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commissionnaire s’appelle commissionnaire de banque : si elle consiste à recevoir dans des magasins des marchandises, pour les envoyer de-là à leur destination, moyennant aussi un salaire, le commissionnaire s’appelle commissionnaire d’entrepôt : si elle consiste à prendre des voituriers les marchandises dont ils sont chargés, & à les distribuer dans une ville aux personnes à qui elles sont adressées, le commissionnaire s’appelle commissionnaire de voituriers. On donne encore le nom de commissionnaires, & de compagnie de commissionnaires, à des facteurs Anglois établis dans le Levant : ce sont des personnes alliées aux familles de la premiere distinction, qui après un apprentissage passent principalement à Smyrne : le préjugé de la noblesse qui contraint ailleurs, sous peine de déroger, de vivre dans l’ignorance, l’inutilité, & la pauvreté, permet là de trafiquer pour son compte, de servir l’état, & de faire des fortunes considérables, sans manquer à ce qu’on doit à sa naissance.

COMMISSOIRE, (Jurisp.) voyez Loi commissoire, & Pacte de la Loi commissoire.

* COMMISSURE, s. f. terme peu usité, mais qui étant le signe d’une idée très-réelle, mériteroit d’être adopté : c’est la ligne selon laquelle deux corps appliqués sont unis ensemble.

Commissure, (Anatom. & Chirurg.) Ce mot signifie le lieu où s’abouchent certaines parties du corps, comme les levres. Les commissures des levres sont les endroits où elles se joignent ensemble du côté des joues. Les endroits où les ailes de la vulve s’unissent en-haut & en-bas, se nomment aussi commissures. Le lieu où les paupieres se joignent porte encore le même nom. Immédiatement au-dessous de la base du pilier antérieur du cerveau, on apperçoit un gros cordon médullaire très-blanc, court, & posé transversalement d’une hémisphere à l’autre : on l’appelle commissure antérieure du cerveau. Sur quoi je ne puis m’empêcher de remarquer que quand on est contraint d’aggrandir l’ouverture de la fistule lachrymale, ou d’y faire une incision, on doit avoir pour principe de ménager cette commissure des paupieres, parce que sa destruction cause l’éraillement de l’œil, bien plûtôt que la section du muscle orbiculaire, qu’il ne faut pas craindre de couper s’il est nécessaire ; ce que je remarque en passant, contre l’opinion commune.

Le mot commissure est une très-bonne expression, dont la chirurgie moderne a enrichi notre langue : les termes d’articulation & de jointure, s’employent pour l’emboîtement des os. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

COMMITTIMUS, s. m. (Jurisp.) Ce mot latin, qui signifie nous commettons, est consacré dans le style de la chancellerie & du palais, pour exprimer un droit ou privilége que le Roi accorde aux officiers de sa maison & à quelques autres personnes, & à certaines communautés, de plaider en premiere instance aux requêtes du palais ou de l’hôtel, dans les matieres pures-personnelles, possessoires, ou mixtes, & d’y faire renvoyer ou évoquer celles où ils ont intérêt, qui seroient commencées devant d’autres juges, pourvû que la cause soit encore entiere, & non contestée à l’égard du privilégié. On entend quelquefois par le terme de committimus, les lettres de chancellerie qui autorisent à user de ce droit, & que Loyseau, dans son traité des offices, appelle l’oriflamme de la pratique.

Le droit de committimus a beaucoup de rapport avec ce que les jurisconsultes appellent privilegium fori, aut jus revocandi domum : ce privilége consistoit à plaider devant un juge plus relevé que le juge ordinaire, ou devant un juge auquel la connoissance de certaines matieres étoit attribuée. Ainsi chez les

Romains les soldats avoient leurs causes commises devant l’officier appellé magister militum. Il y avoit un préteur particulier pour les étrangers ; un autre qui ne connoissoit que du crime de faux, un autre qui ne connoissoit que des fidéicommis.

Les empereurs Romains avoient aussi pour les matieres civiles un magistrat appellé procurator Cæsaris, & pour les matieres criminelles un autre appellé præfes, devant lesquels les officiers de leur maison devoient être traduits, selon la matiere dont il s’agissoit. Les sénateurs avoient aussi un juge de privilége en matiere civile & en matiere criminelle ; ils avoient pour juge celui qui étoit délégué par le prince.

L’origine des committimus en France est fort ancienne. Comme l’établissement des maîtres des requêtes de l’hôtel est beaucoup plus ancien que celui des requêtes du palais, l’usage du committimus aux requêtes de l’hôtel est aussi beaucoup plus ancien que pour les requêtes du palais. Les maîtres des requêtes avoient anciennement le droit de connoître de toutes les requêtes qui étoient présentées au roi ; mais Philippe de Valois, par une ordonnance de 1344, regla que dans la suite on ne pourroit plus assigner de parties devant les maîtres des requêtes de l’hôtel, si ce n’étoit de la certaine science du roi, ou dans les causes des offices donnés par le roi, ou dans les causes purement personnelles qui s’éleveroient entre des officiers de l’hôtel du roi, ou enfin lorsque quelques autres personnes intenteroient contre les officiers de l’hôtel du roi des actions purement personnelles, & qui regarderoient leurs offices ; ce qu’il prescrivit de nouveau en 1345.

La chambre des requêtes du palais ne fut établie que sous Philippe-le-Long, vers l’an 1320, pour connoître des requêtes présentées au parlement, comme les maîtres des requêtes de l’hôtel du roi connoissoient des requêtes présentées au roi.

Les officiers commensaux de la maison du roi pensant avoir plus prompte expédition aux requêtes du palais, obtinrent en chancellerie des commissions pour intenter aux requêtes du palais leurs causes personnelles, tant en demandant qu’en défendant, même pour y faire renvoyer celles qui étoient intentées devant les maîtres des requêtes de l’hôtel.

Ces commissions furent dès leur naissance appellées committimus ; & par succession de tems on en étendit l’usage aux matieres possessoires & mixtes : on en accordoit déjà fréquemment dès 1364, suivant une ordonnance de Charles V. du mois de Novembre de cette année, qui porte que les requêtes du palais étoient déjà surchargées de causes touchant ses officiers, & autres qu’il leur commettoit journellement par ses lettres ; & les secrétaires du roi y avoient déjà leurs causes commises dès l’an 1365.

Ces committimus étoient d’abord tous au grand sceau, attendu qu’il n’y avoit encore qu’une seule chancellerie.

On donna même aux requêtes du palais le droit d’être juges de leur propre compétence, par rapport à ceux qui y viennent plaider en vertu de committimus ; ce qui fut ainsi jugé par arrêt du 8 Juillet 1367.

Les maîtres des requêtes de l’hôtel ne voulant pas endurer que leur jurisdiction fût ainsi divisée, Charles VII. en 1453, évoqua aux requêtes du palais toutes les causes de la nature dont on a parlé, qui étoient pendantes & indécises devant les maîtres des requêtes de l’hôtel.

Néanmoins dans l’usage, il est au choix de ceux qui ont committimus de se pourvoir aux requêtes de l’hôtel ou aux requêtes du palais, excepte que les officiers des requêtes du palais de Paris doivent se pourvoir aux requêtes de l’hôtel ; & pareillement ceux des requêtes de l’hôtel ont leur committimus