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rer les belles cures opérées par les frictions, cette espece simple de compression méchanique, & de relâchement alternatif des vaisseaux, qui rétablit l’action & la réaction des solides & des fluides, d’où dépend l’intégrité de toutes les fonctions du corps. Article de M. le Chevalier de Jaucourt

Compression du cerveau, (Chir.) pression de ce viscere par quelque coup violent qui a contus, enfoncé le crâne en-dedans avec fracture, ou sans fracture.

Lorsque la tête est frappée par quelque coup, ou que dans une chûte elle rencontre quelque corps dur, il en peut résulter deux tristes effets : 1° la commotion du cerveau, voy. Commotion : 2° sa compression, dont voici les signes & les suites.

Symptômes de la compression du cerveau. 1°. La rougeur du visage, l’inflammation des yeux, le saignement du nez, des oreilles, &c. 2° le frissonnement, 3° l’engourdissement des sens, 4° l’assoupissement, 5° la léthargie, 6° le vertige, 7° le tintement dans les oreilles, 8° le délire, 9° le vomissement bilieux, 10° les douleurs de tête, 11° les convulsions, 12° la paralysie, 13° la décharge involontaire des urines & de la matiere fécale, 14° l’apoplexie. Voilà les symptomes de la compression du cerveau, qui se trouvent plus ou moins rassemblés, & dont nous allons tâcher de donner l’explication.

Explication physiologique de ces symptomes. On apprend, en Géométrie, que de toutes les figures d’une égale circonférence, le cercle est celle qui comprend le plus grand espace : or la figure du crâne est à peu-près sphérique ; par conséquent s’il est pressé en dedans, il faut que sa capacité diminue. On sait aussi par la Physiologie, que la cavité du crâne est toûjours pleine dans l’état de santé. Si donc la figure du crâne est changée par la compression, il faut nécessairement que cette compression agisse aussi sur le cerveau qui y est contenu.

Comme la vie de l’homme & toutes ses fonctions naturelles, dépendent de ce qui est contenu dans la capacité du crâne, & que toute la substance du cerveau, extrèmement molle, est facile à comprimer, il est clair que toutes les fonctions qui dépendent de l’intégrité du cerveau, seront troublées par la compression ; & comme le cervelet est plus à couvert que le cerveau, il s’ensuit que les fâcheux effets de la compression ne parviendront à détruire l’action du cervelet d’où dépend la vie, qu’après avoir affecté auparavant les actions dépendantes du cerveau.

Il est sans difficulté que les effets de ce desordre varient à raison des différentes portions du cerveau qui sont comprimées, ou selon que la cause comprimante agit avec plus ou moins de violence, ou selon la quantité de la liqueur épanchée par la compression, ou enfin selon que les fragmens aigus de l’os pénetrent plus ou moins avant dans la substance du cerveau.

Il est vrai que la plus légere compression du cerveau peut troubler son action ; c’est ce que justifie un cas fort singulier, rapporté dans l’Hist. de l’acad. des Sc. Une femme qui avoit la moitié du crâne enlevé, ne laissoit pas d’aller en cet état dans les rues, mendiant de porte en porte : si quelqu’un lui touchoit la dure-mere qu’elle avoit toute découverte, avec le bout du doigt seulement, & le plus légerement qu’il fût possible, elle faisoit un grand cri, & disoit qu’elle avoit vû mille chandelles. Il ne faut donc pas être surpris que la compression du cerveau puisse produire tous les symptomes rassemblés ici.

Premierement, la rougeur du visage, l’inflammation des yeux, le saignement de nez, des oreilles, &c. pourront être les effets de la compression. La circulation du sang dans les vaisseaux du cerveau étant

obstruée, les yeux deviennent rouges par la quantité de sang qu’y portent les branches de la carotide interne : cette quantité augmentant insensiblement par la circulation, il en résultera un saignement du nez, des yeux, des oreilles, &c. d’ailleurs, le sang qui se décharge par ces parties, donne lieu de craindre que les vaisseaux sanguins qui entrent dans le cerveau, ne soient aussi rompus.

2°. Le frissonnement est un mauvais symptome, parce qu’il désigne qu’il se décharge du sang de vaisseaux rompus, sur-tout quand il n’est pas reglé ; il indique encore un dérangement dans le siége des sensations.

3°. L’engourdissement des sens est un symptome ordinaire, même de la plus legere compression du cerveau ; parce que dès que la substance médullaire du cerveau est affectée, les sensations qui en émanent doivent être engourdies : ensorte que cet effet résultera proportionnellement à la force de la compression ; & de plus il durera pendant toute la vie, si la cause comprimante subsiste toûjours. Nous avons un exemple qui le prouve dans Hildanus, cent. III. obs. xxj. On observe même cet engourdissement dans tous les sens, lorsque le sang trop abondant dans les pléthoriques, distend leurs gros vaisseaux ; ou dans les maladies aiguës, lorsque par sa vélocité il se raréfie au point de dilater les vaisseaux, qui alors pressent sur la substance médullaire du cerveau.

4°. Si la compression est plus forte, l’assoupissement suit nécessairement ; parce que la libre circulation des esprits & du sang dans la substance corticale du cerveau est alors empêchée : ce qui produit l’assoupissement.

5°. La léthargie indique qu’il y a encore une plus grande compression sur le cerveau : aussi-tôt que les causes qui produisent l’assoupissement sont augmentées, elles forment la léthargie. Il faut remarquer ici qu’elle est plus considérable quand la compression vient de quelque portion d’os, ou d’un épanchement, que lorsque la dure-mere est piquée ou déchirée par quelques esquilles ; mais dans ce dernier cas la douleur est la plus profonde, & la pesanteur de la tête plus considérable.

6°. Le vertige est un des plus legers desordres qui arrivent au cerveau dans la compression. Si le malade perd la vûe, c’est une marque que le mal augmente. Le cerveau étant comprimé, les esprits ne coulent plus aussi librement de l’origine de la moëlle du cerveau par les nerfs du cerveau ; il en résulte une rotation apparente des objets. Si le mouvement impétueux du sang presse davantage le cerveau, & qu’il forme un obstacle dans les vaisseaux par lesquels le sang provient du cerveau, il s’ensuit un vertige ténébreux, & à la fin le malade tombe à terre.

7°. Le tintement dans les oreilles procede ici de la même cause qui produit le vertige, & est presque toûjours la suite d’un violent coup à la tête qui a comprimé le cerveau. Il faut bien le distinguer de ce tintement d’oreilles qu’on éprouve en santé, qui ne vient que d’un leger desordre dans l’organe de l’oüie ; desordre qu’on dissipe en enfonçant simplement le doigt dans l’oreille, ou en le passant autour, ou en comprimant le tragus, ou en ôtant la cire des oreilles.

8°. Quant au délire, on sent bien que dans la compression du cerveau, il faut nécessairement qu’il s’ensuive un dérangement dans les perceptions de l’ame qui dépendent de l’action libre & continue du cerveau, & que nous nommons délire.

9°. A l’égard du vomissement de la bile, il naît de la communication étonnante qu’il y a entre la tête & les visceres, puisqu’ils font des impressions si réelles l’un sur l’autre. Dans l’état même de santé, quelqu’un qui n’est point accoûtumé au mou-