L’Encyclopédie/1re édition/POILS

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POILS, s. m. (Anatomie.) ce qui croît sur la peau de l’animal en forme de filets déliés. Voyez Peau.

Il y a de deux sortes de poils ; les uns dont nous parlerons plus loin, naissent de leur propre bulbe dans la graisse ; les autres sont plus courts, & ne percent pas la peau, ils paroissent venir des papilles ; mais soit qu’ils en viennent ou de plus loin, c’est-à-dire de la membrane cellulaire, ils ont une tige molle qui se distingue sous l’épiderme, s’éleve au-dessus de la peau, trouve une propre fossette dans l’épiderme, entre dans un entonnoir quelquefois long de deux lignes, & de la surface de l’épiderme arrive au poil ; & ne faisant qu’un tout avec ce même petit entonnoir, devenu cylindrique, se change ainsi en poil, qui pour cette raison suit l’épiderme lorsqu’on l’arrache.

Presque tous les auteurs n’ont décrit que les poils plantés dans la graisse ; ils se démontrent beaucoup plus facilement qu’ailleurs, à la tête & au pubis ; & les animaux n’en ont que de cette espece, suivant Malpighi, Chirac, &c. Il y a dans la membrane adipeuse des bulbes ou follicules propres, d’où le poil prend son origine, étant d’abord elliptique ; ils deviennent pointus & grêles vers la peau, ou ronds de toutes parts. Le bulbe reçoit des artérioles, de petites veines, des nerfs qui se divisent tous dans la membrane du bulbe ; &, suivant Chirac, des fibrilles tendineuses qui viennent de la peau. Du sein du bulbe s’éleve la tige cylindrique & molle du poil que forment la membrane extérieure du bulbe & la moëlle contenue en dedans, avec les parties internes du bulbe, de laquelle naissent divers filamens très-fins, qui se joignent en une seule tige. Cette moëlle est, dit-on, coupée de rides transverses & inégales quand la tige parvient à la peau ; elle se fait un trou ou dans la peau, ou au-travers de quelque papille, ou d’une glande sebacée, & alors elle entre dans sa gaîne, comme on l’a dit ; elle a deux enveloppes, dont l’externe est fournie par l’épiderme, l’autre est fournie par le bulbe ; ce que je ne crois pas qu’ait observé Malpighi, lui qui a cependant vû les tuyaux élémentaires de l’enveloppe du poil. Les poils viennent solitaires le plus souvent dans l’homme, par paquets dans les oiseaux ; ils ne naissent pas seulement dans la graisse sous cutanée, mais souvent dans celle qui se trouve dans les diverses parties internes du corps, dans l’ovaire, dans l’épiploon, dans la matrice, dans l’estomac & ailleurs.

Tous les quadrupedes sont des animaux à poils ; parmi les oiseaux, les uns ont des poils qui poussent toujours, & aux autres ils ne poussent que lorsqu’ils sont jeunes. L’homme n’a qu’un petit nombre de poils courts, excepté à la tête. Les gens malpropres qui ne changent pas de linge, qui vivent dans les forèts, sont velus comme des satyres : c’est par cette raison qu’on voit quelquefois des femmes qui ont de la barbe : on en a vu qui avoient tout le visage & tout le corps couverts de poils. Dans les pays chauds, les animaux ont peu de poils, qui tombent facilement ; & c’est dans les pays froids qu’on trouve ces belles peaux d’ours & de renards. Les negres qui habitent la zone torride ont peu de poils ; ils sont courts & cotonneux. L’histoire ne nous rapporte cependant pas que les Laponois & ceux de la Groënlande soient plus velus que nous, quoique la barbe, & sur-tout les cheveux soient plus abondans & plus clairs dans le Nord.

