c’est une suite de la même grandeur, d’une même main, & d’un ouvrage exquis, qu’on fit à plaisir sous le regne de Louis XIII.

Les médailles d’Espagne, de Portugal, & des couronnes du Nord, ne sont que du dernier siecle. En Italie, les plus anciennes, j’entends celles de Sicile, de Milan, de Florence, ne forment aucune suite, & ne se trouvent que moulées. Telles sont les médailles de René & d’Alphonse, rois de Sicile, de François de Sforce, duc de Milan, & du grand Côme de Médicis.

En un mot, la Hollande seule, par la quantité de médailles qu’elle a fait frapper, forme une histoire intéressante. Elle commence par la fameuse médaille de 1566, sur laquelle les confédérés des Pays-Bas qui secouerent la tyrannie du roi d’Espagne, firent graver une besace, à cause du sobriquet de gueux qu’on leur donna par mépris, & qu’ils affecterent de conserver.

Il ne faut donc pas s’étonner qu’il y ait peu de livres qui traitent des médailles modernes. Je ne connois que ceux du pere du Moulinet & de Bonanni pour les papes ; de Luckius, de Trypotius, de la France métallique dont j’ai parlé ; de l’abbé Bizot & de Van-Loon pour la Hollande. Voici les titres de ces sept ouvrages.

1°. Claudii du Moulinet historia summorum pontificum à Martino V. ad Innocentium XI. per eorum numismata ; id est, ab anno 1417 ad an. 1678. Paris. 1679, fol.

2°. Numismata pontificum romanorum à tempere Martini V. ad ann. 1699, illustrata à Philippo Bonanni S. J. Romae, 1699, 2 vol. fol.

3°. Sylloge numismatum elegantiorum, quæ diversi imp. reges, principes, respublicæ, diversas ob causas, ab anno 1500 ad annum usque 1600 cudi fecerunt, &c. operâ Joh. Jac. Luckii argentoratensis. Argentinæ, 1620, fol.

4°. Symbola divina & humana pontificum, imperatorum, regum. Accessit brevis isagoge Jac. Trypotii ex musæ Octav. de Strada. Sculptor Egidius Sadeler ; Pragæ, 1601, fol.

5°. La France métallique, contenant les actions célebres, tant publiques que privées, des rois & reines, marquées en leurs médailles d’or, d’argent & de bronze, par Jacques de Bie ; Paris, 1636, in-fol.

6°. Histoire métallique de Hollande, par M. l’abbé Bizot ; Paris, 1687, fol.

7°. Mais l’ouvrage de Van-Loon est bien autrement complet : il est intitulé histoire métallique des dix-sept provinces des Pays-Bas, depuis l’abdication de Charles V. jusqu’à la paix de Bade conclue en 1716, traduite du hollandois de M. Girard Van-Loon ; à la Haie, 1732, 1737, 5 vol. in-fol.

Pour ce qui concerne l’histoire de Louis le Grand & des événemens de son regne par les médailles, de l’imprimerie royale, 1702 & 1723, in-fol. tout le monde fait ce qu’il en faut penser. (D. J.)

Médaille d’or, (Art numismat.) Dans le grand nombre des médailles d’or greques & romaines, il y en a qui sont, soit or fin, toujours plus pur & d’un plus bel œil que le nôtre ; soit or mêlé plus pâle, d’un aloi plus bas, & ayant environ sur quatre parts un cinquieme d’alliage ; soit enfin or notablement alteré, tel que nous le voyons dans certaines gothiques. Il faut observer, que quoique Sévere Alexandre, eût donné la permission de se servir d’alliage dans les monnoies, cela n’a point empêché que les médailles de ce prince & de ceux qui lui ont succedé, même dans le bas empire, ne soient ordinairement d’un or aussi pur & aussi fin que du tems d’Auguste, le titre ne se trouvant proprement altéré que dans les gothiques.

L’or des anciennes médailles grecques est extrèmement pur ; l’on en peut juger par celle de Philippe de Macédoine & d’Alexandre le grand, qui vont à vingt-trois karats & seize grains, à ce que dit M. Patin, l’un des fameux antiquaires du dernier siecle. On lui est redevable d’avoir tâché d’inspirer aux curieux l’amour des médailles, & de leur en avoir facilité la connoissance.

L’or des médailles impériales est aussi très-fin, & de même alloi que celui des Grecs ; c’est-à-dire au plus haut titre qu’il puisse aller, en demeurant maniable : car les affineurs le préferent encore aujourd’hui à celui des sequins & des ducats ; & du tems de Bodin, les orfévres de Paris ayant fondu un Vespasien d’or, ils n’y trouverent qu’un 788e d’empirance qui est l’alliage.

Il faut se souvenir que les Romains ne commencerent à se servir de monnoies d’or que l’an 547. de Rome, afin que l’on ne soit pas trompé à celles qui se trouveront avant ce tems-là. Par exemple, si l’on nous présentoit quelqu’un des rois de Rome, ou des premiers consuls frappés sur l’or, il n’en faut pas davantage pour conclure que c’est une fausse médaille : j’entends qu’elle n’est point frappée du tems de ces rois ou de ces consuls, car les descendans de ces familles, plusieurs siecles après, ont fait frapper quelquefois les têtes de leurs ancêtres : témoin celles de Quirinus, de Numa, d’Ancus Martius, de Junius-Brutus ; & ces sortes de médailles ne laissent pas d’être antiques par rapport à nous, quoiqu’elles ne soient pas du tems de ceux qu’elles représentent. (D. J.)

Médaille d’argent, (Art numismat.) l’usage des médailles d’argent commença chez les Romains l’an 485. de Rome. L’on en trouve en beaucoup plus grand nombre que d’or, mais l’argent n’en est pas si fin que le titre des médailles d’or ; car les curieux ont remarqué par les fontes, que les Romains ont toujours battu les médailles d’or sur le fin, au lieu qu’ils ont frappé celles d’argent à un titre d’un sixieme plus bas que nos monnoies de France. On ne laisse pas d’appeller argent fin, l’argent des médailles qui se trouvent jusqu’à Septime Sévere, en comparaison de celles qui se trouvent jusqu’à Constantin, dont l’argent est bas & fort allié. On le nomme communément potin. Voyez Médaille de potin.

Savot remarque, qu’Alexandre Sévere, fit battre de la monnoie d’argent, où il n’y avoit qu’un tiers de fin, quoique le poids fut toujours le même. On l’appella néanmoins Restitutor monetæ, ce qui fait voir combien de son tems la monnoie avoit été altérée.

Didius Julianus est le premier qui ait corrompu le titre des médailles d’argent ; il le fit, à ce qu’on prétend, pour remplir plus aisément ses coffres qu’il avoit épuisés par ses largesses, en achetant l’empire des soldats prétoriens, qui venoient de massacrer Pertinax. Depuis Didius Julianus, le titre alla toujours en baissant, & certainement les médailles de ce prince ont moins d’alliage que celles de Septime Sévere : & celles de ce dernier sont encore moins mauvaises, que celles de Sévere Aléxandre. Sous Gordien, c’est encore pis, & peut-être c’est par cette raison, que l’on trouve sous cet empereur, les médailles d’un module plus grand & plus épais ; car quoique ce module soit connu dès le tems de Septime Sévere, de sa femme Julia Pia, & de son fils Caracalla ; il est cependant vrai, qu’il y a peu de ce grand module sous ces princes ; comme il y a fort peu de petit module sous Gordien.

Gallien alla encore en baissant le titre, & je crois qu’il n’est pas douteux que sa monnoie d’argent, quoiqu’elle eût au-moins quatre cinquiemes d’alliage, ne fût la seule monnoie d’argent, connue pour lors dans l’Empire. Je n’ignore pas cependant, que quelques curieux prétendent avoir des médailles d’argent pur de ces tems là, & même de Probus, de Carus, &c. mais ces médailles qu’ils vantent tant, sont toutes fausses, & cela paroît assez prouvé par les médailles fourrées, que nous trouvons sous Gallien, & même sous Posthume. Comment auroit-on risqué sa vie pour fourrer des médailles d’argent pur ? Un antiquaire qui est mort a long-tems vanté une magnia urbica d’argent pur de son cabinet : cette médaille a été vûe & examinée après sa mort ; il est évident qu’elle est moulée.

Depuis Claude le Gothique, jusqu’à Dioclétien, qui rétablit la monnoie, il n’y a plus d’argent du-tout dans les médailles ; ou s’il s’en trouve quelques-unes, elles sont si rares que l’exception confirme la regle. On a frappé pour lors sur le cuivre seul, mais après l’avoir couvert d’une feuille d’étain. C’est ce qui donne cet œil blanc aux médailles que nous appellons saucées, telles que plusieurs Claudes, les Auréliens, & la suite jusqu’à Numérien inclusivement. On trouve même encore de ces médailles saucées sous Dioclétien, Maximien, Constance Clore, & Galéro Maximien ; quoique l’usage de frapper sur l’argent pur fût déja rétabli.

Je ne sai si quelque cabinet peut fournir des Licinius, des Maxences, & des Maximins de cette espece ; on y trouveroit plutôt de vrai billon. En tout cas, il semble qu’il ne soit plus question de médailles saucées sous Constantin. Au reste, si les auteurs qui nous ont donné des collections de médailles eussent fait cette attention, ils auroient évité de grossir leurs livres d’un long catalogue de médailles d’argent, entre Posthume & Dioclétien, puisque toutes celles de ce tems là ne sont véritablement que de petit bronze couvert d’une feuille d’étain, & que par conséquent, il étoit inutile de répéter des médailles absolument les mêmes, dans deux différentes classes.

Il n’est pas aisé de deviner, pourquoi l’on cessa tout-à-coup de frapper des médailles d’argent, tandis qu’on continuoit d’en frapper en or ; car il est à remarquer que dans le tems du plus grand affoiblissement, & même de l’anéantissement presque entier des especes d’argent ; celles d’or ont toujours été battues sur le fin. Cela proviendroit-il de ce que la recette d’une grande partie de revenus de l’Empire, s’est toujours faite en or ? La plûpart des termes employés pour exprimer les tributs & les autres impositions, étoient des épithetes d’aurum, comme aurum vicesimarium, aurum coronarium, aurum lustrale, &c. L’empereur étoit intéressé à ne pas permettre qu’on altérât le titre de ce métal, afin que ses finances ne souffrissent pas de cette altération. Au contraire, le trésor impérial faisant ses payemens en argent ou en cuivre ; plus le titre de l’un & le poids de l’autre de ces mêtaux étoient affoiblis, plus le fisc y trouvoit son compte, parce que cet affoiblissement des especes n’en faisoit pas changer la valeur dans le commerce ; & qu’avec une plus petite quantité d’or, on pouvoit avoir du cuivre en masse pour en faire de la monnoie, à laquelle l’on donnoit la valeur des pieces d’argent, en y ajoutant une feuille d’étain affiné.

Cet expédient à la fin ruineux pour l’état, a pû être un effet de la nécessité où se sont trouvés les empereurs, de recourir aux moyens les plus odieux, pour payer leurs troupes, pendant le désordre où l’Empire se vit plongé depuis Gallien jusqu’à Dioclétien & Maximien ; car durant tout cet intervalle de tems, l’Empire fut toujours attaqué au-dehors par les nations Barbares qui l’environnoient, & déchiré au-dedans par les tyrans, qui s’éleverent ou ensemble, ou successivement dans ses différentes provinces. (D. J.)

Médaille de billon, (Art nunismat.) On nomme ainsi toute médaille d’or ou d’argent, mêlée de beaucoup d’alliage, car le billon en matiere de monnoie, signifie toutes sortes de matiere d’or ou d’argent alliée, c’est-à-dire mêlée au-dessous d’un certain degré, & principalement de celui qui est fixé pour la fabrication des monnoies.

Depuis le regne de Gallien & de ses successeurs, on ne trouve presque que des médailles de pur billon, dont les unes sont battues sur le seul cuivre, & couvertes d’une feuille d’étatin ; on les nomme médailles saucées : les autres n’ont qu’une feuille d’argent battue fort adroitement sur le cuivre ; on les appelle médailles fourrées. Voyez Médaille fourrée. (D. J.)

Médaille de bronze, (Art numismat.) c’est par le mot de bronze qu’on a cru devoir annoblir le nom de cuivre, en termes de médaillistes. Le bronze est comme on sait, un mélange de cuivre rouge & de cuivre jaune, dont les antiquaires ont formé trois especes différentes de médailles, qu’ils appellent le grand, le moyen & le petit bronze, selon la grandeur, l’épaisseur & l’étendue de la médaille ; la grosseur & le relief de la tête. (D. J.)

Médaille de cuivre, (Art numismat.) Quoique tout le cuivre dans la distinction des suites dont les cabinets sont composés, ait l’honneur de porter le nom de bronze, on ne laisse pas néanmoins de le distinguer par les métaux. Quand on en veut parler exactement, comme M. Savot a fait dans son Disc. des Méd. II. part. ch. xvij.

On voit plusieurs médailles de cuivre rouge dès le tems d’Auguste, particulierement parmi ce qu’on appelle moyen bronze.

On en voit aussi de cuivre jaune dès le même tems parmi le grand bronze, comme parmi le moyen.

Il s’en trouve de vrai bronze dont l’œil est incomparablement plus beau ; mais on n’en connoît point de cuivre de Corinthe. Il est très-vraissemblable que ce cuivre ne fut jamais introduit dans les monnoies, parce que c’eût été y mettre une grande confusion ; puisqu’alors il auroit dû y avoir une différence de valeur dans des pieces de même grandeur & de même poids, ce qui auroit exposé le public à toutes sortes de fraudes & de tromperies.

Cependant il y a des médailles de deux cuivres qui ne sont point alliés, mais dont seulement l’un enchâsse l’autre, & qui sont frappées d’un même coin ; tels sont quelques médaillons antiques de Commode, d’Adrien, &c. & certains autres, qui sans cela ne seroient que de grand & de moyen bronze. L’on peut y remarquer, que les caracteres de la légende mordent quelquefois sur les deux métaux ; d’autres fois ils ne sont que sur l’intérieur, auquel le premier cercle de métal ne sert que d’encastillement. (D. J.)

Médaille d’étain, (Art numism.) c’étoient vraissemblablement des médailles de plomb noir & de plomb blanc ; mais il ne nous en est point parvenu.

Cependant les anciens ont employé quelquefois l’étain à faire de la monnoie. Jules Pollux nous apprend que Denys le Tyran força les Syracusains à battre de la monnoie d’étain au lieu d’argent, & qu’il fixa la valeur de ces sortes de pieces à quatre drachmes.

Une loi du digeste (c’est la loi 9, ad leg. Cornel. de Fals.) défend d’acheter & de vendre des pieces de monnoies d’étain ; d’où il est évident que les anciens avoient frappé des médailles en ce métal ; mais Savot, discours sur les médailles, part. II. c. ij. & iij. croit qu’on n’a jamais pu se servir pour cela de véritable étain, qui étoit un composé d’argent & de plomb fondus ensemble, ni même de l’étain faux composé d’un tiers de cuivre blanc, & de deux tiers de plomb blanc, parce que l’un & l’autre étoit trop aigre & trop cassant.

On n’a donc pu frapper des médailles que sur deux autres especes d’étain faux, dont l’un se faisoit avec du plomb noir & du plomb blanc mêlés ensemble en égale quantité, & l’autre avec deux tiers de plomb noir, & un tiers de plomb blanc. (D. J.)

Médaille de fer, (Art numismat.) nous ne connoissons point de vraies médailles de fer : il est vrai que César dit que certains peuples de la grande-Bretagne se servoient de monnoies de fer. Il est encore vrai que la même chose est arrivée dans quelques villes de la Grece. Enfin, Savot rapporte qu’il s’est trouvé des monnoies romaines que l’aimant attiroit ; mais ce n’étoit que des médailles fourrées, telles qu’il nous en reste encore plusieurs & du tems de la république, & du tems des empereurs.

Médaille de plomb, (Art numism.) en latin nummus plombeus. Personne ne doute aujourd’hui, qu’il ne nous reste des médailles antiques de plomb. Plaute parle des monnoies de plomb en plus d’un endroit, ei ne nummum crederem, dit un de ses acteurs, cui si capitis res fint, nummum nunquam credam plumbeum : & dans une autre de ses pieces, Tace, sis faber qui cudere solet plumbeos nummos.

