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On place la piece à terre sur un chantier, & on la tire trois fois. La premiere charge de poudre est de la pesanteur du boulet. Après la premiere épreuve, on y brûle encore un peu de poudre en-dedans pour la flamber ; on y jette de l’eau sur le champ ; on bouche la lumiere ; on presse cette eau avec un écouvillon, & l’on examine si elle ne s’échappe par aucun endroit.

On prend ensuite le chat : c’est un morceau de fer soit à trois, soit à deux griffes, comme on le voit fig. 3. 4. 5. du calibre de la piece, que l’on conduit partout pour trouver les chambres. On ne peut user de la bougie que pour les petites pieces, la fumée l’éteignant dans les grandes.

On n’éprouve les pieces de la nouvelle invention qu’avec une charge de poudre des trois quarts du poids du boulet.

On substitue quelquefois au boulet des cylindres de terre grasse du calibre de la piece, & d’environ deux piés de long.

Le chat de la fig. 5. est à l’usage de toute sorte de pieces, par la commodité qu’on a d’étendre ou de resserrer ses griffes par le moyen de l’anneau dans lequel elles sont passées, & du ressort qui est placé entre elles.

Quand on s’est assûré par le chat qui se trouve arrêté dans l’intérieur de la piece, qu’il y a chambre, on connoît la profondeur de la chambre de la maniere suivante : on prend le chat simple de la fig. 3. on éleve sur sa plaque de la terre-glaise jusqu’à la hauteur du bout de la griffe ; vous conduisez votre griffe dans cet état dans la chambre ; vous l’y faites entrer le plus que vous pouvez : quand elle y est bien enfoncée, vous retirez votre chat ; les bords de la chambre appuient contre la glaise, & la détachent de la griffe ; & la partie découverte de la griffe marque la profondeur de la chambre.

* L’on met des grains aux lumieres des pieces, en les alesant d’un trou d’environ deux pouces ; cela fait, on fait couler par la bouche du canon de la cire au fond de l’ame, lorsque l’épaisseur de derriere de la culasse n’est pas assez considérable. On met sur cette cire du sable un peu moite : on le frappe avec un refouloir jusqu’à la hauteur des anses ; on fait chauffer la piece ; on place au-dessus un écheno de terre ; la piece est à deux piés au dessous de l’écheno qui y conduit le métal. Il y a dans le fourneau à peu près 800 livres de métal. On pratique un gros jet pour la lumiere ; elle s’abbreuve de métal par ce jet ; on la laisse refroidir : on enleve ce qu’il y a de trop, & on fore une nouvelle lumiere.

Banii, fondeur Polonois, s’y prend autrement : il creuse la lumiere en écrou avant que d’y couler le métal ; le métal s’engage si bien dans ces tours ou pas d’écrou, qu’il n’en peut être chassé.

On a proposé d’autres moyens que les précédens pour mettre des grains, mais qui ont tous leurs inconvéniens. M. Gor, commissaire des fontes de Perpignan, en proposa un en 1736, par le moyen duquel le grain se met à une piece en moins de quatre heures sans la démonter : l’essai s’en fit le deux Mai, & il fut heureux.

Lorsqu’on refond des pieces, il s’agit de les mettre en tronçons pour les jetter dans le fourneau ; pour cela, on fait une rainure à la piece dans l’endroit où l’on veut la couper avec une tranche & le marteau ; puis on fait une maçonnerie seche de quatre briques d’épaisseur : on y place la piece en équilibre ; on remplit de charbon allumé la maçonnerie ; on fait chauffer la piece jusqu’à lui donner la couleur de cerise ; puis on éleve un gros poids avec la chevre, qu’on laisse retomber à plomb sur la piece qui en est brisée.

* Des lavures. Dans les lieux où l’on fond & où on alese les canons, il reste des grains, des sciures, &

autres pieces de métal mêlées avec les ordures. Il en reste aussi dans les fourneaux, attaché au fond de l’atre, qu’on appelle gâteau. La maniere de séparer ces portions métalliques s’appelle laver ; & ces portions métalliques séparées s’appellent lavures. Pour laver, on fait passer le ramas de matieres hétérogenes tirées de l’attelier de l’alesoir des terres de la Fonderie, &c. par plusieurs eaux ; & on met au moulin ce qui sort des eaux. Il y a deux sortes de moulins ; la premiere n’a rien de particulier, elle ressemble aux moulins à cidre. C’est une meule de fer coulé, d’environ trois piés de diametre, sur quinze pouces d’épaisseur, posée verticalement sur une cuvette coulée aussi de fer, & assise sur une maçonnerie. Les rebords de la cuvette ont six pouces de haut : un levier passe au centre de la meule, la traverse, & se rend dans un arbre vertical mobile sur lui même, & soûtenu par en haut dans une solive où entre son tourillon, & par en bas sur une crapaudine placée au centre de la cuvette. Deux hommes s’appliquent au levier, & font tourner avec l’arbre la meule qui écrase les lavures : quand elles sont bien écrasées on les relave ; puis on les fond pour les mettre en saumon. Il y a une autre sorte de moulin qu’on voit Plan. II. de la Fonderie de canons.

BB, baquet à laver les lavures.

CC, pilons qui écrasent dans l’auger DD les lavures.

A, arbre qui meut les pilons.

E, grande roue mûe par des hommes.

F, lanterne qui fait mouvoir la roue E.

G, autre lanterne fixée sur le même arbre que la lanterne F, & qui fait mouvoir l’arbre A, qui fait hausser les pilons C, C, C, d’où l’on voit que cette machine à laver, n’est autre chose que celle à bocarder des grandes fonderies & usines placées aux environs des mines.

Les lavures sont portées, comme nous avons dit, au fourneau d’affinage, qu’on voit fig. 3. même Plan.

F, fourneau.

GH, espece de rigoles où l’on jette la matiere & le charbon pêle-mêle.

I, un soufflet.

K, levier à mouvoir le soufflet.

Voilà tout ce qui peut concerner la fonte des canons. Pour l’entendre bien parfaitement, il ne seroit pas hors de propos d’en faire précéder la lecture par celle de la fonte des grandes statues en bronze. Voy. Bronze. Quant à la maniere de charger le canon, voyez Charge ; & pour celle de le mettre en situation nécessaire pour que le boulet atteigne dans un lieu désigné, voyez Pointer.

On croit que l’on n’a commencé à se servir de canons qu’en 1350 sur la mer Baltique ; quoi qu’il en soit, il est certain qu’ils furent employés en 1380 pendant la guerre des Vénitiens avec les Génois. Six ans après, il en passa quelques-uns en Angleterre sur deux vaisseaux François pris par ces insulaires. Les Anglois en firent de fer au commencement du seizieme siecle. (Q)

Canon de la nouvelle invention ou à l’Espagnole : on appelloit ainsi des pieces imaginées vers la fin du siecle dernier, qui avoient une chambre au fond de l’ame, en forme de sphere un peu applatie. Ces canons étoient donc plus courts que les autres.

L’objet qu’on s’étoit proposé dans cette invention, étoit de chasser le boulet dans un canon plus court, moins pesant, & par conséquent plus aisé à transporter que les anciens, avec la même force que dans les canons ordinaires.

Pour cela on faisoit aboutir la lumiere à peu-près vers le milieu de la chambre sphérique, afin qu’il s’enflammât une plus grande quantité de poudre à la fois, que lorsque l’ame du canon étoit par-tout uniforme.