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ficat subjectum & formam, unde resolvitur per το habens, v. g. homo, id-est habens humanitatem, album, id-est habens albedinem. Barbay introduc. in univ. philos. par. 1700.

Concretum dicitur quod significat subjectum cum formâ seu qualitate adjunctâ. Ut homo concipitur tanquam subjectum habens humanitatem. Pourchot, inst. philos. 1. I.

Ainsi le concret est un adjectif pris substantivement comme quand on dit, le beau, le vrai, le bon ; c’est comme si l’on disoit, ce qui est beau, ce qui est vrai, ce qui est bon. Quand on dit Pierre est homme, homme est là adjectif, il qualifie Pierre ; mais quand on dit l’homme est un animal raisonnable, l’homme est pris alors dans un sens concret, ou pour parler comme les Scolastiques, c’est ens habens humanitatem, l’être ayant l’humanité : c’est le sujet avec le mode. De même quand on dit : Louis XV. est roi, ce mot roi est pris adjectivement, au-lieu que lorsqu’on dit, le roi ira à l’armée, roi est pris dans un sens concret, & c’est un véritable nom substantif ; c’est l’être qui a la royauté, comme disent les philosophes, disons mieux, c’est l’homme qui est roi.

Nous avons dit d’abord que ce mot concret étoit un terme dogmatique ; en effet, il n’est pas en usage dans le discours ordinaire, on ne s’en sert que quand il s’agit de doctrine.

Au reste, on oppose concret à abstrait, & alors abstrait marque une forme ou qualité considérée en elle-même, sans nul rapport à aucun sujet ; tels sont humanité, vérité, beauté, &c. C’est dans ce sens abstrait que les Jurisconsultes disent que la justice est une volonté constante & perpétuelle de rendre à chacun ce qui lui est dû. Justitia est constans & perpetua voluntas jus suum cuique tribuendi. Instit. justin l. I. tit. j. Il seroit à souhaiter qu’elle fût telle dans le sens concret.

Au reste, les philosophes même ne prennent pas assez garde qu’ils parlent des êtres abstraits, comme s’ils parloient des réels. C’est ainsi qu’ils parlent de la matiere, comme d’un individu particulier, auquel ils donnent des propriétés réelles qu’elle n’a point en tant qu’être abstrait. (F)

CONDESCENDANCE, s. f. (Morale.) déférence aux idées, aux sentimens, aux desirs, & aux volontés d’autrui. Cette déférence peut être louable ou blamable, une vertu ou un vice.

La condescendance louable a sa source dans la modération, la douceur du caractere, & l’envie d’obliger. Elle est pure, droite, également éloignée de la bassesse & de l’adulation, comme de la dureté & de l’esprit de contradiction. Elle souffre dans la société les vagues réflexions, les raisonnemens peu justes, & le débit des beaux sentimens ; elle laisse Aronce parler proverbe, chasse, & bonne chere ; Mélinde parler d’elle-même, de son chat, de son perroquet, de ses vapeurs, de ses insomnies, de ses migraines. Elle écoute patiemment de telles personnes sans les goûter & sans leur rompre en visiere.

La condescendance blamable applaudit à tout, & sacrifie sans scrupule ce qui est honnête & vertueux à ses seuls intérêts, à la bassesse d’ame, & au desir de plaire. Le caractere de celui qui veut mériter de quelqu’un par ses adulations, rentre dans celui de l’homme plein d’une condescendance sans bornes. On n’est jamais plus flatté, plus ménagé, plus soigné, plus approuvé de personne pendant la vie, que de celle qui croit gagner beaucoup à notre mort, & qui desire qu’elle arrive promptement.

Celui qui sans honteuse condescendance pour les idées & les volontés des autres, loue la vertu pour la vertu, blâme le vice comme vice, & se conduit ainsi sans affectation, sans politique, sans humeur, & sans esprit de contradiction, celui-là donne un bon exemple & remplit un devoir.

Il n’est pas nécessaire de reprendre tout ce qui peut être mal ; mais il est nécessaire de ne déférer, de ne condescendre qu’à ce qui est véritablement louable, autrement on jette dans l’illusion ceux qu’on loue sans sujet, & l’on fait tort à ceux qui méritent de véritables louanges, en les rendant communes à ceux qui n’en méritent pas. L’on détruit toute la foi du langage, en faisant que nos expressions ne sont plus des signes de nos pensées, mais seulement d’une civilité extérieure, comme est une révérence. Enfin quand la fausseté ne seroit que dans les paroles & non dans l’esprit, cela suffit pour en éloigner tous ceux qui aiment sincerement la vérité. (D. J.)

CONSTITUANT, signifie aussi quelquefois celui qui a cédé la jouissance d’une chose à quelqu’un à titre de constitut ou précaire ; ce terme est alors employé par opposition à celui de constituaire, qui signifie celui qui jouit à titre de constitut ou précaire.

On peut voir sur cette matiere Dasset, t. II. l. V. tit. j. chap. j. où il rapporte un arrêt du parlement de Grenoble du 26 Août 1627, qui a jugé que le constitut rend le constituaire préférable à l’héritier du constituant, quoiqu’avec inventaire.

Constituant signifioit aussi chez les Romains celui qui s’obligeoit par forme de constitut, soit pour sa dette personnelle ou pour celle d’autrui. Voy. Constitut.

Le constituant pouvoit s’obliger pour sa dette personnelle, ou pour la dette ou le fait d’autrui.

Dans ce dernier cas, le constitut avoit beaucoup de rapport avec la fidéjussion ou cautionnement, car l’action qui naissoit du constitut appellée actio de constituti, ou action de constitutâ pecuniâ, étoit telle, qu’elle servoit à poursuivre tous ceux qui s’étoient constitués, soit pour eux, soit pour autrui. Cette action étoit prétorienne, attendu que le constitut étoit en un pacte nud, qui suivant le droit civil, ne produisoit point d’action.

Mais il y avoit cette différence entre la fidéjussion & le constitut, que la premiere n’a jamais pour objet que de payer la dette d’autrui, au lieu que le constitut pouvoit avoir lieu pour la dette personnelle du constituant, comme pour celle d’autrui. Le consentement seul suffisoit pour former le constitut, & l’on n’étoit point assujetti à s’y servir d’une certaine formule de parole, plutôt que d’une autre ; au lieu que la fidéjussion ne pouvoit se contracter que par la forme de stipulation proprement dite ; & pour former un véritable constitut, il falloit que l’on n’eût point usé de stipulation, & c’est la raison pour laquelle il ne produisoit qu’une action prétorienne ; tellement que si le constituant eût promis à quelqu’un qui usât de stipulation, alors le constituant étoit tenu jure civili, & ce n’étoit plus un véritable constitut.

Suivant l’ancien droit, le constitut pouvoit avoir deux causes ; savoir, ce qui étoit dû, & ce qui ne l’étoit pas. Ce constitut fait pour ce qui est dû, produisoit l’action de constituto, au lieu que l’action résultante du constitut formé pour ce qui n’étoit pas dû, étoit appellé actio receptitia.

On ne pouvoit d’abord constituer que pour les choses qui consistoient en nombre, poids & mesure.

Par le nouveau droit, on supprima toutes ces distinctions, il fut permis de constituer pour toutes sortes de choses dûes, soit par une obligation civile, ou par une obligation naturelle, & l’action de constitutâ pecuniâ eut lieu indistinctement dans tous les cas ; mais on ne pouvoit plus constituer pro non debito, quand même la chose auroit été dûe par quelque obligation précédente ; il suffisoit pourtant que la chose fût dûe au tems du constitut, quand même elle auroit