Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/355

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ble : il prétend que par la chimere il faut entendre des vaisseaux de pyrates Solymes qui ravageoient les côtes de la Lycie, & qui portoient à leurs proues des figures de boucs, de lions, & de serpens ; que Bellérophon monté sur une galere qui portoit aussi à sa proue la figure d’un cheval, défit ces brigands.

Et selon M. Pluche, dans l’histoire du ciel, cette chimere composée d’une tête de lion, d’un corps de chevre, & d’une queue de serpent, n’étoit autre chose que la marque ou l’annonce du tems ou l’on faisoit les transports de blé & de vin, savoir, depuis l’entrée du soleil dans le signe du lion, jusqu’à son entrée dans celui du capricorne. Cette annonce de provisions nécessaire étoit agréable aux Lyciens, que les mauvaises nourritures & la stérilité de leur pays obligeoient de recourir à l’étranger. Bellérophon & son cheval aîlé, ajoûte-t-il, ne sont qu’une barque, ou le secours de la navigation qui apportoit à la colonie Lycienne des rafraîchissemens & des nourritures saines. Hist. du ciel, tome l. p. 317. (G)

CHIMIE, voyez Chymie

CHIMISTE, voyez Chymiste.

CHIN, (Géog.) ville de la Chine, dans la province de Honan. lat. 34. 48.

CHINAGE, s. m. (Jurisprud.) droit de péage qui est la même chose que chemage qui est expliqué ci-devant. (A)

CHINAY ou CHINEY, (Géog.) petite ville des Pays-bas, de la dépendance de l’évêché de Liége.

CHIN-CHIAN, (Géog.) grande ville de la Chine, dans la province de Nankin. Il y a encore une autre ville de ce nom dans la province de Junnan. Long. 137. lat. 30. 6.

CHINCHIN-TALAR, (Géog.) province d’Asie dans la grande Tartarie, entre celles de Camul & de Suchur.

CHINE, (la) Géog. grand empire d’Asie, borné au nord par la Tartarie, dont elle est séparée par une muraille de quatre cents lieues ; à l’orient par la mer ; à l’occident par des hautes montagnes & des deserts ; & au midi par l’Océan, les royaumes de Tunquin, de Lao, & de la Cochinchine.

La Chine a environ sept cents cinquante lieues de long, sur cinq cents de large. C’est le pays le plus peuplé & le mieux cultivé qu’il y ait au monde ; il est arrosé de plusieurs grandes rivieres, & coupé d’une infinité de canaux que l’on y fait pour faciliter le commerce. Le plus remarquable est celui que l’on nomme le canal royal, qui traverse toute la Chine. Les Chinois sont fort industrieux ; ils aiment les Arts, les Sciences & le Commerce : l’usage du papier, de l’Imprimerie, de la poudre à canon, y étoit connu long-tems avant qu’on y pensât en Europe. Ce pays est gouverné par un empereur, qui est en même tems le chef de la religion, & qui a sous ses ordres des mandarins qui sont les grands seigneurs du pays : ils ont la liberté de lui faire connoître ses défauts. Le gouvernement est fort doux. Les peuples de ce pays sont idolatres : ils prennent autant de femmes qu’ils veulent. Voyez leur philosophie à l’article de Philosophie des Chinois. Le commerce de la Chine consiste en ris, en soie, étoffes de toutes sortes d’especes, &c.

* CHINER, v. act. (Manufact. en soie.) Chiner une étoffe, c’est donner aux fils de la chaîne des couleurs différentes, & disposer ces couleurs sur ces fils de maniere que quand l’étoffe sera travaillée, elles y représentent un dessein donné, avec moins d’exactitude à la vérité que dans les autres étoffes, qui se font soit à la petite tire soit à la grande tire, mais cependant avec assez de perfection pour qu’on l’y distingue très-bien, & que l’étoffe soit assez belle pour être de prix. Voyez Tire (petite & grande).