A la vérité, Casaubon a prétenau que Plaute donnoit le nom de nummi plumbei à ces petites pieces de bronze, que les Grecs appelloient καλαοι, & κολλυϐοι ; & ce savant homme donne la même explication aux passages de Martial, où il est parlé de médailles de plomb, savoir, épigramm. lib. I. épigram. 79 & lib. X. épigr. 4. Mais l’illustre commentateur de Théophraste, d’Athénée, de Strabon, & de Polybe, auroit bien changé d’avis, s’il eût vu les médailles de ce métal de plomb, qui se sont conservées en grand nombre, jusqu’à des suites de trois à quatre cens dans les cabinets des curieux de Rome.

M. le baron de la Bastie en a vu deux incontestablement antiques, dans le cabinet de M. l’abbé de Rothelin. La premiere dont le revers est entierement fruste, est un Marc-Aurele. La seconde qui est bien conservée, représente d’un côté la tête de Lucius Verus couronnée de laurier : Imp. Coes. L. Verus Aug. Au revers une femme debout vétue de la stole, offre à manger dans une patere qu’elle tient de la main droite, à un serpent qui s’éleve d’un petit autel, autour duquel il est entortillé. On lit pour légende Saluti Augustor. Tr. P. Cos. 11.

Patin déclare dans son Hist. des médailles, p. 50, en avoir vu un grand nombre de greques, & il en cite deux latines de son cabinet. Il est donc certain que les anciens Grecs & Romains se sont servi de monnoies de plomb, quoiqu’il paroisse par les passages de Plaute, cités ci-dessus, que les pieces de ce métal étoient de la plus petite valeur.

Mais il faut prendre garde de n’être pas trompé en achetant des médailles de plomb modernes, pour des médailles antiques de ce métal. Les modernes ne sont de nulle valeur, & les antiques sont très-curieuses ; le plomb en est plus blanc que le nôtre, & plus dur. (D. J.)

Médaille de potin, (Art numismat.) on nomme ainsi des médailles d’argent bas & allié.

Ce sont des médailles d’un métal factice composé de cuivre jaune, & d’un mélange de plomb, d’étain, & de calamita avec un peu d’argent.

Savot dans son discours sur les médailles, définit le potin une espece de cuivre jaune qui ne se peut dorer à cause du plomb qui y entre. On lui donne, ajoute-t-il, le nom de potin, à cause qu’on fait ordinairement les pots de cuivre de cette matiere.

Mais il entroit encore dans la composition du potin, dont on se servoit pour frapper des médailles, environ un cinquieme d’argent, comme on l’a reconnu en en faisant fondre quelques-unes.

On commence à trouver des médailles de potin dès le tems d’Auguste & de Tibere. M. le baron de la Bastie a vu une médaille greque de Tibere au revers d’Auguste en potin, dans le cabinet de M. l’abbé de Rothelin, qui avoit fait une suite presque complette en ce métal, chose singuliere, & qui peut passer pour unique en son genre. (D. J.)

Médaille contrefaite, (Art numismat.) les médailles contrefaites, sont toutes les médailles fausses & imitées.

Nous avons indiqué au mot médaille, les diverses fourberies qu’on met en usage dans leurs contrefaçons, & les moyens de les découvrir. Nous ajouterons seulement ici quelques observations.

Comme les Emiliens de G B., sont fort estimés, & coutent 40 ou 50 francs, les faussaires ont trouvé le moyen d’en faire avec les médailles de Philippe Pere, dont le visage a assez de ressemblance avec celui d’Emilien.

On a trouvé semblablement le secret de donner quelques médailles de Gordien troisieme, aux Gordiens d’Afrique, soit en réformant la légende de la tête, & en mettant AFR au lieu de Pius F. soit en marquant un peu de barbe au menton ; de sorte que quelques-uns ont pris de-là sujet de soutenir que c’étoit un troisieme africain, fils ou neveu des deux autres. Il sera aisé de se desabuser, en se souvenant que tous les revers ou il y a Aug. ne conviennent point aux deux africains, qui marquent ordinairement deux G. G. sur leurs médailles. Ce n’est pas qu’il ne s’en rencontre quelquefois avec Aug. par un seul G, comme providentia Aug. virtus Aug. mais alors le mot A F R. qui se trouve du côté de la tête, empêche qu’on ne puisse y être abusé.

Il ne faut pas se laisser tromper par certains Nérons de moyen bronze, déguisés quelquefois en Othons ; il ne faut pas non plus s’arrêter à la perruque qui paroît si nettement sur l’argent & sur l’or, & condamner sur les médailles où l’on ne la remarque pas ; car quoiqu’elle ne se trouve pas sur les médailles battues hors d’Italie, elles n’en sont pas moins véritables ; & quoique le Padouan ait pris soin de la marquer fort proprement sur le grand bronze, ses médailles n’en sont pas moins fausses.

Enfin, il ne faut pas établir pour regle sans exception qu’on contrefasse uniquement les médailles rares & de grand prix, comme celles dont le même Padouan a pris la peine de faire les carrés : en effet, il y a des médailles très communes qui ne laissent pas d’être contrefaites. (D. J.)

Médaille dentelée, (Art numism.) en latin numisma serrata.

On appelle médailles dentelées ou crenelées, les médailles d’argent dont les bords ont une dentelure. Cette dentelure est une preuve de la bonne & de l’antiquité de la médaille : elles sont communes parmi les médailles consulaires jusques au tems d’Auguste, depuis lequel il n’y en a peut-être aucune.

Il s’en trouve de bronze des rois de Symie, mais il semble que ces dernieres n’ayent été dentelées que pour l’ornement, & non pour la nécessité ; au lieu que dans les médailles d’argent, la fourberie des faux monnoyeurs a obligé de prendre cette précaution dès le tems que la république frappa des monnoies d’argent. En effet, les faux monnoyeurs s’étudioient à contrefaire les coins des monétaires ; & ayant imaginé de ne prendre qu’une feuille d’or ou d’argent pour couvrir le cuivre de leurs médailles, ils la frappoient avec beaucoup d’adresse.

Pour remédier à cette friponnerie, & pour distinguer la fausse monnoie de la bonne, on inventa l’art de créneler, de denteler les médailles, & on décria tous les coins dont on trouvoit des especes fourrées. (D. J.)

Médaille éclatée ou fendue, (Art numism.) on nomme ainsi les médailles dont les bords sont éclatés ou fendus par la force du coin.

Il est bon de savoir que les bords des médailles éclatées par la cause dont nous venons de parler, ne sont pas un défaut qui diminue le prix de la médaille, quand les figures n’en sont point endommagées ; au contraire c’est un des bons signes que la médaille n’est point moulée. Ce signe ne laisse pas néanmoins d’être équivoque à l’égard des fourbes qui auroient battu sur l’antique ; car cela ne prouveroit pas que la tête ou le revers ne fût d’un coin moderne, & peut-être tous les deux. (D. J.)

Médaille fausse, (Art numism.) toute médaille faite à plaisir, & qui n’a jamais existé chez les anciens. On nomme aussi médailles fausses, les médailles antiques, moulées, réparées, vernissées, restituées, avec des coins modernes, réformées avec le marteau ; celles dont les revers ont été contrefaits, insérés, appliqués ; celles dont la tête, les légendes ont été altérées ; enfin, celles qu’on a fait éclater ou fendre exprès en les frappant. (D. J.)

Médaille fourrée, (Art numismat.) médaille de bas alloi avec un faux revers.

Les antiquaires nomment spécialement médailles fourrées, celles de l’antiquité qui sont couvertes d’une petite feuille d’argent sur le cuivre ou sur le fer, battues ensemble avec tant d’adresse, qu’on ne les reconnoît qu’à la coupure. Ce sont de fausses monnoies antiques, qui malgré leur antiquité reconnue, ne méritent aucune foi dans l’histoire.

Rien de plus commun que ces sortes de pieces, pour qui s’est familiarisé avec l’antique, & rien de plus rare qu’un antiquaire, qui sachant résister à la vanité de posséder une médaille unique, ne fasse de celles-ci que le cas dont elles sont dignes.

On n’aura pas de peine à croire que l’objet de l’attention des gouvernemens se soit porté en tout tems, & en tout pays, sur les faux monnoyeurs. De-là ce qu’on appelle fausse-monnoie, a été un ouvrage de ténebres. Ceux que l’avidité du gain a entraîné dans un métier si dangereux, ont ordinairement exercé leur art dans des lieux obscurs & retirés ; & c’étoient plutôt des gens sans connoissance & sans éducation, qui exposoient ainsi leur vie pour un vil intérêt, que des hommes instruits & capables de travailler avec exactitude. Aussi voyons-nous peu de ces médailles fourrées, sur lesquelles on ne remarque des erreurs grossieres, soit dans les dates, lorsque le même consulat, la même puissance tribunitienne, sont répétées sur les deux faces de la médaille, ou qu’on y trouve une différence réelle, & quelquefois de plusieurs années, soit dans les faits, lorsqu’ils ne conviennent qu’à un prince qui régnoit devant, ou après celui, dont la tête est représentée de l’autre côté de la médaille.

Ces fautes doivent être imputées aux fabricateurs de ces fausses monnoies. L’inquiétude inséparable de toute action qui met la vie dans un risque perpétuel, ne s’accorde guere avec l’attention nécessaire pour la correction d’un ouvrage. Ils frappoient donc leurs fausses médailles suivant que le hasard arrangeoit les différens coins, que ce même hasard avoit fait tomber entre leurs mains ; ils joignoient à la tête d’un empereur le premier revers qu’ils rencontroient, & ne craignoient point que ce bisarre mélange pût empêcher le cours de leurs especes, parce qu’ils jugeoient des autres par eux-même, & que leur ignorance ne leur permettoit pas de s’appercevoir de leurs propres bétises.

M. Geinoz en a observé quantité sur des médailles fourrées du seul cabinet de M. l’abbé Rothelin. Il a vu avec étonnement dans Trajan, son sixieme consulat marqué au revers d’une médaille d’argent, qui du côté de la tête, ne porte que le cinquieme. Dans Hadrien fortunæ rœduci, où le mot reduci est écrit avec un æ. Dans M. Aurele, la vingt-quatrieme puissance tribunitienne d’un côté, pendant que l’autre n’exprime que la dix-huitieme. Ici des consulats & des puissances tribunitiennes au revers d’une impératrice ; là des types & des légendes qui ne conviennent qu’à des princesses, au revers de la tête d’un empereur. Dans Gordien, un de ces revers que fit frapper Philippe pour les jeux séculaires qui se célebroient sous son regne ; quelquefois une tête impériale avec le revers d’une médaille consulaire. Enfin, des exemples sans nombre de tout ce que peuvent produire en ce genre la négligence, la précipitation, l’ignorance, ou le manque de coins nécessaires, pour frapper toutes les médailles qu’ils vouloient imiter.

Il faut en conclure, que d’ajouter foi à ces sortes de médailles, & vouloir en tirer avantage pour faire naître des problèmes dans l’histoire, c’est tromper le public par de frivoles & fausses discussions. Si ceux qui jusqu’à présent nous ont donné des catalogues de médailles, n’ont point eu soin de distinguer ces fausses monnoies d’avec les vraies, c’est un reproche bien fondé que nous sommes en droit de leur faire. Mêler les medailles fourrées avec les médailles légitimes, c’est mêler de faux titres avec ceux qui sont vrais ; c’est confondre la Fable avec l’Histoire.

Mais, dira-t-on, pourquoi les médailles fourrées sont-elles presque toûjours rares, & même assez souvent uniques ? C’est d’abord parce que les fausses monnoies n’ont jamais été aussi abondantes que les vraies. C’est encore, parce que celles-là ont été plus aisément détruites par la fouille & les autres accidens, qui font plus d’impression sur le fer & sur le cuivre, que sur l’or & sur l’argent. C’est enfin, parce qu’il est assez rare, que la même faute soit souvent répétée par des ouvriers qui n’ont d’autres conducteurs que le hasard.

On a peine à comprendre aujourd’hui que les fausses pieces pussent avoir cours autrefois, & qu’on ne s’apperçût pas d’abord de leur fausseté, par la contrariété qui se trouvoit entre la tête & le revers ; mais, on ne sauroit faire là-dessus la moindre comparaison entre les pieces de monnoie de notre siecle, & celles qui avoient cours chez les anciens. Nos monnoies conservent le même revers pendant long-tems, & il n’y a par exemple, à tous nos louis, & à tous nos écus, qu’un seul & même revers ; en sorte que si l’on en présentoit quelques uns qui portassent d’un côté la tête de Louis XV. & de l’autre des revers employés sur les monnoies de Louis XIV. ils seroient aisément reconnus pour faux, & ne passeroient pas dans le commerce. Il n’en étoit pas de même chez les Romains ; chaque année, chaque mois, & presque chaque jour, on frappoit une prodigieuse quantité de revers différens pour la même tête. Comment distinguer du premier coup d’œil, dans cette variété presqu’infinie de revers, si celui qu’on voyoit sur la piece de monnoie qu’on représentoit, répondoit à la tête qui étoit de l’autre côté ? Chaque particulier étoit-il en état de faire cette distinction ? Tout le monde savoit-il lire, pour pouvoir juger si la légende de la tête convenoit avec celle du revers ? Il n’y avoit donc à proprement parler, que le côté de la tête qui fût le caractere de la monnoie courante ; & il suffisoit que cette tête fût celle de quelque empereur, de quelque princesse, de quelque César, &c. pour qu’elle fût reçue dans le commerce ; car pour lors, ce n’étoit pas l’usage qu’à tous les avenemens des empereurs au trone, en commençant de battre monnoie à leur coin, on décriât les pieces qui étoient marquées au coin de leurs prédécesseurs.

C’est à la faveur de cet usage, par lequel toute piece de monnoie qui portoit l’image d’un empereur, soit pendant sa vie, soit après sa mort, avoit un libre cours dans l’empire, que les faux monnoyeurs apporterent moins de soin à copier exactement les monnoies qu’ils vouloient contrefaire. Cependant il n’y a pas d’apparence que leur fraude ait été long-tems cachée. Des qu’on reconnoissoit les pieces fausses, sans doute on se hâtoit de les décrier, de les refondre, & d’en briser les moules & les coins : de là vient que plusieurs médailles fourrées sont uniques en leur espece, & la plûpart très rares. Mais en attendant que la fraude fût découverte, les faussaires avoient le tems de travailler, de faire circuler leur fausse monnoie dans le public, & de se dédommager de leurs frais, peut-être même de gagner considérablement.

Après tout, quelles que soient les causes des fautes qu’on trouve sur les médailles fourrées, il suffit pour les décréditer, de prouver qu’elles en sont remplies, & qu’elles ne peuvent servir de preuve à aucun fait historique. Or c’est ce dont tous les antiquaires conviennent. Voyez le mémoire de M. le baron de la Bastie, inséré dans le recueil de l’acad. des Inscriptions tome XII.

Il ne faut pas cependant imaginer que les médailles qui ont été frappées par ordre du prince, & sous les yeux du magistrat, soient toûjours exemptes de fautes. Il s’en trouve dont la légende n’est pas exacte ; tantôt quelques lettres y sont obmises ; tantôt il y en a de superflues ; on en voit où les lettres sont transposées, & d’autres où le monétaire à la place des lettres véritables, en a substitué qui ne signifient rien, ou dont le sens ne s’accorde nullement avec le type. Sur quelques-unes, la tête du même prince est gravée en relief des deux côtés, souvent avec des inscriptions qui portent des dates différentes. Sur quelques autres qu’on nomme incuses, la même tête est d’un côté en relief, & de l’autre en creux. Quelquefois le revers d’un empereur est joint à la tête d’une impératrice ; ou bien le revers gravé pour une impératrice, est uni à la tête d’un empereur. Enfin, il est certaines médailles qui ont été frappées plus d’une fois, & celles-là nous représentent souvent l’assemblage monstrueux de mots composés de deux légendes différentes. Voyez Médaille antique. (D. J.)

Médaille frappée sur l’antique (Art numismat. ) les médailles ainsi nommées sont celles que l’on a reformées par fourberie avec le marteau, & auxquelles on a ensuite donné une nouvelle empreinte. Voyez sur cette ruse le mot Médaille.

Médaille non frappée, (Art numismat.) on nomme ainsi des pieces de métal d’un certain poids, qui servoient à faire des échanges contre des marchandises ou des denrées, avant qu’on eût trouvé l’art d’y imprimer des figures ou des caracteres par le moyen des coins & du marteau. On peut lire au sujet de ces sortes de médailles, une savante dissertation de Sperlingius, intitulée, Sperlingii (Othonis) dissertatio de nummis non cusis, tàm veterum quàm recentiorum. Amst. 1700, in-4.

