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distinctes des glaucomes, M. Littre a montré à la société royale de Londres, l’œil d’un homme qui n’avoit point vû pendant les vingt-deux dernieres années de sa vie, où il y avoit une cataracte ou pellicule très-distincte qui couvroit l’ouverture de la prunelle. Voyez Pupille, Vision, &c.

Feu M. de la Peyronie, premier Chirurgien du Roi, pensoit qu’il pouvoit y avoir des cataractes membraneuses ; il croyoit que la membrane qui couvre la partie antérieure du crystallin, & qui forme en partie la capsule de ce corps, pouvoit perdre sa transparence, se séparer peu à peu du crystallin, & devenir adhérente au cercle de l’iris ; dans ce cas, on pourroit abattre le crystallin, sans pour cela détruire la cataracte.

On dit qu’on ne doit faire l’opération que lorsque la cataracte est bien mûre : les signes de maturité sont 1°. que la couleur en soit égale en toutes ses parties ; car les cataractes marbrées sont ordinairement caséeuses ; elles n’ont pas une consistance égale dans tous leurs points, ce qui est indiqué par la couleur variée ; ces sortes de cataractes ne sont point assez fermes pour soûtenir l’action de l’aiguille, & se partagent en différentes parties, ce qui rend fort souvent l’opération infructueuse : 2°. que les malades n’apperçoivent plus qu’une foible lueur ; qu’ils ne fassent qu’appercevoir les ombres des corps opaques que l’on passe devant leurs yeux, & qu’ils soient affectés par le grand jour.

Lorsque dans cet état l’iris ou cercle de la prunelle se dilate à l’obscurité, & se resserre au grand jour ; on peut entreprendre l’opération après avoir préparé le malade par les remedes généraux.

Pour faire l’opération, on fait mettre le malade sur une chaise posée vis-à-vis des fenêtres, à une distance convenable & un peu de biais, afin que la lumiere ne frappe point à plomb le visage du malade. On choisit pour cela un jour bien serein : mais il faut prendre garde qu’un rayon de soleil ne puisse venir frapper les yeux du malade. Le Chirurgien s’assied sur une chaise un peu plus haute, afin d’opérer commodément étant plus élevé que le malade. S’il n’y a qu’un œil d’incommodé, on applique sur le sain une compresse en plusieurs doubles avec une bande posée obliquement ; un aide qui est debout derriere le malade, lui appuie fermement la tête sur sa poitrine. Voyez Planche XXIV. fig. 4.

L’opérateur prend alors une aiguille convenable, voyez Aiguille, & prie le malade de tenir son œil ouvert, & de le tourner comme s’il vouloit regarder le bout du nez. Il lui recommande de le tenir aussi ferme qu’il pourra dans cette situation. Il pose ensuite le doigt index de sa main droite, si c’est l’œil droit sur lequel il opere, au-dessous du sourcil, & le pouce sur la pommette de la joue, pour tenir les paupieres ouvertes par l’écartement de ces deux doigts. Quelques praticiens se servent d’un instrument nommé speculum oculi, pour écarter les paupieres & tenir le globe de l’œil à découvert. Voy. Speculum oculi. Alors le Chirurgien reçoit de la main gauche, si c’est l’œil droit sur lequel il opere, & de la main droite, si c’est l’œil gauche, l’aiguille qu’un aide lui présente : il la tient par le milieu du manche avec le pouce, le doigt index & celui du milieu, à-peu-près comme on tient une plume pour écrire. Il appuie le petit doigt & l’annulaire sur la tempe, pour empêcher sa main de vaciller, & pique hardiment le globe de l’œil du côté du petit angle, à deux lignes du cercle extérieur de l’iris, & sur la ligne qu’on imagineroit être tirée d’un angle à l’autre. Voyez figure 4. & 5. Plan. XXIV. Il perce la conjonctive, la cornée opaque, & l’uvée. Quand il a pénétré l’uvée, il couche un peu le manche de son aiguille du côté de la tempe, & la pousse doucement pour en porter la pointe vers

