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miere fois en 1184, & qui nomma des officiers à l’inspection des ponts & chaussées. Ces officiers, à charge au public, disparurent peu-à-peu, & leurs fonctions passerent aux juges particuliers des lieux, qui les conserverent jusqu’en 1508. Ce fut alors que les tribunaux relatifs aux grands chemins, & même à la voirie en général, se multiplierent. Voyez grande Voirie. Il y en avoit quatre différens, lorsque Henri le Grand créa l’office de grand-voyer ou d’inspecteur des routes du royaume. M. de Sulli en fut revêtu ; mais cette partie ne se ressentit pas comme les autres des vues supérieures de ce grand homme. Depuis ce tems, le gouvernement s’est réservé la direction immédiate de cet objet important ; & les choses sont maintenant sur un pié à rendre les routes du royaume les plus commodes & les plus belles qu’il y ait en Europe, par les moyens les plus sûrs & les plus simples. Cet ouvrage étonnant est déjà même fort avancé. Quel que soit le côté par où l’on sorte de la capitale, on se trouve sur les chaussées les plus larges & les plus solides ; elles se distribuent dans les provinces du royaume les plus éloignées, & il en part de chacune des collatérales qui établissent entre les villes mêmes les moins considérables la communication la plus avantageuse pour le commerce. Voyez à l’art. Pont et Chaussée quelle est l’administration à laquelle nous devons ces travaux utiles, & les précautions qu’on pourroit prendre pour qu’ils le fussent davantage encore, & que les hommes qu’on y applique, tous intelligens, se servissent de leurs lumieres pour la perfection de la Géographie, de l’Hydrographie, & de presque toutes les parties de l’Histoire naturelle & de la Cosmologie.

Chemin. (Jurisprud.) On distingue en général deux sortes de chemins ; savoir les chemins publics, & les chemins privés.

Chez les Romains, on appelloit via tout chemin public ou privé ; par le terme d’iter seul, on entendoit un droit de passage particulier sur l’héritage d’autrui ; & par celui d’actus, on entendoit le droit de faire passer des bêtes de charge ou une charrette ou chariot sur l’héritage d’autrui ; ce qu’ils appelloient ainsi iter & actus n’étoient pas des chemins proprement dits, ce n’étoient que des droits de passage ou servitudes rurales.

Ainsi le mot via étoit le terme propre pour exprimer un chemin public ou privé ; ils se servoient cependant aussi du mot iter pour exprimer un chemin public, en y ajoûtant l’épithete publicum.

On distinguoit chez les Romains trois sortes de chemins ; savoir les chemins publics, via publica, que les Grecs appelloient voies royales ; & les Romains, voies prétoriennes, consulaires, ou militaires. Ces chemins aboutissoient ou à la mer, ou à quelque fleuve, ou à quelque ville, ou à quelque autre voie militaire.

Les chemins privés, via privatæ, qu’on appelloit aussi agraria, étoient ceux qui servoient de communication pour aller à certains héritages.

Enfin les chemins qu’ils appelloient via vicinales, étoient aussi des chemins publics, mais qui alloient seulement d’un bourg ou village à un autre. La voie, via, avoit huit piés de large ; l’iter, pris seulement pour un droit de passage, n’avoit que deux piés, & le passage appellé actus en avoit quatre.

Il y a peu de chose à recueillir pour notre usage de ce qui s’observoit chez les Romains, par rapport à ces chemins publics ou privés, parce que la largeur des chemins est reglée différemment parmi nous ; on peut voir néanmoins ce qui est dit dans la loi des 12 tables, tit. ij. de viarum latitudine ; au code Théodosien, de itinere muniendo, & au titre, de littorum & itinerum custodia ; au digeste de verborum signific. liv.

CLVII. au liv. XLIII. tit. vij. de locis & itiner. public. & au même liv. tit. viij. ne quid in loco publico vel itinere fiat ; au tit. x. de via publica, & si quid in ea factum esse dicatur, & au tit xj. de via publica & itinere publico reficiendo ; enfin au code, liv. XII. tit. lxv. de litterum & itinerum custodia.

Pour ce qui est des droits de passage appellés chez les Romains iter & actus, il en traite au digeste, liv. LXIII. tit. xix. & nous en parlerons aux mots Passage & Servitudes rurales.

On distingue parmi nous en général deux sortes de chemins publics ; savoir les grands chemins ou chemins royaux, qui tendent d’une ville à une autre, & les chemins de traverse qui communiquent d’un grand chemin à un autre, ou d’un bourg ou village à un autre.

Il y a aussi des chemins privés qui ne servent que pour communiquer aux héritages.

Nos coûtumes ont donné divers noms aux grands chemins ; les unes les appellent chemins péageaux, comme Anjou & Maine ; d’autres en grand nombre les appellent grands chemins ; d’autres chemins royaux.

Les chemins de traverse & les chemins privés reçoivent aussi différens noms dans nos coûtumes, nous les expliquerons chacun ci-après, suivant l’ordre alphabétique.

Les premiers réglemens faits en France au sujet des chemins se trouvent dans les capitulaires du roi Dagobert, où il distingue via publica, via convicinalis, & semita ; il prononce des amendes contre ceux qui barroient les chemins.

Charlemagne est cependant regardé comme le premier de nos rois qui ait donné une forme à la police des grands chemins & des ponts. Il fit contribuer le public à cette dépense.

Louis le Débonnaire & quelques-uns de ses successeurs firent aussi quelques ordonnances à ce sujet ; mais les troubles des x. xj. & xij. siecles firent perdre de vûe la police des chemins ; on n’entretenoit alors que le plus nécessaire, comme les chaussées qui facilitoient l’entrée des ponts ou des grandes villes, & le passage des endroits marécageux.

Nous ne parlerons pas ici de ce qui se fit sous Philippe-Auguste, par rapport au pavé des rues de Paris, cet objet devant être renvoyé aux mots Pavés & Rues.

Mais il paroît constant que le rétablissement de la police des grands chemins eut à-peu-près la même époque que la premiere confection du pavé de Paris, qui fut en 1184, comme on l’a dit plus haut.

L’inspection des grands chemins fut confiée, comme du tems de Charlemagne & de Louis le Débonnaire, à des envoyés ou commissaires généraux appellés missi, qui étoient nommés par le roi & départis dans les provinces ; ils avoient seuls la police des chemins, & n’étoient comptables de leurs fonctions qu’au roi.

Ces commissaires s’étant rendus à charge au public, ils furent rappellés au commencement du xiv. siecle, & la police des chemins fut laissée aux juges ordinaires des lieux.

Les choses resterent en cet état jusqu’en 1508 que l’on donna aux thrésoriers de France quelque part en la grande voirie. Henri II. par édit de Février 1552, autorisa les élûs à faire faire les réparations qui n’excederoient pas 20 liv. Henri III. en 1583 leur associa les officiers des eaux & forêts, ensorte qu’il y avoit alors quatre sortes de jurisdictions qui étoient en droit de connoître de ces matieres.

Henri IV. ayant reconnu la confusion que causoit cette concurrence, créa en 1599 un office de grand voyer, auquel il attribua la surintendance des grands chemins & le pouvoir de commettre des lieutenans dans les provinces.