Médaille fruste, (Art numismat.) les antiquaires appellent médailles frustes, toutes celles qui sont défectueuses dans la forme, & qui pechent, soit en ce que le métal est rogné, le grenetis effleuré, la légende effacée, les figures biffées, la tête méconnoissable, &c. Il faut qu’une telle médaille soit fort rare, pour que les curieux l’estiment précieuse malgré ses défauts.

Médaille inanimée, (Art numismat.) les antiquaires appellent médailles inanimées, celles qui n’ont point des légendes, parce que la légende est l’ame de la médaille. Voyez Légende, (Art numis.)

Médaille incertaine, ou inconnue, (Art numismat.) les antiquaires nomment ainsi les médailles dont on ne peut déterminer ni le tems, ni l’occasion pour laquelle on les a fait frapper. M. le baron de la Bastie en cite pour exemple dans cette classe, une d’argent qui étoit dans le cabinet de M. l’abbé de Rothelin. Cette médaille offre d’un côté une tête couronnée de laurier, avec une barbe fort épaisse. La légende est Hercules adsertor : au revers est une femme debout, tenant un rameau de la main droite, & une corne d’abondance de la gauche. On lit autour, florente fortunâ. (D. J.)

Médaille incuse, (Art numismat.) les médailles qui ne sont marquées que d’un côté, s’appellent médailles incuses.

Ce défaut est fort commun dans les monnoies modernes, depuis Othon jusques à Henri l’Oiseleur. Dans les antiques consulaires, il se trouve aussi des médailles incuses, & quelques-unes dans les impériales de bronze & d’argent.

La conformation de ces médailles pourroit surprendre un nouveau curieux, parce qu’au lieu de revers, elles n’ont que l’impression de la tête en creux, comme si on eût voulu en faire un moule ; mais il est certain que cette défectuosité vient de l’oubli, ou de la précipitation du monnoyeur, qui avant que de retirer une médaille qu’il venoit de frapper, remettoit une nouvelle piece de métal, laquelle trouvant d’une part le quarré, & de l’autre la médaille précedente, recevoit l’impression de la même tête, d’un côté en relief, & de l’autre en creux ; mais toujours plus imparfaitement d’un côté que de l’autre, l’effort de la médaille étant beaucoup plus foible que celui du quarré.

Médaille martelée, (Art numismat.) on appelle une médaille martelée, celle dont on a fait une médaille rare d’une médaille commune, en se servant du martelage. On prend une médaille antique, mais fort commune, on en lime entierement le revers qui est commun, & on y frappe à la place un nouveau revers qui est rare, avec un coin tout neuf, qu’on rend exprès dans le goût antique le plus qu’il est possible. On prend garde dans cette opération frauduleuse, d’altérer la tête qui doit être conservée dans sa pureté. Comme c’est à coups de marteau qu’on empreint ce nouveau revers on a donné à ces sortes de médailles le nom de martelées. Les habiles antiquaires reconnoissent la supercherie, en comparant la tête avec le revers, dont ils apperçoivent bientôt la différente fabrique. (D. J.)

Médaille moulée, (Art numismat.) on appelle médailles moulées, des médailles antiques jettées en sable dans des moules, & ensuite réparées.

On a découvert à Lyon au commencement de ce siecle, des moules de médailles antiques, dont la fabrique n’est pas indigne de notre curiosité.

La matiere de ces moules est un argille blanchâtre ; cuite ; leur forme est plate, terminée par une circonférence ronde, d’un pouce de diametre ; leur épaisseur est de deux lignes par les bords, & est diminuée dans cet espace, de l’un ou des deux côtés du moule, qui a été cavé par l’enfoncement de la piece de monnoie, dont le type y est resté imprimé. Je dis de l’un ou des deux côtés du moule, parce que la plûpart ont d’un côté l’impression d’une tête, & de l’autre celle d’un revers, & que quelques-uns ne sont imprimés que d’un côté seulement.

Chacun de ces moules a un endroit de son bord ouvert par une entaille, qui aboutit au vuide formé par le corps de la piece imprimée ; & comme la forme plate & l’égalité de la circonférence de tous ces moules les rendent propres à être joints ensemble par arrangement relatif des types, à ceux des revers dont ils ont conservé l’impression, & dans une disposition où toutes ces entailles se rencontrent, on s’apperçoit d’abord que le sillon continué par la jonction de ces crénelures, servoit de jeu au grouppe formé de l’assemblage de ces moules, pour la fusion de la matiere destinée aux monnoies.

Ce grouppe qui pouvoit être plus ou moins long ; selon le nombre des moules à double type dont on le composoit, se terminoit à chaque extrèmité par un moule imprimé d’un côté seulement. Il est facile de juger par le reste de terre étrangere, comme attachée aux bords de quelques-uns de ces moules, que la terre leur servoit de lut pour les tenir unis, & pour fermer toutes les ouvertures par lesquelles le metal auroit pû s’échapper ; ce lut étoit aisé à séparer de ces moules sans les endommager, lorsqu’après la fusion, la matiere étoit refroidie.

L’impression des types des têtes de Septime Sévere, de Julia Pia & d’Antonin leur fils, surnommé Caracalla, qui s’est conservée sur ces moules, rend certaine l’époque du tems de leur fabrique ; c’est celui de l’empire de ces princes, dont les monnoies devoient être abondantes à Lyon, puisque le premier y avoit séjourné assez de tems après la victoire qu’il y remporta sur Albin, & que cette ville étoit le lieu de la naissance du second.

Un lingot de billon, dont la rouille verdâtre marquoit la quantité de cuivre dominante sur la portion de l’argent qui y entroit, trouvée en même tems & au même lieu que ces moules dont nous parlons, ne laisse aucun lieu de douter qu’ils n’ayent servi à jetter en sable des monnoies d’argent, plutôt que des monnoies d’or.

Il paroît par cette description, & par l’usage que les anciens faisoient de ces moules, que leur maniere de jetter en fonte étoit assez semblable à la nôtre, & que ce qu’ils avoient de particulier étoit la qualité du sable dont ils se servoient, qui étoit si bon & si bien préparé, qu’aprés 1400 ans, leurs moules sont encore en état de recevoir plusieurs fusions.

La bonté des moules, & le grand nombre qu’on en avoit déja trouvé du tems de Savot dans la même ville de Lyon, l’ont persuadé que les Romains mouloient toutes leurs monnoies. Fréher adopta l’idée de Savot, & leur suffrage entraîna tous les antiquaires ; mais on est aujourd’hui bien revenu de cette erreur, & les savans sont convaincus que tous ces moules n’avoient été employés que par les faux monnoyeurs, du genre de ceux qui joignent à la contrefaçon par le jet en sable, la corruption du titre, en augmentant considérablement l’alliage du cuivre avec l’argent.

De-là vient cette différence notable du titre qu’on observe assez souvent dans beaucoup de pieces d’argent du même revers & de même époque sous un même empereur. Cette maniere de falsifier la monnoie, avoit prévalu sur la fourrure, dès le tems de Pline, qui en fait la remarque.

La décadence de la Gravure, qui sous Septime Sévere étoit déja considérable, & l’altération qu’il avoit introduite dans le titre des monnoies, favoriserent encore davantage les billonneurs & les faussaires, en rendant leur tromperie plus aisée. La quantité de ces moules qu’on a découverts à Lyon en différens tems, fait assez juger qu’il devoit y avoir une multitude étonnante de ces faussaires. Le nombre devint depuis si prodigieux, dans les villes mêmes où il y avoit des préfectures des monnoies, & parmi les officiers & les ouvriers qui y étoient employés, qu’il fut capable de former à Rome, sous l’empereur Aurélien, une petite armée, qui, dans la crainte des châtimens dont on les menaçoit, se révolta contre lui, & lui tua dans un choc sept mille hommes de troupes réglées. Bel exemple de la force & de l’étendue de la séduction du gain illicite ! Voilà l’extrait d’un mémoire qu’on trouvera sur ce sujet dans le tom. III de l’acad. des Inscript. (D. J.)

Médaille réparée, (Art numismat.) les antiquaires nomment médailles réparées, les médailles antiques qui étoient frustes, endommagées, & qu’on a rendu par artifice entieres, nettes & lisibles. Nous avons parlé de cette ruse au mot Médaille.

Médaille saucée, (Art numismat.) c’est-à-dire, médaille battue sur le seul cuivre, & ensuite couverte d’une feuille d’étain.

Depuis Claude le Gothique, jusqu’à Dioclétien, il n’y a plus d’argent du-tout dans les médailles, ou s’il s’entrouve dans quelques-unes, elles sont si rares, que l’exception confirme la regle. On a frappé pour lors sur le cuivre seul, mais après l’avoir couvert d’une feuille d’étain ; c’est ce qui donne cet œil blanc aux médailles que nous appellons saucées. Tels sont plusieurs Claudes, les Auréliens, & la suite jusqu’à Numérien inclusivement. On trouve même encore de ces médailles saucées sous Dioclétien, Maximien, quoique l’usage de frapper sur l’argent pur fût déja rétabli. Je ne sai si quelque cabinet peut fournir des Licinius, des Maxences & des Maximes de cette espece ; on y trouveroit plutôt de vrai billon. En tout cas, il semble qu’il ne soit plus question de médailles saucées sous Constantin. Au reste, si les auteurs qui nous ont donné des collections de médailles eussent fait cette attention, ils auroient évité de grossir leurs livres d’un long catalogue de médailles d’argent, entre Posthume & Dioclétien, puisque toutes celles de ce tems-là ne sont véritablement que de petit bronze couvert d’une feuille d’étain, & que par conséquent il étoit inutile de répéter des médailles absolument les mêmes dans deux différentes classes.

Médaille sans tête, (Art numismat.) nom des médailles qui se trouvent avec les seules légendes, & sans tête. Telle est celle qui porte une victoire posée sur un globe, avec la légende, salus generis humani : au revers S. P. Q. R. dans une couronne de chêne. Les uns la donnent à Auguste, les autres aux conjurés qui assassinerent Jules-César ; en un mot, on en abandonne l’énigme aux conjectures des savans.

Ces sortes de médailles qui n’ont point de tête, se placent ordinairement à la suite des consulaires, dans la classe qu’on appelle nummiincerti. MM. Vaillant, Patin & Morel, en ont ramassé chacun un assez grand nombre ; mais il y en a beaucoup qui leur ont échappé. Les uns veulent que ces médailles ayent été frappées après la mort de Caligula, d’autres après celle de Néron ; car le sénat, dit-on, crut alors qu’il alloit recouvrer sa liberté & son autorité, & il fit frapper ces monnoies pour rentrer en jouissance de ses anciens droits. Aussi, ajoute-t-on, ces médailles ont-elles pour la plûpart sur un des côtés, ou S. P. Q. R. dans une couronne, ou P. R. signa, ou d’autres symboles, qui paroissent appartenir plutôt à la république, qu’à quelqu’un des empereurs. Mais il y eut trop peu de tems entre la mort de Caligula & l’élection de Claude, & entre la mort de Néron & l’arrivée de Galba à Rome, pour que dans des intervalles si courts, le sénat eût pû faire frapper tant de médailles différentes.

On a peine à se persuader aujourd’hui, que sous les empereurs, on ait fait frapper à Rome ou en Italie des monnoies qui ne portoient ni leur nom, ni leur image, parce qu’on se représente l’empire des Césars, comme une monarchie parfaitement semblable à celles qui sont actuellement établies en Europe. C’est une erreur, dit M. le baron de la Bastie, qu’il seroit aisé de réfuter ; & ceux qui voudront s’en désabuser, n’ont qu’à lire le livre du célebre Gravina, de imperio romano, qu’on a joint aux dernieres éditions de l’ouvrage de ce savant homme, sur les sources du Droit civil. (D. J.)

Médaille contorniate, (Art-numismat.) on appelle contorniate en italien medaglini, contornati, des médailles de bronze avec une certaine enfonçure tout autour, qui laisse un rond des deux côtés, & avec des figures qui n’ont presque point de relief, en comparaison des vrais médaillons. Voyez Contorniates.

J’ajoute ici qu’on ignore en quel tems l’on a commencé d’en frapper, quoique M. Mahudel ait soutenu avec assez de probabilité, que ce fut vers le milieu du iij. siecle de J. C. que l’usage en a continué jusque vers la fin du iv. siecle, & que c’est à Rome, & non pas dans la Grece, qu’il faut chercher l’origine de ces sortes de pieces.

Un savant, qui ne s’est point fait connoître, a prétendu dernierement (en 1636) que les médailles contorniates étoient une invention des personnes employées aux jeux publics, sur la scène, ou dans le cirque. Il croit que ces acteurs, après avoir marqué sur un des côtés de la médaille leur nom, celui de leurs chevaux, & leurs victoires, avoient mieux aimé faire mettre sur l’autre côté le nom & la tête de quelque personnage illustre des siecles précédens, que de le laisser sans type, quoique cela soit arrivé quelquefois.

Cette opinion n’a rien de contraire à celle de M. Mahudel ; mais il faut avouer que l’anonyme se trompe, s’il ne croit pas qu’il y ait d’autres contorniates, que celles sur lesquelles on trouve le nom des athletes, cochers & comédiens, celui des chevaux qui avoient remporté le prix dans les courses du cirque, enfin les victoires des différens acteurs employés aux jeux publics. Nous connoissons plusieurs de ces médailles, où au revers d’Alexandre, de Néron, de Trajan, &c. on ne rencontre rien de semblable ; & M. Havercamp en a fait graver quelques-unes dans sa dissertation d’une médaille contorniate d’Alexandre le grand, & sur les contorniates en général ; mais ce savant homme, qui convient en plus d’un endroit de son ouvrage, que ces médailles ont toutes été fabriquées depuis le tems de Constantin jusqu’à Valentinien III, & qu’elles ont été faites à l’occasion des jeux publics, ne laisse pas de prodiguer l’érudition pour en expliquer les revers, de la même façon que si c’étoient des pieces frappées du tems même des princes dont elles portent l’image.

La médaille qui a donné lieu à sa dissertation, & qu’il lui plaît de rapporter à Alexandre le grand, représente, à ce qu’il prétend, d’un côté l’orient & l’occident, sous la figure de deux têtes qui ouvrent la bouche d’une maniere hideuse, & au revers, les quatre grands empires par quatre sphinx. Comment M. Havercamp ne s’est-il pas apperçu que ce qu’il prend pour deux têtes accollées, ne sont que deux masques fort ressemblans à quelques-uns de ceux qui sont représentés dans les ouvrages de Bergerus & de Ficoroni sur les masques des anciens ? Il est aisé de distinguer un masque d’une tête, puisque les têtes ne sont jamais représentées sans cou, & que les masques n’en ont jamais. Ainsi, cette médaille ne peut avoir rapport qu’aux jeux scéniques. Toutes ces remarques sont de M. le baron de la Bastie. (D. J.)

Médaille contremarquée, (Art numismat.) les Antiquaires appellent ainsi certaines médailles greques ou latines, sur lesquelles se trouvent empreintes par autorité publique différentes figures, types ou symboles, comme dans les médailles greques, ou bien, comme dans les médailles latines, tantôt de simples lettres, tantôt des abréviations de mots frappés sur les mêmes médailles après qu’elles ont eu cours dans le commerce. On recherche toujours avec avidité les raisons politiques qui donnerent lieu à ces médailles contremarquées, & c’est sur quoi nous n’avons encore que des conjectures ; mais voici les faits dont on convient.

1°. Le méchanisme de l’art de contremarquer les médailles, à en juger par l’élévation du métal plus ou moins apparente à l’endroit qui répond directement à la contremarque sur le côté opposé, ne demandoit qu’un grand coup de marteau sur le nouveau poinçon que le monnoyeur posoit sur la piece ; & comme il étoit essentiel que par cette opération les lettres de la légende & les figures du champ de la médaille opposé à la contremarque, ne fussent ni applaties, ni effacées, on conçoit qu’il falloit qu’on plaçât la piece sur un billot d’un bois qui cédât à la violence du coup ; c’est par ce défaut de résistance du bois qui servoit de point d’appui que le métal prêtant sous le marteau, formoit une espece de bosse.

2°. L’art & l’usage de contremarquer les monnoies ont pris leur origine dans la Grece. Le nombre de médailles des villes greques que l’on trouve en argent & en bronze avec des contremarques, ne permet pas d’en douter ; il y en a cependant moins sur les médailles des rois grecs que sur celles des villes de la grande Grece, de l’Asie mineure, & des îles de l’Archipel ; mais de toutes les villes de ces différentes parties de la Grece, il n’y en a point qui ait plus usé de contremarques que la ville d’Antioche de Syrie.

