Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 2.djvu/296

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

remplacées par d’autres moins blanches & plus fortes : à trois ans toutes les dents ont mué ; elles sont égales, blanchâtres & longues ; & à mesure que le bœuf vieillit, elles s’usent, se noircissent, & deviennent inégales & noires. Si l’on consulte les cornes sur l’âge, on comptera pour trois ans les annelets qui regnent depuis le bout des cornes jusqu’au premier nœud en descendant : passé trois ans, le bœuf perd ce qui lui est venu de cornes, & il lui en croît une nouvelle, nette, petite, unie, à laquelle il se forme chaque année un nœud semblable à un anneau relevé en bosses ; & pour juger de son âge au-delà de trois ans, on compte le nombre de ces nœuds.

On a remarqué que ceux qui mangent lentement, & qui ont été élevés sur les montagnes, sont de meilleur service. Si on les prend au loin, ils seront sujets à tomber malades ; & l’on ne les accoûtumera au climat qu’en les ménageant beaucoup la premiere année, surtout dans les chaleurs, & qu’en leur donnant de bon foin. On recommande au laboureur de ne point prêter ses bœufs, & de ne les point excéder de travail.

Maniere de dompter les bœufs. Pour les accoûtumer au joug, il faut d’abord les caresser de la main qu’on leur passe sur tout le corps, leur donner un peu de sel dans du vin, & les apprivoiser ; puis on leur lie les cornes ; quelques jours après leur mettre le joug ; une autre fois leur faire traîner des roues ; & finir par la charrue.

On les accouple dans le commencement avec un bœuf tout formé ; on ne les aiguillonne point : si malgré les ménagemens dont on use on les trouve fougueux, on les attele entre deux bœufs faits & vigoureux ; ce travail les soûmet en moins de trois ou quatre jours.

On les dispose encore au joug en les accouplant à la mangeoire entre des bœufs formés, & les menant ainsi accouplés aux champs ; leur montrant d’autres bœufs au travail, & les faisant au bruit en les conduisant dans des endroits où il y a beaucoup de monde.

Il ne faut pas laisser passer trois ans sans les dompter : quand ils sont accoûtumés au joug, on y joint le timon, dont on laisse traîner la chaîne afin que le son ne les épouvante pas : au bout de trois ou quatre jours on attache une piece de bois à la chaîne, & on les attele devant deux bœufs formés ; on leur allége la peine par les caresses, le peu de travail, & la bonne nourriture ; on ne leur laisse pas manquer de litiere ; on a soin au retour de l’exercice de les frotter & de les couvrir ; on les fortifie quand ils ont trop chaud, par de l’avoine ou du son.

Quand on accouple un bœuf, il faut lui donner son égal en force & en taille, sans quoi le plus fort portera toute la fatigue, & périra en peu de tems.

Défauts des bœufs. Le bœuf est sujet à des défauts ; il faut s’appliquer à les connoître & à les corriger : les jeûnes & les caresses valent mieux que les coups & l’aiguillon ; cependant s’il est rétif, on lui battra les fesses avec un bâton tiré chaud hors du feu ; s’il est ombrageux, on lui fera souvent du bruit, & l’on continuera jusqu’à ce qu’il ne s’épouvante plus ; s’il est violent, ce qui ne vient guere que de repos & d’embonpoint, on le liera par les quatre jambes, on le terrassera, & on lui épargnera la nourriture ; si on l’aime mieux, on le fatiguera de travail & de coups d’aiguillon. Les anciens mettoient du foin à la corne des bœufs qui l’avoient dangereuse. S’il est paresseux, il faut user de l’aiguillon.

Nourriture du bœuf. Le bœuf ne mange jamais trop ; quand il a pris son repas, il se couche & rumine. On le nourrit en hyver de paille & de foin ; quand il travail il lui faut de bon foin : son repas dure ordinairement une heure. Avant que de l’atteler, il faut

lui donner du son sec ou de l’avoine. En été on lui jette de l’herbe fraîche, des bourgeons de vigne, des feuilles d’orme, de frêne, d’érable, de chêne, de saule, & de peuplier.

