bre rond ont porté neuf milliers chacune pendant une heure ; il a fait charger les deux autres de six milliers seulement, c’est-à-dire des deux tiers, & il les a laissé ainsi chargées, résolu d’attendre l’évenement : l’une de ces pieces a cassé au bout de trois mois & vingt-six jours ; l’autre au bout de six mois & dix-sept jours. Après cette expérience il fit travailler deux autres pieces toutes pareilles, & il ne les fit charger que de la moitié, c’est-à-dire, de quatre mille cinq cens ; M. de Buffon les a tenues plus de deux ans ainsi chargées ; elles n’ont pas rompu, mais elles ont plié assez considérablement ; ainsi dans des bâtimens qui doivent durer long-tems, il ne faut donner au bois tout au plus que la moitié de la charge qui peut le faire rompre ; & il n’y a que dans des cas pressans, & dans des constructions qui ne doivent pas durer, comme lorsqu’il faut faire un pont pour passer une armée, ou un échaffaud pour secourir ou assaillir une ville, qu’on peut hasarder de donner au bois les deux tiers de sa charge.
Tous les auteurs qui ont écrit sur la résistance des solides en général, & du bois en particulier, ont donné comme fondamentale la regle suivante : la résistance est en raison inverse de la longueur, en raison directe de la largeur, & en raison doublée de la hauteur. Cette regle est celle de Galilée, adoptée par tous les Mathématiciens, & elle seroit vraie pour tous les solides qui seroient absolument inflexibles & qui romproient tout-à-coup : mais dans les solides élastiques, tels que le bois, il est aisé d’appercevoir que cette regle doit être modifiée à plusieurs égards. M. Bernoulli a fort bien observé que dans la rupture des corps élastiques une partie des fibres s’allonge, tandis que l’autre partie se racourcit, pour ainsi dire, en refoulant sur elle-même. Voyez son mémoire dans ceux de l’Académie, année 1705. On voit par les expériences précédentes, que dans les pieces de la même grosseur, la regle de la résistance en raison inverse de la longueur s’observe d’autant moins que les pieces sont plus courtes. Il en est tout autrement de la regle de la résistance en raison directe de la largeur & du quarré de la hauteur. M. de Buffon a calculé la table septieme, à dessein de s’assûrer de la variation de cette regle ; on voit dans cette table les résultats des expériences, & au-dessous les produits que donne cette regle ; il a pris pour unités les expériences faites sur les pieces de cinq pouces d’équarrissage, parce qu’il en a fait un plus grand nombre sur cette dimension que sur les autres. On peut observer sur cette table, que plus les pieces sont courtes, & plus la regle approche de la vérité ; & que dans les plus longues pieces, comme celles de 18 & de 20 piés, elle s’en éloigne ; cependant à tout prendre, on peut se servir de la regle générale avec les modifications nécessaires pour calculer la résistance des pieces de bois plus grosses & plus longues que celles dont M. de Buffon a éprouvé la résistance ; car en jettant les yeux sur cette septieme table, on voit un grand accord entre la regle & les expériences pour les différentes grosseurs, & il regne un ordre assez constant dans les différences par rapport aux longueurs & aux grosseurs, pour juger de la modification qu’on doit faire à cette regle. Voyez Resistance.