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au métal qui est l’objet du travail, principalement le soufre & l’arsenic. Cette opération est plus connue dans le traitement des mines, soit pour l’essai, soit pour le travail en grand sous le nom de rôtissage ou de grillage. Voyez Grillage. C’est cette espece de calcination que M. Cramer appelle ustulatio, & qu’il distingue, mais seulement par son objet, de celle dont nous allons parler dans un moment. L’opération par laquelle on souffle ou fait fumer les culots d’or, dans la purification de ce métal par l’antimoine, se peut rapporter aux calcinations de la premiere espece ; comme aussi la calcination des sels fixes, soit neutres, soit alkalis, gras, ou empâtés de matieres huileuses qu’on blanchit ou purifie par ce moyen celle des vrais savons, celle des sels très-aqueux, comme l’alun, le vitriol, le sel de Glauber, &c. La calcination de ces sels au soleil, & leur calcination à l’air, ne different de la précédente & entr’elles, que par le degré de feu. Voyez Feu.

Le second objet général de la calcination, c’est d’ouvrir certains corps, ou de rompre la liaison, de détruire le mastic naturel, le gluten de certaines matieres, telles que les parties dures des animaux & des pierres, & les terres alkalines & gypseuses, qui fournissent par la calcination ces produits connus de tout le monde sous les noms de chaux & de plâtre ; telles encore que les gangues dures, réfractaires ou sauvages, des mines d’ailleurs peu sulphureuses & peu arsénicales, qu’on ne grille que pour disposer cette gangue à la fusion. C’est à peu près dans la même vue que cette opération est en usage dans les travaux de la verrerie, des émaux, des porcelaines, & dans les laboratoires des Chimistes, pour la préparation des chaux métalliques, &c.

On appelle encore calcination en Chimie, calcination par la voie humide, la division de toute substance métallique opérée par un menstrue, lorsque cette division est suivie d’un précipité, soit spontanée, soit produit par l’action d’un précipitant ; & tous les précipités sont appellés indistinctement chaux. Ainsi on appelle chaux d’or, l’or départi de l’argent, ou l’or de départ précipité par l’huile de tartre ; chaux d’argent, l’argent départi de l’or, ou l’argent de départ précipité par le cuivre, le précipité par le sel marin ou par son acide de la dissolution d’argent dans l’acide nitreux, &c. Mais la plûpart de ces substances ne conviennent avec les chaux proprement dites, que par le nom. La calcination par la voie humide porte encore le nom bien plus exact de pulvérisation philosophique. Voyez Pulvérisation & Précipité.

On prend aussi le mot de calcination dans un sens trop vague, quand on l’applique à la préparation des parties solides des animaux, qu’on épuise de leur partie lymphatique par l’eau bouillante : on appelle ces substances ainsi épuisées, calcinées philosophiquement ; corne de cerf calcinée philosophiquement, &c. mais ce n’est ici absolument qu’une décoction. Voyez Décoction.

Quel est donc le caractere propre de la vraie calcination ? J’entre pour le déterminer dans un examen plus détaillé de ses principaux phénomenes, des différens changemens qu’elle opere dans les divers sujets auxquels on l’applique. Cette discussion nous conduira de la maniere la plus abrégée à la vraie théorie de notre opération.

Je distingue d’abord les effets qui lui sont communs avec d’autres opérations chimiques, de ceux qui lui sont propres : 1o. la calcination considérée comme séparant des parties volatiles d’avec des parties plus fixes, peut ne différer de la distillation qu’en ce qu’on retient ces parties volatiles dans la derniere opération, & qu’elles s’échapent dans la premiere. C’est ainsi que les sels aqueux se dessécheroient dans les

vaisseaux fermés, comme ils se dessechent dans les vaisseaux ouverts ; la premiere opération exigeroit seulement un feu plus violent : mais les deux produits de chaque opération, c’est-à-dire, le phlegme passé dans la distillation, ou dissipé par la calcination, (on peut en ramasser en exposant un miroir à la vapeur) & le résidu de l’une & de l’autre, seroient exactement les mêmes. Je pourrois faire de cette opération une espece distincte de calcination : mais elle est si distincte des deux autres que je vais proposer, qu’il sera plus exact encore de l’en séparer absolument. Voyez Dessiccation.

2o. Les savons, les sels gras ou empâtés de matieres grasses ou huileuses, pourroient aussi être privés de ces matieres par la distillation, aussi bien que par la calcination. La plûpart des substances métalliques minéralisées, traitées dans les vaisseaux fermés, laisseroient sublimer du soufre & de l’arsenic : mais j’observe dans ce cas une différence remarquable ; c’est que la substance volatile séparée qui est inflammable, du moins pour la plus grande partie, s’éleve dans la distillation ou dans la sublimation, sans éprouver aucune altération, ou n’étant que très-peu altérée ; au lieu qu’elle est décomposée dans la calcination, elle est enflammée, détruite. Cette espece de calcination opere donc la séparation réelle de deux especes de corps qui formoient un composé ou un surcomposé par leur union ; circonstance commune à cette opération & à la distillation, mais de plus la destruction d’un des principes de la composition du corps calciné, celle du mixte ou du composé inflammable. Cette espece de calcination sera propre à tous les corps solides composés ou surcomposés, dans la formation desquels entreront des mixtes ou des composés inflammables. Ces corps sont les mines ou substances métalliques minéralisées, les métaux sulphurés, tous les savons, les extraits solides des végétaux, le tartre, la lie, les os des animaux, les bitumes solides, &c.

Il est enfin une autre espece de calcination essentiellement distincte des opérations faites dans les vaisseaux fermés : c’est l’opération qui prive par l’action du feu un mixte fixe & solide de son phlogistique, ou la décomposition par le feu d’un mixte fixe & solide, dont le phlogistique pur est principe constituant. Les sujets de cette calcination sont les métaux imparfaits, les demi-métaux, excepté le mercure, & tous les vrais charbons tirés des trois regnes. L’hépar sulphuris ou foie de soufre peut se ranger aussi avec ces corps, quoiqu’avec quelqu’inexactitude.

Quoique la fixité absolue de l’or & de l’argent tenus en fusion pendant un tems très-considérable, soit unanimement adoptée d’après les expériences de Kunckel, il est très-probable cependant que leur calcination n’est que beaucoup plus difficile que celle des autres substances métalliques, mais non pas absolument impraticable. C’est la doctrine de plusieurs Chimistes illustres.

Isaac le Hollandois, dans son traité de salibus & oleis metallorum, cap. ij. de Reverberatione calcis, assûre que la chaux d’argent, c’est-à-dire, l’argent déjà ouvert par un menstrue, exposée pendant vingt-un jours à un feu non interrompu, & tel qu’il est nécessaire pour tenir le plomb en fusion sans le rougir, se réduit en une vraie chaux ; & que la chaux ou le précipité d’or exposé au même degré de feu, éprouve la même altération en six semaines.

Kunckel ne daigne pas même réfuter un auteur à qui il avoit fait cet honneur sur plusieurs autres points ; un auteur, dis-je, qui avoit mis la vraie chaux d’or parmi les non-êtres chimiques.

Stahl qui compte beaucoup sur le témoignage de ces deux auteurs, est persuadé qu’ils entendent par-