Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/465

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jambes étoit rouge, & avoit plus de quatre pouces de longueur ; la partie du pié, qui s’étend depuis le talon jusqu’aux doigts, étoit de couleur grise, & le reste des piés, & la jambe, de couleur rouge. Il avoit des écailles en forme de table sur les extrémités des doigts. Les trois de devant étoient joints ensemble à leur commencement par des peaux courtes & épaisses. Il avoit le doigt de derriere gros & court, les ongles blancs, larges, & courts à-peu-près comme ceux de l’homme. La cigogne se nourrit de lézards, de serpens, de grenouilles, & n’a point de ventricule comme les oiseaux de proie, mais seulement un gésier. Elle mange aussi des vers, des araignées, & d’autres insectes. Mémoires pour servir à l’histoire des animaux, tome III. troisieme partie. (I)

Cigogne noire, ciconia nigra, oiseau de la grosseur de la cigogne ordinaire, ou même un peu plus petit. Le cou, la tête, le dos, & les aîles, sont d’un noir luisant ou mêlé de vert ; le ventre, la poitrine & les côtés sont blancs ; le bec est vert ; les pattes sont de cette couleur, & dégarnies de plumes jusqu’à l’articulation du genou ; la membrane qui tient les doigts unis ensemble s’étend jusqu’à la moitié de la longueur du doigt du milieu, seulement du côté extérieur. Voyez Villughby, Ornith. Voyez Oiseau. (I)

Cigogne, (Matiere med.) Les parties de cet oiseau dont on se sert en Medecine sont, outre l’oiseau entier, la vésicule du fiel, le fiel, la graisse, la fiente & le jabot. Cet animal est un grand alexipharmaque, & passe pour un excellent remede contre toutes sortes de poisons, & sur-tout contre la peste ; on en use aussi dans les affections des nerfs & des jointures. Son fiel est recommandé dans les maladies des yeux ; sa graisse en liniment dans les affections goutteuses & le tremblement des articulations ; sa fiente prise dans de l’eau, dans l’épilepsie & dans les maladies de la tête ; son ventricule ou son jabot desseché & pulvérisé passe pour un spécifique admirable contre plusieurs poisons. Diction. de Med. Dale, Schroeder, &c. (b)

CIGUATEO, (Géog.) île de l’Amérique septentrionale, dans la mer du nord, l’une des Lucayes ou de Bahama.

CIGUE, s. f. cicuta, (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleurs en rose, disposées en ombelle, composées de plusieurs pétales en forme de cœur, inégales, & soûtenues par un calice qui devient un fruit presque rond, dans lequel il y a deux petites semences renflées & cannelées d’un côté, & plates de l’autre. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

La cicuta major C. B. est une de celles qu’on range parmi les venimeuses, & la plus renommée de son genre. La mort de Socrate a seule suffi pour en immortaliser les effets.

Comme on ne lit point sans attendrissement dans le Phédon de Platon, l’histoire circonstanciée de ce qui précéda la mort de ce philosophe, qui avoit passé sa vie à être utile à sa patrie, & à la servir de tous ses talens ; qui ne se démentit jamais dans sa conduite ; qui témoigna jusqu’au dernier soupir une grandeur héroïque, émanée de la fermeté de son ame & de la confiance dans son innocence : il résulte nécessairement de cette lecture, que tout ce qui regarde la fin tragique d’un homme si respectable, devient intéressant, jusqu’à la plante même qui finit ses jours. Le nom de cette plante se joint dans notre esprit avec celui de Socrate. Nous la cherchons dans nos climats, nous voulons la connoître par nos yeux, ou du moins nous en lisons la description avec avidité.

Description de notre ciguë. Sa racine est longue d’un

pié, grosse comme le doigt, partagée en plusieurs branches solides. Avant que de pousser sa tige, cette racine est couverte d’une écorce mince, jaunâtre, blanche intérieurement, fongueuse, d’une odeur forte, d’une saveur douçâtre ; de plus, cette racine est creuse en-dedans quand elle pousse sa tige. Cette tige est fistuleuse, cannelée, haute de trois coudées, lisse, d’un verd gai, parsemée cependant de quelques taches rougeâtres comme la peau des serpens. Ses feuilles sont aîlées, partagées en plusieurs lobes, lisses, d’un verd noirâtre, d’une odeur puante, approchant de celle du persil. Ses fleurs sont en parasol au sommet des tiges, en roses composées de cinq pétales blancs en forme de cœur, inégaux, placés en rond, & portés sur un calice qui se change, comme on l’a dit, en un fruit presque sphérique, composé de deux petites graines convexes & cannelées d’un côté, applaties de l’autre, d’un verd pâle. Elle croît dans les lieux ombrageux, dans les champs, au bord des haies, dans les décombres, & fleurit en été. Elle vient dans les environs de Paris à l’ombre.

Toute cette plante a une saveur d’herbe salée, & une odeur narcotique & fœtide ; son suc rougit très peu le papier bleu ; d’où l’on peut conclure qu’elle contient un sel ammoniacal enveloppé de beaucoup d’huile & de terre. Ces principes se trouvent à-peu-près dans l’opium.

Elle n’est point aussi venimeuse qu’en Grece. Presque tout le monde convient que cette plante prise intérieurement est un poison, & personne n’ignore que c’étoit celui des Athéniens ; mais quelles que fussent les qualités mortelles de la ciguë dont ils se servoient, il est certain que celle qui croît dans nos contrées n’a point ce même degré de malignité. On a vû dans nos pays des personnes qui ont mangé une certaine quantité de sa racine & de ses tiges sans en mourir. Ray rapporte dans son histoire des plantes, d’après les observations de Bowle, que la poudre des racines de ciguë, donnée à la dose de vingt grains dans la fievre quarte, avant le paroxisme, est au-dessus de tous les diaphorétiques. M. Reneaume, medecin de Blois (Observat. 3. & 4.), dit en avoir fait prendre, avec beaucoup de succès, une demi-dragme en poudre dans du vin, & jusqu’à deux dragmes en infusion pour les skirrhes du foie & du pancréas ; mais ce medecin n’a jamais guéri des kirrhes, & si son observation étoit vraie, elle prouveroit seulement que la racine de ciguë n’est pas toûjours nuisible.

Nous croyons cependant avec les plus sages Medecins, que le plus prudent est de s’abstenir dans nos climats de l’usage interne de cette plante. Elle y est assez venimeuse pour se garder de la donner intérieurement ; car elle cause des stupeurs, & autres accidens fâcheux. Son meilleur antidote est le vinaigre en guise de vomitif, avec de l’oximel tiede en quantité suffisante pour procurer & faciliter le vomissement.

Elle ne passoit point pour venimeuse à Rome. Ce qui est néanmoins singulier, & dont il faut convenir, c’est que la ciguë ne passoit point à Rome pour un poison, tandis qu’à Athenes on n’en pouvoit douter ; à Rome au contraire on la regardoit comme un remede propre à modérer & à tempérer la bile. Perse, satyre V. vers 146. dit là-dessus :

bilis
Intumuit, quam non extinxerit urna cicutæ.

Horace en parle aussi comme d’un remede, dans sa seconde épître, liv. II. vers 53.

sed quod non desit, habentem
Quæ poterunt unquam satis expurgare cicutæ ?
Ni melius dormire putem quam scribere versus.

« Présentement que j’ai plus de bien qu’il ne m’en