M. Winslow fait venir l’huile qui enduit les poils du bord même de la fossette qui lui donne passage ; & cela paroît devoir être toutes les fois que le poil se fait jour par un follicule. Porrius cite des trous très-fins, par lesquels transsude la moëlle interne même ; il met les plus grands au bulbe, & les petits vers la pointe du poil : mais personne ne les a vûs, ni l’auteur même, si ce n’est dans les poils de cochon. Chirac dit que la membrane même du bulbe est glanduleuse ; ce qu’il y a de certain, c’est que les glandes cutanées abondent par tout où il y a des poils. Ce liniment gras dont j’ai parlé étoit nécessaire aux poils ; s’ils se sechent, ils se fendent & meurent, ce qui s’observe fréquemment dans les cochons. Mais qu’arrive-t-il dans cette autre maladie nommée plica ? Il se fait une si grande secrétion aux bulbes des cheveux, qu’ils deviennent d’une longueur demesurée, longs de quatre aunes quelquefois ; & se fendant faute de nourriture, ils laissent passer le sang : preuve certaine qu’il se fait une succession continuelle d’une très-grande partie de la moëlle qu’ils reçoivent du bulbe. L’accroissement naturel des cheveux vient de cette moëlle qui pousse sans cesse & monte par la structure vasculeuse de la moëlle, comme il arrive ordinairement dans les plantes, & prend elle-même un accroissement continuel de celui de l’épiderme, de son enveloppe extérieure. L’augmentation de la résistance fait que les poils se resserrent insensiblement en pointe conique : ces figures qu’on nous donne de poils branchus ou à nœuds, sont des fautes des observateurs, ou des effets de maladies ; à moins que ces nœuds ne soient peut-être dans quelques animaux. Les crins dont certains auteurs font mention, ne paroissent pas plus vraissemblables. La couleur des cheveux vient de celle de la moëlle qui les nourrit ; leur écorce est de la même couleur que l’épiderme. Lorsqu’on vient au monde, les cheveux sont blonds, & blanchissent dans la vieillesse, avec une transparence, effet du desséchement. Dans les lievres, les ours & les renards des Alpes & du Nord, on voit assez communément les poils devenir blancs peu-à-peu en hiver, & reprendre en été leur premiere couleur. Le cheveu au reste devient peu-à-peu de blanc jaune, brun, cendré, noir, à-moins que ces gradations ordinaires ne soient interrompues & troublées par des accidens subits, comme la terreur, qui fit blanchir les cheveux dans une seule nuit, suivant Boyle & Borelli.

La tête transpire bien autrement que les autres parties, à cause de la grande quantité des follicules. Comme les poils retiennent la matiere de la transpiration, ils forment une chaleur humide fort amie des poux qui s’y amassent, quand on néglige de se peigner. Les poils transpirent-ils eux-mêmes ? Telle est la conjecture de Kaaw. Porrius tâche de le démontrer, mais la nature même de la chose suffit pour nous en convaincre. Si le suc médullaire qui parcourt toute l’étendue du poil, depuis sa racine jusqu’à son extrémité ne s’exhaloit pas, que deviendroit-il ? Cela n’est-il pas prouvé par les places vuides des poils, que Malpighi a vûs pleins d’air ? On a vû dans les poils mêmes, non-seulement des animaux chauds, tels que les chats, mais dans ceux de la tête de l’homme ; on a vû, dis-je, sortir des étincelles d’une lueur transparente ; phénomene singulier observé par nombre d’auteurs, & dont la cause n’est pas encore connue. On connoît cette maladie nommée athézême ; elle a son siége dans les ampoules des poils, ou huileuses, ou sébacées, qui ne décharge point leurs sucs, parce que leurs orifices sont bouchés ; & comme il en vient toujours de nouveaux par les artères, elles se gonflent d’une façon énorme. Dans la phrénésie, dans les maux de tête ; en un mot, si on sent trop de chaleur, il est utile de se faire raser les cheveux ; il faut s’en donner garde à ce qu’on dit dans la plica, parce que la liqueur qui se consumoit en cette moëlle superflue de cheveux, croupit, rentre, & va attaquer les yeux & autres parties nobles, & les os mêmes. Et cette théorie est fondée, ajoute-t-on, sur l’expérience. Un auteur parle d’un moine aveugle qui se guérit en se faisant faire la barbe, sans la laisser jamais croître, suivant sa coutume. Est-il bien vrai que les poils soient entre chaque partie, comme autant de piquets faits pour les tenir séparées & ne pas troubler leurs fonctions ? Je crois plutôt qu’il n’y a aucuns poils, où le tact est très-fin, où l’on sue souvent, & où par conséquent l’arrangement des papilles & des vaisseaux cutanés est fort nécessaire. L’homme a-t-il eu des poils, pour se couvrir comme les bêtes, quand la société lui refusoit d’autre habit ? je le crois au pubis comme à l’anus, cette intention de la nature me paroît évidente. Spigel a observé autrefois, que le dos des brutes & la poitrine de l’homme sont couverts de poils ; chacun pour se garantir des injures de la pluie & des vents qui agissent toujours plus sur la poitrine de l’homme que sur le dos.

Poil, (Anat.) les poils contre nature, qu’on trouve quelquefois en différens endroits du corps dans les parties intérieures de l’homme, ne se nourrissent point comme les poils de la peau ; ils n’ont point de racines ; ils ne sont point adhérens aux parties ; ils y sont simplement collés, & on les en détache facilement. Enfin, on les trouve dans des parties grasses, ou confusément mêlés avec une matiere onctueuse. Ainsi l’origine de ces poils pourroit bien être une matiere grasse & onctueuse, qui ayant séjourné dans des follicules, s’épaissit au point nécessaire pour faire des brins velus ou soyeux, lorsque cette matiere a été filée par des trous excréteurs, ou par des pores. (D. J.)

