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quelles ils passoient le fer rougi, de peur qu’il n’offensât les parties circonvoisines. Voyez Cautere.

On ne doit pas se servir sans nécessité des cannules pour le pansement des plaies, parce que ce sont autant de corps étrangers, qui par leur présence rendent les parois des plaies dures & calleuses, & occasionnent des fistules. Il faut savoir s’en servir à propos, & en supprimer l’usage à tems. (Y)

CANO ou ALCANEM, (Géog.) royaume d’Afrique dans la Nigritie, avec une ville qui porte le même nom.

* CANON, s. m. ce terme a dans notre langue une infinité d’acceptions différentes, qui n’ont presqu’aucun rapport les unes avec les autres. Il désigne un catalogue, une décision, une arme, & plusieurs instrumens méchaniques de différentes sortes.

* Canon, en Théologie, c’est un catalogue authentique des livres qu’on doit reconnoître pour divins, fait par une autorité légitime, & donné au peuple pour lui apprendre quels sont les textes originaux qui doivent être la regle de sa conduite & de sa foi. Le canon de la Bible n’a pas été le même en tout tems ; il n’a pas été uniforme dans toutes les sociétés qui reconnoissent ce recueil pour un livre divin. Les Catholiques Romains sont en contestation sur ce point avec les Protestans. L’Eglise chrétienne, outre les livres du nouveau-Testament qu’elle a admis dans son canon, en a encore ajoûté, dans le canon de l’ancien-Testament qu’elle a reçu de l’église Juive, quelques-uns qui n’étoient point auparavant dans le canon de celle-ci, & qu’elle ne reconnoissoit point pour des livres divins. Ce sont ces différences qui ont donné lieu à la distribution des livres saints en protocanoniques, deutérocanoniques, & apocryphes. Il faut cependant observer qu’elles ne tombent que sur un très-petit nombre de livres. On convient sur le plus grand nombre qui compose le corps de la Bible. On peut former sur le sujet que nous traitons, plusieurs questions importantes. Nous en allons examiner quelques-unes, moins pour les décider, que pour proposer à ceux qui doivent un jour se livrer à la critique, quelques exemples de la maniere de discuter & d’éclaircir les questions de cette nature.

Y a-t-il eu chez les Juifs un canon des livres sacrés ? Premiere question. Le peuple Juif ne reconnoissoit pas toutes sortes de livres pour divins ; cependant il accordoit ce caractere à quelques-uns : donc il y a eu chez lui un canon de ces livres, fixé & déterminé par l’autorité de la synagogue. Peut-on douter de cette vérité quand on considere que les Juifs donnoient tous le titre de divins aux mêmes livres, & que le consentement étoit entr’eux unanime sur ce point ? D’où pouvoit naitre cette unanimité ? sinon d’une regle faite & connue qui marquoit à quoi l’on devoit s’en tenir ; c’est-à-dire d’un canon ou d’un catalogue authentique qui fixoit le nombre des livres, & en indiquoit les noms. On ne conçoit pas qu’entre plusieurs livres écrits en différens tems & par différens auteurs, il y en ait eu un certain nombre généralement admis pour divins à l’exclusion des autres, sans un catalogue autorisé qui distinguât ceux-ci de ceux pour qui l’on n’a pas eu la même vénération ; & ce seroit nous donner une opinion aussi fausse que dangereuse de la nation Juive, que de nous la représenter acceptant indistinctement & sans examen tout ce qu’il plaisoit à chaque particulier de lui proposer comme inspiré : ce qui précede me paroît sans replique. Il ne s’agit plus que de prouver que les Juifs n’ont reconnu pour divins qu’un certain nombre de livres, & qu’ils se sont tous accordés à diviniser les mêmes. Les preuves en sont sous les yeux. La premiere se tire de l’uniformité des catalogues que les anciens peres ont rapportés toutes les fois qu’ils ont eu lieu de faire l’énumération des livres reconnus pour sacrés par les

