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que les erreurs dont on se nourrit, & qu’on cherche à appuyer. Clement d’Alexandrie a été plus heureux que Tertullien dans l’interprétation du mot d’anges employé par S. Paul. Ce sont les justes, selon lui, qui sont les anges. Ainsi, continue-t-il, les filles doivent porter le voile dans l’église comme les femmes, afin de ne pas scandaliser les justes. Car pour les anges du ciel, ils les voient également, quelques voilées qu’elles puissent être ; mais la modestie doit être l’apanage de tout le sexe en général & en particulier.

Voilà pour ce qui regarde le voile des femmes, dans la signification propre de ce mot ; qu’il me soit permis d’y joindre quelques traits tirés de notre histoire, concernant le voile pris dans le sens figuré, pour l’état de religieuse. On voit par des lettres de Philippe le long, datées l’an 1317, un usage qui paroît bien singulier ; on donnoit alors le voile de religion à des filles de l’âge de huit ans, & peut-être plutôt ; quoiqu’on ne leur donnât pas la bénédiction solemnelle, & qu’elles ne prononçassent pas de vœux, il semble cependant que si après cette cérémonie elles sortoient du cloître pour se marier, il leur falloit des lettres de légitimation pour leurs enfans, afin de les rendent habiles à succéder : ce qui fait croire qu’ils auroient été traités comme bâtards sans ces lettres. Regître 53 du trésor des chartes, piece 190.

Un fait bien différent, c’est que plus de deux cens ans auparavant, vers l’an 1109, S. Hugues, abbé de Cluni, dans une supplique pour ses successeurs, où il leur recommande l’abbaye de filles de Marcigni qu’il avoit fondée, leur enjoint de ne point souffrir qu’on y reçoive aucun sujet au-dessous de l’âge de vingt ans, faisant de cette injonction un point irrévocable, comme étant appuyé de l’autorité de toute l’église.

On ne doit pas non plus, par rapport aux religieuses, omettre un usage qui remonte jusqu’au douzieme siecle ; on exigeoit qu’elles apprissent la langue latine, qui avoit cessé d’être vulgaire ; cet usage dura jusqu’au quatorzieme siecle, & n’auroit jamais dû finir. Un autre usage plus important n’auroit jamais dû commencer, c’est celui de faire des religieuses. Abrégé de l’histoire de France, p. 276. (D. J.)

Voile de religieuse, s. f. (Draperie.) espece d’étamine très-claire, dont on fait les voiles des religieuses, d’où elle a pris son nom. Elle sert aussi à faire des doublures de juste-au-corps en été, & même des manteaux courts pour les gens d’église & de robe, qui sont très-commodes pour leur légéreté. (D. J.)

Voile, (Marine.) assemblage de plusieurs lés, ou bandes de toile cousues ensemble, que l’on attache aux vergues ou étais, pour recevoir le vent qui doit pousser le vaisseau. Chaque voile emprunte le nom du mât où elle est appareillée. Ainsi on dit voile du grand mât, du hunier, de l’artimon, de misaine, du perroquet, &c. Celle de beaupré s’appelle la civadiere ou sivadiere. Voyez Civadiere. Il y a encore de petites voiles qu’on nomme bonnettes, qui servent à alonger les basses voiles, pour aller plus vîte. Voyez. Bonnettes. Presque toutes les voiles dont on fait usage sur l’Océan, sont quarrées, & on en voit peu de triangulaires, qui sont au contraire très-communes sur la Méditerranée.

Les voiles doivent être proportionnées à la longueur des vergues, & à la hauteur des mâts ; & comme il n’y a point de regles fixes sur ces dimensions de mâts & des vergues (Voyez Mat & Mature), il ne peut y en avoir pour les voiles.

Voici cependant la voilure qu’a un vaisseau ordinaire ; & pour plus d’intelligence Voyez la Pl. XXII. Marine, les proportions & figures des principales voiles pour un vaisseau du premier rang.

Voilure d’un vaisseau de grandeur ordinaire.

aunes de toile.
Grande voile, 22 cueilles de large, 16 aunes & demie de hauteur, avec sa bonnette ; entout 363.
Voile de misaine, 19 cueilles de large, 14 aunes de haut ; en tout 266.
Voile d’artimon, 18 cueilles de large, & 9 aunes de hauteur à son milieu ; en tout 260.
Grand hunier, 13 cueilles de large à son milieu, & 20 aunes de hauteur ; en tout 260.
Petit hunier, 11 cueilles de large à son milieu, & 17 aunes & demie de hauteur ; en tout 193.
Civadiere, 16 cueilles de large, & 10 aunes de haut ; en tout 160.
Grand perroquet, 7 cueilles de large, & 8 aunes de battant ; en tout 60
Perroquet de beaupré, 9 cueilles à son milieu, & 19 aunes de battant ; en tout 160.
Perroquet de misaine, 6 cueilles, de large, & 9 aunes de battant ; en tout 45.
Perroquet d’artimon, 18 cueilles de large, & 9 aunes de battant ; en tout 77.

Le tout ensemble fait 1766

Il n’y a point de regles pour les étais, ni pour les bonnettes.

Voici quelques remarques sur la forme & l’usage des voiles.

1°. Plus les voiles sont plates, plus est grande l’impulsion du vent. sur elles. Parce que premierement, l’angle d’incidence du vent sur elles est plus grand ; en second lieu, parce qu’elles prennent plus de vent ; & enfin parce que l’impression qu’elles reçoivent du vent est plus uniforme.

2°. Les voiles quarrées ont plus de force que les triangulaires, parce qu’elles sont plus amples ; mais aussi elles ont un plus grand attirail de manœuvres ; sont plus difficiles à manier, & ne se manient que très-lentement.

3°. Les voiles de l’avant, c’est-à-dire de misaine & de beaupré, servent à soutenir le vaisseau, en empêchant qu’il ne tangue, & n’aille par élans.

Elles servent aussi à le faire arriver, quand elles sont poussées de l’arriere par le vent. Voyez Manege du navire.

4°. L’usage de la voile d’artimon ne consiste pas seulement à pousser le vaisseau de l’avant, mais à le faire venir au vent. Voyez l’article ci-dessus. Voilà pourquoi on la fait triangulaire, parce qu’on la cague plus vite ; qu’elle présente plus au vent, & que ses haubans ne la gênent pas.

A l’égard des usages des autres voiles, comme les voiles d’étai, les bonnettes, ils concourent à ceux dont je viens de parler.

Les Grecs attribuent l’invention de la voile à Dédale ; quelques autres peuples à Eole, & Pline en fait honneur à Icare : tout cela est fort vague & sans preuve. J’ai eu occasion de rechercher autrefois l’origine de la voile, & j’ai expliqué une médaille qui paroît avoir été frappée au sujet de cette origine.

J’ai représenté cette médaille dans les Recherches historiques sur l’origine & les progrès de la construction des navires des anciens. On y voit une femme qui est debout sur la proue d’un navire, tenant avec ses deux mains élevées & étendues, son voile de tête qui semble flotter au gré des vents. Un génie paroît descendre du haut d’un mât, posé au milieu du navire ; après y avoir attaché une voile à une vergue surmontée de deux palmes. Un autre génie est debout derriere la pouppe de ce navire, montrant d’une main la voile attachée au mât. Sur la pouppe est un troisieme génie, sonnant de la trompette ; & en dehors un quatrieme génie, qui tient une sorte de luth ou de guittare.

Telle est l’explication que j’ai donnée de cette mé-