Poil, (Science microscop.) Malpighi a trouvé que les poils des animaux étoient composés d’un grand nombre de tubes extremement petits ; c’est en examinant la criniere & la queue d’un cheval, & les soies d’un verrat, qu’il a fait cette découverte. On distingue fort aisément ces tubes vers le bout des poils où ils paroissent plus ouverts, & il en a quelquefois compté plus de vingt. Dans les pointes des hérissons qui sont de la nature des poils, il apperçut ces tubes fort clairement, & il y vit des valvules & & des cellules médullaires.

Il y a aussi dans les poils de plusieurs animaux, des lignes, qui dans les uns sont transversales, dans les autres spirales, & de couleur noirâtre. Les poils d’un rat sont de cette espece, ils paroissent comme s’ils avoient des articulations semblables à celles de l’épine du dos ; ils ne sont pas unis, mais dentelés par les côtés, & terminés par une pointe d’une finesse inconcevable. Les poils du ventre sont moins opaques & plus propres au microscope.

Les poils des hommes, des chevaux, des brebis, des cochons, &c. sont composés de fibres creusées en tubes, longues & minces, ou de plus petits poils entourés d’une écorce ; par ce moyen un poil fendu paroît semblable à un bâton qui s’est rompu en frappant ; ils ont des racines de différentes figures en différens animaux ; ils s’alongent par impulsion, & sont plus épais au milieu qu’aux deux bouts.

Les poils des cerfs indiens sont percés de part en part ; ceux des cerfs d’Angleterre paroissent couverts d’une écorce écailleuse. Les moustaches des chats, coupées en travers, ont quelque chose au milieu qui ressemble à la moëlle du sureau. Les pointes du porc-épic ou du hérisson, ont aussi une moëlle blanchâtre & étoilée ; & le poil de l’homme coupé de la même maniere, présente une grande variété de vaisseaux qui ont des figures fort régulieres.

Les poils tirés de la tête, des sourcils, des narines, de la main, & des autres parties du corps paroissent différens, tant dans les racines que dans les poils même, & varient comme les différentes especes d’un même genre de plante. (D. J.)

Poil des insectes, (Scienc. microscop.) on trouve plusieurs especes d’insectes qui sont revêtus de poils ; quelquefois très-visibles, & quelquefois si fins qu’on ne peut les voir qu’à l’aide d’une bonne loupe. Les insectes n’ont pas de poils dans toutes les parties de leurs corps. Quelques-uns en ont à la tête, où ils font l’effet que les barbes font aux plumes ; dans d’autres le corcelet est tout couvert de poils antérieurement ; d’autres ont la partie postérieure de leur dos toute velue. L’on découvre encore dans quelques-uns des poils sur leurs aîles, tant inférieures que supérieures, & sur leurs jambes. Les poils de divers insectes sont roides & cassans ; c’est ce qui rend les piquures de ceux des chenilles si incommodes, & qui a fait regarder ces insectes comme venimeux.

Ces poils sont de différentes couleurs, qui changent cependant lorsque les insectes vieillissent, & qu’ils sont prêts à former leur coque ; c’est sur-tout dans ces derniers cas, où les insectes cessent de manger, & vont se disposer à changer d’état, qu’il arrive quelquefois des changemens très-considérables à leurs poils. De bons observateurs ont remarqué des chenilles d’un poil naturellement très-blanc, & qui se change alors en noir en moins de quelques heures.

Les poils sont clair-semés sur quelques-uns ; sur d’autres assez abondans, & d’autres en sont hérissés. Il y a des insectes qui sont ornés de brosses, les unes quarrées, les autres rondes ; en d’autres les poils égalisés par le haut, ressemblent aux aigrettes de verre que les Turcs portent à leurs turbans, ou se terminent en pointe comme l’extrémité d’un pinceau. L’on en voit dont les poils sont si gros, si piquans, qu’on les peut appeller des épines.

Chacune de ces épines se divise encore quelquefois en plusieurs branches dures, & souvent si petites, qu’elles ne tombent pas sous les sens. Elles sont pareillement de différentes couleurs, comme on le remarque dans les diverses especes de chenilles épineuses : chacune de ces épines n’a pas le même nombre de branches ; les unes en ont trois, d’autres quatre, ou même plus ; leur position est aussi très-différente. Dans les uns, les épines sont placées autour de chaque anneau sur une même ligne ; dans d’autres, elles y sont placées sur deux lignes différentes, obliquement, & toujours à des distances si égales, qu’on diroit qu’elles ont été mesurées dans la derniere exactitude.