3°. Les Romains du tems de la république ne se sont point servi de contremarques sur leurs monnoies, ni sur celles de bronze qui ont d’abord eu cours à Rome, ni sur celles d’argent ; l’usage n’en a commencé chez eux & sur celles de bronze seulement que sous Auguste, & il paroît finir à Trajan. On ne trouve point de contremarques sur les médailles de Vitellius & de Nerva ; on ne commence à en revoir que sous Justin, Justinien, & quelques uns de leurs successeurs, encore sont-ce des contremarques d’une espece différente, & il y en a des deux côtés de la médaille.

4°. La coûtume des Grecs & celle des Romains en fait de contremarques ont été différentes. Les premiers n’ont employé sur les monnoies de leurs rois & de leurs villes tant qu’elles se sont gouvernées par leurs propres lois, & depuis même qu’elles ont été soumises aux empereurs, que des têtes ou des bustes de leurs dieux, des figures équestres de leurs princes & de leurs héros, ou des figures de plantes, de fruits, & d’animaux qui naissoient dans leur pays, ou de vases & d’instrumens qui étoient en usage ; les derniers au contraire sur leurs monnoies & sur celles de quelques unes de leurs colonies latines, comme de Nîmes, des Empouries & d’autres, ne se sont servi pour contremarques que de monogrammes formés de caracteres romains, ou de mots latins abregés qui composent de courtes inscriptions, ensorte qu’on peut dire qu’on ne voit ordinairement en contremarques sur les médailles romaines impériales aucune figure, ni sur les greques impériales aucune inscription greque. Ajoutez que les contremarques des médailles de villes greques sont faites avec beaucoup d’art & de soin, au lieu que les contremarques des médailles romaines sont renfermées dans des carrés très-grossiers.

5°. Les contremarques des médailles greques sont mises sur toutes les especes courantes à la différence des contremarques des médailles romaines, qui n’ont été placées que sur le bronze. Cependant comme il y avoit très-peu de villes greques où l’on frappât de la monnoie d’or, on n’a point encore vû de leurs médailles en or qui fussent contremarquées.

6°. On n’a pas appliqué pour une seule contremarque sur les médailles latines, mais souvent deux & quelquefois trois ; on les y a placées avec si peu de ménagement pour les têtes & pour les revers, que de cela seul naissoit une difformité si choquante, qu’elle a peut-être suffi pour engager les successeurs de Trajan à proscrire cet usage qui ne reprit faveur que sous quelques empereurs du bas empire, qui avoient totalement perdu le goût des arts.

7°. Le nombre des médailles de bronze contremarquées est fort rare en comparaison de celles du même empereur, du même type & du même coin, qui ne l’ont jamais été. Il y a telle médaille qui se trouve chargée de deux ou trois contremarques différentes, & la même contremarque se trouve aussi employée sur des médailles d’empereurs, & de types tout différens.

8°. Enfin les contremarques que l’on trouve sur les médailles greques & sur celles de bronze de l’empire romain portent avec elles un caractere d’authenticité, qui ne permet pas de penser qu’elles ayent été l’ouvrage du caprice des Monétaires. Tout y annonce l’autorité du ministere public, soit de la part des empereurs, soit de la part du sénat conjointement avec le peuple, soit du consentement du peuple représenté par les principaux magistrats dans les villes greques, par les tribuns à Rome & par les décurions dans les colonies.

Les faits qu’on vient de rapporter sont reconnus de tous les savans, mais il leur est très-difficile de découvrir les motifs qui ont engagé les Romains à contremarquer ainsi quelques-unes de leurs pieces de monnoie. L’opinion la plus généralement adoptée par les Antiquaires, est que les contremarques ont été introduites pour produire, dans des occasions passageres, une augmentation de valeur de monnoie dans le commerce, sans en augmenter la matiere. Mais pourquoi ne voyons-nous point de contremarques sur les médailles consulaires ? Pourquoi sous les empereurs romains trouve-t-on si peu de médailles contremarquées en comparaison de celles qui ne le sont pas, quoique du même prince, du même type & du même coin ? Pourquoi les seules médailles de bronze ont-elles été sujettes à la contremarque, puisque celle sur l’or & sur l’argent auroient donné tout-d’un-coup un profit cent fois plus considérable que sur le bronze ? Enfin pourquoi n’a-t-on pas mis des contremarques indifféremment sur toutes les monnoies du même tems ? Je conviens que les contremarques de médailles des villes greques ayant été faites avec soin & appliquées indifféremment sur toutes les especes courantes, peuvent avoir servi à indiquer une augmentation de valeur dans le commerce ; mais il n’en est pas de même des contremarques des médailles romaines qui n’ont été placées que sur le bronze, & qu’il auroit été facile de contrefaire, si la chose en eût valu la peine. Toutes ces raisons ont fait conjecturer à M. de Boze que les pieces contremarquées ne servoient que comme de mereaux, qu’on distribuoit aux ouvriers employés à des travaux publics, civils ou militaires. Ce système à la vérité est très-ingénieux, mais je doute qu’il puisse seul résoudre toutes les difficultés. Concluons qu’il faut mettre les médailles contremarquées au nombre des énigmes numismatiques qui ne sont pas encore devinées. (D. J.)

Médaille rare, (Art numismat.) toute médaille qui ne se trouve que dans quelques cabinets de curieux, a le nom de médaille rare. On a indiqué au mot médaille les ouvrages qui les font connoître. Je me borne donc à quelques remarques.

Certaines médailles sont rares dans un pays, & sont communes dans l’autre. Tels sont les posthumes dont la France est pleine, & dont on trouve fort peu en Italie : tels les Ælius de grand bronze, qui passent pour rares en Italie, & dont nous avons quantité en France. Ces connoissances sont nécessaires pour faire des échanges.

Ce n’est ni le métal, ni le volume qui rend les médailles précieuses, mais la rareté ou de la tête, ou du revers, ou de la légende. Telle médaille en or est commune, qui sera très-rare en bronze. Telle sera très-rare en argent, qui sera commune en bronze & en or. Tel revers sera commun, dont la tête sera unique. Telle tête sera commune, dont le revers étant très-rare, rendra la médaille d’un fort grand prix. Il seroit inutile d’en mettre ici des exemples. M. Vaillant, dans son dernier ouvrage, en a fait un détail si exact, qu’il n’a rien laissé à desirer pour l’instruction parfaite des curieux.

Il y a des médailles qui ne sont rares que dans certaines suites, & qui sont fort communes dans les autres. Quelques-unes sont rares dans toutes les suites, & jamais dans les autres. Par exemple, on n’a point d’Antonia pour la suite du grand bronze ; il faut nécessairement se servir de celle du moyen bronze. Au contraire on n’a point d’Agrippine, femme de Germanicus, en moyen bronze, mais seulement en grand. L’Othon est rare dans toutes les suites de bronze ; il est commun dans celles d’argent. L’Auguste est commun dans toutes les suites : l’on n’a point pour la suite d’or ni Pauline, ni Tranquilline, ni Mariniana, ni Corn. Supera. On les trouve en bronze & en argent. Les colonies sont communes dans le moyen bronze, elles sont rares dans le grand ; tout cela s’apprend encore chez M. Vaillant, qui s’est donné la peine de marquer le degré de rareté sur chaque médaille en particulier.

Il en est des médailles comme des tableaux, des diamans & de semblables curiosités ; quand elles passent un certain prix, elles n’en ont plus que celui que leur donnent l’envie & les facultés des acquéreurs. Ainsi quand une médaille passe dix ou douze pistoles, elle vaut tout ce qu’on veut. Ainsi la seule curiosité du rare fait monter les Othons de grand bronze à un prix considérable ; & l’on croit que ceux de moyen bronze ne sont point trop chers, quand ils ne coutent que trente ou quarante pistoles. On met presque le même prix aux Gordiens d’Afrique grecs, quoique de fabrique égyptienne, parce qu’on en a de ceux-là en moyen bronze. Les médailles uniques n’ont point de prix limité. Voyez Médaille unique.

Quand il y a plusieurs têtes sur le même côté de la médaille, elle en devient plus rare & plus curieuse, soit que les têtes soient affrontées, c’est-à-dire qu’elles se regardent comme celles de M. Aurele & de Vérus, de Macrin & de Diaduménien, & autres semblables ; soit qu’elles soient accollées comme Néron & Agrippine, Marc-Antoine & Cléopâtre, &c. La médaille devient encore plus précieuse quand on y voit trois têtes, au lieu de deux, comme celles de Valerien avec ses deux fils, Gallien & Valerien le jeune ; celle d’Otacille avec son mari & son fils, &c.

Pour le prix de médailles, il n’est pas aisé de rien décider, puisqu’à proprement parler, il ne dépend que de la disposition du vendeur & de l’acquéreur : car cette curiosité est toute noble, & c’est la passion des honnêtes gens ; un acheteur passionné ne considere pas le prix excessif d’une médaille qu’il trouvera rare, belle, bien conservée, & nécessaire pour une de ses suites : cela dépend aussi de l’honnêteté du vendeur, qui quelquefois préfere à son intérêt la satisfaction d’obliger un galant homme, ravi de l’accommoder d’une médaille qu’il desire. (D. J.)

Médaille restituée, (Art numismat.) on appelle proprement médailles restituées ou de restitution les médailles, soit consulaires, soit impériales, sur lesquelles outre le type & la légende qu’elles ont eu dans la premiere fabrication, on voit de plus le nom de l’empereur qui les a fait frapper une seconde fois, suivi du mot Restituit entier, ou abrégé, Rest.

Telle est la médaille de moyen bronze, où autour de la tête d’Auguste rayonnant on lit : Divus Augustus Pater ; au revers est un globe avec un gouvernail, & pour légende Imp. T. Vesp. Aug. Rest. Telle est encore cette médaille d’argent de la famille Rubria, qui représente d’un côté la tête de la concorde voilée, avec le mot abrégé Dos. c’est-à-dire Dossennus ; au revers un quadrige, sur lequel est une victoire qui tient une couronne au-dessous, L. Rurri, & autour, Imp. Coes. Trajan. Aug. Ger. Dac. P. P. Rest.

Il y a d’autres médailles à qui on donne improprement le nom de restituées, qui semble en être le caractere distinctif. Telles les médailles frappées sous Gallien, pour renouveller la mémoire de la consécration de plusieurs de ses prédécesseurs. Voyez Médailles de consécration.

Mais on ne peut en aucun sens donner le nom de médailles restituées à celles qu’Auguste, Tibere, Caligula, Claude & Néron ont fait frapper avec les noms & la tête de Jules César, d’Auguste, de Livie, d’Agrippa, d’Agrippine, de Drusus, de Germanicus, parce que ce ne sont pas d’anciens types qu’on ait employé de nouveau, mais des especes absolument nouvelles, tant pour le type que pour le coin.

Ce n’est que sous Titus qu’on commence à voir des médailles restituées, & nous en connoissons de frappées pour Auguste, Livie, Agrippa, Drusus, Tibere, Drusus fils de Tibere, pour Germanicus, Agrippine mere de Caligula, pour Claude, pour Galba & pour Othon. A l’exemple de Titus, Domitien restitua des médailles d’Auguste, d’Agrippa, de Drusus, de Tibere, de Drusus fils de Tibere, & de Claude, Nous ne connoissons jusqu’à présent que des médailles d’Auguste restituées par Nerva : Trajan en a restitué de presque tous ses prédécesseurs : on connoît celles de Jules César, d’Auguste, de Tibere, de Claude, de Vespasien, de Titus & de Nerva.

Il avoit outre cela restitué un très-grand nombre des médailles des familles romaines ; on a celles des familles Æmilia, Cœcilia, Carisia, Cassia, Claudia, Cornelia, Cornuficia, Didia, Horatia, Julia, Junia, Lucretia, Mamilia, Maria, Martia, Memmia, Minucia, Norbana, Numonia, Rubria, Sulpitia, Titia, Tullia, Valeria, Vipsania. On trouve enfin une médaille restituée par Marc-Aurele & Lucius Verus ; on y voit d’un côté la tête de Marc-Antoine, & pour légende Ant. Aug. III. Vic. R. P. C. au revers l’aigle légionnaire au milieu de deux autres enseignes militaires avec ces mots : Leg. VI. Antoninus & Verus Aug. Rest. Voilà toutes les restitutions proprement dites, connues jusqu’à présent ; mais les savans ont été partagés sur l’idée qu’on devoit attacher au mot Rest. c’est-à-dire Restituit, qui se lit sur toutes ces médailles en abrégé ou entier.

La plûpart des Antiquaires croient d’après Vaillant, que ce mot signifie seulement que Titus, Domitien, Nerva & Trajan ont fait refaire des coins de la monnoie de leurs prédécesseurs ; qu’ils ont fait frapper des médailles avec ces mêmes coins, & qu’ils ont permis qu’elles eussent cours dans le commerce, ainsi que leurs propres monnoies. A leur avis, Trajan ne s’est pas contenté de faire frapper des médailles au coin des princes ses prédécesseurs ; il a de plus fait rétablir tous les coins dont on s’étoit servi pour les médailles consulaires, lorsqu’elles étoient la monnoie courante.

Le P. Hardouin, aussi distingué par la singularité de ses sentimens que par l’étendue de son érudition, s’étant fait un jeu de s’essayer contre les opinions les mieux fondées, n’avoit garde d’épargner celle-ci ; mais celle qu’il a substituée est encore plus dénuée de vraissemblable. Il a prétendu contre l’usage de la langue latine que le mot restituere, signifie ici imiter, représenter les vertus : ainsi, par exemple, la médaille dont la légende porte du côté de la tête, Ti-Cæsar. Divi. Augusti. F. Augustus, & au revers, Imp. T. Cæs. Divi. Vesp. F. Aug. P. M. TR. P. P. P. Cos viii. Restituit , doit s’expliquer en ce sens : Tite, &c. fait revivre en sa personne les vertus de Tibere. Une pareille déclaration de la part de Tite avoit de quoi faire trembler le sénat & le peuple romain. Ce sentiment ne paroît pas avoir fait fortune, & le simple énoncé suffit pour le faire mettre au rang des paradoxes littéraires de ce savant homme.

Il y a certainement beaucoup plus de probabilité dans le sentiment de M. Vaillant ; Trajan, afin de se concilier les esprits du sénat & du peuple, voulut donner des marques de sa vénération pour la mémoire de ses prédécesseurs, & des témoignages de sa bienveillance envers les premieres maisons de la république. Dans ce dessein, il fit restituer les monnoies des empereurs qui avoient regné avant lui, & celles sur lesquelles étoient gravés les noms des familles romaines. Nous ne connoissons à la vérité qu’environ trente de ces dernieres médailles, mais on en découvre tous les jours de nouvelles ; Ursin n’en avoit d’abord fait graver qu’un très-petit nombre ; Patin, Vaillant & Morel y en ont ajouté plusieurs.

On a trouvé depuis trente ans en Allemagne une médaille de la famille Didia, restituée par Trajan ; il y en avoit une de la famille Carisia, restituée de même dans le cabinet de feu M. le Bret ; & quoique, selon les apparences, elle fût moulée, comme elle avoit certainement été moulée sur l’antique, l’original existe, ou a existé dans quelqu’autre cabinet. Une preuve que Trajan avoit restitué toutes les medailles consulaires, c’est que dans le petit nombre qui nous en reste aujourd’hui, on en connoît plusieurs de la même famille avec des types différens, & quelquefois d’une famille peu célebre, comme est entr’autres la famille Rubria, dont on a trois différentes médailles restituées par Trajan. Le sens qu’on donne suivant cette opinion à la légende Imp. Cas. Trajan Aug. Ger. Dac. PP. Rest. est parfaitement conforme aux regles de la grammaire & au génie de la langue latine.

Quand l’inscription se gravoit sur le monument même qu’on faisoit rétablir, souvent on omettoit le nom du monument restitué, parce qu’il n’étoit pas possible de se méprendre sur le cas régi par le verbe restituit, & que tout le monde le suppléoit aisément. Ainsi lorsqu’on voyoit sur le chemin de Nimes une colonne milliaire avec cette inscription : Ti. Cæsar. Divi. F. Aug. Pont. Max. Tr. Pot. XXXII. Refecit. & Restituit V. on comprenoit fort bien que cette colonne qui servoit à marquer le cinquieme mille de Nîmes, avoit été rétablie par les ordres de Trajan auprès de Mérida en Espagne ; elle est rapportée par Gruter, à qui je renvoie pour une infinité d’exemples de cette façon de parler elliptique.

