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dant un certain intervalle de tems, ou comme se bornant aux actions d’une seule personne, ou comme ne faisant son objet que d’une seule de ces actions. La chronique est l’histoire considérée sous cette premiere face ; dans ce sens, chronique est synonyme à annales. La chronique, ne s’attachant qu’au gros des actions, ne sera pas fort instructive, à moins qu’elle ne parte d’une main habile qui sache, sans s’appesantir plus que le genre ne le demande, faire sentir ces fils imperceptibles, qui répondent d’un bout à des causes très-petites, & de l’autre aux plus grands évenemens.

On donne le nom de chroniques aux deux livres qui s’appellent aussi paroles des jours, ou paralipomenes. Voyez Paralipomenes.

Il y a la vieille chronique des Egyptiens. Elle ne nous est connue que par le rapport de Georges Syncelle. Nous lisons dans sa chronographie, pag. 51. qu’elle contenoit 30 dynasties & cent-treize générations, & qu’elle remontoit jusqu’à un tems immense, contenant l’espace de 36525 ans, pendant lesquels ont regné premierement les Aurites, Auritæ, ou les dieux ; ensuite les Mestréens, Mestræi, ou les demi-dieux & les héros ; ensuite les Egyptiens ou les rois. Le tems du regne de Vulcain n’y est pas marqué ; celui du Soleil y est de 30000 ans ; celui de Saturne & des autres dieux, de 3984 ans. Aux dieux succéderent les demi-dieux, au nombre de sept, dont le regne fut de 217 ans ; après quoi commencerent les quinze générations du cycle caniculaire, de 443 ans.

Quoique cette chronique porte le nom de vieille, M. Marsham ne la croit pas antérieure au tems des Ptolemées, parce qu’elle s’étend jusqu’à la fuite de Nectanebus, qui arriva selon lui l’an 3 de l’olympiade 107, 15 ans avant l’expédition d’Alexandre. Le même auteur dit que cette prodigieuse antiquité des Egyptiens vient de ce que leur chronologie étoit plûtôt astronomique qu’historique. Ils l’avoient faite & reglée sur de fameuses périodes parmi eux, dont la premiere, nommée la grande année, étoit de 1461 ans ; c’est ce qu’on nomme aussi cycle caniculaire, & période sothique, ou rétablissement de l’année ; parce que l’année Egyptienne n’ayant que 365 jours, & étant par conséquent plus courte que l’année solaire de six heures, se trouvoit, après 1461 ans, concourir avec celle-ci ; l’autre période, après laquelle ils prétendoient que le monde se retrouvoit au même état, étoit composée de la période précédente multipliée par 15 années lunaires périodiques, ou 19 ans, qui font notre cycle lunaire ; & le produit de cette multiplication 36525 fait précisément le tems compris dans la vieille chronique.

Les Juifs ont des chroniques ; ce sont des abregés historiques peu corrects & assez modernes. Le premier est intitulé la grande chronique. Rabi José, fils de Chalipta, passe chez quelques-uns pour en être l’auteur. On ne sait guere en quel tems il l’écrivit ; on voit seulement à certains traits qu’elle est postérieure au Thalmud. On n’y trouve guere que des évenemens rapportés dans l’écriture. On dit qu’elle descend jusqu’au tems d’Adrien. On doute que Rabi José en soit l’auteur, parce qu’il y est cité en plusieurs endroits. On y lit qu’Elie, après son enlevement, a écrit dix lettres au roi Joram ; qu’il fait l’histoire du monde dans sa demeure actuelle, &c.

La seconde a pour titre, les réponses du Rabi Serira, le docteur sublime. Ce docteur sublime fut président à Babylone, & chef de toutes les écoles & académies de cette contrée ; & il écrivit l’histoire de ces académies, avec la succession des rabins, depuis le Thalmud jusqu’à son tems.

La petite chronique est la troisieme ; elle a été écrite l’an 1223 de J. C. on en ignore l’auteur. Son ouvrage est un abregé historique depuis la création du

monde jusqu’à l’an 522 de J. C. après quoi elle compte encore huit générations, mais dont elle ne donne que les noms.

Le livre de la tradition est la quatrieme. Abraham le lévite, fils de Dior, en est l’auteur ; c’est une exposition du fil traditionel des histoires de la nation, conduit depuis Moyse jusqu’à l’auteur, qui vivoit en 1160.

La cinquieme est le livre des généalogies. Elle est d’Abraham Zachuz, qui la publia en 1580. Il y est marqué la succession & la tradition des Juifs, avec les noms des docteurs qui les ont enseignés, depuis le mont Sinaï jusqu’à son tems.

La sixieme est la chaîne de la tradition ; c’est un livre semblable au précédent. Rabi Jedalia, fils de Jechaïa, en est l’auteur. Il le publia à Venise en 1587.

La septieme est le rejetton de David. Elle commence à la création, & descend jusqu’à 1592 de J. C. David Ganz, Juif de Bohême, en est l’auteur. Il n’y a rien de plus que dans les auteurs ou chroniques précédentes.

La chronique du prophete Moyse est une vie fabuleuse de Moyse, imprimée à Venise en 1544. La chronique des Samaritains, qui commence à la création du monde & finit à la prise de Samarie par Saladin, en 1187, est courte & peu exacte. Voyez Prideaux, Barthol. Bibliot. rab. Basnage, hist des Juifs. Calmet, dict. de la bible.

Nous avons encore les chroniques des saints. Vers les jx. & x. siecles, les lettres étant tombées, les moines se mirent à écrire des chroniques. Ils ont continué jusqu’à la fin du xv. siecle. Le plus grand mérite de ces sortes d’ouvrages, dont les actions pieuses des saints ne font pas tellement l’objet, qu’on n’y trouve aussi les vies de plusieurs rois ou grands hommes, c’est d’avoir conservé les dates & le fond des principaux évenemens. L’homme intelligent, qui sait rejetter le faux & démêler le suspect, n’en tire que ce qui lui convient, & peut-être n’en tire-t-il pas grand-chose.

Chronique, adj. (Medecine.) épithete qui se donne, & qui est consacrée aux maladies de longue durée.

Définition des maladies chroniques. Les Medecins ayant divisé toutes les maladies par rapport à la durée, en aiguës & en chroniques, nomment maladies chroniques, toutes celles qui, douces ou violentes, accompagnées de fievre ou sans fievre, s’étendent au-de-là de quarante jours.

Mais ces maladies sont en si grand nombre, si différentes les unes des autres, & quelquefois si compliquées, que nos auteurs se sont contentés de traiter de chacune en particulier, sous le nom qu’elle porte, jusqu’à ce que Boerhaave remontant à leur premiere cause, a déduit avec une sagacité singuliere la doctrine générale & la méthode curative ou palliative de toutes les maladies de ce genre.

Elles naissent,des diverses acrimonies des liquides. Suivant ce restaurateur de la Medecine, les maladies chroniques produites dans le corps humain, naissent, ou de vices qui se sont formés par degrés dans la qualité & la circulation des liquides, ou de vices que des maladies aigues mal guéries ont laissé après elles, soit dans les fluides, soit dans les solides.

Les vices de nos liquides proviennent insensiblement des choses reçues dans le corps, comme l’air, les alimens, les boissons, les assaisonnemens, les médicamens, & les poisons ; toutes substances qui sont d’une nature différente de celle de nos sucs, & qui peuvent être si fortes, que les facultés vitales ne suffisent pas pour en faire une assimilation conve-