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que la forure doive être en fleur de lys, il faudra commencer par travailler en acier un mandrin en fleur de lys. On voit que ces clés à forure singuliere demandent beaucoup de tems & de travail. Si vous concevez une clé forée, & que dans la forure on ait placé une bouterolle, ensorte que la bouterolle ne remplisse pas exactement la forure, vous aurez une clé à triple forure. On voit que par cet artifice de placer une bouterolle dans une bouterolle, & cet assemblage dans une forure, on peut ménager des espaces vuides & profonds, entre des espaces solides & profonds, dans la solidité de ce corps de la tige, & même donner à ces espaces telle forme que l’on veut, ce qui paroît surprenant à ceux qui ignorent ce travail. Voy. dans nos Planches de Serrurerie le détail en figures de toutes ces clés, & des instrumens destinés à les forer.

Voilà ce que c’est qu’une clé, en prenant ce mot au simple ; mais la fonction de cet instrument, d’ouvrir & de fermer, a fait appeller par analogie, du même nom, une infinité d’autres instrumens dont la forme est très-différente. Le nom de clé a aussi été donné, dans un sens moral, à toutes les connoissances nécessaires pour l’intelligence d’un ouvrage, d’un auteur, &c. Voyez dans la suite de cet article le mot. clé, employé selon ses acceptions différentes, tant au simple qu’au figuré. Voy. aussi les art. Serrure, Panneton, &c.

Clé, dans un sens moral & théologique, marque de puissance, comme lorsqu’il est dit, Isaïe xxij. v. 22. Je donnerai à mon serviteur Eliacem la clé de la maison de David ; il ouvrira & nul ne fermera… il fermera & nul n’ouvrira… De préeminence, comme lorsque Jesus-Christ donne à Pierre la clé du royaume des cieux… D’intelligence, comme dans l’endroit où Jesus-Christ reproche aux Pharisiens d’avoir pris la clé de la science, & de ne point entrer dans le royaume des cieux, & de n’en pas ouvrir la porte aux autres, &c.

Clé, caractere de Musique, qui mis au commencement d’une portée, détermine le degré d’élevation de cette portée dans le système général, & indique les noms de toutes les notes qu’elle contient.

Anciennement on appelloit clé les lettres par lesquelles on désignoit les sons de la gamme : ainsi la lettre A étoit la clé de la ; C, la clé d’ut, &c. A mesure que le système s’étendit, on apperçut bien-tôt l’embarras & l’inutilité de cette multitude de clés. Guy d’Arezze qui les avoit inventées, marquoit une lettre ou clé au commencement de chacune des lignes de la portée ; car il ne plaçoit point encore de notes dans les espaces : on voit des exemples de cela dans plusieurs anciens manuscrits. Dans la suite on ne marqua plus qu’une des sept clés au commencement d’une des lignes de la portée, celle-là suffisant pour fixer la position de toutes les autres selon l’ordre naturel. Enfin de ces sept lettres ou clés on en a choisi trois, qu’on a nommé claves signatæ, ou clés marquées, parce qu’on se contente d’en marquer une des trois au commencement des lignes pour donner l’intelligence des autres. En effet Kepler prétend que si étant au fait des anciennes écritures, on examine bien la figure de nos clés, on trouvera qu’elles se rapportent chacune à la lettre un peu défigurée de la note qu’elle représente. Ainsi la clé de sol étoit originairement un G ; la clé d’ut, un C ; & celle de fa, une F.

Nous avons donc trois clés à la quinte l’une de l’autre ; la clé d’f ut fa ou de fa, qui est la plus basse, & qui se marque ainsi  ; la clé d’ut ou de c sol ut, qui se marque ainsi , & qui est une quinte au-dessus de la premiere ; & la clé de sol ou de g ré sol, qui

se marque ainsi clef de sol, & qui est une quinte au-dessus de celle d’ut dans l’ordre marqué (Pl. I. Mus. fig. 5.). Sur quoi il faut observer que la clé se pose toûjours sur une ligne, & jamais dans un espace.

En ajoûtant quatre lignes au-dessus de la clé de sol, ce qui fait le plus grand nombre usité, & trois lignes au-dessous de la clé de fa, ce qui est aussi le plus grand nombre, on voit que le système total des notes qu’on peut placer sur les degrés déterminés par ces clés se monte à vingt-quatre, c’est-à-dire trois octaves & une quarte depuis le fa qui se trouve au-dessous de la premiere ligne, jusqu’au si qui se trouve au-dessus de la derniere ; & tout cela forme ensemble ce qu’on appelle le clavier général : par où l’on doit juger que cette étendue a dû faire longtems celle du système. Aujourd’hui qu’il acquiert sans cesse de nouveaux degrés, tant au grave qu’à l’aigu, on marque ces degrés sur des lignes accidentelles qu’on ajoûte en haut ou en bas, selon le besoin.

Au lieu de joindre ensemble toutes les lignes comme nous avons fait ici pour montrer le rapport des clés, on les sépare de cinq en cinq, parce que c’est à-peu-près aux degrés qui y sont compris qu’est bornée l’étendue d’une voix ordinaire. Cette collection de cinq lignes s’appelle portée, & l’on y ajoûte une clé pour déterminer le nom des notes, & pour montrer quel lieu la portée doit occuper dans le clavier.

De quelque maniere qu’on prenne cinq lignes de suite dans le clavier, en y trouve une clé comprise, & quelquefois deux, auquel cas on en retranche une comme inutile : l’usage a même déterminé laquelle il falloit retrancher, & laquelle il falloit poser ; ce qui a donné lieu de fixer le nombre des positions de chaque clé.

Si je fais une portée des cinq premieres lignes du clavier en commençant par le bas, j’y trouve la clé de fa sur la quatrieme ligne : voilà donc une position de clé, & cette position appartient évidemment aux sons les plus graves.

Si je veux gagner une tierce en haut, il faut ajoûter une ligne ; il en faut donc retrancher une en bas, autrement la portée auroit plus de cinq lignes : alors la clé de fa se trouve transportée de la quatrieme ligne sur la troisieme ; la clé d’ut se trouve aussi sur la cinquieme ligne : mais comme deux clés sont inutiles, on retranche ici celle d’ut. On voit que la portée de cette clé est d’une tierce plus élevée que la précédente.

En abandonnant encore une ligne en bas pour en gagner une nouvelle en haut, on a une troisieme portée, où la clé de fa se trouveroit sur la deuxieme ligne, & celle d’ut sur la quatrieme : ici on abandonne la clé de fa, & on prend celle d’ut. On a encore gagné une tierce à l’aigu.

En continuant ainsi de ligne en ligne, on passe successivement par quatre positions différentes de la clé d’ut : arrivant à celle de sol, on la trouve posée d’abord sur la deuxieme, & puis sur la premiere ligne ; & cette derniere position donne le diapason le plus aigu que l’on puisse établir par les clés.

On peut voir (Pl. I. fig. 6.) cette succession des clés du grave à l’aigu, avec toutes leurs positions ; ce qui fait en tout huit portées, clés, ou positions de clés différentes.

De quelque caractere que puisse être une voix ou un instrument, pourvû que son étendue n’excede pas à l’aigu ou grave celle du clavier général, on peut dans ce nombre lui trouver une portée & une clé convenable ; & il y en a en effet de déterminées pour toutes les parties de la Musique. Voyez Parties. Si l’étendue d’une partie est fort grande, & que le nombre de lignes qu’il faudroit ajoûter au-