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culierement au superlatif, & le représenter comme idée principale ; comme on voit dans le Très-haut, pris pour l’Etre suprème. Fort, marque moins le superlatif, mais affirme davantage : ainsi quand on dit il est fort équitable, il semble qu’on fasse autant au moins d’attention à la certitude qu’on a de l’équité d’une personne, qu’au degré ou point auquel elle pousse cette vertu. Bien, marque encore moins le superlatif que très ou fort : mais il est souvent accompagné d’un sentiment d’admiration, il est bien hardi ! Dans cette phrase, on désigne moins peut-être le degré de la hardiesse, qu’on n’exprime l’étonnement qu’elle produit. Ces distinctions sont de M. l’abbé Girard. Il remarque de plus que très est toûjours positif ; mais que fort & bien peuvent être ironiques, comme dans : c’est être fort sage que de quitter ce qu’on a pour courir après ce qu’on ne sauroit avoir ; c’est être bien patient que de souffrir des coups de bâton sans en rendre : mais je croi que très n’est point du tout incompatible avec l’ironie, & qu’il est même préférable à bien & à fort en ce qu’il la marque moins. Lorsque fort & bien sont ironiques, il n’y a qu’une façon de les prononcer ; & cette façon étant ironique elle-même, elle ne laisse rien à deviner à celui à qui l’on parle. Très, au contraire pouvant se prononcer quand il est ironique, comme s’il ne l’étoit pas, enveloppe davantage la raillerie, & laisse dans l’embarras celui qu’on raille.

BIENFAITEUR & BIENFAITRICE, en Droit, se dit de ceux qui ont fondé ou doté une église, soit paroissiale ou conventuelle. Voyez Fondateur & Patron. (H)

BIENHEUREUX, ce terme a diverses acceptions. En Théologie, il signifie ceux à qui une vie pure & exempte de toutes souillures, ouvre le royaume des cieux. Qui pourroit peindre l’étonnement de l’ame, lorsque la mort venant à déchirer tout-à-coup le voile qui l’environne dans un corps mortel, & à rompre tous les liens qui l’y attachent, elle est admise à la vision claire & intuitive de la divinité ! là se dévoilent à ses yeux les profondeurs incompréhensibles de l’Etre divin, la grandeur ineffable de son unité, & les richesses infinies de son essence : là disparoissent les contradictions apparentes des mysteres, dont la hauteur étonne notre raison, & qui sont enveloppés & comme scellés pour nous dans les Ecritures : là s’allume dans l’ame cet amour immense, qui ne s’éteindra jamais, parce que l’amour divin sera son aliment éternel. V. Paradis, Vision intuitive.

Le terme de bienheureux est aussi pris pour ceux à qui l’Église décerne dans ses temples un culte, subordonné néanmoins à celui qu’elle rend à ceux qu’elle a canonisés. La béatification est un degré pour arriver à la canonisation. Voyez ces articles.

Bienheureux se dit, en Morale, de ceux qui coulent dans une heureuse tranquillité des jours purs & exempts de nuages & de tempêtes, voyez Bonheur ; ou plûtôt bienheureux s’applique à des événemens particuliers ; heureux à tout le système de la vie. On est bienheureux d’avoir échappé à tel danger ; on est heureux de se bien porter. (X)

* BIENSEANCE, s. f. en Morale. La bienséance en général consiste dans la conformité d’une action avec le tems, les lieux, & les personnes. C’est l’usage qui rend sensible à cette conformité. Manquer à la bienséance, expose toûjours au ridicule, & marque quelquefois un vice. La crainte de la gêne fait souvent oublier les bienséances. Bienséance ne se prend pas seulement dans un sens moral : on dit encore dans un sens physique, cette piece de terre est à ma bienséance, quand son acquisition arrondit un domaine, embellit un jardin, &c. Malheur à un petit souverain dont les états sont à la bienséance d’un prince plus puissant.

