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synonyme à chasser avec ardeur. Ainsi on dit de l’oiseau, qu’il est bien à la chair, pour faire entendre qu’il chasse bien.

Chair, (Maréchallerie.) bouillon de chair, voyez Bouillon. Se charger de chair, voyez Se charger.

* Chair, (Jardin.) se dit de la partie du fruit qui est couverte de la peau, qui forme sa substance & qui se mange : cette partie reçoit différens noms selon ses qualités ; celle de la poire d’Angleterre est fondante ; celle de la pomme de reinette est cassante, &c. celle du melon est rouge, &c.

* Chair, (Art méchan.) Les Tanneurs, Corroyeurs, Chamoiseurs, Mégissiers entendent par la chair, le côté de la peau qui touchoit à la chair de l’animal, quand il étoit vivant ; l’autre côté s’appelle la fleur : comme dans la préparation des peaux par ces ouvriers, elles se travaillent des deux côtés, ils disent, au lieu de travailler la peau du côté de la chair, donner une façon de chair ; au lieu de travailler la peau du côté du poil, donner une façon de fleur : la chair ne s’unit jamais aussi parfaitement que la fleur, & par conséquent elle forme l’envers de la peau. Il semble donc que la fleur devroit toûjours être à l’extérieur des ouvrages en peau ; cependant on y met quelquefois la chair : mais c’est une bisarrerie. Voyez Chamoiseur, Tanneur, Corroyeur, Mégissier, &c. Les Corroyeurs appellent vaches, veaux à chair grasse, les peaux auxquelles ils ont donné le suif, tant de fleur que de chair ; & vaches & veaux à chair douce, les peaux auxquelles ils ont donné du suif de fleur, & de l’huile de chair. Voyez Corroyeur. Les Chamoiseurs disent tenir de chair, pour designer l’opération par laquelle avec le couteau ils enlevent, sur le chevalet, du côté de la chair, tout ce qui peut en être détaché, afin de rendre les peaux plus douces & plus maniables ; ils tiennent de chair, après avoir effleuré & immédiatement avant que de faire boire. Voyez l’article Chamoiseur.

Chair fossile ; (Hist. nat. Minéral.) Voyez l’article Caro fossilis. On la nomme aussi en latin caro montana. C’est une espece d’amiante très-compacte, très-pesante, & qui devient si dure dans le feu, qu’elle donne des étincelles lorsqu’on la frappe avec l’acier. Cette pierre est composée de feuillets épais & solides, qui sont formés par un assemblage de fibres ou filets très-durs. Wallerius, dans sa Minéralogie, en distingue deux especes : la premiere est composée de feuilles posées parallélement les unes sur les autres ; la seconde est un assemblage de feuilles recourbées. (—)

* CHAIRCUITIER, s. m. (Arts & Métiers.) c’est un des membres de la communauté, dont les maîtres ont seuls le droit de vendre de la chair de pourceau, soit crue, soit cuite, soit apprêtée en cervelas, saucisses, boudins, ou autrement. Ce sont aussi les Chaircuitiers qui préparent & vendent les langues de bœuf & de mouton. Le commerce des Chaircuitiers est beaucoup plus ancien que la communauté. Ses premiers statuts sont datés du regne de Louis XI. mais il y avoit long-tems auparavant des Saucisseurs & Chaircuitiers. On conçoit qu’il devoit se commettre bien de l’abus dans le débit d’une viande aussi mal-saine que celle de cochon. Ce fut à ces abus qu’on se proposa de remédier par des réglemens. Ces réglemens sont très-sages & très-étendus. Les Bouchers faisoient auparavant le commerce de la viande de porc ; & ce fut la méfiance qu’on prit de leurs visites, qui donna lieu à la création de trois sortes d’inspecteurs : les Langayeurs, ou visitans les porcs à la langue, où l’on dit que leur ladrerie se remarque à des pustules blanches ; les Tueurs ou gens s’assûrant par l’examen des parties internes du corps de ces animaux, s’ils sont sains ou non ; les

