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nité ; & d’un autre côté, que c’est une grande injustice de l’appeller arien, & même le chef des Ariens, comme a fait S. Jérôme, puisqu’il rejette formellement ce qui fait le caractere distinctif de la doctrine d’Arius, que le verbe a été fait de rien, qu’il n’est point de la substance du pere, mais d’une autre substance, & qu’il y a eu un tems où il n’existoit point. (Le chevalier de Jaucourt.)

F

FARINE, s. f. (Economie.) la farine d’Angleterre est la plus fine & la plus blanche du monde ; celle de France est ordinairement plus brune, & celle d’Allemagne l’est encore davantage. Mais si la farine de froment d’Angleterre a la prérogative de la finesse, de la blancheur & même de se bien conserver dans le pays, elle a l’inconvénient de contracter aisément de l’humidité, & par conséquent de se gâter promptement dans l’exportation par mer. Cette farine est exposée à nourrir des vers qui s’y engendrent avec une grande facilité. Ces vers sont blancs dans la fine farine, bruns dans celle qui est brune, & conséquemment très-difficiles à appercevoir ; mais quand la farine sent l’humidité, le rance & le moisi, on ne doit pas douter que les vers ni soient en abondance. Voyez Vers de Farine.

La couleur & le poids sont deux choses qui font le mérite & la valeur de la farine de froment ; plus elle est blanche & pesante, toutes choses égales, & meilleure elle est. Pline en fait la remarque, & il ajoute que de son tems, la farine de froment d’Italie l’emportoit à ces deux égards sur toutes celles du monde. Les Grecs s’accordent là-dessus avec Pline, & Sophocle en particulier assure la même chose ; cependant le froment de ce pays-là a perdu cette haute réputation ; peut être en faut-il chercher la raison en ce que le pays se trouvant plein de soufre, d’alun, de vitriol, de marcassite & de bitume, l’air auroit, avec le tems, affecté la terre au point de l’avoir rendue moins propre pour la douce végétation de ce grain, & de l’avoir altérée dans ce genre de production ; peut-être aussi que la différente culture y contribue pour beaucoup.

La farine d’Angleterre, quoiqu’admirable par son poids & par sa blancheur, fait du pain cassant qui n’est point lié, & qui au bout de peu de jours devient sec, dur & comme plein de craie, chalky. C’est-là un grand désavantage dans la fourniture d’une armée & dans les occasions où l’on ne peut pas cuire tous les jours, & où le pain d’une fournée doit être gardé quelque tems.

La farine de Picardie a les mêmes défauts, & se met difficilement en pâte. Les François sont obligés de l’employer d’abord après la mouture, ou du-moins de la mêler avec une quantité égale de farine de Bretagne, qui est plus grossiere, mais plus grasse & plus onctueuse : ces deux dernieres farines ne sont point de garde.

La farine de tous les pays en général, peut convenir à la consommation du lieu, dès qu’elle sera fraîchement moulue ; mais il est important de faire un choix dans celle qu’on exporte chez l’étranger, ou dont on fournit les vaisseaux pour leur usage. L’humidité saline de mer rouille les métaux même, & gâte tout ce qu’on met à bord des bâtimens, si on n’a le dernier soin de veiller à leur conservation. C’est cette humidité salée qui moisit promptement la farine, & qui est si souvent la cause des insectes qui s’y produisent & qui l’endommagent entierement.

La farine de certaines provinces d’un même pays, est certainement meilleure à transporter sur mer, que celle des autres provinces, & quand une fois on la connoît bonne à ce transport, le plus sage parti est de s’en approvisionner toujours par préférence. Ainsi,

les François ont trouvé par expérience que la farine du Poitou, de Normandie & de Guiénne soutient le transport sur mer, & ils en tirent un avantage considérable pour la transporter dans leurs colonies.

Le choix de la farine pour le transport étant fait ainsi, la seconde attention est de la conserver dans le vaisseau, & la futaille où on la met. Le grand moyen d’y parvenir, est de la maintenir toujours seche ; c’est pourquoi les futailles dans lesquelles on la met, doivent être de vieux chêne, extrêmement sec & bien foncé. Ces futailles ne doivent pas tenir au-delà de deux cens livres de poids. Si le bois des futailles a la moindre seve qui y reste, il ne manquera pas de moisir & de gâter la farine qu’il contient. Il faut donc avoir cette attention d’éviter tout bois qui retient en soi de l’humidité pour le transport des farines.

Le sapin donne à la farine un goût de térébenthine, & le frêne est sujet à être mangé par les vers ; en un mot, sans parcourir les autres bois ordinaires, c’est assez de dire que le chêne leur est préférable, comme le plus exempt de tous les accidens dont nous venons de parler. Mais il n’est pas douteux que si l’on vouloit faire des expériences avec d’autres especes de bois dont on a fait peu d’usage jusqu’à ce jour, on n’en pourroit trouver d’également convenable pour ce dessein. Le tems, les recherches & le hasard produisent bien des découvertes dont on est surpris. (Le chevalier de Jaucourt.)

FEU, (Art. milit.) se dit de l’action d’enflammer la poudre dans les armes : on dit, mettre le feu à un canon à un mortier, & faire feu d’un fusil, d’un pistolet ; on dit d’un feu de mousqueterie, qu’il est vif, plein, bien suivi ; lorsqu’on commande à une troupe de tirer, on se sert du mot feu.

Dans le dernier siecle, le feu ne faisoit pas comme à présent, la plus grande force de l’infanterie exercée à tirer ; les armes à feu n’étoient pas si faciles à manier, & peut-être ne sont elles pas encore à la perfection où elles seront portées. Voy. la fin du viij. chap. de l’art de la guerre, p. 1. La force des ordres de bataille suppressés des anciens étoit, selon Végece, parce qu’un plus grand nombre pouvoit lancer ses traits en un endroit, quia à pluribus in unum locum tela mittuntur. C’est le même principe qui a établi l’axiome reçu à présent, que le plus grand feu fait taire l’autre ; en effet, de deux troupes d’infanterie de même nombre, sur un égal front, également découvertes, & qui font feu l’une sur l’autre, sans se joindre, celle-là perdra davantage, par conséquent sera battue, qui essuyera plus de coups de fusil qu’elle n’en pourra faire essuyer à celle qui lui est opposée.

Ce n’est pas dans les auteurs anciens que l’on peut espérer de trouver quelques éclaircissemens sur l’usage qu’on doit faire des armes à feu, elles leur étoient inconnues ; au commencement de ce siecle, & même jusqu’au tems où M. le chev. Follard a écrit, l’usage n’en étoit pas aussi facile, & aussi commun qu’il l’est devenu ; presque tous ceux qui depuis ce tems ont donné des ouvrages sur la guerre (qui sont presque tous copiés les uns sur les autres), n’ont rapporté que des faits peu détaillés, ou bien ils ont donné pour axiomes certains des maximes qu’ils avoient adoptées ; mais ils n’en ont pas démontré l’évidence, & ne sont point entré dans aucune discussion sur le meilleur emploi de telle façon de tirer, plutôt que de telle autre, dans telle ou telle occasion. Le maréchal de Puisegur est le premier qui paroît discuter sans prévention l’avantage ou le désavantage que l’on peut trouver dans l’usage des armes à feu, ou des hallebardes. Voyez chap. vij. & article iv. du xj. chap. premiere partie. Néanmoins il n’entre point encore dans l’explication des moyens de pratiquer tel feu, plutôt que tel autre ; il n’entreprend pas