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dépouille, se détache insensiblement du milieu du moule qu’il traverse de bout en bout ; & en retirant ce trousseau, la natte vient à mesure, & se défile avec beaucoup de facilité.

Ce moule ainsi vuidé par dedans, on le porte tout d’un coup dans la fosse qui est devant le fourneau, & où le canon doit être fondu.

L’on jette force bûches allumées dans ce moule jusqu’à ce qu’il soit parfaitement sec ; & c’est ce qu’on appelle le mettre au recuit.

L’ardeur du feu opere deux effets : elle fond le suif qui sépare la chappe d’avec le moule ; & elle seche en même tems les terres de ce moule, de maniere qu’on les casse facilement avec des ferremens, afin qu’il ne reste en entier que la chape seule, laquelle dans son intérieur a conservé l’impression de tous les ornemens faits sur le moule.

A la place du moule que l’on vient de détruire, l’on met une longue piece de fer qu’on appelle le noyau. Voyez Noyau. Elle se pose très-juste dans le milieu de la chape, afin que le métal se répande également de côté & d’autre.

Le noyau est couvert d’une pâte de cendre bien recuite au feu comme le moule, & arrêtée avec du fil d’archal, aussi bien recuit, le long & à l’entour par trois fois en spirale, couche sur couche, jusqu’à la grosseur du calibre dont doit être l’ame de la piece, ensorte qu’il reste un espace vuide entre le noyau & le creux de la chape qui doit être rempli par le métal ; ce qui fait l’épaisseur de la piece. Cette précaution de couvrir ce noyau, s’observe pour empêcher que le métal ne s’attache, & pour pouvoir ensuite le retirer aisément du milieu de la piece ; comme en effet on l’en tire quand la piece est fondue.

Pour faire tenir ce noyau bien droit, on le soûtient du côté de la culasse par des barreaux d’acier passés en croix ; c’est ce qu’on appelle le chapelet. Voyez Chapelet. Du côté de la bouche de la piece, le noyau est soûtenu par une meule faite de plâtre & de tuiles, dans laquelle passe le bout opposé au chapelet.

Lorsque le noyau est placé, on attache la culasse au moule. Cette culasse est faite à part, de la même composition & de la même maniere que le moule du corps de la piece. Elle est aussi bien bandée de lames de fer, & elle s’enchâsse proprement au bout du moule, où elle s’accroche avec du fil d’archal aux crochets des bandages de la chape.

On coule ordinairement les pieces de la culasse en bas, & on laisse au bout du moule qui est en haut, un espace vuide d’environ deux piés & demi de haut, lequel sert à contenir la masselotte, c’est-à-dire l’excédent du métal de la piece, qui pese quatre milliers au moins : ce poids fait serrer le métal qui compose la piece, & il le rend moins poreux & moins sujet à avoir des chambres.

F, dans la fig. 1. de la Pl. II. de l’Art milit. représente le noyau. G, dans la même figure, est une coupe du noyau recouvert de pâte de cendre pour former le calibre de la piece. H, est le chapelet de fer qui se met à l’extrémité de l’ame de la piece pour assembler la piece avec la culasse. I, est le profil du moule recouvert de ses terres, & retenu par des bandages de fer. KK, dans la fig. 1. toûjours même Pl. II. est l’épaisseur de la terre, qui forme la chape du moule. LL, est la chape de la culasse qui s’assemble au corps de la piece par le chapelet, comme les lignes ponctuées le font voir. MM, est l’espace vuide pour recevoir le métal entre la chappe & le noyau. NN, est le noyau tel qu’il est posé dans le moule : on l’en fait sortir lorsque la piece est fondue. OO, est la masselotte ou l’excédent de la matiere, que l’on scie au bout de la volée à l’endroit qui est ponctué. P, est le passage par où le métal s’écoule dans le moule. Q, est le moule recouvert de ses terres & bandages, tel qu’il est dans la fosse où on le met pour fondre la piece.

