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par religion, & plus encore par fanatisme. Voyez Engagement.

Soit que l’on s’enfermât dans une place pour la défendre, soit qu’on en fit l’investissement pour l’attaquer, soit qu’en pleine campagne on se trouvât en présence de l’ennemi ; les chevaliers faisoient souvent des sermens & des vœux inviolables, de répandre tout leur sang plutôt que de trahir, ou d’abandonner l’intérêt de l’état.

Outre ces vœux généraux, la superstition du tems leur en suggéroit d’autres, qui consistoient à visiter divers lieux saints auxquels ils avoient dévotion ; à déposer leurs armes ou celles des ennemis vaincus, dans les temples & dans les monasteres ; à faire différens jeûnes, à pratiquer divers exercices de pénitence. On peut voir la Colombiere, théâtre d’honneur, c. xxj, des vœux militaires ; mais en voici quelques exemples qui lui ont échappé, & qui se trouvent dans l’histoire de Bertrand du Guesclin.

Avant que de partir pour soutenir un défi d’armes proposé par un anglois, il entendit la messe ; & lorsque l’on étoit à l’offrande, il fit à Dieu celle de son corps & de ses armes qu’il promit d’employer contre les infideles, s’il sortoit vainqueur de ce combat. Bientôt après, il en eut encore un autre à soutenir contre un anglois, qui en jettant son gage de bataille, avoit juré de ne point dormir au lit sans l’avoir accompli. Bertrand relevant le gage, fit vœu de ne manger que trois soupes en vin au nom de la sainte Trinité, jusqu’à ce qu’il l’eût combattu. Je rapporte ces faits pour la justification de ceux qu’on voit dans nos romans ; d’ailleurs ces exemples peuvent servir d’éclaircissemens à quelques passages obscurs des anciens auteurs, tels que le Dante.

Du Guesclin étant devant la place de Moncontour que Clisson assiégeoit depuis long-tems sans pouvoir la forcer, jura de ne manger de viande, & de ne se déshabiller qu’il ne l’eût prise ; « jamais ne mangerai chair, ne dépouillerai ne de jour, ne de nuit ». Une autre fois il avoit fait vœu de ne prendre aucune nourriture après le souper qu’il alloit faire, jusqu’à ce qu’il eût vû les Anglois pour les combattre. Son écuyer d’honneur, au siége de Bressiere, en Poitou, promit à Dieu de planter dans la journée sur la tour de cette ville la banniere de son maître qu’il portoit, en criant du Guesclin, ou de mourir plutôt que d’y manquer.

On lit dans la même histoire plusieurs autres vœux faits par des chevaliers assiégés, comme de manger toutes leurs bêtes ; & pour derniere ressource, de se manger les uns les autres par rage le faim, plutôt que de se rendre. On jure de la part des assiégeans, de tenir le siége toute sa vie, & de mourir en bataille, si l’on venoit la présenter, ou de donner tant d’assauts qu’on emportera la place de vive force. J’ai vœu à Dieu & à S. Yves, dit Bertrand aux habitans de Tarascon, que par force d’assaut vous aurez. De-là ces façons de parler si fréquentes avoir de vœu, vouer, vouer à Dieu, à Dieu le vœu, &c. Cependant Balzac exaltant la patience merveilleuse des François au siége de la Rochelle, la met fort au-dessus de celle de nos anciens chevaliers, quoiqu’ils s’engageassent par des sermens dont il rappelle les termes, à ne se point désister de la résolution qu’ils avoient prise.

La valeur, ou plutôt la témérité, dictoit encore aux anciens chevaliers des vœux singuliers, tels que d’être le premier à planter son pennon sur les murs ou sur la plus haute tour de la place dont on vouloit se rendre maître, de se jetter au milieu des ennemis, de leur porter le premier coup ; en un mot, de faire tel exploit, &c. Voyez encore la Colombiere au sujet des vœux dictés par la valeur : les romans nous en fournissent une infinité d’exemples. Je me con-

tente, pour prouver que l’usage nous en est connu

par de meilleures autorités, de rapporter le témoignage de Froissart. James d’Endelée, suivant cet historien, avoit fait vœu qu’à la premiere bataille où se trouveroit le roi d’Angleterre, ou quelqu’un de ses fils, il seroit le premier assaillant ou le meilleur combattant de son côté, ou qu’il mourroit à la peine ; il tint parole à la bataille de Poitiers, comme on le voit dans le récit du même auteur. Ste Palaye. Mém. sur l’ancienne chevalerie.

Mais le plus authentique de tous les vœux de l’ancienne chevalerie, étoit celui que l’on appelloit le vœu du paon ou du faisan, dont nous avons parlé ci-dessus. (D. J.)

Vœu du paon, (ancienne Chevalerie.) voyez Paon, vœu du. (D. J.)

Vœu rendu, (Inscript. antiq.) on appelle ainsi des tableaux que l’on pend dans les églises, & qui contiennent une image du péril dont on est échappé. Les payens nous ont servi d’exemple ; ils ornoient leurs temples de ces sortes de tableaux, qu’ils appelloient tabellæ votivæ ; ainsi Tibulle a dit,

Picta decet templis multa tabella tuis.

Juvenal, Sat. 14. peint la chose plus fortement.

Mersâ rate naufragus assem
Dùm rogat, & pictâ se tempestate tuetur.

Ces sortes de tableaux ont pris le nom d’ex voto, parce que la plûpart étoient accompagnés d’une inscription qui finissoit par ces mots, ex voto, pour marquer que celui qui l’offroit, s’acquittoit de la promesse qu’il avoit faite à quelque divinité dans un extrème danger, ou pour rendre public un bienfait reçu de la bonté des dieux. On reconnoissoit la qualité & le motif de l’inscription ou du tableau par ces caracteres.

V. P. signifioit Votum posuit.
V. S. Votum solvit.
V. M. M. Votum merito Minervæ.
V. S. L. M. Votum solvit lubens merito,
ou
Voto soluto libero munere,
ou
Voto solemni libero munere.
V. S. C. Voti sui compotes.
V. S. L. P. Votum solverunt loco privato.
V. S. P. L. L. M. Voto suscepto posuit lubens, lubens merito.
V. S. S. L. S. D. expr. Votum susceptum solverunt libentes deæ exprimis.
V. S. L. L. M. Votum solvit, locum legit me moriæ.

Les recueils de Gruter, de Reynesius & de Boissard sont remplis de ces sortes de vœux. (D. J.)

Vœux, (Art. numis.) on voit par les monnoies des empereurs, qu’il y avoit des vœux appellés quinquennalia, decennalia, vicennalia, pour cinq ans, pour dix ans, pour vingt ans. Les magistrats faisoient aussi graver ces vœux sur des tables d’airain & de marbre. On trouve dans des médailles de Maxence & de Decentius, ces mots, votis quinquennalibus, multis decennalibus. Sur les médailles d’Antonin le Pieux & de Marc Aurele, on a un exemple des vœux faits pour vingt ans, vota suscepta vicennalia ; mais on a déjà traité cette matiere au mot Médaille votive.

Quand ces vœux s’accomplissoient, on dressoit des autels, on allumoit des feux, on donnoit des jeux, on faisoit des sacrifices, avec des festins dans les rues & places publiques. (D. J.)

VOGELSBERG, (Géog. mod.) montagne de Suisse, au pays des Grisons, dans le Rhein-wald,