Le chiner est certainement une des manœuvres les plus délicates qu’on ait imaginées dans les arts ; il n’y avoit guere que le succès qui pût constater la vérité des principes sur lesquels elle est appuyée. Pour sentir la différence des étoffes chinées & des étoffes faites à la tire, il faut savoir que pour les étoffes faites à la tire on commence par tracer un dessein sur un papier divisé horisontalement & verticalement par des lignes ; que les lignes horisontales représentent la largeur de l’étoffe ; que les lignes verticales représentent autant de cordes du métier (Voy. le métier à l’article Velours ciselé) ; que l’assemblage de ces cordes forme le semple, voyez Semple) ; que chaque corde de semple aboutit à une autre coide ; que l’assemblage de ces secondes cordes s’appelle le rame (Voyez Rame) ; que chaque corde de rame correspond a des fils de poil & de chaîne de diverses couleurs (Voyez Poil & Chaîne), ensorte qu’à l’aide d’une corde de semple on fait lever tel fil de poil & de chaîne, en tel endroit & de telle couleur qu’on desire ; que faire une étoffe à la petite ou à la grande tire, c’est tracer, pour ainsi dire, sur le semple le dessein qu’on veut exécuter sur l’étoffe, & projetter ce dessein sur la chaine ; que ce dessein se trace sur le semple, en marquant avec des ficelles & les cordes l’ordre selon lequel les cordes du semple doivent être tirées, ce qui s’appelle lire (Voyez Lire) ; & que la projection se fait & se fixe sur la chaîne, par la commodité qu’on a par les cordes de semple d’en faire lever un fil de telle couleur qu’on veut, & d’arrêter une petite portion de ce fil coloré à l’endroit de l’étoffe par le moyen de la trame.

Cette notion superficielle du travail des étoffes figurées, suffit pour montrer que la préparation du dessein, sa lecture sur le semple, la correspondance des cordes de semple avec celles de rame, & de celles de rame avec les fils de chaîne, & le reste du montage du métier, doivent former une suite d’opérations fort longues, en cas qu’elles soient possibles (& elles le sont), & que chaque métier demande vraissemblablement deux personnes, un ouvrier à la trame & au battant, & une tireuse au semple (& en effet il en faut deux).

Quelqu’un songeant à abréger & le tems & les frais de l’étoffe à fleurs, rencontra le chiner, en raisonnant à-peu-près de la maniere suivante. Il dit : si je prenois une étoffe ou toile toute blanche, & que je la tendisse bien sur les ensuples d’un métier, & qu’avec un pinceau & des couleurs je peignisse une fleur sur cette toile, il est évident 1° que s’il étoit possible de desourdir (pour ainsi parler) cette toile lorsque ma fleur peinte seroit seche, chaque fil de chaîne correspondant à la fleur que j’aurois peinte, emporteroit avec lui un certain nombre de points colorés de ma fleur, distribués sur une certaine portion de sa longueur ; 2° que l’action de desourdir n’etant autre chose que celle de défaire les petites boucles que la chaîne a formées par ses croisemens sur la trame, toute ma fleur se trouveroit éparse & projettée sur une certaine portion de chaine dont la largeur seroit la même, mais dont la longueur seroit beaucoup plus grande que celle de ma fleur, & que cette longueur diminueroit de la quantité requise pour reformer ma fleur & rapprocher les points colorés épars sur les fils de chaine, si je venois à l’ourdir derechef : donc, a continué l’ouvrier que je fais raisonner, si la qualité de ma chaine & de ma trame étant donnée, je connoissois la quantité de l’emboi de ma chaîne sur ma trame (dans le cas où cet emboi seroit fort sensible), pour exécuter des fleurs en étoffe, je n’aurois 1° qu’à peindre une fleur, ou tel autre dessein, sur un papier : 2° qu’à faire une anamorphose de ce dessein, telle que la largeur de l’anamorphose fût la même que celle du dessein, &