Supposant qu’on veuille fondre plusieurs pieces à la fois, au haut du moule sont disposés plusieurs tuyaux creux & godets de terre répondant à l’intérieur du corps du moule, par où le métal doit couler ; & l’on laisse aussi plusieurs tuyaux pour servir d’évent. Quand tout est bien préparé, la fosse se remplit de terre bien seche que l’on bat avec grand soin couche sur couche autour du moule jusqu’en haut, les godets, tuyaux, & évents surpassant de quelques pouces l’air ou la superficie du dessus de la fosse. On forme des rigoles tout autour avec une terre grasse que l’on seche parfaitement : elles se nomment échenos, & elles servent à conduire le métal du fourneau dans le moule des pieces. S. Remy. (Q)

* Le fourneau de cette fonderie ne differe presqu’en rien du fourneau de la grande fonderie en bronze. Voyez l’article de cette fonderie. Il y a à ses fondations voûte sous la chausse, & voûte sous le fourneau, avec évent, pour donner sortie à la fumée. Il y a au raiz-de-chaussée des atres de fer pour remuer le métal en fusion, avec une ouverture pour jetter le bois dans la chausse : cette ouverture se bouche avec une pelle de fer. Voyez Planc. II. de la fonderie dont il s’agit ici, une coupe du fourneau par le milieu sur les atres de fer, fig. 3. BB, évents de dessus le fourneau. GG, atres de fer par où l’on remue le métal. LL, ouvertures par où l’on tire les crasses. M, chauffe. P, voûte sous le fourneau. La figure 4. de la même Planche, est une autre coupe du même fourneau perpendiculaire à la précédente, & par la chauffe. Q, évent pour la fumée. OO, voûte sous la chauffe. N, grille. G, atres de fer. K, la chauffe. L, ouverture pour remuer le métal. M, le fourneau. ZZ, bâtis de charpente pour descendre les moules & remonter les pieces fondues. V, X, Y, bascule pour lever & baisser la porte du fourneau par où l’on remue le métal. Fig. 5. cette porte vûe séparément. X, la porte. V, la bascule. Y, le boulet qui la fait hausser & baisser.

Quand le métal est chaud à un certain degré connu par le fondeur, c’est-à-dire fort fluide & non empâté, à quoi l’on employe ordinairement 24 ou 30 heures ou environ, observant de tenir les morceaux de rosette dans le fourneau élevés sur des grès, & ne posant pas sur l’atre ; on dispose des hommes qui tiennent des pinces ou écluses de fer sur tous les trous qui communiquent dans les moules, afin que quand le métal vient à sortir du fourneau, il remplisse également toutes les rigoles, & qu’il soit également chaud en descendant dans toutes les parties du moule.

On débouche le trou du fourneau avec une longue & grosse piece de fer pointue appellée la serriere. Ce trou est fermé en-dedans avec de la terre grasse. Aussi-tôt qu’il est ouvert, le métal tout bouillonnant sort avec impétuosité, & il remplit toutes les rigoles : alors les hommes qui tiennent les petites écluses de fer sur les trous, les débouchent deux à deux, & à mesure que les trous se remplissent ils se retirent ; & le métal tombant avec rapidité dans le moule, forme la piece.

Pour éviter les soufflures que le métal forme dans son bouillonnement & dans la chûte précipitée qui presse l’air dans les canaux, les Keller avoient imaginé un tuyau qu’ils disposoient à côté de leur moule : le métal entroit par ce tuyau ; & comme il faisoit le chemin de descendre avec violence au fond de ce tuyau, qui avoit un trou pour communiquer dans le moule, il remontoit dans le moule par ce trou, de la même maniere que l’eau qu’on verse dans une branche d’un siphon, remonte dans l’autre : par-là il chassoit l’air devant lui, & il étoit moins à portée d’en conserver des parties. Mais l’usage de ces habiles Fondeurs sur ce point, n’a pas été généralement suivi.

Les moules & les fontes des mortiers & des pierriers se font de la même maniere que pour le canon.