Dans l’ancienne inscription du pont Fabricius à Rome on lisoit : L. Fabricius C. F. Cur. Viarum. Faciundum Curavit ; & cela suffisoit pour faire entendre que Fabricius avoit fait construire ce pont, parce que c’étoit sur le pont même que l’inscription étoit gravée. Rien de si commun que de trouver sur les cippes, soit votifs, soit sépulchraux, Posuit, Fecit, Faciundum Curavit, sans que ces verbes soient suivis d’aucun régime, parce que les cippes mêmes sont censés en tenir lieu.

Par la même raison, quand on trouve sur les médailles, Imp. Titus, Imp. Domitianus, Imp. Trajanus Restituit, si c’est, comme on le croit, du rétablissement de la médaille même dont on a voulu faire mention ; il n’a pas été nécessaire d’ajouter hunc nummum, car on tient dans sa main & on a sous les yeux la chose même qui a été rétablie. Mais il n’en seroit pas de même si on avoit voulu marquer que ces empereurs faisoient en quelque sorte revivre leurs prédécesseurs & les grands hommes, dont les noms étoient gravés sur ces pieces de monnoie ; car souvent il n’y a rien dans le type qui ait rapport aux vertus ou aux actions par lesquelles on suppose que les empereurs les représentoient. En un mot, le paradoxe du P. Hardouin est insoutenable.

A la vérité l’opinion de M. Vaillant, adoptée par le général des Antiquaires, n’est pas heureuse à tous égards, car elle n’est point appuyée du témoignage des anciens auteurs. Ils ne nous disent nulle part qu’un empereur se soit avisé de rétablir les monnoies de ses prédécesseurs. De plus, on n’allegue aucun motif vraissemblable qui ait pu engager Tite, Domitien, Nerva & Trajan à faire battre monnoie au coin des empereurs qui les avoient précédés.

Ces raisons ont paru si fortes à M. le Beau, qu’elles l’ont engagé à bâtir un nouveau système sur l’origine de médailles de restitution. Il pense que le mot restituit signifie que l’empereur qui est annoncé comme restituteur a rétabli en tout ou en partie quelque monument de l’autre empereur, ou du magistrat nommé sur la même médaille ; de sorte que ce monument est tantôt représenté dans le type, & tantôt simplement indiqué. On desireroit 1° que cette hypothese qui plaît par sa simplicité, fût appuiée du témoignage des Historiens pour la confirmer. 2° Une partie des médailles restituées ne présente souvent sur le revers ni monument, ni figure, sur quoi puisse tomber le terme restituit ; or s’il se rapportoit à quelqu’ouvrage rétabli, cet ouvrage seroit sans doute représenté sur la médaille. 3° Parmi les types des médailles restituées, il y en a qui ne désignent assûrément aucun monument, comme, par exemple, deux mains jointes ensemble, l’aigle des consécrations, des chars attelés par des éléphans, &c. Je ne décide point si M. le Beau peut résoudre ces trois difficultés sans réplique ; mais je puis assûrer qu’il nous a donné six mémoires très-intéressans sur toutes les médailles restituées ; & j’invite fort un curieux à les lire dans le Recueil de l’Académie des Belles-Lettres, tom. XXI. XXII. & XXIV. in-4o. (D. J.)

Médaille unique, (Art numismat.) on appelle médailles uniques, celles que les antiquaires n’ont jamais vues dans les cabinets, même dans ceux des princes & des curieux du premier ordre ; quoique peut-être elles soient dans des cabinets sans nom, où le hasard les a placées. Ainsi l’Othon de véritable grand bronze, que M. Vaillant a vu en Italie, est une médaille unique. Le médaillon grec d’argent de Pescennius, que le même M. Vaillant découvrit en Angleterre, entre les mains de M. Falchner, & qui est aujourd’hui au cabinet du roi, est unique. L’Annia Faustina d’argent que M. l’abbé de Rothelin a possedé est encore unique jusqu’à-présent. Tel est encore l’Hérode Antipas, sur laquelle M. Rigord qui le possédoit, a fait une savante dissertation. Mais l’Agrippa-César, troisieme fils de M. Agrippa & de Julie, adopté par Auguste avec Tibere, qu’on a donné pour unique, ne l’est plus aujourd’hui.

Quoiqu’on trouve de tems en tems des médailles inconnues auparavant, & qui d’abord passent pour uniques ; néanmoins les médailles dont le type est extraordinaire, & dont les antiquaires n’ont jamais fait mention, doivent à parler régulierement, être regardées comme douteuses & suspectes, parce qu’il n’est pas à présumer qu’elles se soient dérobées si long-tems à la connoissance des antiquaires, & de tant de personnes intéressées à publier ces nouvelles découvertes. Ainsi la prudence veut qu’on en examine soigneusement & avec des yeux éclairés, le métal & la fabrique, afin d’éviter le piege que les brocanteurs savent tendre avec adresse aux nouveaux curieux.

Les médailles qui n’ont jamais été vues des savans dans un métal ou dans une certaine grandeur, offrent donc de fortes présomptions contre leur antiquité. Par exemple, les Gordiens d’Afrique, les Pescennius ou le Maximus d’or, sont assurément très-suspectes. Une Plotine, une Marciana, une Matidia, une Didia Clara de moyen bronze, le seroient de même, parce qu’on n’en connoît point jusqu’à ce jour de ce module ; mais il ne faut pas conclure absolument que les médailles qui ne sont point encore connues dans un métal ou dans une certaine grandeur, n’ont jamais été frappées sur ce métal ou dans cette grandeur, autrement il faudroit rejetter l’Annia Faustina en argent, dont l’antiquité est néanmoins incontestable, parce qu’elle n’étoit pas connue du tems de M. Vaillant. Or ce qui est arrivé à l’égard de l’Annia Faustina en argent, peut arriver pour les Gordiens d’Afrique, les Pescennins & les Maximus en or, parce que la serre qu’on viendra à fouiller heureusement, peut nous procurer aujourd’hui de nouvelles médailles, qu’elle ne nous a pas encore données ; & que rien ne nous assure que ces princes dont nous venons de parler, sont les seuls exceptés de la loi générale, qui nous fait voir des médailles d’or de tous ceux dont nous en avons d’argent. Il suffit donc d’être attentifs, jusqu’au scrupule, dans l’examen de toutes les médailles qui paroissent pour la premiere fois. (D. J.)

Médaille votive, (Art numismat.) les antiquaires françois ont appellé médailles votives, d’après M. du Cange, toutes les médailles où les vœux publics qui se faisoient pour la santé des empereurs de cinq en cinq ans, de dix en dix ans, & quelquefois de vingt en vingt ans, sont marqués soit en légendes, soit en inscriptions. Ces médailles portent le mot de Vota quinquennalia, decennalia, vicennalia.

Sur la médaille de Marc-Aurele le jeune, dont le revers représente les vœux qu’on fit au tems de son mariage, on lit en légende Vota publica. Sur une médaille d’Antonin, vota suscepta decennalia, & sur une seconde du même prince, qui fut frappée dix ans après, Vota decennalium. Dans le bas empire on rencontre perpétuellement ces sortes de vœux que l’on portoit toujours même plus avant que le terme, ce qu’on exprimoit par ces mots multis. Par exemple, Votis x, Multis xx, ou par celui de sic, comme sic x, sic xx. Mais entre les médailles votives du bas empire, il n’y en a guere de plus curieuses que celles de Dioclétien & de Maximien son collegue, qui ont pour légende Primis x, Multis xx. Quelques-unes de ces médailles ont pour type Jupiter debout. Il y en a où l’on voit une victoire assise, tenant de la main gauche un bouclier appuyé sur son genou, & de la main droite écrivant dans le bouclier votis x, ou votis xx. D’autres encore représentent deux victoires qui soutiennent un bouclier où l’on lit votis x fel. Ces médailles sont d’autant plus remarquables que les vœux sont en légende & non en inscription, & qu’ils sont répétés sur celles où on les lit de-rechef dans le bouclier.

Les médailles votives avec l’inscription au revers votis v, x, xx, dans une couronne, sont beaucoup plus fréquentes dans le bas que dans le haut empire. On sçait qu’on rencontre cette inscription sur les médailles de Maximien, de Balbin, de Puppien, de Crébonien Galle, d’Œmilien, de Valérien & de Gallien.

M. du Cange a savamment éclairci tout ce qui regarde les médailles votives. Il nous apprend que depuis qu’Auguste feignant de vouloir quitter les rênes de l’empire, eût accordé par deux fois aux prieres du sénat, qu’il continueroit de gouverner dix ans, on commença à faire à chaque decennale des prieres publiques, des sacrifices & des jeux pour la conservation des empereurs : que dans le bas empire, on en fit de cinq en cinq ans ; & que c’est par cette raison que depuis Dioclétien, l’on voit sur les médailles, Votis v, xv, &c. Il observe enfin que la coutume de ces vœux dura jusqu’à Théodose ; après lequel tems on ne trouve plus cette sorte d’époque.

Mais outre du Cange, le lecteur apprendra bien des choses sur cette matiere, dans l’Auctuarium chronologicum de votis decennalibus imperatorum & Cæsarum, du cardinal Noris, mis au jour à Padoue en 1676, à la suite des dissertations du même auteur, sur deux médailles de Dioclétien & de Licinius. On peut aussi consulter la dissertation latine de consularibus cæsareis, du P. Pagi, imprimée à Lyon en 1682 in 4°. (D. J.)

Médailles sur les allocutions, (Art numismat. ) on nomme médailles sur les allocutions certaines médailles de plusieurs empereurs romains, sur lesquelles ils sont représentés haranguant des troupes ; & la légende de ces sortes de médailles c’est adlocutio, d’où vient que quelques-uns de nos curieux appellent cette espece de médaille, une allocution.

La premiere qu’on connoisse est celle de Caligula. Ce prince y est représenté debout en habit long, sur une tribune d’où il harangue quatre soldats qui ont leur casque en tête & leur bouclier en main, comme tout prêts à partir pour une expédition. A l’exergue on lit, Adloc. coh. c’est-à-dire, adlocutio cohortium.

Il y a une allocution semblable de Néron, ensuite de Galba & de Nerva, de Trajan, de Marc-Aurele, de Lucius Verus, de Commode, de Septime-Severe, de Caracalla, de Geta, de Macrin, de Severe Alexandre, de Gordien Pie, des deux Philippes pere & fils, de Valérien, de Gallien, de Tacite, de Numérien & de Carin joints ensemble, enfin de Maxence. On connoît une douzaine d’allocutions d’Hadrien, trois de Posthume, & quelques médaillons de Probus dans le même genre. Voyez l’hist. de l’accad. des Inscrip. tom. I. (D. J.)

Médaille cistophore, (Art numismat.) médaille qu’on frappoit par autorité publique au sujet des orgies, ou fêtes de Bacchus. Comme dans ces fêtes on nommoit cistophores les corbeilles mystérieuses, & les cassettes portées par de jeunes filles, on appelle médailles cistophores celles où l’on voit la corbeille empreinte avec les serpens autour, ou qui en sortent. Les antiquaires croient aussi découvrir sur quelques-unes de ces médailles, la plante nommée férule, qu’on portoit dans la solemnité des orgies, pour marquer qu’Osiris qu’on regardoit comme l’inventeur de la médecine, avoit composé des remédes salutaires de cette plante. Voyez l’antiquité expliquée du P. Monfaucon, & le traité des cistophores du P. Panel. (D. J.)

Médailles de consécration, (Art numis.) médailles frappées en l’honneur des empereurs après leur mort, lorsqu’on les plaçoit au rang des dieux. On sait les cérémonies qu’on pratiquoit à leur apothéose, par la description qu’Hérodien nous a laissée de celle de Sévere. Il nous apprend entr’autres particularités que dès que le feu étoit au bucher, on en faisoit partir du haut un aigle qui s’envolant dans les airs, représentoit l’ame de l’empereur enlevée au ciel. Nous avons plusieurs médailles qui représentent des monumens de la consécration d’Auguste, rétablis par quatre empereurs, Tite, Domitien, Nerva & Trajan.

Gallien fit frapper de ces sortes de médailles, pour renouveller la mémoire de la consécration de la plûpart de ceux de ses prédécesseurs qu’on avoit mis au rang des dieux après leur mort. Ces médailles ont toutes la même légende au revers, consecratio ; & ces revers n’ont que deux types différens, un autel sur lequel il y a du feu, & un aigle avec les aîles déployées. Les empereurs dont Gallien a restitué la consécration, sont Auguste, Vespasien, Titus, Nerva, Trajan, Hadrien, Antonin Pie, Marc-Aurele, Commode, Sévere & Sévere Alexandre.

Il n’y a que deux médailles pour chacun d’eux, excepté pour Marc-Aurele, dont on en connoît trois ; mais toute la différence qui s’y trouve, c’est que dans les deux premieres on lit du côté de la tête, Divo Marco, & sur la troisieme, Divo Marco Antonino. Il ne s’est pas encore trouvé de médailles frappées sous Gallien, avec les consécrations, de Claude, de Lucius Verus, de Pertinax, de Pescennius, de Caracalla, de Gordien, ni des princesses qui avoient été mises au rang des déesses. Ainsi on ne connoît jusqu’à présent que 23 médailles différentes des consécrations restituées par Galien. Le P. Banduri n’en a même rapporté que huit, & il ne connoissoit pas celles de Vespasien, d’Hadrien & de Commode. (D. J.)

Médailles de colonies, (Art numis.) ces sortes de médailles exigent des observations générales.

1°. On sait que les Romains envoyoient de tems en tems des familles entieres de citoyens dans le pays qu’ils avoient nouvellement conquis ; & pour en constater l’époque, on frappoit des médailles avec certaines marques distinctives, qui faisoient connoître le sujet pour lequel elles avoient été frappées. Par exemple, un bœuf sur le revers, ou deux bœufs avec un homme qui conduit une charrue, désignent l’établissement d’une colonie.

2°. Les médailles de colonies sont rares en comparaison des médailles ordinaires ; quoique les unes soient plus rares que les autres, tant parmi les grecques que parmi les latines. Leur beauté dépend ou du type, quand il est historique ou extraordinaire, ou du pays, quand ce sont certaines villes peu connues ; d’où l’on apprend quelque trait de l’ancienne géographie : enfin quand les charges & les dignités de ceux qui les ont fait battre sont singulieres.

3°. La médaille passe pour commune quand il n’y a qu’un bœuf sur le revers, ou deux bœufs avec le prêtre qui conduit la charrue, ou les seules enseignes militaires ; cependant nous apprenons de-là quels ont été les premiers habitans de la colonie. En effet, quand les enseignes représentées sur les médailles de colonies, portent le nom de quelque légion, on est en droit d’assurer que ces colonies ont été formées par les soldats de ces légions ; mais quand on ne lit sur ces enseignes le nom d’aucune légion, soit qu’elles accompagnent une charrue, soit qu’elles ne l’accompagnent pas, ce seroit sans fondement qu’on en concluroit que la colonie désignée n’a pas été formée de simples citoyens ; si pareillement la médaille n’a pour type qu’une charrue sans enseignes militaires, on auroit tort de nier pour cela, qu’elle fût composée de soldats.

4°. Les colonies portent ordinairement sur les médailles le nom de celui qui les a fondées, & de celui qui les a ou fortifiées ou rétablies. Toutes celles qui s’appellent Juliæ, ont été fondées par Jules-César. Colonia julia Beritus. Celles qui se nomment Augustæ, ont été fondées par Auguste. Municipium Augusta Bilbilis. Quand elles prennent les deux noms ensemble, c’est que Jules les a fondées, ou qu’Auguste les a renforcées ou réparées par de nouvelles recrues : Colonia Julia Augusta Dertota. Quand le nom d’Augusta est devant celui de Julia, c’est signe que la colonie, étant en mauvais état, Auguste l’a réparée. Cela ne doit néanmoins s’entendre que quand les deux noms se suivent immédiatement ; car s’il se trouve quelque mot entre-deux, ce n’est plus la même chose. Voilà une des finesses de l’art que nous apprenons de M. Vaillant, dans son exposition de la médaille colonia Julia, Concordia, Augusta, Apamæa.

