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3°. De-là il suit qu’un corps qui se meut presque entierement sur lui-même, de sorte qu’il communique peu de son mouvement aux corps environnans, doit conserver son mouvement pendant un long tems. C’est pour cette raison qu’une boule de laiton polie, d’un demi-pié de diametre, portée sur un axe délié & poli, & ayant reçu une assez petite impulsion, tournera sur elle-même pendant un tems considérable. Voyez Résistance, &c.

Au reste, quoique l’expérience & le raisonnement nous ayent instruits sur les lois de la communication du mouvement, nous n’en sommes pas plus éclairés sur le principe métaphysique de cette communication. Nous ignorons par quelle vertu un corps partage, pour ainsi dire, avec un autre le mouvement qu’il a ; le mouvement n’étant rien de réel en lui-même, mais une simple maniere d’être du corps, dont la communication est aussi difficile à comprendre que le seroit celle du repos d’un corps à un autre corps. Plusieurs philosophes ont imaginé les mots de force, de puissance, d’action, &c. qui ont embrouillé cette matiere au lieu de l’éclaircir. Voyez ces mots. Tenons nous-en donc au simple fait, & avoüons de bonne foi notre ignorance sur la cause premiere. (O)

Communication d’idiomes, (Thèol.) terme consacré parmi les Théologiens en traitant du mystere de l’incarnation, pour exprimer l’application d’un attribut d’une des deux natures en Jesus-Christ à l’autre nature.

La communication d’idiomes est fondée sur l’union hypostatique des deux natures en Jesus-Christ. C’est par communication d’idiomes qu’on dit que Dieu a souffert, que Dieu est mort, &c. choses qui à la rigueur ne se peuvent dire que de la nature humaine, & signifient que Dieu est mort quant à son humanité, qu’il a souffert en tant qu’Homme ; car, disent les Théologiens, les dénominations qui signifient les natures ou les propriétés de nature, sont des dénominations de supposita, c’est-à-dire de personnes. Or comme il n’y a en Jesus-Christ qu’une seule personne, qui est celle du Verbe, c’est à cette personne qu’il faut attribuer les dénominations des deux natures, & de leurs propriétés. Mais on ne sauroit par la communication d’idiomes attribuer à J. C. ce qui feroit supposer qu’il ne seroit pas Dieu ; car ce seroit détruire l’union hypostatique, qui est le fondement de la communication d’idiomes. Ainsi l’on ne sauroit dire que J. C. soit un pur homme, qu’il soit faillible, &c.

Les Nestoriens rejettoient cette communication d’idiomes, ne pouvant souffrir qu’on dît que Dieu avoit souffert, qu’il étoit mort : aussi admettoient-ils dans Jesus-Christ deux personnes. Voyez Nestoriens.

Les Luthériens sont tombés dans l’excès opposé, en poussant la communication d’idiomes, & en prétendant que Jesus-Christ, non-seulement en tant qu’il est une des trois personnes divines, & à raison de sa divinité, mais encore en tant qu’Homme, & à raison de son humanité, est immortel, immense. Voyez Ubiquistes & Ubiquité. (G)

Communication, (Belles lett.) figure de rhétorique par laquelle l’orateur, sûr de la bonté de sa cause ou affectant de l’être, s’en rapporte sur quelque point à la décision des juges, des auditeurs, même à celle de son adversaire. Cicéron l’employe souvent ainsi dans l’oraison pour Ligarius : Qu’en pensez-vous, dit-il à César, croyez-vous que je sois fort embarrassé à défendre Ligarius ? Vous semble-t-il que je sois uniquement occupé de sa justification ? ce qu’il dit après avoir poussé vivement son accusateur Tuberon. Et dans celle pour Caius Rabirius, il s’adresse ainsi à Labienus son adversaire : « Qu’eussiez-vous fait dans une occasion aussi délicate, vous qui prîtes la fuite par lâcheté, tandis que la fureur & la méchanceté de Saturnin vous appelloient d’un côté au capitole, & que d’un

autre les consuls imploroient votre secours pour la défense de la patrie & de la liberté ? Quelle autorité auriez-vous respectée ? Quelle voix auriez-vous écoutée ? Quel parti auriez-vous embrassé ? Aux ordres de qui vous seriez-vous soûmis ? Cette figure peut produire un très-grand effet, pourvû qu’elle soit placée à-propos. (G)

Communication de Pieces, (Jurisprud.) est l’exhibition, & même quelquefois la remise qui est faite d’une piece à la partie intéressée pour l’examiner ; sous ce terme de pieces on entend toutes sortes d’écrits, soit publics ou privés, tels que des billets & obligations, des contrats, jugemens, procédures, &c.

On ne doit pas confondre la signification ni l’acte de baillé copie d’une piece avec la communication ; on signifie une piece en notifiant en substance, par un exploit, ce qu’elle contient ; avec cette signification on donne ordinairement en même tems copie de la piece ; mais tout cela n’est pas encore la communication de la piece même. Celui qui en a copie a souvent intérêt d’en voir l’original pour examiner s’il y a des ratures ou interlignes, des renvois & apostilles, si l’écriture & les signatures sont véritables ; c’est pour cela que l’on communique la piece même. Cette communication se fait ou de la main à la main sans autre formalité, ou sous le récepissé du procureur, ou par la voie du greffe, ou devant le rapporteur ; le greffier remet quelquefois la piece sous le récepissé du procureur, quelquefois aussi la communication se fait sans déplacer ; enfin on donne quelquefois en communication les sacs entiers, & même tout un procès ; on communique aussi au parquet : nous expliquerons séparément chacune de ces différentes sortes de communications.

Un des principaux effets de la communication, est qu’elle rend les pieces communes à toutes les parties, c’est à-dire que celui contre qui on s’en est servi peut aussi argumenter de ces pieces en ce qu’elles lui sont favorables ; & cela a lieu, quand même celui qui a produit les pieces les retireroit de son dossier ou de son sac & production, & quoiqu’il n’en auroit pas été donné copie.

Communication sans déplacer, est celle qui se fait au greffe, ou en l’hôtel du rapporteur ou autre juge, en exhibant seulement les pieces pour les examiner en présence du juge ou greffier, sans qu’il soit permis à la partie ni à son procureur d’emporter ces pieces pour les examiner ailleurs.

Communication aux Gens du Roi, ou au Ministere public, ou au Parquet, est la remise que l’on fait aux gens du Roi dans les justices royales, ou aux avocats & procureurs fiscaux dans les justices seigneuriales, des pieces sur lesquelles ils doivent donner des conclusions, afin qu’ils puissent auparavant les examiner.

Cette communication se fait en plusieurs manieres & pour differens objets.

L’on communique au ministere public les ordonnances, édits, déclarations, lettres patentes, pour l’enregistrement desquels ils doivent donner des conclusions. Le Roi envoye ordinairement ces nouveaux réglemens à son procureur général dans les cours souveraines ; pour les autres siéges royaux inférieurs, & autres ressortissant nuement ès cours souveraines, c’est le procureur général qui envoye les réglemens au procureur du Roi de chaque siége.

Dans les affaires civiles où le ministere public doit porter la parole, qui sont celles où le Roi, l’Église ou le public a intérêt, les parties sont obligées de communiquer leurs pieces au ministere public, quand même la partie n’auroit point d’autre contradicteur : cette communication se fait par le ministere des avocats ; & lorsque le ministere public est partie, il communique aussi ses pieces à l’avocat qui est chargé contre lui.