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d’une action galante ou héroïque : il est composé d’un récit qui expose le sujet ; d’un air en rondeau ; d’un second récit, & d’un dernier air contenant le point moral de l’ouvrage.

L’illustre Rousseau est le créateur de ce genre parmi nous. Il a fait les premieres cantates Françoises ; & dans presque toutes, on voit le feu poëtique dont ce génie rare étoit animé : elles ont été mises en musique par les Musiciens les plus célebres de son tems.

Il s’en faut bien que ses autres poëmes lyriques ayent l’agrément de ceux-ci. La Poësie de style n’est pas ce qui leur manque : c’est la partie théatrale, celle du sentiment, & cette coupe rare que peu d’hommes ont connue, qui est le grand talent du théatre lyrique, qu’on ne croit peut-être qu’une simple méchanique, & qui fait seule réussir plus d’opéra que toutes les autres parties. Voyez Coupe. (B)

La cantate demande une poësie plûtôt noble que véhémente, douce, harmonieuse ; parce qu’elle doit être jointe avec la musique, qui ne s’accommode pas de toutes sortes de paroles. L’enthousiasme de l’ode ne convient pas à la cantate : elle admet encore moins le desordre ; parce que l’allégorie qui fait le fonds de la cantate, doit être soûtenue avec sagesse & exactitude, afin de quadrer avec l’application qu’en veut faire le poëte. Princ. pour la lect. des Poët. tom. I. (G)

On appelle aussi cantate, la piece de Musique vocale accompagnée d’instrumens, composée sur le petit poëme de même nom dont nous venons de parler, & variée de deux ou trois récitatifs, & d’autant d’ariettes.

Le goût de la cantate aussi-bien que le mot, nous est venu d’Italie. Plusieurs bons auteurs, les Berniers, les Campras, les Monteclairs, les Batistins, en ont composé à l’envi : mais personne en cette partie n’a égalé le fameux Clerambault, dont les cantates doivent par leur excellent goût être consacrées à l’immortalité.

Les cantates sont tout-à-fait passées de modes en Italie, & elles suivent en France le même chemin. On leur a substitué les cantatilles. (S)

CANTATILLE, diminutif de cantate, n’est en effet qu’une cantate fort courte, dont le sujet est lié avec quatre ou cinq vers de récitatif en deux ou trois airs communément en rondeau, avec des accompagnemens de symphonie. (S)

CANTAZARO, (Géog.) ville d’Italie au royaume de Naples dans la Calabre ultérieure. Long. 34. 35. lat. 38. 59.

CANTECROIX, (Géog.) petite contrée des Pays Bas au duché de Brabant, avec titre de principauté.

CANTHARIDE, cantharis, s. f. (Hist. nat. Insect.) genre d’insecte dont on distingue plusieurs especes. M. Linnæus le met dans la classe des insectes, qui ont des enveloppes à leurs ailes & des mâchoires dans leurs bouches. Les cantharides, selon le même auteur, ont les antennes faites en forme de soies ; les fausses ailes flexibles ; la poitrine un peu applatie, bordée & arrondie, & les côtés du ventre plissés, &c. Syst. naturæ. Mouffet divise les especes de cantharides en grandes & en petites. Celles qu’on estime le plus comme remede, sont grandes ; leur corps est épais & allongé : il y a sur leurs ailes des lignes transversales de couleur d’or. On les trouve dans les blés. Insect. theatrum. Il y a des cantharides de différentes couleurs : celles que l’on employe dans la Pharmacie sont d’une très-belle couleur verte luisante, azurée, mêlée de couleur d’or ; elles ont environ neuf lignes de longueur. On les trouve en été aux environs de Paris & en plusieurs autres lieux, sur les feuilles du frêne, du rosier, du peuplier, du noyer, du troêne, &c. dans les prés, & aussi sur les blés, où elles causent du dommage. Il y a beaucoup de ces insectes dans les pays chauds, comme l’Espagne, l’Italie, & les provinces

