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Le premier est l’échange réel, qui se fait sous un certain droit d’une monnoie pour une autre monnoie, chez les changeurs publics. Voyez Changeurs.

Le second change est une négociation par laquelle un négociant transporte à un autre les fonds qu’il a dans un pays étranger, à un prix dont ils conviennent.

Il faut distinguer deux objets dans cette négociation ; le transport, & le prix de ce transport.

Le transport se fait par un contrat mercantil appellé lettre de change, qui représente les fonds dont on fait la cession. Voyez Lettre de change.

Le prix de ce transport est une compensation de valeur d’un pays à un autre : on l’appelle prix du change. Il se divise en deux parties : l’une est son pair, l’autre son cours.

L’exacte égalité de la monnoie d’un pays à celle d’un autre pays, est le pair du prix du change.

Lorsque les circonstances du commerce éloignent cette compensation de son pair, les variations qui en résultent sont le cours du prix du change.

Le prix du change peut être défini en général, une compensation momentanée des monnoies de deux pays, en raison des dettes réciproques.

Pour rendre ces définitions plus sensibles, il est à propos de considérer le change sous ses divers aspects, & dans toutes ses parties.

Nous examinerons l’origine du change comme transport qu’un négociant fait à un autre des fonds qu’il a dans un pays étranger quelconque, sa nature, son objet, son effet : nous expliquerons l’origine du prix du change, ou de la compensation des monnoies ; son essence, son pair, son cours, la propriété de ce cours, le commerce qui en résulte.

Le premier commerce entre les hommes se fit par échange : la communication s’accrut, & les besoins réciproques augmenterent avec le nombre des denrées. Bientôt une nation se trouva moins de marchandises à échanger, que de besoins ; ou celles qu’elle pouvoit donner, ne convenoient pas à la nation de qui elle en recevoit dans ce moment. Pour payer cette inégalité, l’on eut recours à des signes qui représentassent les marchandises.

Afin que ces signes fussent durables & susceptibles de beaucoup de division sans se détruire, on choisit les métaux, & l’on choisit les plus rares pour en faciliter le transport.

L’or, l’argent, & le cuivre devinrent la mesure des ventes & des achats : leurs portions eurent dans chaque état une valeur proportionnée à la finesse & au poids qu’on leur y donna arbitrairement ; chaque législateur y mit son empreinte, afin que la forme en répondît. Ces portions de métaux d’un certain titre & d’un certain poids furent appellées monnoies. Voyez Monnoie.

A mesure que le commerce s’étendit, les dettes réciproques se multiplierent, & le transport des métaux représentans la marchandise devint pénible : on chercha des signes des métaux mêmes.

Chaque pays achete des denrées, ainsi qu’il en vend ; & par conséquent se trouve tout à la fois débiteur & créancier. On en conclut que pour payer les dettes réciproques, il suffisoit de se transporter mutuellement les créances réciproques d’un pays à un autre, & même à plusieurs, qui seroient en correspondance entre eux. Il fut convenu que les métaux seroient représentés par un ordre que le créancier donneroit par écrit à son débiteur, d’en payer le prix au porteur de l’ordre.

La multiplicité des dettes réciproques est donc l’origine du change considéré comme le transport qu’un négociant fait à un autre des fonds qu’il a dans un pays étranger.

Puisqu’il suppose des dettes réciproques, sa nature consiste dans l’échange de ces dettes, ou des débiteurs. Si les dettes n’étoient pas réciproques, la négociation du change seroit impossible, & le payement de la marchandise se feroit nécessairement par le transport des métaux.

L’objet du change est conséquemment d’épargner le risque & les frais de ce transport.

Son effet est que les contrats qu’il employe ou les lettres de change, représentent tellement les métaux, qu’il n’y a aucune différence quant à l’effet.

Un exemple mettra ces propositions dans un plus grand jour.

Supposons Pierre de Londres débiteur de Paul de Paris, pour des marchandises qu’il lui a demandées ; & qu’en même tems Antoine de Paris en a acheté de Jacques de Londres pour une somme pareille : si les deux créanciers Paul de Paris & Jacques de Londres échangent leurs débiteurs, tout transport de métaux est superflu. Pierre de Londres comptera à Jacques de la même ville, la somme qu’il doit à Paul de Paris ; & pour cette somme, Jacques lui transportera par un ordre écrit, celle qu’il a à Paris entre les mains d’Antoine. Pierre, propriétaire de cet ordre, le transportera à Paul son créancier à Paris ; & Paul, en le représentant à Antoine, en recevra le payement.

Si aucun négociant de Paris n’eût dû à Londres, Pierre eût été obligé de transporter ses métaux à Paris pour acquitter sa dette : ou si Jacques n’avoit vendu à Paris que pour la moitié de la somme que Pierre y devoit, la moitié de la dette de Pierre eût été acquittée par échange, & l’autre moitié par un transport d’especes.

Il est donc évident que le change suppose des dettes réciproques, que sans elles il n’existeroit point, & qu’il consiste dans l’échange des débiteurs.

L’exemple proposé prouve également que l’objet du change est d’épargner le transport des métaux. Supposons les dettes de chacune des deux villes de 10 marcs d’argent, & évaluons le risque avec les frais du commerce à un demi-marc : on voit que sans l’échange des débiteurs il en eût coûté 10 marcs & demi à chacun d’eux, au lieu de dix marcs.

L’effet du change est aussi parfaitement démontré dans cet exemple, puisque la lettre de change tirée par Jacques de Londres sur Antoine de Paris étoit tellement le signe des métaux, que Paul de Paris, à qui elle a été envoyée, a réellement reçu 10 marcs d’argent en la représentant.

Cette partie du change que nous avons définie, le transport qu’un négociant fait à un autre des fonds qu’il a dans un pays étranger, s’applique à la représentation des métaux : la seconde partie, ou le prix du change, s’applique à la chose représentée.

Lorsque l’or, l’argent, & le cuivre, furent introduits dans le commerce pour y être les signes des marchandises, & qu’ils furent convertis en monnoie d’un certain titre & d’un certain poids, les monnoies prirent leur dénomination du poids qu’on leur donna ; c’est-à-dire, qu’une livre pesant d’argent fut appellée une livre.

Les besoins ou la mauvaise foi firent retrancher du poids de chaque piece de monnoie, qui conserva cependant sa dénomination.

Ainsi il y a dans chaque pays une monnoie réelle, & une monnoie idéale.

On a conservé les monnoies idéales dans les comptes pour la commodité : ce sont des noms collectifs, qui comprennent sous eux un certain nombre de monnoies réelles.

Les altérations survenues dans les monnoies, n’ont pas été les mêmes dans tous les pays : le rap-