5°. Quoiqu’il y ait eu des colonies en Italie, pas une n’a jamais mis la tête du prince sur ses médailles. C’étoit un honneur réservé aux villes qui avoient droit de battre monnoie, & que les empereurs n’ont jamais voulu accorder à aucune ville d’Italie. Ce droit de battre monnoie, s’accordoit par une permission ou du sénat seul, ou du sénat & du peuple tout seuls, ou de l’empereur. Quand il étoit obtenu de l’empereur, on mettoit sur la monnoie, permissu Cæsaris. Quand on tenoit ce droit du sénat, on gravoit sur les médailles, mêmes sur les grecques, S. C. senatus consulto, ou S. R. senatus romanus, en sous-entendant concessit, permisit.

6°. Depuis Caligula, on ne trouve plus aucune médaille frappée dans les colonies d’Espagne, quoique nous en ayons quantité sous Auguste & sous Tibere. Suetone rapporte que Caligula leur en ota le privilege, en punition de ce qu’elles en avoient battu en l’honneur d’Agrippa son ayeul, dont il trouvoit mauvais qu’on se souvînt qu’il étoit petit-fils, imaginant que ce titre ne tournoit point à sa gloire.

7°. Depuis Gallien, on ne trouve presque plus de médailles d’empereurs frappées dans les colonies ; soit que ce droit leur ait été ôté par les successeurs de Gallien, soit que dans le boulversement de l’empire, les colonies ne sachant presque plus à quels maîtres elles appartenoient, se mirent peu en peine de rendre cet hommage à des princes qui ne pouvoient les protéger. Toujours est-il sûr que depuis Aurélien, on ne voit plus aucune médaille de colonie.

M. Vaillant a fait graver toutes les médailles des colonies, les a décrites & expliquées avec sa sagacité ordinaire, dans un ouvrage qui compose 2 vol. in-fol. Nous indiquerons la maniere de former de cet ordre de médailles, une suite agréable & facile ; ce sera au mot Suite. (D. J.)

Médailles consulaires, (Art numismat.) le nom de consulaires donné aux médailles romaines, frappées dans le tems que Rome étoit gouvernée par des consuls, ne signifie pas qu’elles se frappoient par leur ordre, avec leurs noms & des symboles propres à marquer ce qu’ils avoient fait pour l’avantage ou la gloire de la république.

2°. Il ne faut pas croire que tous les faits historiques que l’on trouve marqués sur les monnoies que nous appellons médailles consulaires, l’ayent été dans le tems même de ces événemens ; & la plus grande preuve qu’il soit possible d’en donner, c’est que la plûpart de ces événemens sont du premier, du second, du troisieme & du quatrieme siecle de Rome, & que ce n’est que sur la fin du cinquieme qu’on a commencé à y frapper de la monnoie d’argent.

3°. Il n’est pas moins certain que pendant plus d’un siecle encore, les questeurs, les édiles & les triumvirs monétaires, qui eurent successivement l’intendance des monnoies, jus cudendæ monetæ, dans la crainte de donner le moindre sujet de jalousie à des concitoyens qui n’en étoient que trop susceptibles, affecterent de ne mettre sur ces monnoies que la double tête de Janus, avec une proue de vaisseau, un bige ou un quadrige au revers, ou bien la tête de Rome casquée, avec des pareilles biges ou quadriges au revers, & plus souvent encore des figures de Castor & Pollux. Ce ne fut que vers le tems de Marius, de Sylla, de Jules César, & surtout du triumvirat, que les monétaires romains, prenant un peu plus l’essor, commencerent à rappeller sur les monnoies les actions mémorables de leurs ancêtres, qui pouvoient donner un nouveau lustre à leur famille, victoires, conquêtes, triomphes, sacerdoces, jeux publics, consulats, dictatures, &c. Aussi ces sortes de médailles sont d’un goût de gravure si semblable, que cette uniformité seule suffiroit pour nous apprendre qu’elles sont presque toutes du même siecle, quand nous n’en aurions pas la preuve d’ailleurs.

4°. Il suit de ces observations, que les chars gravés aux revers de la plûpart des médailles consulaires, avec un attelage de deux, trois ou quatre chevaux, ne sont pas toujours autant de symboles des victoires remportées, & des triomphes obtenus par les consuls romains, dont ces médailles portent le nom ; ils désignent pour l’ordinaire les courses dans les jeux que ces magistrats avoient donnés au peuple pendant leur édilité.

5°. Golztius a fait un recueil de médailles consulaires par ordre chronologique, tandis qu’Ursinus les a disposées par ordre des familles romaines ; mais M. Vaillant a beaucoup amplifié le recueil de ce dernier antiquaire, comme nous l’avons remarqué ailleurs, en indiquant leurs ouvrages. (D. J.)

Médailles greques, (Art numismat.) Il est certain que les Grecs commencerent de frapper des médailles, ou de battre monnoie, long-tems avant la fondation de Rome ; mais il ne nous reste aucune de ces précieuses monnoies greques de ce tems-là.

C’est à Phédon qu’on doit l’invention des poids, des mesures, & des monnoies frappées dans la Grece. Les marbres d’Arondel fixent l’époque de ce prince à l’an 142, avant la fondation de Rome. C’est à Phédon que Beger rapporte une médaille d’argent qu’il a fait graver dans son Trésor de Brandebourg, tom. I. pag 279. On y voit d’un côté un vase à deux anses, au-dessus duquel est une grappe de raisin ; on lit dans le champ à droite Φι, & à gauche Δο. Le revers représente un bouclier béotien. Cette médaille est très-précieuse, mais on doute fort qu’elle ait été frappée du vivant de Phédon ; car entr’autres raisons les caracteres paroissent trop arrondis, & trop bien formés pour être un premier essai de l’art de battre monnoie.

On croit généralement qu’une des plus anciennes monnoies greques qui nous reste, est une petite médaille d’or de Cyrène, publiée par le P. Hardouin, dans les Mém. de Trévoux, Août 1727 : elle représente d’un côté un homme debout, la tête ceinte d’un diadème, & rayonnée, avec une corne de bélier au-dessus de l’oreille. Cet homme tient de la main droite une image de la victoire, & de la gauche une haste, ou un sceptre de la même longueur que la haste ; à ses piés est un mouton : on lit dans le champ à gauche, ΔΑΜΩΝΑΚΤΟΣ ; au revers est un char attelé de quatre chevaux de front, avec un homme qui le guide, au-dessus ΚΥΡΑΝΑΙΩΝ. Cette médaille seroit la plus ancienne qui nous reste, si elle avoit été frappée pour Démonax le mantinéen, régent du royaume de Cyrène, pendant la minorité de Battus IV. car il vivoit du tems de Cyrus, vers la fin du second siecle de Rome, comme on peut en juger par ce qu’Hérodote nous en a appris ; mais il y a toute apparence que le Démonax, dont on lit ici le nom, devoit être un des magistrats de Cyrène, & non pas le tuteur de Battus IV. qui vivoit plus de deux cens ans avant l’archontat d’Euclide. Le nom ΔΑΜΩΝΑΚΤΟΣ qui s’y trouve écrit par un oméga, en est une preuve sans replique ; puisque personne n’ignore que les voyelles longues Η & Ω n’ont été reçues dans l’alphabet grec que sous l’archontat d’Euclide, la seconde année de la 94e olympiade.

La médaille d’Amyntas, roi de Macédoine, bisayeul d’Alexandre-le-Grand, pourroit donc encore passer pour la plus ancienne que l’on connoisse, s’il ne se trouvoit pas dans le cabinet du Roi des monnoies d’or & d’argent de Cyrène, où l’on voit d’un côté des têtes qui paroissent naturelles, & de l’autre le sylphium, ou quelque autre type usité sur les monnoies des Cyrénéens, avec ces légendes ΑΡΚ, ΒΑ, ou ΒΑΤ ; & Κ, ΚΥΡ ; légendes qui ne peuvent être expliquées que par ΑΡΚεσιλαου, ou ΒΑΤτου ΚΥΡανιων. Quand même ces médailles n’appartiendroient qu’à Battus IV. & à Arcésilaus IV. les deux derniers rois de Cyrène, de la ramille des Battiades, elles seroient cependant du tems de Cyrus & de Cambyse, & par conséquent plus anciennes que celles d’Amyntas.

Quoi qu’il en soit, non-seulement les Grecs battirent monnoie avant la fondation de Rome, mais ils la porterent rapidement à un degré de perfection supérieur à celui des tems les plus florissans de la république & de l’empire ; on peut en juger encore par les médailles de Gilon, d’Agathocles, de Philippe, d’Alexandre, de Lysimachus, de Cassandre, &c.

Nous sommes fort riches en médailles greques ; car celles que nous avons des seuls rois de Syrie, d’Egypte, & de Macédoine, forment de belles & nombreuses suites. Le roi de France, en particulier, en a une collection des plus complettes & des mieux choisies, qui mériteroit d’être publiée. En un mot, la quantité des médailles greques est si considérable, qu’il faudroit la séparer des médailles latines, & donner à chacune leur propre suite, au-lieu de joindre aux latines les greques du même volume. On imiteroit en cela les bibliothécaires, qui séparent l’histoire greque de l’histoire romaine. De plus, en leur donnant des tablettes séparées, on les démêleroit commodément sans avoir souvent inutilement un grand nombre de planches à tirer.

Au reste, il est vraissemblable que l’usage de frapper les médailles greques avec la tête des empereurs, vint à cesser sous Dioclétien & Maximien.

Je n’ajoute qu’un mot sur les caracteres grecs : ils sont composés de lettres qu’on appelle majuscules ; ils se sont conservés uniformes sur toutes les médailles, sans qu’il y paroisse presque aucune altération ni aucun changement dans la conformation des caracteres, quoiqu’il y en ait eu dans l’usage & dans la prononciation. Il n’y a que la lettre Σ, qui n’a pu se conserver que jusqu’à Domitien ; car depuis ce tems-là on la voit constamment changée en Ϲ ou en soit au commencement, au milieu, ou à la fin des mots. L’on trouve aussi Ζ & Ξ marqué  ; le Π par , & le Γ par Ϲ ; l’Ω par ω . On trouve pareillement un mélange de latin & de grec, non-seulement dans le bas empire, où la barbarie regnoit, mais même dans les colonies du haut empire. S. R. F. lettres latines, se trouvent pour le Ϲ. Ρ. φ. grec. M. de Spanheim en donne les exemples.

Il faut donc bien prendre garde à ne pas condamner aisément les médailles, à cause de quelques lettres mises les unes pour les autres ; car c’est être novice dans le métier, que de ne pas savoir que souvent on a mis Ε pour Η, ΑΘΕΝΑΙων ; Ο pour Ω, ΗΡΟς ; Η en forme de pure aspiration, ΗΙΜΕΡΑΙων ; Ζ pour Σ, ΖΜΥΡΝΑΙΩΝ, & Σ pour Ζ, ΣΕΥϹ, ou même ΣΔΕΥϹ pour ΖΕΥϹ ; Α pour Ω à la fin des noms de peuple, ΑΡΟΛΩΛΝΙΑΤΑΝ, ΚΥΔΟΝΙΑΤΑΝ, pour ΤΩΝ, & quelques autres semblables de dialecte dorique.

Le caractere grec s’est conservé dans sa beauté jusqu’à Gallien, depuis lequel tems il paroît moins rond & plus affamé, sur-tout dans les médailles frappées en Egypte, où le grec étoit moins cultivé.

Médailles impériales, (Art numismat.) Nous avons remarqué, au mot médaille, qu’on faisoit deux classes des médailles impériales, que la premiere contenoit le haut empire, & la seconde le bas empire. Le curieux ne recherche que les médailles du haut empire, parce qu’il n’estime que les beautés de la gravure antique ; mais l’homme studieux qui ne travaille qu’à s’instruire & à perfectionner ses connoissances, rassemble également les médailles de l’un & de l’autre empire.

Il est vrai que les médailles impériales, frappées après le regne de Caracalla, & après celui de Macrin son successeur, qui ne lui survécut que deux ans, sont très-inférieures à celles qui furent frappées sous les trente premiers empereurs. Après Gordien-Pie, elles dégénérerent encore plus sensiblement, & sous Gallien, qui regnoit cinquante ans après Caracalla, elles n’étoient qu’une vilaine monnoie. Il n’y a plus ni goût ni dessein dans leur gravure, ni entente dans leur fabrication. Comme ces médailles présentoient une monnoie destinée à flatter le prince, sous le regne de qui on les frappoit, & à servir dans le commerce, on peut bien croire que les Romains, aussi jaloux de leur mémoire qu’aucun autre peuple, employoient à les faire les ouvriers les plus habiles qu’ils pussent trouver ; il est donc raisonnable de juger par la beauté des médailles, de l’état où étoit la gravure sous chaque empereur.

Mais mettant à part la gravure des médailles impériales, on peut en former les suites de plusieurs manieres différentes : nous en indiquerons quatre.

1°. On peut se contenter de faire entrer dans une suite, les médailles qu’on appelle communément du haut empire, c’est-à-dire depuis Jules-César jusqu’à Posthume, suivant le plan qu’a suivi M. Vaillant dans ses numismata præstantiora : 2°. on peut continuer cette suite jusqu’à Constantin : 3°. ceux qui voudront la pousser jusqu’à la chûte de l’empire d’Occident, y feront entrer toutes les médailles jusqu’à Augustule : 4°. si on est bien-aise de ramasser des médailles de tous les empereurs sans exception, quoiqu’on ne puisse pas se flatter de jamais y réussir ; on peut se proposer pour but de la conduire jusqu’à Constantin Paléologue, sous lequel Constantinople fut prise par les Turcs.

Chacune de ces suites paroîtra faite suivant un ordre systématique, & quoiqu’on mette ordinairement au rang des modernes, les monnoies des princes qui ont vécu après Charlemagne, & même celles de nos premiers rois ; on peut cependant regarder comme antiques celles des empereurs de Constantinople, qui ont regné depuis cette époque, parce qu’elles achevent de rendre complette une suite impériale, commencée par le véritable antique. D’ailleurs, comme ces princes ont regné dans un pays assez éloigné du notre, la distance de lieu fait à peu près le même effet que la distance de tems, & supplée en quelque façon ce qu’on a coûtume d’exiger pour donner à quelques monumens le titre d’antique. (D. J.)

Médailles romaines, (Art numismat.) On appelle médailles romaines, ou latines, les médailles frappées sous les rois de Rome, la république & les empereurs. On les divise en consulaires & en impériales ; & parmi ces dernieres on distingue celles du haut & du bas empire.

Comme les médailles étoient une monnoie destinée autant à flatter le prince qu’à servir dans le commerce, on peut croire que les Romains employerent à les faire leurs ouvriers les plus habiles ; ainsi par la beauté des médailles romaines, on peut juger de l’état où étoit la gravure sous chaque empereur. Celles qui furent frappées après le regne de Caracala & de Macrin, sont très-inférieures à celles qui furent frappées sous les trente premiers empereurs. Elles dégénérerent sensiblement sous Gordien Pie, & sous Gallien elles n’avoient ni goût ni dessein dans la gravure. Depuis Constantin jusqu’à Théodose c’est bien pis, on ne trouve que de petites médailles sans relief & sans épaisseur ; enfin après la mort de Théodose ce n’est plus que de la vilaine monnoie, dont le tout est barbare, les caracteres, la langue, le type, la légende ; de sorte qu’on ne se donne pas même la peine de les ramasser, & qu’elles sont devenues par-là presque aussi rares qu’elles sont laides.

Vers le tems de Dèce on commence déjà à appercevoir de l’altération dans le caractere, les N étant faites comme des M, ainsi qu’on peut le voir dans le revers Pannonia, & autres semblables. Ce qu’il y a de particulier, c’est que quelque tems après le caractere se rétablit, & demeura passable jusqu’à Justin. Alors il commença à s’altérer de nouveau, pour tomber enfin dans la derniere barbarie, trois siecles après le regne de Constantin.

Il faut cependant avertir ici un jeune curieux, de ne pas prendre pour des fautes d’ortographe, l’ancienne maniere d’écrire que les médailles latines nous conservent, & de ne pas se scandaliser de voir V pour B, Danuvius ; O pour V, Volcanus, Divos ; EE pour un E long, FEELIX ; ni deux II, VIIRTUS ; S & M retranchés à la fin, ALBINV, CAPTV ; XS pour X, MAXSVMVS ; F pour PH, TRIVMFVS, & choses semblables, sur quoi on peut consulter les anciens Grammairiens. (D. J.)