Bienseance, s. m. terme d’Architecture. On se sert

de ce nom d’après Vitruve, pour exprimer l’aspect

d’un édifice dont la décoration est approuvée, & l’ordonnance fondée sur quelque autorité : c’est ce que nous appellons convenance. V. Convenance. Voyez aussi Aspect. (P)

BIENTENANT, terme de Palais, synonyme à possesseur ou détenteur. Voyez l’un & l’autre. (H)

BIENVEILLANCE, s. f. (Morale.) La bienveillance est un sentiment que Dieu imprime dans tous les cœurs, par lequel nous sommes portés à nous vouloir du bien les uns aux autres. La societé lui doit ses liens les plus doux & les plus forts. Le principal moyen dont s’est servi l’auteur de la nature pour établir & conserver la societé du genre humain, a été de rendre communs entre les hommes leurs biens & leurs maux, toutes les fois que leur intérêt particulier n’y met point obstacle. Il est des hommes en qui l’intérêt, l’ambition, l’orgueil empêchent qu’il ne s’éleve de ces mouvemens de bienveillance. Mais il n’en est point qui n’en portent dans le cœur les semences prêtes à éclorre en faveur de l’humanité & de la vertu, dès qu’un sentiment supérieur n’y fait point d’obstacle. Et s’il étoit quelque homme qui n’eût point reçû de la nature ces précieux germes de la vertu, ce seroit un défaut de conformation semblable à celui qui rend certaines oreilles insensibles au plaisir de la musique. Pourquoi ces pleurs que nous versons sur des héros malheureux ? avec quelle joie les arracherions-nous à l’infortune qui les poursuit ! leur sommes-nous donc attachés par les liens du sang ou de l’amitié ? Non certainement : mais ce sont des hommes & des hommes vertueux. Il n’en faut pas davantage pour que ce germe de bienveillance que nous portons en nous-mêmes, se développe en leur faveur. (X)

Bienveillance, (Hist. mod.) terme usité dans les statuts & dans les chroniques d’Angleterre pour signifier un présent volontaire que les sujets font à leur souverain, chacun y contribue à proportion de sa fortune. Voyez Subside & Taxe.

La bienveillance prise dans ce sens, équivaut à ce que les autres nations appellent subsidium charitativum, que les tenanciers payent quelquefois à leur seigneur, le clergé aux évêques.

En France on appelle ce secours don gratuit. Dans les besoins de l’état, le clergé assemblé soit ordinairement, soit extraordinairement, accorde au roi un don gratuit indépendamment des décimes & autres impositions dont il est chargé, & le recouvrement de ces sommes est reparti sur les provinces ecclésiastiques. Dans les provinces d’Etats, outre les subsides ordinaires, à la tenue des états on accorde aussi au roi un don gratuit plus ou moins fort, selon les circonstances. Voyez Aides. (G)

* BIERNEBURG, (Géog.) ville de la Livonie.

* BIERRE, s. f. espece de boisson forte ou vineuse, faite, non avec des fruits, mais avec des grains farineux. On en attribue l’invention aux Egyptiens. On prétend que ces peuples, privés de la vigne, chercherent dans la préparation des grains, dont ils abondoient, le secret d’imiter le vin, & qu’ils en tirerent la bierre. D’autres en font remonter l’origine jusqu’aux tems des fables, & racontent que Cerès ou Osiris en parcourant la terre, Osiris pour rendre les hommes heureux en les instruisant, Cerès pour retrouver sa fille égarée, enseignerent l’art de faire la bierre aux peuples à qui, faute de vignes, elles ne purent enseigner celui de faire le vin : mais quand on laisse là les fables pour s’en tenir à l’histoire, on convient que c’est de l’Egypte que l’usage de la bierre a passé dans les autres contrées du monde. Elle fut d’abord connue sous le nom de boisson Pélusienne, du nom de Peluse, ville située proche l’embouchûre du Nil, où l’on faisoit la meilleure bierre. Il y en a eu de