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vise à un objet éloigné : la ligne de mire des deux pinnules doit être parallele au diametre de la boussole d’où l’on commence à compter les divisions. Ce parallélepipede équivalent à une regle à pinnule donne encore un autre avantage : il doit être mobile sur un clou ou pivot, en sorte qu’il puisse s’incliner à l’horison sans sortir du même plan vertical ; ce qui est très-commode, & même nécessaire quand on veut pointer à un objet élevé ou abaissé au-dessous de l’horison, & reconnoître sa direction ou son gisement par rapport aux régions du monde ; ce que les marins nomment relever un objet, parce qu’ils font cette opération avec une boussole ordinaire placée sur le pont du vaisseau, en se mettant dans l’alignement du centre de la boussole & de l’objet dont ils veulent reconnoître le gisement, & qu’ils étendent le bras vers le centre de la boussole, & le relevent ensuite perpendiculairement jusqu’à la rencontre du rocher, du cap, du vaisseau, ou d’un point quelconque : c’est cette opération qu’ils désignent en disant : avons relevé tel cap à tel air de vent. Dans la boussole à pinnules dont nous parlons, & qui est destinée pour la terre, on dirige la pinnule parallele au côté de la boîte de la boussole sur l’objet qu’on veut relever, ou dont on veut connoître le gisement ; & cet objet étant ordinairement éloigné, c’est la même chose que si la regle à pinnule étoit placée sur le centre même de la boussole, quoique cette regle en soit éloignée d’environ trois pouces, qui est au plus la demi-largeur ordinaire de cet instrument, tant pour le rendre plus portatif, que parce que l’expérience a fait voir que c’est la proportion la plus convenable ; les aiguilles plus petites étant trop vives & trop long-tems à se fixer, & les plus grandes trop paresseuses & trop peu libres sur leur pivot.

Pour lever le plan d’une forêt, d’un étang ou d’un marais, on commencera par réduire leur circuit en autant de lignes droites qu’il sera convenable, en mettant des piquets à toutes les courbures un peu considérables : on mesurera tous les côtés de ce polygone, & dirigeant sur chaque côté successivement les pinnules nord & sud de l’équerre, on observera l’angle que forme le pole boréal de la boussole avec ce côté du polygone, en remarquant si l’aiguille s’en écarte à droite ou à gauche : ces observations détermineront les angles que ces côtés forment entr’eux, en usant des mêmes précautions qu’on vient d’indiquer pour lever les angles sur le terrein. Connoissant donc les angles & les côtés du polygone, il sera facile d’en tracer le plan ; il ne s’agira plus que de l’orienter ; ce qu’on exécutera fort aisément, puisqu’on connoît tous les angles que forme la boussole avec chacun des côtés du plan : on en choisira donc un à volonté, auquel on tracera une parallele ; en quelqu’endroit à l’écart on fera avec cette parallele, & dans le même sens, un angle égal à celui que faisoit sur le terrein l’aiguille de la boussole avec ce côté correspondant ; & connoissant cet angle par la déclinaison de l’aimant, qu’on connoîtra d’ailleurs, la ligne qui formera cet angle corrigé avec la parallele, sera la méridienne du plan.

Soit ABCDEF (fig. 12.) une riviere dont on veuille déterminer le cours : on commencera par planter des piquets à tous ses points principaux de flexion, afin de reduire sa courbure en autant de petites lignes droites AB, BC, CD, DE, EF, qu’il sera nécessaire ; on mesurera toutes ces lignes droites, & on déterminera les angles qu’elles font entr’elles, en prenant d’abord celui que chacune d’elles fait avec l’aiguille aimantée : ces opérations donneront le plan de la riviere & de ses détours, & on l’orientera par la méthode qu’on vient d’indiquer tout à l’heure.

On se sert aussi quelquefois pour orienter un plan,

d’une autre espece de boussole quelques-uns nomment un déclinatoire : celle-ci ne differe des autres qu’en ce que sa boîte, longue de 6 ou 7 pouces suivant le plus ou le moins de longueur de l’aiguille, n’a qu’environ 2 pouces de large, ce qui suffit pour marquer à droite & à gauche de la pointe de l’aiguille un nombre de degrés, au-moins égal à celui de la déclinaison de l’aimant dans le lieu de l’observation. Alors si l’on fait répondre la pointe de l’aiguille sur la quantité de déclinaison, qu’on suppose connue d’ailleurs, l’axe de la boîte ou son côté qui lui est parallele se trouvera dans la direction du méridien, & pourra servir à tracer sur le terrein une ligne nord & sud, à laquelle on rapportera toutes les autres.

Il faut bien remarquer que toutes les pratiques précédentes, où l’on opére avec la boussole, ne peuvent donner qu’une méridienne approchée, & dont on ne peut au plus répondre qu’à un demi degré près à cause de la petitesse de l’instrument & des petites variations à quoi l’aiguille aimantée est elle-même sujette. Si l’on avoit besoin d’une plus grande précision, il faudroit se servir des moyens que l’Astronomie fournit pour tracer une méridienne ou pour trouver l’azimuth du soleil. Voyez. Méridienne & Azimuth.

Il est plus avantageux de se servir, pour les opérations que nous venons de décrire, des grandes boussoles faites avec des lames d’acier trempé & fortement aimantées, que des petites aiguilles ordinaires : celles-ci sont trop facilement dérangées par les corps magnétiques ou ferrugineux, qui se trouvent répandus dans les différens endroits où l’on opere : cette précaution est sur-tout nécessaire dans les travaux qu’on entreprend dans l’intérieur de la terre, où il se rencontre souvent des corps qui détourneroient trop les petites aiguilles. Qu’on veuille, par exemple, déterminer dans une mine de charbon la direction d’un lieu à un autre, afin de creuser un puits par-dehors, justement à l’extrémité d’une galerie ; on observera premierement dans la mine quel angle fait le pole boréal de la boussole, avec la direction de la galerie, & on fera cette observation à l’extrémité de la galerie qui se trouve au bas de quelque puits déjà fait : & ayant mesuré sa longueur, on fera la même opération en-dehors au haut du puits, & on mesurera cette longueur dans la ligne qui fait avec la boussole le même angle que faisoit avec elle la direction de la galerie, & dans le même sens, ce qui déterminera le point où il faut faire le nouveau puits. Mais s’il y a dans le voisinage des corps magnétiques ou ferrugineux, les petites boussoles seront presque toûjours insuffisantes pour cette opération ; les grandes aiguilles y seront aussi à la vérité un peu sujettes : mais voici un moyen de reconnoître la présence de ces corps magnétiques, & de remédier à cet inconvénient.

On tendra dans le milieu de la galerie & dans sa direction un cordeau le plus long qu’il sera possible, & on fera ensorte qu’il soit bien en ligne droite : on placera la boussole à l’extrémité de ce cordeau, de telle sorte que la ligne fiducielle ou le diametre de la boussole, duquel on commence à compter les divisions, soit bien dans la direction de la galerie : on observera si l’aiguille co-incide avec cette ligne, ou sous quel angle elle s’en écarte & de quel côté : on réitérera cette observation d’espace en espace, en avançant vers le fond de la galerie. Si elle conserve toûjours la même direction par rapport au cordeau dans toute sa longueur, il sera assez probable que rien ne dérange l’aiguille de sa direction naturelle, du-moins à droite ni à gauche : mais si sa direction varie en différens endroits le long du cordeau, le lieu où elle s’écartera le plus de la direction qu’elle a