Médailles arabes, (Art numismat.) On appelle ainsi des médailles mahométanes modernes, dont on trouve une assez grande quantité, & dont on est peu curieux. En effet, la fabrique en est pitoyable ; très-peu de gens en connoissent la langue & le caractere ; enfin elles ne peuvent servir à quoi que ce soit dans les suites, parce qu’elles ne renferment que peu de têtes de princes mahométans ; cependant le cabinet du roi de France, est actuellement autant supérieur en médailles arabes, aux autres cabinets de l’Europe, qu’il l’étoit déjà en médailles modernes & antiques. M. Morel a fait graver la plus belle des médailles arabes, celle du grand Saladin, ou comme on l’écrit, Salahoddin. D’un côté on voit sa tête avec celle d’un jeune Almelek Ismahel, fils de Nurodin, qui est de la fin du xij. siecle. La légende est en arabe, Joseph filius Job, comme s’appelloit Saladin, & au revers, Rex. imperator princeps fidelium. (D. J.)

Médailles égyptiennes, (Art numismat.) les Antiquaires appellent ainsi les médailles frappées en Egypte, en l’honneur de leurs rois, ou des empereurs romains. Ces médailles sont précieuses, parce qu’on a su en tirer un avantage considérable pour les lettres. Par exemple, M. Vaillant a donné l’histoire des rois d’Egypte, d’après leurs anciennes monnoies. D’autres savans ont fait usage des médailles impériales frappées en Egypte pour l’éclaircissement de l’histoire des empereurs. On n’a trouvé même jusqu’à présent aucune médaille greque de Dioclétien, excepté celles qui ont été frappées en Egypte ; quoiqu’on ignore l’année où les Egyptiens cesserent d’en fabriquer en son honneur : peut-être fut-ce en l’an 296 de l’ere chrétienne, année où l’Egypte ayant été réunie au reste de l’empire, par la défaite du tyran Achillæus, on commença à battre la monnoie avec des légendes latines, comme on faisoit dans les autres provinces. (D. J.)

Médailles espagnoles, (Art. numismatique.) anciennes monnoies espagnoles qu’il ne faut pas confondre avec les puniques, quoique les unes & les autres aient été pour la plûpart trouvées en Espagne.

Personne n’ignore que dans l’antiquité ce royaume a été habité par divers peuples. Outre les anciens habitans du pays, les Phéniciens attirés par le commerce, s’étoient établis en divers endroits sur les côtes & y avoient bâti des villes ; les Grecs même y avoient envoyé des colonies. Ces nations différentes avoient chacune leurs mœurs, leurs usages, leur langue & leurs monnoies particulieres.

A la vérité nous n’avons point de médailles frappées par les grecs qui s’établirent en Espagne : peut-être même que leur petit nombre les empêcha d’en faire frapper dans une langue qui n’auroit pas été entendue de leurs voisins ; mais nous avons d’anciennes médailles espagnoles. Lastanosa a rendu service aux curieux, en en faisant graver environ deux cens qu’il avoit ramassés dans son cabinet, la plûpart en argent. Son livre, qui est devenu rare, est intitulé, Museo de las medallas desconoscidas, espagnolas impresso in Huesca, par Joan Nognez, anno 1645, in-4o. Il soutient dans cet ouvrage que les caracteres de ses médailles sont espagnols & non pas puniques, & que c’est de ces pieces-là que Tite-Live parle, quand il met au nombre des dépouilles rapportées d’Espagne par les Romains, argentum signatum oscense.

Quoi qu’il en soit de cette derniere conjecture, la différence des médailles espagnoles & des médailles phéniciennes ou puniques, est évidente pour tous ceux qui se sont donné la peine de les comparer, ou qui ont des médailles puniques avec le livre de Lastanosa. Dans les espagnoles les types semblent ne les rapporter qu’à des peuples qui habitoient le milieu des terres : on y voit ordinairement un homme à cheval, quelquefois un cheval tout seul, & quelquefois un bœuf. Dans les puniques ou phéniciennes, on ne voit que des symboles qui conviennent à des villes maritimes, un navire, des poissons, &c.

La légende de ces dernieres est en caracteres arrondis, mais inégaux, & ces caracteres sont tout-à-fait semblables à ceux qu’on voit sur les médailles de Tyr & de Sidon ; sur les médailles de Carthage, de Malthe, de Gorre ou Cossura, de quelques villes de Sicile, & enfin sur celle du roi Juba. Par toutes ces preuves on ne sauroit raisonnablement douter que ce ne soient de véritables caracteres phéniciens ou puniques.

Au contraire, sur les médailles où l’on voit un homme à cheval & les autres types dont nous avons parlé, la légende est en caracteres plus quarrés, plus égaux, & ces caracteres sont très-ressemblans à ceux des médailles & des autres monumens étrusques.

Peut-être cette observation de M. le baron de la Bastie n’aura point échappé aux savans Italiens, qui travaillent avec ardeur à faire revivre l’ancienne langue des Etruriens, & à éclaircir tout ce qui regarde les antiquités de ces peuples.

Ces remarques, qui mériteroient d’être plus approfondies, suffisent néanmoins pour montrer que puisqu’on a trouvé en Espagne des médailles de deux especes différentes, tant pour les types que pour les caracteres, les unes étant assurément phéniciennes ou puniques, les autres doivent être les monnoies des anciens Espagnols ; d’où il suit que la langue dans laquelle sont conçues leurs légendes & les lettres qui servent à l’exprimer, sont l’ancienne langue & les anciens caracteres des peuples qui habitoient l’Espagne.

On fera bien de lire à ce sujet la dissertation de M. Mahudel sur les monnoies antiques d’Espagne, imprimée à Paris en 1725, in-4o. & placée à la fin de l’histoire d’Espagne de Mariana, traduite en françois par le P. Charenton. (D. J.)

Médailles étrusques, (Art. numism.) On a commencé de nos jours à ramasser avec soin les médailles étrusques, qui paroissent avoir été trop négligées dans les siecles passés ; c’est une nouvelle carriere qui s’ouvre à la curiosité & à l’érudition ; & quoique les recueils qu’on a fait de ces médailles ne soient pas encore bien considérables, & qu’il soit très-difficile, pour ne pas dire impossible, d’en former une suite, il sera cependant très-utile d’empêcher à l’avenir qu’on ne dissipe tout ce qui pourra se découvrir en ce genre : peut-être même la sagacité des savans, aidée de toutes ces nouvelles découvertes, leur fera-t-elle retrouver l’ancienne langue étrusque, dont nous avons des fragmens assez considérables dans quelques inscriptions. L’académie étrusque établie à Cortone, & composée de sujets distingués par leur érudition & par leur amour pour les Lettres, contribuera beaucoup à étendre nos connoissances, par le soin qu’elle prend d’éclaircir non-seulement tout ce qui regarde les antiquités des anciens Etrusques, mais encore l’origine de tous les anciens peuples d’Italie. On pourra vraissemblablement ranger dans la classe des médailles étrusques, celles qu’on croit avoir été frappées par les Samnites, les Ombres, les Messapiens, &c. On trouvera quelques planches des médailles étrusques dans l’Etruria regalis de Dempster, tome I. pag. 356 ; dans le museum etruscum de M. Gori, tome I. tab. 196. 197 ; dans les antiquités d’Ilorta de M. Fontanini, diss. d’ell acad. etrusq. tome II. table 1. 2 ; & à la suite des dissertations de l’académie étrusque de Cortone, antiquit. Hort. liv. I. pag. 126. 140. (D. J.)

Médailles gothiques, (Art. numism.) On nomme ainsi des médailles de quelques rois goths qui ont passé jusqu’à nous, & qui sont communément en bronze ; mais on nomme specialement médailles gothiques de certaines médailles frappées dans des siecles de barbarie, & dont les têtes ont à peine la forme humaine, sans porter aucune inscription, ou si elles en ont, c’est dans des caracteres méconnus aux Antiquaires, aussi bien que ceux des médailles qu’on appelle puniques. (D. J.)

Médailles hébraïques, (Art numismatiq.) Divers savans ont cherché à expliquer les anciennes médailles hébraïques qui se sont conservées jusqu’à nos jours ; de ce nombre sont Villalpand, Kircher, le P. Morin, Conringius, Vaserus, Bouteroue, Hottinger, Valton, & plus récemment le P. Hardouin & le P. Etienne Souciet. Ce dernier, dans une dissertation très-étendue & très-savante, soutient, 1°. que la langue & les caracteres qu’on voit sur ces médailles sont l’ancienne langue & les anciens caracteres des Hébreux, c’est-à-dire ceux dont ils usoient avant la captivité de Babylone ; 2°. que les caracteres dont les Juifs se sont servis depuis leur retour de la captivité, sont les caracteres assyriens qu’ils rapporterent en revenant dans leur pays ; 3°. enfin que ces médailles ont été frappées par les Juifs mêmes, & non par les Samaritains.

Le P. Hardouin, dans sa chronologie de l’ancien Testament & dans les notes de la seconde édition de Pline, a essayé de prouver que ces médailles, sans aucune exception, sont du tems de Simon, frere de Judas Machabée, & de Jonathas, grand-prêtre des Juifs ; qu’elles ont été frappées dans la Samarie, dont quelques villes avoient été cédées aux Juifs par Démétrius, roi de Syrie ; que les caracteres des légendes sont samaritains ou assyriens, c’est-à-dire que les légendes sont gravées dans les caracteres des Cuthéens que Salmanasar envoya dans la Samarie après en avoir enlevé les dix tribus d’Israël. On peut voir dans les ouvrages des deux savans jésuites, les raisons dont chacun d’eux se sert pour appuyer son sentiment. On trouvera dans les mêmes ouvrages un catalogue complet des médailles hébraïques connues jusqu’à présent, avec les descriptions des types qui y sont représentés. Voyez Morel, specimen R. nummar. tom. I. p. 230 & seq. (D. J.)

Médailles phéniciennes ou puniques, (Art numismat.) On nomme ainsi celles dont les légendes sont en caracteres phéniciens ou puniques. Quoique la plûpart de ces sortes de médailles aient été trouvées en Espagne, elles différent des anciennes médailles espagnoles & par la nature des types, & par celle des caracteres, comme nous l’avons observé plus au long au mot Médailles espagnoles. (D. J.)

Médailles samaritaines, (Art numismat.) On appelle ainsi les médailles qui sont empreintes sur un des côtés de caracteres samaritains. On trouve même assez communément des médailles qui présentent de chaque côté des lettres samaritaines ; & selon les apparences, elles ont été frappées du tems de Simon Macchabée, en mémoire de la liberté que les Juifs recouvrerent alors. Mais les médailles sur lesquelles est jointe une inscription grecque à une légende samaritaine, sont fort rares ; & peut-être celles d’Antigonus roi de Judée, sont les seules qui soient venues jusqu’à nous. Le célebre Reland, qui avoit tenté de les éclaircir, les regarde comme une énigme. Voyez la cinquieme dissertation de nummis samaritanis. Voyez aussi l’histoire de l’acad. des Belles-Lettres, tome XXIV. (D. J.)

Médailles latines, voyez Médailles romaines.

Médailles d’Athènes, (Art. numismatiq.) Nous avons un assez grand nombre de médailles d’Athènes, mais nous n’en voyons point de frappées au coin des empereurs de Rome ; & il faut croire ou que l’amour de la liberté a empêché les Athéniens de reconnoître l’autorité romaine dans leurs monnoies, ou que leur religion ne leur a pas permis d’y graver autre chose que les images de leurs divinités.

Le plus grand nombre des médailles d’Athènes qui sont au cabinet du Roi, consiste en médaillons d’argent presque uniformes, tous avec le buste de Minerve d’un côté, & au revers une couronne d’olivier, au milieu de laquelle est une chouette sur un vase renversé, & marqué d’une lettre grecque : différens noms-de magistrats y sont joints à l’inscription Ἀθηναιων ; & c’est, avec de petits symboles ajoûtés dans le champ, tout ce qui distingue ces médaillons, dont on ne sauroit d’ailleurs fixer précisément l’époque.

On sait quel a été le culte de Minerve dans Athènes, & ce que l’antiquité en a publié. Les muses grecques & latines ont célébré à l’envi les unes des autres la dévotion des Athéniens pour leur déesse ; mais rien n’en marque mieux l’étendue & la durée que leurs monnoies, sur lesquelles on voit toujours d’un côté la tête de Minerve, & de l’autre une chouette dans une couronne d’olivier, ses symboles ordinaires.

L’olivier lui appartenoit à bon titre, sur-tout depuis sa victoire ; & hors Jupiter qui en a quelquefois été couronné aux jeux olympiques, aucune autre divinité n’a osé le disputer à Minerve. A l’égard de la chouette, on la lui avoit donné comme un symbole de prudence, la pénétration de cet oiseau dans l’avenir ayant été établie par les anciens ; ce qui est encore certain, c’est que le nom de chouette avoit été donné aux monnoies de l’Attique. L’esclave d’un riche lacédémonien disoit plaisamment dans ce sens-là, qu’une multitude de chouettes nichoient sous le toît de son maître.

Une chose qui mérite encore quelqu’attention dans les médailles d’argent de la ville d’Athènes, ce sont les différens noms par lesquels on les distingue aussi les unes des autres. Il n’y a point à douter que ce ne soit autant de noms de magistrats athéniens ; mais la question est de savoir si ces magistrats sont archontes ordinaires d’Athènes, ou d’autres officiers préposés à la fabrication de ces monnoies. L’examen & la comparaison de leurs noms & surnoms, pourront servir à la décision d’une difficulté sur laquelle personne n’a encore osé prononcer.

Le culte de Minerve ne regne pas moins dans ce que nous avons de médailles de bronze d’Athènes, que dans celles d’argent ; hors une seule tête de Jupiter, on n’y voit par tout que le buste de cette déesse toujours casquée, & quelquefois avec le casque & l’égide ; mais les revers sont plus variés que dans les médailles d’argent.

Enfin dans presque toutes les médailles d’Athènes, soit d’argent, soit de bronze, il n’est question que de Minerve. Les Athéniens ne pouvoient pas faire trop d’honneur à la déesse de la sagesse, qu’ils croyoient présider à leurs conseils, veiller sur leurs magistrats, animer leurs guerriers, inspirer leurs poëtes, former leurs orateurs, & soutenir leurs philosophes. Mais il seroit à souhaiter que cette même déesse, les intérêts à part, eût un peu mieux instruit leurs monétaires. Les autres peuples du-moins nous ont appris par leurs monnoies quelque chose de leur gouvernement, de leurs privileges, de leurs alliances, de leurs jeux, de leurs fêtes, des singularités de leurs pays, des tems où ces monnoies ont été fabriquées ; mais le peuple athénien n’a pas jugé à propos de les imiter en cela, non-plus que dans l’usage de frapper des médailles en l’honneur des empereurs romains. Uniquement renfermé dans sa religion, il a négligé tout le reste dans ces sortes de monumens ; & l’on peut dire de ce qui nous est resté des medailles d’Athènes, comme des ruines de cette ville, autrefois si florissante & si belle, le théâtre de la sagesse humaine & de la valeur, & l’école publique des Sciences & des Arts,

Quid pandionæ restat nisi nomen Athenæ ! (D. J.)

Médailles de Crotone, (Art numismatiq.) Les Antiquaires ont rassemblé dans leurs cabinets plusieurs médailles curieuses de Crotone, aujourd’hui Cortona, ville du royaume de Naples dans la Calabre ultérieure. Denys d’Halicarnasse fixe la fondation de cette ville à la troisieme année de la dix-septieme olympiade, qui, selon lui, répond à la quatrieme année du regne de Numa.

M. de Boze remarque, dans l’histoire de l’académie des Inscriptions,

1o. Qu’il n’a jamais vû de médailles de Crotone qu’en argent, mais que Goltzius en rapporte une en or, à la différence de celles de Lacédémone, qui certainement sont toutes de bronze ; & à la différence de celles d’Athenes, dont on a presque un pareil nombre d’argent & de bronze, & point du tout en or.

2o. Qu’on ne trouve aucune médaille frappée par ceux de Crotone en l’honneur des empereurs romains, comme on n’en trouve point d’Athènes dans toute la suite des mêmes médailles impériales, au lieu qu’il y en a beaucoup de Lacédémone.

3o. Que, comme on reconnoît par les médailles d’Athènes que le principal culte des Athéniens s’adressoit à Jupiter & à Minerve ; & par celles de Lacédémone qu’Hercule & les Dioscures y étoient l’objet de la vénération publique, de même on voit par les médailles de Crotone qu’on y adoroit particulierement Junon, Apollon & Hercule.