Ces poils & ces épines ont leur usage ; ils garantissent tels insectes d’un trop grand frottement, qui ne pourroit qu’endommager leur peau ; ils servent d’armes aux autres qui les emploient à piquer leurs ennemis avec assez de force. Enfin, parmi ceux qui vivent sous l’eau, il y en a qui y renferment entre leur poil une bulbe d’air qui leur sert pour remonter plus facilement sur l’eau. (D. J.)

Poils, (Chimie.) poils & cheveux. Voyez Substances animales.

Poil, (Commerce.) filets déliés, qui sortent par les pores de la plûpart des animaux à quatre piés, & qui servent de couverture à toutes les parties de leur corps.

Il se fait en France, en Angleterre, en Hollande & ailleurs, un commerce & une consommation prodigieuse de plusieurs sortes de poils, qui s’emploient en diverses especes de manufactures. Les uns sont filés, & les autres encore tels qu’ils ont été levés de dessus la peau des animaux qui les ont fournis.

Les principaux sont le castor ou bievre, la chevre, le chameau, le lapin, le lievre, le chien, le bœuf, la vache & le veau. Savary. (D. J.)

Poils, (Jardinage.) les poils qu’on voit à nombre de végétaux, ne sont point surement des parties superflues, ainsi que plusieurs jardiniers se l’imaginent ; elles servent ainsi que dans les animaux, pour la transpiration de leurs trachées & pour l’écoulement de leurs superfluités ; rien, comme l’on sait, n’est inutile dans la nature.

Poil de cheval : le poil que les Académistes & les Maréchaux appellent vulgairement la robbe du cheval, fait un des principaux objets de leur science, Voyez Cheval.

Si le poil d’un cheval, & sur-tout celui qui est autour du cou, & sur les parties découvertes, se trouve lisse, poli & serré, c’est une marque de santé & d’embonpoint : mais s’il est rude, hérissé & bigarré, il marque de la froideur, de la pauvreté, ou quelque défaut interne. Pour lisser, polir & adoucir le poil d’un cheval, il faut le tenir chaud, le faire suer souvent & le bien étriller chaque fois.

Le fanon ou toupet de poil qui vient au derriere du boulet de plusieurs chevaux, sert à en défendre la partie qui s’avance quand il marche dans des chemins pierreux, ou dans le tems de gelée. Quand il y avoit quelqu’endroit chauve ou dégarni, ou que le poil y étoit trop court, les anciens maréchaux avoient coutume de le laver avec de l’urine d’un jeune homme, & ensuite avec une lessive de chaux vive, de céruse & de litharge. Les modernes ont plusieurs méthodes différentes : les uns lavent ces parties avec une décoction de racine d’althéa ou de guimauve, les autres avec du lait de chevre, dans lequel on a broyé de l’agrimoine. Quelques-uns frottent les parties avec de la semence d’ortie pilée, avec de l’eau de miel & du sel ; d’autres les bassinent avec du jus d’oignon ou de rave ; d’autres avec une composition d’alun, de miel, de crotte de chevre, & de sang de porc ; d’autres avec la racine de lis blancs bouillie dans l’huile : d’autres avec du goudron, de l’huile d’olives & du miel ; & d’autres enfin avec des coquilles de noix pulvérisées, & mêlées avec du miel, de l’huile & du vin.

Pour ôter le poil de quelqu’endroit, on y applique un emplatre fait de chaux vive bouillie dans l’eau, auquel l’on ajoute de l’orpiment.

La largeur d’un poil fait la quarante-huitieme partie d’un pouce, en fait de mesure.

Poil planté ou poil piqué, se dit quand on voit le poil du cheval tout droit, au lieu d’être couché à son ordinaire, c’est signe que le cheval a froid, ou qu’il est malade.

Poil lavé, voyez Lavé. Souffler au poil, voyez Souffler.

Avoir toujours l’éperon au poil, se dit du cavalier qui picote sans cesse le poil de son cheval avec les éperons, ce qui est un défaut.

Poil de laine, (Plumassier.) duvet que fournit l’autruche : il y en a de deux sortes, l’un fin & l’autre gros, dont le premier entre dans la fabrique des chapeaux communs, & l’autre sert à faire les lisieres des draps blancs les plus fins, pour être destinés à teindre en noir. (D. J.)

Poil de velours ; on appelle poil le velours, la chaîne qui sert à faire la barbe du velours. Voyez Fabrique de velours.

Poil des étoffes en soie & en dorure ; on appelle poil des étoffes de soie, la chaîne qui sert à faire le figuré des étoffes où l’on en a besoin, ou celle qui sert à lier les dorures.

Poil, terme de Fauconnerie ; mettre l’oiseau à poil, c’est le dresser à voler le gibier à poil.