ques sacremens, ce qui fait qu’on ne peut pas réitérer ces sacremens.
Il n’y a que trois sacremens qui impriment caractere, savoir le Baptême, la Confirmation, & l’Ordre : aussi ne les réitere-t-on jamais, même aux hérétiques, pourvû qu’en les leur conférant il n’ait rien manqué d’essentiel dans la forme, ni dans la matiere.
Les Catholiques fondent l’existence & la réalité du caractere sur quelques passages de S. Paul, qui ne paroissent pas également concluans, non-seulement aux Protestans, mais même à plusieurs théologiens Catholiques. On en trouve des preuves plus solides dans la tradition. S. Augustin entr’autres écrivant contre les Donatistes, & parlant des sacremens de Baptême & d’Ordre, dit : Utrumque sacramentum est, & quadam consecratione utrumque homini datur, illud cum baptisatur, istud cum ordinatur ; ideoque in catholicâ utrumque non licet iterari. Epist. contr. Parmen. n°. 28. La même chose est prouvée par la doctrine de toute l’église d’Afrique contre les Donatistes, qui rebaptisoient & réordonnoient les Catholiques. Le caractere qu’impriment certains sacremens, ne se perd ni par le crime, ni par l’hérésie, ni par le schisme.
Voilà ce qu’enseigne l’Église. Quant à la nature ou l’essence du caractere, les Théologiens sont partagés entre-eux. Durand, in 4. dist. 4. quæst. I. dit que le caractere n’est point une qualité absolue distincte de l’ame, mais une simple relation de raison, ou une dénomination extérieure, par laquelle l’homme baptisé, confirmé, ou ordonné, est disposé par la seule volonté de Dieu, ou rendu propre à exercer, soit passivement, soit activement, quelques fonctions simples. Scot convient que le caractere n’est pas une qualité absolue : mais il prétend que c’est une relation réelle que l’ame reçoit de dehors. D’autres enfin soûtiennent que c’est quelque chose de réel & d’absolu, une espece de puissance pour exercer ou recevoir des choses saintes, & qui réside dans l’entendement comme dans son sujet immédiat. Tournel. de Sacr. in gener. quæst. IV. art. 11.
Les Protestans nient l’existence du caractere sacramentel, & disent qu’il a été imaginé par le pape Innocent III. cependant ils ne réiterent, ni ne veulent qu’on réitere le Baptême. Voyez Baptême.
Caractere dans les personnages, qu’un poëte dramatique introduit sur la scene, est l’inclination ou la passion dominante qui éclate dans toutes les démarches & les discours de ces personnages, qui est le principe & le premier mobile de toutes leurs actions ; par exemple, l’ambition dans César, la jalousie dans Hermione, la probité dans Burrhus, l’avarice dans Harpagon, l’hypocrisie dans Tartufe, &c.
Les caracteres en général sont les inclinations des hommes considérés par rapport à leurs passions. Mais comme parmi ces passions il en est qui sont en quelque sorte attachées à l’humanité, & d’autres qui varient selon les tems & les lieux, ou les usages propres à chaque nation : il faut aussi distinguer des caracteres généraux, & des caracteres particuliers.
Dans tous les siecles & dans toutes les nations, on trouvera des princes ambitieux qui préferent la gloire à l’amour ; des monarques à qui l’amour a fait négliger le soin de leur gloire ; des héroïnes distinguées par la grandeur d’ame, telles que Cornélie, Andromaque ; & des femmes dominées par la cruauté & la vengeance, comme Athalie & Cléopatre dans Rodogune ; des ministres fideles & vertueux, & de lâches flatteurs : de même dans la vie commune qui est l’objet de la tragédie, on rencontre par-tout & en tout tems de jeunes gens étourdis & libertins ; des valets fourbes & menteurs ; des vieillards avares & fâcheux ; des riches insolens & superbes. Voilà ce qu’on appelle caracteres généraux.
Mais parce qu’en conséquence des usages établis
Enfin parce que dans une même nation les usages varient encore non-seulement de la ville à la cour, d’une ville à une autre ville, mais même d’une société à une autre, d’un homme à un autre homme ; il en naît une troisieme espece de caractere auquel on donne proprement ce nom, & qui dominant dans une piece de théatre, en fait ce que nous appellons une piece de caractere, genre dont M. Riccoboni attribue l’invention aux François : tels sont le Misantrope, le Joüeur, le Glorieux, &c.
Il faut de plus observer qu’il y a certains ridicules attachés à un climat, à un tems, qui dans d’autres climats & dans d’autres tems ne formeroient plus un caractere. Tels sont les Précieuses Ridicules, & les Femmes Savantes de Moliere, qui n’ont plus en France le même sel que dans leur nouveauté, & qui n’auroient aucun succès en Angleterre, où les singularités que frondent ces pieces n’ont jamais dominé.
Le caractere dans ce dernier sens n’est donc autre chose qu’une passion dominante qui occupe tout à la fois le cœur & l’esprit ; comme l’ambition, l’amour, la vengeance, dans le tragique ; l’avarice, la vanité, la jalousie, la passion du jeu, dans le comique. L’on peut encore distinguer les caracteres simples & dominans, tels que ceux que nous venons de nommer, d’avec les caracteres accessoires, qui leur sont comme subordonnés. Ainsi l’ambition est soupçonneuse, inquiete, inconstante dans ses attachemens qu’elle noue ou rompt selon ses vûes ; l’amour est vif, impétueux, jaloux, quelquefois cruel ; la vengeance a pour compagnes la perfidie, la duplicité, la colere, & la cruauté : de même la défiance & la lésine accompagnent ordinairement l’avarice ; la passion du jeu entraîne après elle la prodigalité dans la bonne fortune ; l’humeur & la brusquerie dans les revers : la jalousie ne marche guere sans la colere, l’impatience, les outrages ; & la vanité est fondée sur le mensonge, le dédain, & la fatuité. Si le caractere simple & principal est suffisant pour conduire l’intrigue & remplir l’action, il n’est pas besoin de recourir aux caracteres accessoires : mais si ces derniers sont naturellement liés au caractere principal, on ne sauroit les en détacher sans l’estropier.
M. Riccoboni, dans ses Observations sur la comédie, prétend que la maniere de bien traiter le caractere, est de ne lui en opposer aucun autre qui soit capable de partager l’intérêt & l’attention du spectateur. Mais rien n’empêche qu’on ne fasse contraster les caracteres ; & c’est ce qu’observent les bons auteurs : par exemple, dans Britannicus, la probité de Burrhus est en opposition avec la scélératesse de Narcisse ; & la crédule confiance de Britannicus avec la dissimulation de Néron.
Le même auteur observe qu’on peut distinguer les pieces de caractere des comédies de caractere mixte ; & par celles-ci il entend celles où le poëte peut se servir d’un caractere principal, & lui associer d’autres caracteres subalternes : c’est ainsi qu’au caractere du Misantrope, qui fait le caractere dominant de sa fable, Moliere a ajoûté ceux d’Araminte & de Célimene, l’une coquette, & l’autre médisante, & ceux des petits maîtres, qui ne servent tous qu’à mettre plus en évidence le caractere du Misantrope. Le poëte peut encore joindre ensemble plusieurs caracteres, soit prin-