Courtiers ou Visiteurs de chairs, dont la fonction est de chercher dans les chairs dépecées & coupées par morceaux, s’ils n’y remarqueront point des signes d’une maladie qui ne se manifeste pas toûjours, soit à la langue, soit aux parties intérieures. Les marchands évitent le plus qu’ils peuvent toutes ces précautions de la police, & il se débite souvent encore du porc mal-sain sur les étales. C’est donc aux particuliers à se pourvoir contre cette fraude, en examinant eux-mêmes cette marchandise, dont la mauvaise qualité se connoît presque sans peine, à des grains semblables à ceux du millet, répandus en abondance dans toute sa substance. Mais si par hasard on est trompé malgré cette attention, on n’a qu’à reporter la viande à celui qui l’a vendue, & le menacer du commissaire ; il ne se fera pas presser pour la reprendre.

CHAIRE, sub. f. en Architecture, est un siége élevé, avec devanture & dossier ou lambris, orné d’architecture & de sculpture, de figure ronde, quarrée ou à pans, de pierre, de marbre, de bois ou de fer, couvert d’un dais, & soûtenu d’un cul-de-lampe ou d’un pié, en ornemens ; où l’on monte par une rampe qui prend la forme du pilier auquel la chaire est adossée : telles sont celles de Saint Nicolas-des-Champs & de Saint Etienne-du-Mont, les plus estimées de Paris. (P)

* C’est dans cette espece de tribune que montent les prédicateurs, dans nos églises, pour annoncer au peuple les vérités de la religion. C’est ce qui a fait prendre le terme chaire, comme le terme théatre, métaphoriquement ; l’un pour l’éloquence sacrée & qui s’occupe des matieres de la religion, l’autre pour la Poésie dramatique. Ainsi l’on dit d’un auteur : il a du talent pour le théatre ; & d’un autre, il a du talent pour la chaire.

Les chaires des Catholiques sont ordinairement placées dans les nefs des églises. Les Italiens les ont oblongues, & les prédicateurs y ont plus de commodité pour se livrer à toute l’ardeur de leur zele. Les Protestans ont aussi des chaires, mais moins ornées & plus étroites que les nôtres. Les Rabbins dans leurs synagogues n’ont pour chaire qu’un banc plus éminent que les autres, & devant ce banc une espece de bureau sur lequel ils placent les livres saints qu’ils expliquent, & des lumieres, quand le tems le demande. La chaire de Moyse se prend aussi métaphoriquement pour la fonction d’enseigner & pour l’autorité des docteurs de la Loi ; écoutez ceux qui s’asseyent sur la chaire de Moyse, mais ne les imitez pas. C’est selon la même métaphore qu’on dit, la chaire de pestilence ; comme si les impies avoient leurs tribunes d’où ils annonçassent leurs erreurs, ainsi que les prêtres du vrai Dieu ont les leurs d’où ils annoncent la vérité. Il y avoit encore chez les Juifs des chaires d’honneur, que les Pharisiens affectoient d’occuper dans les synagogues, & nous avons aussi des places d’honneur dans nos temples.

Chaire, se dit non-seulement du lieu d’où les professeurs ou régens dans les universités donnent leurs leçons & enseignent les sciences à leurs disciples, mais il s’attribue encore à leur état ou profession : ainsi nous disons que feu monseigneur le duc d’Orléans a fondé en Sorbonne une chaire de professeur en langue Hébraïque, pour expliquer le texte hébreu de l’Ecriture-sainte. On dit egalement disputer une chaire en droit, parce qu’elles se donnent au concours ; & obtenir une chaire en Sorbonne ou à Navarre, pour être admis à faire la fonction de professeur en Théologie. Voyez Professeur, Université. (G)

Chaire de saint Pierre, nom d’une fête qu’on célebre dans l’Eglise catholique tous les ans le 18 de Janvier : c’est en mémoire de la transla-