Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 2.djvu/168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’en planter ou cultiver aucun. L’incision par laquelle cet admirable suc coule, se fait pendant la canicule. Théophraste dit qu’elle doit être faite avec des clous de fer ; Pline avec du verre ; parce que, dit-il, le fer fait mourir la plante. Tacite nous dit que lorsque les branches sont pleines de seve, leurs veines semblent appréhender le fer, & s’arrêter quand une incision est faite avec ce métal, mais couler librement lorsqu’elles sont ouvertes avec une pierre, ou un têt de cruche cassée, Enfin, Marmol dit que les veines doivent être ouvertes avec de l’ivoire ou du verre. Le suc est d’abord d’une couleur sombre ; il devient ensuite blanc, enfin vert, & peu à peu d’une couleur d’or, & quand il est vieux, de la couleur de miel : il est de la consistance de la térébenthine ; son odeur est agréable & très-vive ; son goût amer, piquant, & astringent : il se dissout aisément dans la bouche, & ne laisse point de tache sur le drap.

Il est à remarquer que le suc qui nous est apporté pour du baume, n’est pas proprement la gomme, ou pleurs de l’arbre, extraites par incision, parce qu’il n’en rend que peu de cette façon ; mais est préparé du bois & des branches vertes de l’arbre distillées ; & toutefois il se trouve même souvent sophistiqué avec de la térébenthine de Chypre & d’autres résines & huiles, ainsi qu’avec du miel, de la cire, &c. Outre cela, il y a pareillement une liqueur extraite de la semence de la plante, qu’on fait passer souvent pour le véritable baume, quoique son odeur soit beaucoup plus foible, & son goût beaucoup plus amer.

Le baumier est à peu près de la hauteur du grenadier ; ses feuilles semblables à celles de rue, toûjours vertes ; ses fleurs blanches, & en forme d’étoiles, d’où sortent de petites cosses pointues, renfermant un fruit semblable à l’amande, appellé carpo-balsamum, comme le bois est appellé xylo-balsamum, & le suc opo-balsamum. Voyez Opo-balsamum, &c.

Le carpo-balsamum entre dans la composition de la thériaque de Venise, & n’a guere d’autre usage dans la Medecine : on doit le choisir d’un goût aromatique, & d’agréable odeur. Voyez Carpo-balsamum. Le xylo-balsamum, qui comme les autres productions du baumier, est apporté du Caire, entre dans la composition des trochisques hedychrois ; il est apporté en petits fagots, ayant l’écorce rouge, le bois blanc, resineux & aromatique. Voyez Xylobalsamum.

Il y a pareillement un baume de la Meque, qui est une gomme seche & blanche, ressemblante à la couperose, sur-tout quand elle est vieille. Elle est apportée de la Meque, au retour des caravanes de pélerins & marchands Mahométans, qui vont là par dévotion au lieu de la naissance de leur prophete. Elle a toutes les vertus du baume de Giléad, ou de la Judée, & est probablement le même baume, qui est seulement endurci, & dont la couleur est altérée.

Baume du Pérou, est de trois especes, ou plûtôt un même baume à trois différens noms : savoir, baume d’incision, qui est une résine blanche & glutineuse provenant d’une incision faite dans l’arbre, & ensuite épaissie & endurcie. Il est excellent pour les plaies récentes, fraîches, & ressemble beaucoup à l’opo-balsamum, à l’odeur près qui le distingue. Baume sec, qui se distille des bouts de branches coupées, auxquelles sont attachés de petits vaisseaux pour recevoir la liqueur, qui est d’abord semblable à du lait, mais rougit étant exposée au soleil. Son usage principal est dans la composition du lait virginal, qui se fait beaucoup mieux avec ce baume, qu’avec le storax ou le benjoin. Enfin le baume de lotion, qui est noirâtre, est tiré de l’écorce, des racines, & feuilles de l’arbre hachées & bouillies ensemble : on s’en sert pour les

plaies comme du baume blanc, & il est fort en usage chez les Parfumeurs, à cause de son odeur.

