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de de la chaleur communiquée par l’application ordinaire du feu, s’éleveront en raison de leur rarescibilité spécifique. C’est ainsi que la vapeur de l’eau s’élevera à peine à deux piés, tandis que celle de l’esprit-de-vin peut s’élever à une hauteur bien plus considérable. C’est sur cette différence qu’est fondée la rectification de l’esprit-de-vin, celle des alkalis volatils, &c. Voyez Rectification.

La double cause de la diminution de l’expansion vaporeuse que nous avons assignée plus haut, savoir l’éloignement du centre de la chaleur, & la froideur des corps qui environnent la vapeur dans une certaine partie de l’appareil, peut être portée à un point auquel cette vapeur sera condensée, ou deviendra une liqueur, & quelquefois même un corps concret. Or il est essentiel à toute distillation que ce changement arrive, & c’est aussi un effet que produit constamment tout appareil employé à la distillation.

Détacher par l’action du feu des vapeurs d’un corps renfermé dans des vaisseaux ; les élever, ou plus généralement encore les éloigner de ce corps par l’expansion vaporeuse qui est un mode de la raréfaction, & les condenser par le froid pour les retenir : voilà les trois effets essentiels de la distillation & leurs causes, le formel de cette opération.

On peut déduire de tout ce que nous avons établi jusqu’à présent, les regles de manuel, ou les canons pratiques suivans.

1°. On doit employer des vaisseaux contenans élevés, toutes les fois que le résidu de la distillation doit être en tout ou en partie une substance qui a quelque volatilité, comme dans la distillation du vin, dans la rectification des huiles essentielles, des acides, des alkalis volatils, des esprits ardens ; ou encore lorsque la matiere à distiller se gonfle considérablement, comme dans la distillation de la cire, du miel, de certaines plantes, &c.

2°. La hauteur de ces vaisseaux doit être telle, que la liqueur la moins volatile, celle qui doit constituer le résidu ou en être une partie, ne puisse pas parvenir jusqu’au récipient. L’appareil le plus commode est celui où les vaisseaux contenans ne s’élevent que fort peu au-dessus du terme où peut être porté ce résidu réduit en vapeur. Les alembics dans lesquels le chapiteau est séparé de la cucurbite par un serpentin ou par un long tuyau, & qu’on employoit autrefois beaucoup plus qu’aujourd’hui à la rectification de l’esprit-de-vin, sont un vaisseau dont on peut se passer, & auquel un matras de trois ou quatre piés de haut recouvert d’un chapiteau, peut très-bien suppléer. Quant aux substances sujettes à se gonfler, la façon la plus efficace de prévenir les inconvéniens qui peuvent dépendre de ce gonflement, c’est de charger peu les vaisseaux élevés dans lesquels on les traite.

3°. Il faut dans tous ces cas employer autant qu’il est possible un degré de feu constant, & purement suffisant pour faire passer dans le récipient, les produits volatils. Un bain-marie bouillant fournit, par exemple, ce degré de feu déterminé, & suffisant dans la rectification de l’esprit-de-vin, &c.

4°. On doit dans les mêmes cas n’appliquer le feu qu’à la partie inférieure du vaisseau, & le laisser dans la plus grande partie de sa hauteur exposé à la froideur de l’air environnant, ou même le rafraîchir dans cette partie, sans pourtant pousser ce refroidissement au point de condenser la vapeur la plus volatile, car alors toute distillation cesseroit. Ce dernier moyen est peu employé, parce qu’une certaine élévation des vaisseaux contenans suffit pour la séparation de deux vapeurs inégalement volatiles : on pourroit cependant y avoir recours dans le cas, où faute d’autres vaisseaux on seroit obligé de rectifier

dans un vaisseau bas un liquide composé, dont le principe le moins volatil seroit assez expansible pour s’élever jusqu’au sommet de ce vaisseau. On pourroit, par exemple, rectifier de l’esprit-de-vin dans un alembic d’étain qui n’auroit pas un pié de haut, en rafraîchissant la moitié supérieure de la cucurbite au-dessous du chapiteau. Mais j’avoue que cette observation est plus utile comme confirmant la théorie de la distillation, que comme fournissant une pratique commode.

5°. Lorsqu’il s’agit au contraire de séparer les produits volatils d’un résidu absolument fixe, les vaisseaux les plus bas sont les plus commodes dans tous les cas ; & il est absolument inutile d’employer des vaisseaux élevés, lors même que les produits mobiles sont très-volatils.

6°. Il faut dans le cas des résidus absolument fixes échauffer le vaisseau contenant jusqu’au lieu destiné à condenser les vapeurs, jusqu’au chapiteau dans la distillation droite, & jusqu’à la naissance du cou de la cornue dans la distillation oblique. Pour cela, on enferme ces vaisseaux dans un fourneau de reverbere ; on recouvre les cornues placées au bain de sable ou bain-marie d’un dôme, ou on les entoure ; & on les couvre de charbon, selon une méthode usitée dans les laboratoires d’Allemagne. Voyez Feu & Fourneau.

Nous observerons à ce propos, que la voûte de la cornue ne fait point du tout la fonction de chapiteau, & qu’elle ne condense les vapeurs qu’en pure perte, & lorsque l’on administre mal le feu ; les vapeurs ne se condensent utilement dans la distillation latérale, que dans le cou de la cornue, & dans le récipient ; la voûte de la cornue ne fait, comme les côtés de la cucurbite, que contenir la vapeur & la conserver dans un état de chaleur, & par conséquent d’expansion suffisante pour qu’elle puisse continuer sa route vers le vaisseau destiné à la condenser. Les stries, les gouttes, les ruisseaux de liqueur formés dans l’intérieur de la retorte, que certains artistes ont donnés comme des signes auxquels on peut distinguer certains produits ; ces stries, ces gouttes, ces ruisseaux disparoissent dès qu’on échauffe la retorte, selon la regle que nous venons d’établir.

7°. Il est toûjours utile de rafraîchir le lieu de l’appareil où la vapeur doit se condenser. Ce refroidissement a un double avantage, celui de hâter l’opération, & celui de sauver les produits. Il hâte l’opération ; car si dans un appareil également chaud dans toutes ses parties de vaisseaux exactement fermés, il s’engendroit continuellement de nouvelles vapeurs, ces vapeurs subsistant dans leur même degré d’expansion, feroient bien-tôt obstacle à l’élévation des vapeurs nouvelles ; & il est même un terme où cette élévation doit non-seulement être retardée, mais même supprimée, où la distillation doit cesser. Le froid débande la vapeur, la détruit, vuide l’espace des vaisseaux où on le produit, le dispose à recevoir une nouvelle bouffée de vapeurs. Quant à la deuxieme utilité du refroidissement, il est clair que dans la nécessité où l’on est de perdre une partie des vapeurs, comme nous allons l’exposer dans un moment, plus cette vapeur est condensée, moins il s’en échappe.

Les moyens les plus employés pour rafraîchir, sont ceux-ci : on se sert dans la distillation droite du chapiteau chargé d’un refrigerant, ou du serpentin. Voyez Chapiteau, Refrigerant, & Serpentin. Dans la distillation latérale, on peut placer le récipient dans de l’eau, l’entourer de glace, & le couvrir de linge moüillé : ce dernier moyen est le plus ordinaire ; il est utile de rafraîchir de la même façon