La vesce verte ou seche lui est bonne, ainsi que le sainfoin, la luserne, la paille d’orge, &c. celle d’épautre ne lui convient guere qu’en litiere.

Il y en a qui nourrissent le bœuf avec le lupin trempé dans l’eau, les pois chiches, la rave, le navet, le jonc marin, l’écosse de pois, l’orge bouilli, &c.

Il ne faut le mettre au pâturage qu’à la mi Mai, & aux fourrages en Octobre : mais observez de ne le faire passer du verd au sec, & du sec au verd, que peu à peu. Le bœuf ne mange pas autant qu’on le croiroit sur sa grosseur.

Soin du bœuf. Dans les tems de labour, si l’on a deux paires de bœufs, l’une travaillera depuis le matin jusqu’à onze heures, l’autre depuis midi jusqu’au soir. Il faut extremement ménager les jeunes bœufs.

On aura soin au retour du travail de frotter les bœufs avec des bouchons, sur-tout s’ils sont en sueur ; de les étriller le matin avant que de les mettre au joug ; de rembourer de paille ce qui peut les incommoder ; de leur laver souvent la queue avec de l’eau tiede ; de les mener rarement aux champs & au labour dans les grandes chaleurs, les froids & les pluies ; de leur rafraîchir la bouche en été avec du vinaigre ou du vin imprégné d’un peu de sel ; de ne les attacher dans l’étable que quand leur sueur sera passée ; de leur laver les piés au retour des champs ; de leur donner à manger aux heures réglées ; de les faire boire deux fois le jour en été, & une fois en hyver ; enfin de prévenir leurs maladies & de panser leurs maux. Quant à l’étable, voyez Etable.

S’il y a plusieurs jours de fête de suite, il faudra leur graisser la corne & le dessous du paturon avec du surpoint, ou leur appliquer sur un morceau de linge un oignon bien cuit dans la braise ; les tenir en tout tems un peu éloignés les uns des autres ; veiller à ce que l’étable soit propre, pour les garantir de vermine ; & leur donner toûjours de la belle eau claire.

Au reste tout ce qui précede n’est que pour le bœuf de charrue ou de harnois ; celui qui ne travaille pas ne demande pas tant de soin ; il suffit de l’envoyer aux champs en été, & de lui donner du fourrage en hyver, à moins qu’il ne faille l’engraisser.

Engrais du bœuf. L’engrais des bœufs se fait de la maniere suivante. On ne se détermine guere à les engraisser que quand ils sont hors de service : c’est ordinairement à l’âge de dix ans ; alors on ne leur fait faire ni voitures ni labour. Si c’est en été qu’on en veut faire l’engrais, on s’y prend sur la fin de Mai : aussi-tôt que le jour paroît on les mene paître ; on les laisse au pâturage jusqu’au grand jour, alors on les ramene reposer dans l’étable ; quand la chaleur est passée, on les reconduit aux champs jusqu’à la nuit, on leur distribue des herbages, & on les parque par cantons : s’ils manquent d’appétit, on les fera boire trois ou quatre fois par jour, on leur lavera de tems en tems la langue avec du sel & du vinaigre, & on leur jettera dans la gorge une petite poignée de sel.

Pendant les huit premiers jours de l’engrais, en été on fait tiédir au soleil, en hyver sur le feu, de l’eau où l’on met de la farine d’orge ; on laisse reposer ce mêlange jusqu’à ce que le gros soit précipité, après quoi il reste une eau blanche qu’on fait boire aux bœufs pendant huit ou dix jours ; quant au gros ou sédiment, on le réserve pour le retour du pâturage.

Le soir on leur donne une bonne litiere, & on jette devant eux une botte d’herbe fraîche ; on con- -