méridionales de la France. Ils sont fort rares en Allemagne. Les cantharides sont quelquefois réunies en si grand nombre, qu’elles paroissent en l’air comme un essain qui seroit poussé par le vent : alors elles sont précédées par une odeur desagréable qu’elles répandent au loin. Ordinairement cette mauvaise odeur sert de guide lorsqu’on cherche à ramasser de ces insectes. Les cantharides viennent d’un vermisseau semblable en quelque façon à une chenille. Voyez la description détaillée de trois especes de cantharides, dans les Eph. de l’acad. des cur. de la nat. dec. 2. an. 2. obs. 20. 21. & 22. Voyez Insecte. (I)

* Les cantharides en poudre appliquées sur l’épiderme, y causent des ulcérations, excitent même des ardeurs d’urine, la strangurie, la soif, la fievre, le pissement de sang, &c. & rendent l’odeur puante & cadavéreuse. Elles causent les mêmes symptomes prises intérieurement. On a observé qu’elles nuisoient beaucoup à la vessie. Voyez des exemples de ces effets dans les Ephémérid. des curieux de la nat. dec. 2. an. 7. obs. 86. dans les Récits anat. de Barthol, cent. I. hist. 21. On lit dans Paré, qu’une courtisane ayant présenté des ragoûts saupoudrés de cantharides pulvérisées à un jeune homme qu’elle avoit retenu à souper, ce malheureux fut attaqué le jour suivant d’un priapisme & d’une perte de sang par l’anus dont il mourut. Un autre fut tourmenté du mal de tête & eut un pissement de sang dangereux, pour avoir pris du tabac mêlé de poudre de cantharides. Boyle va plus loin : il assûre que des personnes ont senti des douleurs au cou de la vessie, & ont eu quelques-unes des parties qui servent à la secrétion des urines, offensées, pour avoir seulement manié des cantharides seches ; d’où il s’ensuit qu’on peut compter les cantharides au nombre des poisons. Boerhaave ordonne contre ce poison les vomitifs, les liqueurs aqueuses, délayantes, les substances huileuses, émollientes, & les acides qui résistent à la putréfaction. Quand on les employe dans les vésicatoires, il faut avoir égard & à la maladie & à la quantité qu’on en employe. Boerhaave les croit salutaires dans le rachitis, & toutes les fois qu’il s’agit d’aiguillonner les vaisseaux, & de résoudre des concrétions muqueuses. Mais en général, l’application extérieure de ce remede, & sur-tout son usage intérieur, demande beaucoup de prudence & d’expérience de la part du Medecin.

CANTHENO, cantharus, s. m. (Hist. nat. Ichth.) poisson de mer qui ressemble au sargo & au sparaillon pour la forme du corps, mais qui differe de ces poissons & des autres du même genre, en ce que sa couleur est plus obscure & plus noire ; que ses écailles sont beaucoup plus petites ; qu’il n’y a pas de cercle noir auprès de la queue ; que ses dents, quoique disposées de la même maniere que dans les autres poissons de ce genre, ne sont pas larges, mais au contraire menues & pointues ; & qu’il n’a point dans les mâchoires de tubercules osseux, mais seulement quelques inégalités : enfin la principale différence consiste dans des lignes jaunâtres presque paralleles, qui s’étendent depuis la tête jusqu’à la queue, comme dans la saupe, mais cependant d’une couleur plus obscure. L’iris des yeux est d’une belle couleur d’argent sans aucun mêlange de couleur d’or, ni d’autres couleurs ; les lignes qui passent sur le milieu des côtés sont bien marquées, & plus larges que dans la plûpart des autres poissons. Rondelet prétend que l’on a donné à ce poisson le nom de cantharus, parce qu’il reste dans l’ordure comme l’insecte qui est appellé en François fouille-merde, & en Latin cantharus. En effet le cantheno demeure dans la fange sur les bords des ports de mer, à l’embouchure des fleuves, & dans les endroits où les flots de la mer entraînent des immondices. Ce poisson est assez fréquent dans la mer Mé-