la partie supérieure de la cataracte ; & en l’appuyant un peu vers le bas de l’œil, il l’abbaisse, la détache du lieu qu’elle occupoit, & il la met enfin au-dessous de la pupille. S’il y avoit quelques adhérences autour du chaton, on coupe avec le tranchant de l’aiguille les portions de la membrane capsulaire, qui font obstacle à la précipitation de la cataracte. Lorsqu’elle est abaissée, le Chirurgien la tient en cet état pendant un peu de tems, & releve ensuite la pointe de son aiguille : si la cataracte reste abaissée, l’opération est faite : si elle remonte & fait le pont-levis, il appuie dessus, & l’abaisse un peu plus que la premiere fois, & la contient ainsi pendant un peu plus de tems. Il releve encore la pointe de son aiguille ; & si la cataracte remonte encore, quelques praticiens la piquent & tournent leur aiguille en rond pour la rouler, & la rangent ensuite au côté externe de l’intérieur de la cavité de l’œil, en retirant leur aiguille avec la précaution de hausser le manche.

Lorsque l’opération est faite, on ferme les paupieres, & on applique sur tout l’œil une compresse en plusieurs doubles, trempée dans un collyre fait avec l’eau de rose, l’eau de plantain, & un blanc d’œuf, battus ensemble : on bande l’œil sain de même que le malade ; parce que les mouvemens des yeux étant réciproques, l’œil malade seroit fatigué par l’action du sain. Le bandage se nomme œil-double. Voyez ce mot.

On saigne le malade, s’il survient inflammation : il est toûjours prudent de le faire pour la prévenir. Cette opération présente beaucoup de difficulté, dont il faut s’instruire dans les livres des maîtres de l’art ; & en les suivant dans la pratique, la réussite peut dépendre des précautions avec lesquelles on s’expose aux impressions de la lumiere. Une femme de soixante ans, aveugle depuis six, me pria de voir ses yeux : je reconnus deux cataractes, dont je lui fis l’opération aux deux yeux de suite avec succès. Il n’y survint point d’accidens Je lui permis le dixieme jour d’avoir les yeux ouverts une heure le matin & autant le soir. Je ne voulois lui accorder l’usage de ses yeux que par degrés. La satisfaction de voir lui fit négliger mes avis. Le dix-septieme jour, après avoir été examinée par plusieurs Chirurgiens de Paris qui avoient assisté à l’opération, & qui en jugerent fort avantageusement, cette femme fatigua beaucoup sa vûe, & devint aveugle l’après-dînée en regardant quelqu’un à une lumiere fort vive. L’iris qui se contractoit & se dilatoit fort bien lorsque l’œil étoit plus ou moins exposé à la lumiere, est actuellement immobile & fort dilatée, comme dans la goutte-sereine. Cette grande dilatation laisse appercevoir à un des yeux une portion de la cataracte, qui déborde la partie inférieure du cercle de la prunelle.

Une personne à qui on a abattu la cataracte, ressemble à ces hommes qui sortant tout-à-coup d’une caverne obscure, ne peuvent supporter l’éclat du grand jour : il faut que des gradations insensibles de lumiere préparent la vûe à en recevoir les rayons ; faute de ce ménagement, on risque de perdre tout-à-fait l’organe. (Y)

CATARRHE, s. m. (Med.) fluxion ou distillation qui, selon Hippocrate, se fait de la tête dans la bouche, & delà sur la trachée-artere & le poumon. Le siége de cette maladie est dans les sinus de la base du crâne, & les glandes de la membrane pituitaire qui tapisse ces sinus. Cette humeur étant en plus grande quantité qu’elle ne doit être, & devenant acre, occasionne les symptomes suivans : une chaleur & une sécheresse insupportables dans le gosier & le nez, dans la bouche & la gorge ; l’engorgement des vaisseaux de ces parties, d’où naissent la roideur dans les muscles du cou, la tension des tégumens, l’enchifrenement, l’écoulement involontaire d’une hu-