L’Encyclopédie/1re édition/CONSTITUT

CONSTITUT, s. m. (Jurisprud.) Chez les Romains étoit un contrat par lequel on s’engageoit à donner ou faire quelque chose, sans employer la formule solemnelle des stipulations proprement dites, où le créancier interrogeoit le débiteur, & celui-ci répondoit ; au lieu que la formule du constitut étoit simplement en ces termes, satisfaciam tibi, satisfiet tibi à me & ab illo, ou bien habes penes me. Voyez au code le titre de constitutâ pecuniâ, & la glose & les interpretes sur ce titre.

En France, on n’admet point ces distinctions de formules du constitut & de la stipulation proprement dites ; il n’y a point de formule particuliere pour chaque convention.

Constitut, parmi nous, est tout autre chose que chez les Romains. C’est une clause par laquelle celui qui possede naturellement & corporellement un bien meuble ou immeuble, reconnoît que c’est sans aucun droit de propriété ou de possession civile, & que la jouissance ne lui en a été donnée ou laissée par le propriétaire, qu’à ce titre de constitut.

Cette clause se met dans la donation ou dans la vente d’un fonds qui est donné ou vendu, avec reserve d’usufruit au profit du donateur ou du vendeur, lesquels déclarent par cette clause qu’ils ne retiennent la chose qu’à titre de constitut ; on ajoûte aussi ordinairement ces termes, & de précaire, c’est-à-dire par souffrance & comme par emprunt.

Quoique l’on joigne ordinairement ces termes, constitut & précaire, ils ne sont pas synonymes ; car toute possession à titre de constitut est bien précaire : mais la simple possession précaire, telle, par exemple, que celle d’un fermier ou de celui auquel on a prêté une chose, n’est pas à titre de constitut.

La clause de constitut produit deux effets : l’un, de faire ensorte que le donateur ou le vendeur jouissent de l’usufruit qu’ils se sont reservé ; l’autre est de transférer en la personne du donataire ou de l’acheteur une possession feinte, par le moyen de laquelle ils acquierent la possession civile qui produit le même effet que produiroit la possession réelle & actuelle.

Mais pour transférer ainsi la possession civile par le moyen de la clause de constitut ou de précaire, il faut que le contrat soit valable ; que l’objet en soit certain & déterminé, & non pas un droit vague dans la chose ; que le donateur ou le vendeur soit réellement alors en possession, & qu’il soit présent à la stipulation du constitut ou précaire.

L’article 275 de la coûtume de Paris, dit que ce n’est pas donner & retenir, quand il y a clause de constitut ou précaire.

Cette clause n’est point valable par rapport à des meubles vendus ou donnés, à moins que le contrat n’en contienne un état, ou qu’il n’en soit fait un séparément.

On appose quelquefois la clause de constitut ou précaire dans les contrats de constitution de rentes à prix d’argent. Celui qui constitue sur lui la rente, y oblige tous ses biens, spécialement certains fonds dont il déclare qu’il se désaisit jusqu’à concurrence du capital de la rente, & qu’il ne joüira plus de ces fonds hypothéqués spécialement qu’à titre de constitut & de précaire ; mais cette clause a peu d’effet ; car quand on n’a pas fait au créancier une tradition réelle de l’héritage, la clause n’empêche pas un tiers d’agir sur ce même fonds ; & quand on y ajoûteroit la défense d’aliéner, le créancier seroit toûjours obligé de discuter les autres biens du débiteur, excepté dans la coûtume de Paris, à cause de l’article 101. qui dispense formellement le créancier hypothécaire de faire aucune discussion. Voyez Guypape, quest. 208. 312 & 504. & Chorier, ibid. Basset, tome II. liv. V. tit. j. chap. ij. (A)