Hébreux. Si les Juifs n’avoient pas eux-mêmes fixé le nombre de leurs livres divins, les peres ne se seroient pas avisés de le faire : ils se seroient contentés de marquer ceux que les Chrétiens devoient regarder comme tels, sans se mettre en peine de la croyance des Juifs là-dessus ; ou s’ils avoient osé supposer un canon Juif qui n’eût pas existé, ils ne l’auroient pas tous fabriqué de la même maniere ; la vérité ne les dirigeant pas, le caprice les eût fait varier, soit dans le choix, soit dans le nombre ; & plusieurs n’auroient pas manqué surtout d’y insérer ceux que nous nommons deutérocanoniques, puisqu’ils les croyoient divins, & les citoient comme tels. Nous devons donc être persuadés de leur bonne foi par l’uniformité de leur langage, & par la sincérité de l’aveu qu’ils ont fait que quelques livres mis par l’Eglise au rang des anciennes écritures canoniques, en étoient exclus par les synagogues. La même raison doit aussi nous convaincre qu’ils ont été suffisamment instruits de ce fait : car s’il y avoit eu de la diversité ou des variations sur ce point entre les Juifs, ils auroient eu au moins autant de facilité pour s’en informer, que pour savoir qu’on y comptoit ces livres par les lettres de l’alphabet, & ils nous auroient transmis l’un comme l’autre. L’accord des peres sur la question dont il s’agit, démontre donc celui des Juifs sur leur canon.

Mais à l’autorité des peres se joint celle de Josephe, qui sur ces matieres, dit M. Huet, en vaut une foule d’autres, unus pro mille. Josephe, de race sacerdotale, & profondément instruit de tout ce qui concernoit sa nation, est du sentiment des peres. On lit dans son premier livre contre Appion, que les Juifs n’ont pas comme les Grecs, une multitude de livres ; qu’ils n’en reconnoissent qu’un certain nombre comme divins ; que ces livres contiennent tout ce qui s’est passé depuis le commencement du monde jusqu’à Artaxercès ; que quoiqu’ils ayent d’autres écrits, ces écrits n’ont pas entr’eux la même autorité que les livres divins, & que chaque Juif est prêt à répandre son sang pour la défense de ceux-ci : donc il y avoit chez les Juifs, selon Josephe, un nombre fixé & déterminé de livres reconnus pour divins ; & c’est-là précisément ce que nous appellons canon.

La tradition constante du peuple Juif est une troisieme preuve qu’on ne peut rejetter. Ils ne comptent encore aujourd’hui entre les livres divins que ceux, disent-ils, dont leurs anciens peres ont dressé le canon dans le tems de la grande synagogue, qui fleurit après le retour de la captivité. C’est même en partie par cette raison qu’elle fut nommée grande. L’auteur du traité Megillah dans la Gémare, nous apprend au ch. iij que ce titre lui fut donné non-seulement pour avoir ajoûté au nom de Dieu l’épithete gadol, grand, magnifique, mais encore pour avoir dressé le canon des livres sacrés : donc, pouvons-nous conclurre pour la troisieme fois, il est certain qu’il y a eu chez les Juifs un canon déterminé & authentique des livres de l’ancien Testament regardés comme divins.

N’y a-t-il jamais eu chez les Juifs qu’un même & seul canon des saintes Ecritures ? Seconde question, pour servir de confirmation aux preuves de la question précédente. Quelques auteurs ont avancé que les Juifs avoient fait en différens tems différens canons de leurs livres sacrés ; & qu’outre le premier composé de vingt-deux livres, ils en avoient dressé d’autres où ils avoient inséré comme divins, Tobie, Judith, l’Ecclésiastique, la Sagesse, & les Machabées.

Genebrard suppose dans sa chronologie trois différens canons faits par les assemblées de la synagogue : le premier au tems d’Esdras, dressé par la grande synagogue, qu’il compte pour le cinquieme synode ; il contenoit vingt-deux livres : le second au tems du pontife Eléazar, dans un synode assemblé pour délibérer sur la version que demandoit le roi Ptolémée,