Baume de Copahu, ou de Copaiba, vient du Brésil, dans des bouteilles de terre : il y en a de deux sortes ; l’un est clair & liquide ; l’autre est d’une couleur plus sombre & épais : le premier est blanc, d’une odeur résineuse ; l’autre tire un peu plus sur le jaune ; tous deux sont admirables pour les plaies ; les Juifs s’en servent après la circoncision pour étancher le sang.

Baume de Tolu, est une résine liquide, qui à mesure qu’elle vieillit, devient de la couleur & de la consistance de la colle de Flandre. Elle se tire par incision de quelques arbres qui croissent dans la Nouvelle Espagne, où les habitans la reçoivent dans de petits vaisseaux de cire noire : elle ressemble au baume de Giléad pour le goût & pour l’odeur, selon qu’elle devient vieille ; elle prend la consistance d’un baume sec.

Baume d’ambre liquide, est une résine claire & rouge, produite par un arbre de la nouvelle Espagne, appellé par les naturels du pays ososol ; il ressemble à l’ambre gris, sur-tout par l’odeur, d’où vient son nom. Le nouveau baume est liquide, & est nommé huile d’ambre liquide : mais quand il est vieux, on l’appelle baume d’ambre liquide ; il vient des deux Espagnes en barrils, & est très-rare parmi nous.

On le trouve souverain pour les plaies, particulierement pour les fistules à l’anus : il ressemble au baume de Tolu par l’odeur & la couleur, & est exprimé de la même maniere que l’huile de laurier, d’un fruit rouge qui croît dans l’île de Saint-Domingue.

Baume, est aussi appliqué à de certaines compositions faites par les Chimistes & Apothicaires, principalement lorsqu’il y entre des ingrédiens balsamiques & consolidans, en imitation des baumes naturels.

Ceux-ci sont appellés par maniere de distinction, baumes factices ou artificiels. Nous avons deux différentes compositions de baumes, en imitation du baume véritable d’Egypte ; l’un par Matthiole, l’autre par Furicus Cordus. Pomet a aussi donné une méthode d’imiter le baume naturel.

Baume de Saturne, est un sel ou sucre de plomb dissout dans l’huile ou esprit de térébenthine, genievre ou semblables, digéré jusqu’à ce que la matiere ait acquis une teinture rouge. On dit qu’il résiste à la putréfaction des humeurs, & qu’il est propre à nettoyer & cicatriser les ulceres. (N)

Baume de soufre ; c’est une dissolution du soufre par une liqueur huileuse. On peut employer pour cette opération toute sorte d’huile : mais de toutes les huiles, l’huile de térébenthine est la plus conveble pour tirer une teinture du soufre.

Le baume de soufre térébenthiné est le plus en usage. Pour le faire, on met dans un petit matras deux onces de fleurs de soufre, on verse dessus huit onces d’huile de térébenthine, on place le matras sur un feu de sable, & on fait un feu de digestion cinq ou six heures ; & après avoir laissé refroidir le tout, on sépare le baume d’avec le reste du soufre qui ne s’est point dissous, en versant à clair la liqueur qui a une couleur de rubis.

Le baume de soufre est en usage lorsqu’il y a ulcere aux poumons après une fluxion de poitrine, une pleurésie, une péripneumonie, après l’empyeme & la vomique, en général lorsqu’on soupçonne un abcès dans l’intérieur, & qu’on juge que la matiere peut prendre la route des urines ou celle de la transpiration. Il faut donner tous les matins, & quelquefois tous les après-midi, du baume de soufre dans de la conserve de violette, de rose, ou de fleurs de pié-de-chat, depuis une goutte jusqu’à dix.

Les femmes peuvent user de ce remede dans le tems même de leurs regles ; il ne les arrête pas, au contraire : mais il faut avoir l’attention de ne le pas