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on emploiera les alimens gélatineux & nourrissans, le lait coupé avec les bois, les baumes naturels & artificiels, & sur-tout celui du commandeur de Perne.

Mais tous les remedes sont inutiles, si on n’insiste sur un régime exact & modéré ; les alimens doivent être proportionnés à la cause du mal, à l’état de l’estomac & à sa foiblesse, la quantité doit être réglée, l’esprit doit être tranquille, on doit aider le sommeil, l’air sera pur, l’exercice fréquent & modéré.

La troisieme indication sera préservative ou prophilactique ; ainsi elle variera selon les causes : on aura donc recours aux atténuans, aux remedes chauds & stomachiques dans la viscosité des humeurs, dans la disposition pituiteuse & phlegmatique des visceres, on emploiera les amers dans le défaut de ressort & l’atonie des parties qui servent à la chylification.

Les principaux remedes & les plus efficaces dans le vomissement produit par un acide, répondent à une indication fort générale, qui est d’absorber ces mêmes acides qui produisent le vomissement ; on emploie pour la remplir les absorbans, les terreux & les diaphorétiques.

Les absorbans sont d’autant plus salutaires, qu’ils émoussent les pointes des acides, & forment avec elles de véritables sels neutres qui sont laxactifs & purgatifs.

Le vomissement chronique & qui a duré long-tems, ne peut s’emporter que par l’usage des eaux minérales sulphureuses ou thermales dans le cas de relâchement & de viscosité, par les eaux savonneuses dans le cas d’obstruction lentes & glutineuses des visceres, & par les eaux acidules & ferrugineuses, lorsque les obstructions sont tenaces & produites par un sang épais & noirâtre.

La saignée n’est nécessaire dans le vomissement que dans le cas de chaleur, d’ardeur d’estomac, ou dans le vomissement de sang. La saignée est pour prévenir l’effet des remedes indiqués dans cette maladie.

Corrollaire. Le vomissement peut être regardé comme un symptome salutaire dans beaucoup de maladies, il est des personnes en qui il produit le même effet que le flux menstruel & l’éruption des regles ; alors on ne doit point l’arrêter, non plus que ces évacuations, il faut seulement procurer l’évacuation par une autre voie.

Il ne faut pas s’exciter à vomir à la légere, souvent on s’attire des maladies funestes, & l’estomac affoibli par ce vomissement forcé ne peut se rétablir quelque remede que l’on emploie.

Vomissement de mer, (Marine.) la plupart de ceux qui voyagent sur mer sont sujets à des vomissemens qui deviennent souvent dangereux pour leur santé, indépendamment de l’incommodité qui en résulte pour eux. M. Rouelle a trouvé que l’éther ou la liqueur éthérée de Frobenius, étoit un remede souverain contre ces accidens ; cette liqueur appaise les vomissemens, & facilite la digestion des alimens dans ceux qui étant sujets à ces inconvéniens, sont forcés de se priver souvent de nourriture pendant un tems très-considérable. Pour prévenir cette incommodité, l’on n’aura donc qu’à prendre dix ou douze gouttes d’éther sur du sucre, que l’on avalera en se bouchant le nez, de peur qu’il ne s’exhale ; ou bien on commencera par mêler l’éther avec environ dix ou douze parties d’eau, on agitera ce mélange afin qu’il s’incorpore, au moyen d’un peu de sucre en poudre, qui est propre à retenir l’éther, & à le rendre plus miscible avec l’eau, & l’on boira une petite cuillerée de ce mélange, ce qui empêchera le vomissement, ou le soulevement d’estomac que cause le mouvement de la mer.

Vomissement artificiel, ou Vomitif, (Médecine thérapeutique.) il s’agit ici du vomissement qui est déterminé à dessein par des remedes, dans la vûe de changer en mieux l’état du sujet qu’on fait vomir.

Ce vomissement est donc un genre de secours médicinal ; & comme il peut être employé ou pour prévenir un mal futur, ou pour remédier à un mal présent, c’est tantôt une ressource qui appartient à la partie de la Médecine connue sous le nom d’hygienne, c’est-à-dire régime des hommes dans l’état de santé (voyez Régime), & tantôt une ressource thérapeutique ou curative, c’est-à-dire appartenant au traitement des maladies. Voyez Thérapeutique.

Le vomissement artificiel est une espece de purgation. Voyez Purgatif & Purgation.

Les moyens par lesquels les médecins excitent le vomissement, sont connus dans l’art sous le nom d’émétique, qui est grec, & sous celui de vomitif, dérivé du latin vomitivum ou vomitorium ; on exprime encore l’effet de ces remedes en disant qu’ils purgent par le haut, per superiora.

Le vomissement artificiel est un des secours que la Médecine a employés le plus anciennement, sur-tout à titre de préservatif, c’est-à-dire comme moyen d’éviter des maux futurs. Hippocrate conseilloit aux sujets les plus sains de se faire vomir au moins une ou deux fois par mois, au printems & en été, surtout aux gens vigoureux, & qui vomissoient facilement ; & avec cette circonstance que ceux qui avoient beaucoup d’embonpoint, devoient prendre les remedes vomitifs à jeun ; & ceux qui étoient maigres, apies avoir dîné ou soupé. Le plus commun de ces remedes vomitifs se preparoit avec une décoction d’hyssope, à laquelle on ajoutoit un peu de vinaigre & de sel commun. C’étoit encore un remede vomitif, usité chez les anciens, qu’une livre d’écorce de racine de raiforts macérée dans de l’hydromel, mêlé d’un peu de vinaigre simple ou de vinaigre scillitique, que le malade mangeoit toute entiere, & sur laquelle il avaloit peu à peu la liqueur dans laquelle elle avoit macéré. Ce remede fut sur-tout familier aux méthodiques, qui l’employoient même dans les maladies aiguës, au rapport de Cælius Aurelianus. Prosper Alpin rapporte que les Egyptiens modernes sont encore dans l’usage de se faire vomir de tems en tems dans le bain.

Cet usage du vomissement artificiel est presqu’entierement oublié parmi les médecins modernes ; & il paroît qu’en effet, & l’usage en lui-même, & le moyen par lequel on le remplissoit, se ressentent beaucoup des commencemens grossiers & imparfaits de l’art naissant.

Quant à l’usage curatif du vomissement, les anciens ne l’employerent presque que dans certaines maladies chroniques ; & ils en usoient au contraire très sobrement dans les maladies aiguës. Hippocrate ne le conseille par préférence à la purgation par en bas, & la purgation étant indiquée en général, que dans le cas de douleur de côté, qui a son siege au-dessus du diaphragme. Voyez aphorisme 18. sect. 4. & il n’est fait mention qu’une fois dans ses livres des épidémies (liv. V.) de l’emploi de ce secours contre un cholera morbus, dans lequel il dit avoir donné de l’ellébore avec succès.

Les principales maladies chroniques dans lesquelles il l’employoit, étoient la mélancolie ; la manie ; les fluxions qu’il croyoit venir du cerveau, & tomber sur les organes extérieurs de la tête ; les douleurs opiniâtres de cette partie ; les foiblesses des membres, & principalement des genoux ; l’enflure universelle, ou leucophlegmatie, & quelques autres maladies chroniques très-invétérées. Hippocrate qui employoit quelquefois le vomissement dans tous ces cas,