Myscellus fonda Crotone après avoir consulté l’oracle d’Apollon ; & ce dieu voulut bien accorder au fondateur, ainsi qu’aux habitans, la santé & la force : c’est pour cela qu’il paroît si souvent sur les médailles de leur ville.

Le culte des Crotoniates envers Junon Lacinia, est encore marqué parfaitement sur leurs médailles. La tête de cette déesse y est presque toujours gravée, on n’y en voit pas même d’autre. On y trouve aussi des trépiés & des branches de laurier, prix ordinaires des jeux de la Grece, où les Crotoniates s’étoient signalés par un grand nombre de victoires : Hercule occupe enfin la plûpart des revers.

A l’égard d’Hercule, dont il semble qu’il s’agisse ici plus que d’aucune autre divinité, on comprend aisément qu’il devoit être dans une vénération infinie parmi des peuples si recommendables par la force naturelle. C’est Crotone qui a produit le célebre Milon, Iscomachus, Tisierate, Astyle, & tant d’autres illustres athlètes. Dans une même olympiade, dit Strabon, sept crotoniates furent couronnés aux jeux olympiques, & remporterent tous les prix du stade. Ils passoient pour des Hercules dès le berceau, & ce fut bientôt un proverbe que le plus foible d’entr’eux étoit le plus fort des Grecs. (D. J.)

Médailles de Lacédémone, (Art numis.) On est très-curieux de connoître les medailles des Lacédémoniens, les plus libres de tous les Grecs, comme l’Antiquité les appelle, & ceux du monde connu qui ont joui le plus long-tems de leurs lois & de leurs usages. Fideles à la république romaine qui leur avoit rendu leur gouvernement après la réduction de l’Achaïe, ils surent se conserver jusqu’au bout l’estime & l’amitié de leurs vainqueurs. Sparte éleva des temples en l’honneur de Jules-César & d’Auguste, dont elle avoit reçu de nouveaux bienfaits, & ne crut point faire injure aux dieux de la Laconie en battant des monnoies au coin de plusieurs successeurs de ces princes. Le roi de France en possede qui sont frappées au nom & avec la tête d’Hadrien, d’Antonin le pieux, de Marc Aurele & de Commode. M. Vaillant en a cité une de Néron ; & quoique cet empereur ait toujours refusé d’aller à Sparte à cause de la sévérité des lois de Lycurgue, dont il n’eut pas moins de peur, dit-on, que des furies d’Athenes, cela n’empêcha pas que les Lacédémoniens ne cherchassent les moyens de lui faire leur cour lorsqu’il vint se signaler dans les jeux de la Grece. Les têtes de Castor & de Pollux, que M. Vaillant donne pour revers à la médaille de Néron qu’il avoit vûe, s’accordent parfaitement avec les autres médailles de Sparte, où il n’est question que de ces anciens rois de la Laconie, plus célebres dans les fables que dans l’Histoire.

Dans la médaille d’Hadrien, ces illustres gémeaux sont représentés à cheval la lance baissée, comme on les voit communément dans les médailles consulaires, & tels qu’ils apparurent au dictateur Posthumius dans la bataille qu’il gagna contre les Latins. La seconde médaille est d’Antonin, & ce sont les bonnets des Dioscures qui en font les revers. L’antiquité les représentoit avec des bonnets, parce que les Lacédémoniens alloient au combat la tête couverte de cette espece de casque. Apileatis nona fratribus pila, dit Catule, en parlant de Castor & de Pollux. La médaille de Marc Aurele regarde encore les Dioscures ; ils y sont représentés de bout sous la figure de deux jeunes hommes de même âge, de même taille, de même air, & d’une parfaite ressemblance. Une de leurs médailles représente Commode dans la fleur de sa jeunesse ; la massue qui est au revers entre deux bonnets étoilés, fait voir qu’Hercule étoit revéré dans la Laconie avec les Dioscures. Dans une autre médaille de Commode, Minerve ou Vénus y paroit sur le revers armée de toutes pieces, & assez semblable au dieu Mars.

Après Commode on ne trouve plus rien de Lacédémone dans les médailles des empereurs de Rome : à peine l’histoire des siecles suivans parle-t-elle de cette ville, encore si florissante sous les Antonins. Hercule est la divinité dominante dans la plûpart des médailles purement lacédémoniennes, c’est-à-dire dans celles où les Romains n’ont aucune part, soit qu’elles aient été frappées du tems de la république, ou depuis l’établissement de l’empire.

On vient de dire qu’Hercule partageoit avec Castor & Pollux l’encens des Lacédémoniens, & c’étoit à bon titre qu’il entroit dans ce partage. Il avoit rendu de grands services à la Laconie ; ses descendans y regnerent successivement depuis leur retour dans le Péloponnese, & les Lacédémoniens s’étoient fait une religion de n’obéir qu’à des rois de la postérité d’Hercule. Ainsi ce héros pouvoit encore prétendre aux honneurs de leurs monnoies aussi-bien que les Dioscures. Il y a une médaille de Lacédémone qui représente ce dieu d’un côté avec la coëffure de peau de lion, & de l’autre, deux vases entourés de deux serpens ; ce qui se rapporte assez naturellement au premier de ses travaux, & à ces vases que l’antiquité lui avoit particulierement consacrés.

Goltzius rapporte deux médailles de deux anciens rois de Lacédémone, Agésilaüs & Polydore ; mais les couronnes de laurier qu’il donne à ces rois ne leur conviennent point du tout, & le reste est encore plus suspect. Ainsi ne comptons que sur les médailles dont nous pouvons répondre : elles ne remontent pas jusqu’aux monnoies de fer, seules en usage à Lacédémone du tems de Lycurgue ; mais elles se ressentent encore de la défense expresse qu’il fit des monnoies d’or & d’argent, si constamment observée par les Lacédémoniens. En un mot, ces peuples ne nous ont laissé que des monnoies de cuivre, & tout y roule sur les divinités de la Laconie, comme les médailles d’Athènes sur les divinités de l’Attique. Il ne faut rien chercher de plus dans ce qui nous reste de ces deux républiques si fameuses, qui ont disputé entr’elles l’empire de la Grece jusqu’à ce qu’elles aient passé avec la Grece entiere sous le joug des Romains. (D. J.)

Médailles d’Olba, (Art numismat.) les médailles d’Olba en Sicile, méritent un article à part. Les grands-prêtres de cette ville faisoient battre monnoie à leur coin, & exerçoient dans l’étendue de leurs états, les droits de la souveraineté. Ministres de la religion, ils portoient le sceptre d’une main, & de l’autre offroient des sacrifices à l’Etre-suprème. Princes & pontifes au milieu des provinces romaines, ils étoient libres, & vivoient suivant leurs propres lois.

Nous ne connoissons jusqu’à présent que sept médailles frappées au coin de trois princes d’Olba nommés Polémon, Ajax & Teucer ; & ces sept médailles sont toutes rares.

La premiere de moyen bronze, est de la grandeur ordinaire ; mais par son relief & son épaisseur, elle peut passer pour un médaillon. C’est une médaille de Polémon, dont on eût donné le dessein dans les Pl. si la matiere l’eût permis. On voit d’un côté la tête nue d’un jeune homme, tournée de droite à gauche : on lit autour Μ. ΑΝΤΩΝΙΟΥ ΠΟΛΕΜΩΝΩΣ ΑΡΧΙΕΡΕΩΣ ; et de l’autre côté ΚΕΝΝΑΤ. ΔΥΝΑΣΤΟΥ ΟΛΒΕΩΝ ΤΗΣ ΙΕΡΑΣ, & dans une seconde ligne, ΚΑΙ ΠΑΛΑΣΣΕΩΝ. Ε ΙΑ, c’est-à-dire, tête de M. Antoine Polémon, grand-prêtre des Kennati, d’Olba la sacrée, & de Palassis, année seconde, qui tomboit en l’année 714 de Rome. Le type est une chaire à dos & sans bras, à moitié tournée de droite à gauche. On voit au côté droit un symbole singulier, une espece de triquetre.

Une autre médaille du même prince Polémon représente d’un côté une tête d’homme & un caducée, avec cette légende, Αντωνιου ; au revers un foudre : & on lit autour Αρχιερεως τοπαρχου Κεννατων Λαλας Et Β. La même médaille se trouve dans le cabinet du comte de Pembrock, mais avec un revers différent.

Deux autres médaille d’Olba ont été frappées par l’ordre d’un prince appellé Ajax, qui vivoit sous Auguste, & qui fut un des successeurs de Polémon. Une de ces médailles, qui est du cabinet du duc de Dévonshire, représente d’un côté la tête d’Auguste renfermée dans une couronne de laurier, avec la légende Καισαρος Σεϐαστου Le revers représente deux foudres posés l’un sur l’autre : on lit dans le champ Αρχιερεως Αιαντος Τευϰρον τοπαρχου ϰεννα των ϰαι Λαλας. L’autre médaille d’un prince de même nom étoit conservée à Venise dans le cabinet de M. Belloto. On voit d’un côté la tête du prince, avec ces mots Αιαντος Τευϰρου ; de l’autre, la figure ou le symbole de la triquetre : on lit au-dessus Αρχιερε. τοπαρχου ϰεννα. Λαλαςς.

On connoît encore deux médailles d’un autre prince d’Olba, appellé Teucer. Sur l’une on voit la tête du jeune prince nue, & devant elle un caducée, pour légende Τευϰρου Αιαντος : au revers, le symbole comme ci-dessus, & l’inscription Αρχιερεω. Τοπαρχο. Κεννατ. Λαλας ΕΤ. Α.. Sur l’autre médaille, la tête & la légende sont les mêmes, mais sans caducée. On voit au revers un foudre, & l’inscription Αρχιερεως Τοπαρχ. Κεννατων ϰ. Λαλαςς ΕΤ. Α..

M. Masson, dans son édition des œuvres du rhéteur Aristide, n’a décrit que la troisieme, la quatrieme & la cinquieme de ces médailles des princes d’Olba ; mais M. l’abbé Belley les a toutes décrites avec des observations très-curieuses, qu’il faut lire dans les Mém. de littérature, tom. XXI. in-4o. (D. J.)

Médailles, époques marquées sur les (Art numis.) Les époques marquées sur les médailles, sont les dates des années du regne des princes, ou de la durée des villes, soit depuis leur fondation, soit depuis quelques événemens, d’où elles ont commencé de compter leurs années. Ces époques donnent un grand mérite aux médailles, à cause qu’elles reglent sûrement la chronologie ; ce qui sert beaucoup à éclaircir les faits historiques. C’est avec leur secours que M. Vaillant a si bien débrouillé toute l’histoire des rois de Syrie, où les noms semblables des princes font une grande confusion ; & c’est par-là que le cardinal Noris, auparavant célebre antiquaire du grand-duc, a fait tant de découvertes utiles dans son livre de epochis Syro-Macedonum.

Il est vrai que sur ce point les Grecs ont été plus soigneux que les Romains, & les derniers siecles plus exacts que les premiers ; en effet, les médailles romaines ont rarement marqué d’autre époque, que celle du consulat de l’empereur, dont elles représentent la tête, & de la puissance de tribun : or ni l’une, ni l’autre n’est assurée, parce qu’elles ne suivent pas toujours l’année du regne de ce même prince, & que difficilement l’année de la puissance de tribun, répond à celle du consulat. La raison en est que la puissance de tribun se prenoit régulierement d’année en année ; au-lieu que l’empereur n’étant pas toujours consul, l’intervalle de l’un à l’autre consulat, qui souvent étoit de plusieurs années, gardoit toujours l’éloge du dernier ; par exemple, Adrien est dit durant plusieurs années Cos. III. de sorte qu’on ne sauroit par-là se faire aucun ordre assuré pour les différentes médailles qui ont été frappées depuis l’an de Rome 872, que ce prince entra dans son troisieme consulat, jusqu’à sa mort, qui n’arriva que vingt ans après. Cependant comme les puissances tribunitiennes se renouvelloient toutes les années au même jour où elles avoient commencé, on sait à quelles années de la puissance tribunitienne doivent répondre les consulats de chaque empereur. C’est du moins un calcul qui est aisé à faire pour peu que l’on ait les premiers élemens de la chronologie ; la fixation des dates des principaux faits historiques en dépend ; & c’est une des plus grandes utilités qu’on doive se proposer dans l’étude des médailles.

Les Grecs ont eu soin de marquer exactement les années du regne de chaque prince, & cela jusques dans le plus bas empire, où les revers ne sont presque chargés que de ces sortes d’époques, surtout après Justinien.

Je ne parle ici que des médailles impériales : car je sai qu’à l’exception de certaines villes, toutes les autres que Goltzius nous a données, n’ont point d’époques ; & que c’est ce qui embarrasse extrèmement la chronologie. Pour les rois, l’on y trouve plus souvent les époques de leur regne ; le P. Hardouin, dans son antirrhétique, a publié des médailles du roi Juba, dont l’une marque l’an 32, d’autres l’an 36, 40, 42 & 53.

Quelques colonies marquoient aussi leur époque, comme nous voyons dans les médailles de Viminacium, en Maesie, qui, sous Gordien qu’elle commença, marque an. j. ij. &c. sous Philippe, an. vij. &c. sous Décius, an. xj.

Or, le commencement de ces époques doit se prendre tantôt du tems que la colonie a été envoyée : tantôt du regne du prince à qui elle étoit soumise alors : tantôt du regne de quelqu’autre prince qui leur avoit fait quelque nouvelle grace, d’où il est arrivé quelquefois que la même ville, telle par exemple qu’Antioche, s’est servie de différentes époques ; & c’est à quoi il faut faire une attention sérieuse, pour ne pas confondre des faits dont les médailles nous intéressent.

Les villes grecques soumises à l’empire étoient jalouses d’une époque particuliere, c’étoit de l’honneur qu’elles avoient eû d’être néocores, c’est-à-dire, d’avoir eû des temples, où s’étoient faits les sacrifices solemnels de toute une province pour les empereurs. Voyez Néocore.

Les Grecs marquoient encore une époque particuliere sur leurs médailles, qui est celle du pontificat. Il y avoit des villes grecques où les pontifes étoient perpétuels ; ils s’appelloient Ἀρχιερεις διὰ βίου : dans les autres villes où le pontificat étoit annuel, ceux qui possédoient cette charge, n’étoient pas moins soigneux de le marquer, sur-tout lorsqu’ils étoient élus pour la seconde ou pour la troisieme fois. Il faut observer en passant que ces lettres Α Ρ Χ ne signifient pas seulement pontife ; mais que le plus souvent elles signifient archonte ; c’étoit le titre des magistrats grecs qui gouvernoient les villes soumises aux loix d’Athènes. M. Vaillant en a fait une grande énumération.

Les époques qui forment les années du regne des empereurs se marquent presque toujours sur les revers, en une de ces deux manieres : quelquefois en exprimant les mots entiers Ἑτους Δεϰατου, &c. Plus souvent par les simples chifres, & le mot abrégé Ε. ou ΕΤ. Α. Β. presque toujours par le lambda antique L, qui signifie, selon la tradition des antiquaires, Λυϰάϐαντος, mot poétique & inusité dans le langage ordinaire, mais qui veut dire anno, & qui probablement étoit plus commun en Egypte que dans la Grece, puisque c’est sur les médailles de ce pays qu’il se trouve toujours. Nous avons cependant un canope au revers d’Antonin Ἑτους. Β. comme nous avons du même empereur un revers L. Ενατου, & plusieurs autres, avec les simples chifres L. Ζ. L. Η. L. Ι. Γ. chargés de la figure de l’Equité, de la tête de Sérapis, & d’un dauphin entortillé autour d’un trident.

Les époques des villes, sont communément exprimées par le simple chifre sans Ε. ni L. & le nombre plus bas est ordinairement le premier posé. Dans les médailles d’Antioche Δ. Μ. non pas Μ. Δ. Dans une de Pompéopolis, qui a d’un côté la tête d’Aratus, & de l’autre celle de Chrysipe, Θ. Κ. Ϲ. aulieu de Ϲ. Κ. Θ. &c.

Dans le bas empire Grec, les époques sont marquées en latin, anno III. V. VII. &c. depuis Justin jusqu’à Théophile, & elles occupent le champ de la médaille sur deux lignes de haut en bas. (D. J.)

Médailles, ornemens des (Art numismat.) ce sont toutes les choses qui ornent les têtes, les bustes, & les revers d’une médaille ; ainsi le diademe, la couronne, le voile se nomment les ornemens des têtes couvertes. Les divers types ou symboles qui sont empreints sur les revers des médailles, en sont tout autant d’ornemens. Voyez-en la description au mot Symbole. (D. J.)