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chevaux, & disoit qui vult rempublicam salvam me sequatur ; les soldats qui s’étoient rassemblés répondoient à cette invitation par un cri, & marchoient de là contre l’ennemi.

Conjuration, s. f. (Divinat.) parole, caractere, ou cérémonie, par lesquels on évoque ou l’on chasse les esprits malins, on détourne les tempêtes, les maladies, & les autres fléaux.

Dans l’Église Catholique & Romaine on employe, pour expulser les démons des corps des possédés, certaines conjurations ou exorcismes, & on les asperge d’eau-benite avec des prieres & des cérémonies particulieres. Voyez Exorcisme.

Il y a cette différence entre conjuration & sortilége, que dans la conjuration on agit par des prieres, par l’invocation des saints, & au nom de Dieu, pour forcer les diables à obéir. Le ministre qui conjure par la fonction sainte qu’il exerce, commande au diable, & l’esprit malin agit alors par pure contrainte : au lieu que dans le sortilége on agit en s’adressant au diable, que l’on suppose répondre favorablement en vertu de quelque pacte fait avec lui, ensorte que le magicien & le diable n’ont entre eux aucune opposition. Voyez Sortilége.

L’un & l’autre different encore de l’enchantement & des maléfices, en ce que dans ces derniers on agit lentement & secrettement par des charmes, par des caracteres magiques, &c. sans jamais appeller le diable, ni avoir aucun entretien avec lui. Voyez Charme & Maléfice.

Quelques démonographes ont prétendu qu’un moyen très-efficace de reconnoître les sorciers dans les exorcismes, étoit de les conjurer par les larmes de Jesus-Christ ; & que si par cette conjuration on pouvoit leur en tirer à eux-mêmes, c’étoit une marque de leur innocence ; & qu’au contraire si elle ne leur en arrachoit pas, c’étoit un signe de magie. Modus autem conjurandi, disent-ils, ad lacrymas veras si innoxia fuerit & cohibere lacrymas falsas, talis vel consimilis practicari in sententia à judice potest seu presbytero, manum super caput delati seu delatæ ponendo : conjuro te per amarissimas lacrymas à nostro salvatore Domino, &c. Delrio, qui cite cette pratique & cette formule, regarde avec raison l’une & l’autre comme superstitieuses : & d’ailleurs, quel moyen facile de justification n’offriroit-elle pas aux sorciers, & sur-tout aux sorcieres, qui sont d’un sexe à qui l’on sait que les larmes ne coutent rien ? Voyez Delrio, disquisit. magicar. lib. V. sect. jx. pag. 741. & suiv.

Les Payens avoient coûtume de conjurer les animaux nuisibles aux biens & aux fruits de la terre, & entr’autres les rats. C’étoit au nom de quelque divinité fabuleuse, qu’on interdisoit à ces animaux destructeurs l’entrée des maisons, des jardins, ou des campagnes. Aldrovandus, dans son ouvrage sur l’histoire naturelle, pag. 438. a pris soin de nous en conserver cette formule : Adjuro vos, omnes mures, qui hic comistitis, ne mihi inferatis injuriam : assigno vobis hunc agrum, in quo si vos posthac deprehendero, matrem deorum testor, singulos vestrum in septem frusta discerpam. Mais il ne dit pas l’effet que produisoit ce talisman. Voyez Talisman. Celui qui voudra connoître jusqu’où peut aller la méchanceté de l’homme, n’aura qu’à lire l’histoire de la conjuration des diables de Loudun, & la mort d’Urbain Grandier. (G)

CONJURE, s. f. (Jurispr.) dans quelques coûtumes signifie la semonce faite par le bailli, ou gouverneur, ou par son lieutenant, aux hommes de fief, ou cottiers, de venir juger une affaire qui est de leur compétence : ce qui n’a lieu que dans certaines coûtumes des Pays-bas, où l’exercice de la justice féodale appartient aux hommes de fief conjointement avec le juge du seigneur, & aux hommes cottiers ou ro-

turiers, lorsque le seigneur n’a dans sa mouvance que des roturiers, comme dans les coûtumes d’Artois, de Saint-Omer, de Valenciennes, &c.

On prétend que l’étymologie de ce mot vient de ce que le seigneur ou son juge appelloit les hommes de fief ou cottiers en ces termes : voila une telle affaire, je vous conjure d’y faire droit ; que c’est de-là qu’on a dit, la conjure du seigneur, du bailli, du gouverneur, ou de son lieutenant ; que sans cette conjure, le pouvoir des hommes de fief ou cottiers est simplement habituel, & qu’il ne peut produire aucun effet : de sorte que les jugemens & actes judiciaires rendus sans légitime conjure préalable, sont nuls.

Anciennement le seigneur pouvoit lui-même conjurer ses hommes. C’est ainsi que le comte de Flandre conjura les siens pour prendre le parti du roi d’Angleterre contre la France, & Philippe-le-Bel conjura ses pairs pour faire jugement contre le roi d’Angleterre.

Présentement le seigneur ne peut pas lui-même conjurer ses hommes pour rendre la justice ; la conjure doit être faite par son bailli, ou par le lieutenant.

On pourroit aussi par le terme de conjure entendre que c’est l’assemblée de ceux qui ont preté ensemble serment de rendre la justice conformément à ce que l’on trouve dans les lois salique, ripuaires & autres lois anciennes, où les conjurés, conjuratores, sont ceux qui après avoir preté ensemble serment, rendoient témoignage en faveur de quelqu’un.

Cour de conjure, est la justice composée d’hommes de loi conjurés pour juger. C’est en ce sens qu’il est dit dans la somme rurale, faire droit entre les parties par conjure d’hommes ou d’échevins ; & que la coûtume de Lille, titre des plaintes à loi, dit : semondre & conjurer de loi les hommes de fief, échevins, & juges.

Conjure signifie aussi quelquefois dans ces coûtumes, demande & semonce, comme dans celle d’Hainaut, chap. lvj. Ainsi conjurer la cour ou le juge de la loi, c’est former une demande devant lui. Voyez le gloss. de M. de Lauriere au mot conjure, & Maillart en ses notes sur le titre j. de la coûtume d’Artois. (A)

CONJURÉ, s. m. membre d’une conjuration. Voyez Conjuration (Gram.).

CONJUREMENT, s. m. (Jurispr.) est la même chose que conjure. Ce terme est usité à Aire, à Lille & autres villes de Flandre. Il en est parlé en plusieurs endroits du troisieme tome des ordonnances de la troisieme race, pag. 5, 464, 564, & 565. Voyez ci-devant Conjure. (A)

CONIUS, (Mythol.) surnom sous lequel Jupiter fut adoré par les habitans de Megare, où il avoit un temple sans toît, ce qui lui fit donner le nom de Conius, ou de Jupiter le poudreux.

CONNAUGHT, (Géog. mod.) grande province d’Irlande, bornée par celles de Leinster, d’Ulster, de Munster, & par la mer. Sa capitale est Galloway.

CONNECTICUTE, (Géog.) voyez Baye des Matachusets, à l’article Matachusets.

CONNÉTABLE ou GRAND CONNÉTABLE, s. m. (Hist. mod.) est le nom d’un ancien officier de la couronne, qui ne subsiste plus ni en France, ni en Angleterre.

Quelques-uns le dérivent du Saxon, & le font signifier originairement le stay, ou le soûtien du roi. D’autres le tirent avec plus de probabilité du comes stabuli, ou grand écuyer, supposant que cette dignité qui n’étoit au commencement que civile, devint ensuite militaire, & que le grand écuyer fut fait général des armées.

La fonction du connétable d’Angleterre consistoit