L’Encyclopédie/1re édition/CHAPELET

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CHAPELET, s. m. (Hist. ecclés.) on donne parmi les chrétiens ce nom à plusieurs grains enfilés qui servent à compter le nombre des Pater & des Ave que l’on dit en l’honneur de Dieu & de la sainte Vierge. On les appelle aussi patenôtres (Voy. Patenôtres), & patenaudiers les ouvriers qui les font.

Il y a des chapelets de corail, d’ambre, de coco, & d’autres matieres plus précieuses.

Ménage fait venir ce mot chapelet de chapeau, à cause de la ressemblance qu’il trouve entre le chapelet & un chapeau de roses ; ressemblance qui ne frappera certainement pas tout le monde comme elle avoit frappé Ménage. Dans la basse latinité on l’appelle capellina, & les Italiens le nomment encore corona. On lui donne aussi le nom de rosaire : mais le rosaire proprement dit est un chapelet de quinze dixaines de grains ; nombre qu’on a diminué dans les chapelets ordinaires.

Cet usage de réciter le chapelet n’est pas fort ancien : Larrey, & le ministre Viret, en rapportent l’origine à Pierre l’Hermite, personnage fameux dans l’histoire des croisades, & qui vivoit sur la fin du onzieme siecle. On sait que S. Dominique a été l’instituteur du rosaire. Voyez Rosaire.

Il y a aussi un chapelet du Sauveur, qui consiste en trente-trois grains, en l’honneur des trente-trois ans que Notre Seigneur a vécu sur la terre. Il a été imaginé par le pere Michel de l’ordre des Camaldules.

Les Orientaux ont aussi des especes de chapelets qu’ils appellent chaînes, sur lesquels ils récitent les noms des perfections de Dieu, Le grand-mogol, dit-on, porte jusqu’à dix-huit de ces chaînes, les unes de gros diamans, les autres de perles, de rubis, & autres pierres précieuses. (G)

Chapelet des Turcs, (Hist. mod.) Il ne faut pas croire que les Catholiques soient les seuls qui se servent du chapelet dans quelques-unes de leurs prieres particulieres ; les Turcs en ont pareillement, mais différens de ceux des Chrétiens. Le chevalier de la Magdelaine, qui a été long-tems leur esclave, marque que ce chapelet, qu’ils ont toûjours ou le plus souvent, est composé de quatre-vingt-dix-neuf grains, sur lequel ils disent ; Alla bismilla, ethemdail illa : Alla hecher ; ce qui veut dire, le nom de Dieu soit loüé à jamais ; Dieu est tout-puissant. Voyez le miroir de l’empire Ortoman, imprimé à Bâle en 1677. Je sai que le pere Dandini Jésuite, dans son voyage du Levant, rapporte les paroles un peu différemment ; mais le sens en est le même que de celles qui viennent d’être marquées. Ce pere dit même qu’aux quatre-vingts-dix-neuf grains les Turcs en ont ajoûté un centieme ; mais un grain de plus ou de moins dans un chapelet turc, ne doit point être un sujet de dispute. Je ne puis m’empêcher, au sujet de ce chapelet, de marquer deux singularités : le Tition, dans son admirable tableau des pellerins d’Emmaüs, s’est avisé de mettre un chapelet à la ceinture de l’un d’eux ; & Raphaël, dans un tableau de S. Jean qui prêche au desert, donne un chapelet au saint précurseur : je ne crois pas néanmoins que ç’ait été, ni que ce soit l’usage des Juifs de se servir de chapelet pour les faire souvenir de prier Dieu. (a)

Chapelet, (Jurispr.) est un signe particulier de justice, que les seigneurs des comtés & baronnies ont droit de faire mettre aux fourches patibulaires de leur seigneurie. La coûtume d’Angoumois, ch. j. art. 4. dit que le seigneur châtelain peut avoir fourches patibulaires à quatre piliers ; mais qu’en ces fourches il ne peut avoir chapelet, ce que toutefois peut avoir le baron. Voyez Vigier, sur l’article 1. de cette coûtume. (A)

Chapelet, (Architect.) genre d’ornement en forme de patenôtres sphériques ou elliptiques rallongées, que l’on taille ordinairement sur les baguettes des architraves (Voyez Architrave.), lorsque les entablemens ont leurs moulures enrichies d’ornemens, ainsi que se voyent celles de la cour du vieux Louvre, des Tuileries, &c. (P)

Chapelet, en termes de Fonderie, est un morceau de fer rond & plat armé de trois tenons que l’on met à l’extrémité de l’ame d’une piece de canon, lorsqu’on en fait le moule pour assembler la piece avec la masse. Voyez Fonderie.

Chapelet, (Hydr.) se dit d’une pompe qui va par le moyen d’une chaîne sans fin garnie de godets ou de clapets qui trempent dans l’eau d’un puits & se remplissent, avant que d’entrer dans un tuyau creux d’où ils sortent par l’autre bout, & se vuident dans le reservoir. Comme il est nécessaire que ces clapets ou godets entrent un peu juste dans le tuyau montant, il se fait plus de frottement dans ces pompes que dans toutes les autres. Cette chaîne doit être écartée dans son chemin, & pour entrer perpendiculairement dans le tuyau montant, & pour se vuider dans le reservoir. Il faut qu’elle tourne & s’accroche sur deux hérissons ou roüets à crocs placés à ses extrémités : son mouvement doit être plus accéléré qu’aux autres pompes, pour ne pas donner le tems à l’eau de descendre.

Cette pompe, ainsi que la vis d’Archimede, n’est propre qu’à dessécher des marais, ou des lieux destinés à bâtir ; rarement s’en sert-on dans les eaux jaillissantes. On verra plusieurs de ces machines exécutées dans nos Planches. (K).

Chapelet, terme de manege ; paire d’étrivieres garnies de leurs étriers, & ajustées au point du cavalier, qui les attache au pommeau de la selle par une espece de boucle de cuir qui les joint en-haut, & qu’on appelle la tête du chapelet ; cela le dispense de les rallonger ou de les raccourcir quand il veut changer de cheval. (V)

Chapelet, (Jardin.) est une continuité de plusieurs desseins qui s’enfilent l’un l’autre, telles que sont plusieurs salles dans un bosquet.

On le dit encore dans un parterre, lorsque plusieurs petits ronds appellés puits se suivent, & quoique détachés, forment une espece de palmette ou de chaîne imitant les olives, les grelots, ou les grains d’un chapelet. (K)

Chapelet, machine d’opéra ; on appelle ainsi plusieurs petits chassis de formes différentes, peints en nuages, & enfilés à des cordes les uns après les autres, qu’on descend ou remonte par le moyen du contrepoids. Cette machine est fort simple, & fait illusion.

Le moment où elle remonte, & où elle est prête à se perdre dans les plafonds, est celui où elle paroît le plus agréable. Lorsque la nuit fait place à l’aurore naissante dans le prologue de Zaïs, la machine qui s’éleve insensiblement & qui remonte, est composée de quatre chapelets de nuages.

Cette machine pourroit être fort utile à l’opéra, si elle y étoit employée avec soin, & qu’on eût surtout attention à la façon de peindre les différens petits chassis dont elle est composée. Voyez Char. (B)

Chapelet, fiche à chapelet, (Serrurerie.) Voyez Fiche.

Chapelet, (Distillat.) petit cercle de mousse qui paroît à la surface de l’eau-de-vie quand on la verse, diminue à mesure que l’eau-de-vie séjourne dans le verre, disparoît assez promptement, & marque l’excellence de cette liqueur.