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vement d’un bateau, ou qui tourne avec force pendant quelque tems, éprouve d’abord un vertige qui annonce que le cerveau est affecté, & bientôt après il vomit de la bile. Il suit de-là, que comme le vomissement de bile procede de causes si legeres, il ne faut pas tirer un prognostic fatal de ce symptome dans les coups de tête, à moins qu’il ne soit accompagné d’autres symptomes dangereux.

10°. Pour ce qui regarde les douleurs de tête, il semble que ce soit un desordre particulier au crâne & à ses tégumens. Comme ils dénotent que les fonctions du cerveau ne sont pas détruites, il ne faut pas les mettre au rang des mauvais présages : car quand les fonctions du cerveau sont extrêmement dérangées, on ne peut pas déterminer si l’on ressent ou non, des douleurs dans cette partie.

11°. Les convulsions marquent clairement que la compression, la lésion du cerveau, a dérangé l’égalité de l’affluence des esprits dans les nerfs qui servent au mouvement musculaire.

12°. La paralysie arrive quand le cerveau est tellement blessé, que cette lésion a totalement arrêté le cours des esprits qui affluent dans les nerfs qui donnent le mouvement aux muscles ; selon qu’une partie ou une autre du cerveau aura été comprimée, la paralysie affectera, ou tous les muscles, ou ceux d’un côté du corps seulement, ou bien simplement quelque muscle particulier : c’est un très-mauvais prognostic, puisqu’il dénote la violente compression de la substance médullaire du cerveau.

13°. La décharge involontaire d’urine & de matiere fécale, est ici un des plus funestes symptomes ; car les nerfs qui servent aux muscles sphincters de la vessie & de l’anus, tirent leur origine des derniers nerfs de la moëlle spinale, qui passe par les trous de l’os sacrum : d’où il est naturel de conclure, que l’origine de la moëlle spinale dans le cerveau doit être lésée en même tems.

14°. Pour ce qui est de l’apoplexie & de la fievre qui l’accompagne, elle montre une compression du cerveau qui a détruit toutes les sensations internes & externes, aussi-bien que les mouvemens spontanés. Cet état apoplectique est presque toûjours accompagné d’un pouls fort & vif, pendant lequel l’action du cervelet continue encore ; parce qu’étant à l’abri sous la dure-mere, il est bien plus difficilement comprimé.

15°. Enfin quand le cervelet vient aussi à être comprimé, parce que dans la compression du cerveau toute la force du sang qui devroit circuler agit presque entierement sur le cervelet ; la structure du cervelet se détruit par une augmentation de mouvement, d’où la mort suit nécessairement.

Causes de la compression du cerveau. Ces divers accidens que produit la compression, naissent dans les coups reçûs à la tête, par l’enfoncement du crâne avec, ou sans fracture. Alors il peut arriver que du sang ou quelque autre liqueur soit épanchée sur la dure-mere, entre cette membrane & la pie-mere, entre celle-ci & le cerveau, ou dans la propre substance du cerveau. Il peut y avoir quelque portion d’os déplacée entierement, ou en partie ; une pointe d’os qui pique la dure-mere ; le corps qui a fait la plaie s’il reste dedans ; l’inflammation des meninges occasionnée par une petite division, ou par la contusion du péricrâne. Voilà les causes immédiates de la compression du cerveau.

Cure. La cure consiste à rétablir le crâne dans son état naturel, & à l’y maintenir. On connoît l’enfoncement du crâne par l’attouchement du crâne, ou par la vûe seule, sur-tout quand les tégumens sont levés. Il faut cependant ici quelquefois de l’habileté & de la prudence pour ne pas s’y méprendre. Si

l’enfoncement du crâne est si sensible, qu’il ne faille que des yeux pour le voir, il est pour lors bien avéré ; & quand par la violence des symptomes on s’est cru obligé de lever les tégumens, & de mettre l’os à nud, on voit bien aussi ce qui en est.

S’il n’est question que de la contusion du pericrâne, on y remédie par la saignée ; ou si elle ne réussit pas, par une incision cruciale qu’on fait à cette partie avec un bistouri droit, dont on porte obliquement la pointe sous la peau, afin que cette incision s’étende plus sur le pericrâne, que sur le cuir chevelu. Par ce moyen, on débride cette membrane, on donne issue aux liqueurs, on fait cesser l’inflammation & les symptomes qui en sont les suites. On panse cette plaie simplement ; on met sur l’os & sur le pericrâne, un plumaceau trempé dans une liqueur spiritueuse, telle que l’eau-de-vie ; on couvre d’un digestif simple la plaie des tégumens, & l’on applique sur toute la tête des résolutifs spiritueux.

Dans le cas d’épanchement, on a ordinairement recours au trépan : mais avant que de faire cette opération, il faut tâcher de connoître le lieu où est le desordre, & il n’est pas toûjours aisé de le deviner ; cependant si les symptomes menaçans, causés par la compression du cerveau, sont extrèmement urgens, il faudra appliquer le trépan à un endroit, ou à plusieurs endroits du crâne s’il est nécessaire, pour faire cesser la compression, & évacuer la matiere épanchée ; car il paroît plus raisonnable, après avoir prévenu les assistans sur l’incertitude du succès de l’opération, de tenter un remede douteux dans cette conjoncture, que de n’en point tenter du tout.

Lorsque quelque pointe d’os pique la dure-mere, ou blesse le cerveau, il faut l’ôter au plûtôt ; car il en résulte les plus cruels symptomes. Lorsque l’os enfoncé plie ou cede sous le trépan, on doit faire un trou dans le crâne à côté de la fracture, par lequel trou on introduira l’élévatoire pour soûlever l’os enfoncé.

Réflexion. Dans tous ces cas l’on ne peut qu’être effrayé de la plûpart des tristes symptomes dont nous avons fait le détail : cependant l’on ne manque pas d’observations d’heureuses cures arrivées dans des enfoncemens, des fractures de crâne très-considérables, dans le déchirement des méninges, dans la perte même d’une partie de la substance du cerveau. Ces faits consolans confondent notre foible raison, & nous prouvent que le Créateur en cachant à nos yeux le siége de l’ame, lui a donné des ressources pour sa conservation qui nous seront toûjours inconnues. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Compression, terme de Chirurgie, action de presser une partie par le moyen d’un appareil & d’un bandage.

La compression est un des meilleurs moyens d’arrêter le sang. Voyez Hémorrhagie.

Un appareil compressif appliqué avec intelligence sur la peau qui recouvre un sinus, procure quelquefois le recollement de ses parois, & évite des incisions douloureuses : Voyez Compresse & Contre-ouverture

Il est des cas où la compression est nécessaire pour retenir le pus dans les sinus, afin de mettre le chirurgien à portée de faire plus sûrement les incisions & contre-ouvertures nécessaires. C’est ainsi que M. Petit a imaginé de tamponner l’intestin rectum dans la fistule interne de l’anus, pour faire séjourner le pus dans le sinus fistuleux, & faire prononcer une tumeur à la marge du fondement, laquelle sert à indiquer le lieu où il faut faire l’opération. Voy. Fistule à l’anus.

Cette méthode de comprimer l’endroit par où le pus sort, s’employe avec succès dans d’autres parties pour faire l’ouverture des sacs qui fournissent les