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être à l’unisson d’une guittarre, une vielle à l’unisson d’une flûte, & l’on n’en confondra point le son.

Le zéro n’est pas un nombre, ni l’unisson un intervalle ; mais l’unisson est à la série des intervalles, ce que le zéro est à la série des nombres ; c’est la point de leur commencement ; c’est le terme d’où ils partent.

Ce qui constitue l’unisson, c’est l’égalité du nombre des vibrations faites en tems égaux par deux corps sonores. Dès qu’il y a inégalité entre les nombres de ces vibrations, il y a intervalle entre les sons qu’elles produisent. Voyez Corde, Vibration.

On s’est beaucoup tourmenté pour savoir si l’unisson étoit une consonance. Aristote prétend que non ; Jean de Mur assure que si ; & le pere Mersenne se range à ce dernier avis. Comme cela dépend de la définition du mot consonnance, je ne vois pas quelle dispute il peut y avoir là-dessus.

Une question plus importante est de savoir quel est le plus agréable à l’oreille de l’unisson, ou d’un intervalle consonnant, tel, par exemple, que l’octave ou la quinte. A suivre le système de nos philosophes, il ne doit pas y avoir le moindre doute sur cela ; & l’unisson étant en rapport plus simple, sera sans contredit le plus agréable. Malheureusement, l’expérience ne confirme point cette hypothèse ; nos oreilles se plaisent plus à entendre une octave, une quinte, & même une tierce bien juste, que le plus parfait unisson. Il est vrai que plusieurs quintes de suite ne nous plairoient pas comme plusieurs unissons ; mais cela tient évidemment aux lois de l’harmonie & de la modulation, & non à la nature de l’accord. Cette expérience fournit donc un nouvel argument contre l’opinion reçue. Il est certain que les sens se plaisent à la diversité ; ce ne sont point toujours les rapports les plus simples qui les flattent le plus ; & j’ai peur qu’on ne trouve à la fin que ce qui rend l’accord de deux sons agréable ou choquant à l’oreille, dépend d’une toute autre cause que celle qu’on lui a assignée jusqu’ici. Voyez Consonnance.

C’est une observation célebre en musique que celle du frémissement & de la résonnance d’une corde au son d’une autre qui sera montée à son unisson, ou même à son octave, ou à l’octave de sa quinte, &c.

Voici comment nos philosophes expliquent ce phénomene.

Le son d’une corde A met l’air en mouvement ; si une autre corde B se trouve dans la sphere du mouvement de cet air, il agira sur elle. Chaque corde n’est susceptible que d’un certain nombre déterminé de vibrations en un tems donné. Si les vibrations dont la corde B est susceptible sont égales en nombre à celles de la corde A dans le même tems ; l’air agissant sur elle, & la trouvant disposée à un mouvement semblable à celui qu’il lui communique, il l’aura bien-tôt ébranlée. Les deux cordes marchant, pour ainsi dire de pas égal, toutes les impulsions que l’air reçoit de la corde A, & qu’il communique à la corde B, seront coincidentes avec les vibrations de cette corde, & par conséquent augmenteront sans cesse son mouvement au-lieu de le retarder. Ce mouvement ainsi augmenté, ira bientôt jusqu’à un frémissement sensible ; alors la corde rendra du son, & ce son sera nécessairement à l’unisson de celui de la corde A.

Par la même raison l’octave frémira & résonnera aussi, mais moins sensiblement que l’unisson ; parce que la coincidence des vibrations, & par conséquent l’impulsion de l’air, y est moins fréquente de la moitié. Elle l’est encore moins dans la douzieme ou quinte redoublée, & moins dans la dix-septie-

me ou tierce majeure triplée, qui est la derniere

des consonnances qui frémisse & résonne sensiblement & directement.

On ne sauroit douter que toutes les fois que les nombres des vibrations dont deux cordes sont susceptibles en tems égal, sont commensurables ; le son de l’une ne communique à l’autre quelque ébranlement ; mais cet ébranlement n’étant plus sensible au-delà des quatre accords précédens, il est compté pour rien dans tout le reste. Voyez Consonnance. (S)

UNITAIRES, (Thèol. & Métaph.) secte très-fameuse qui eut pour fondateur Fauste Socin, & qui fleurit long-tems dans la Pologne & dans la Transilvanie.

Les dogmes théologiques & philosophiques de ces sectaires ont été pendant long-tems l’objet de la haine, de l’anathème & des persécutions de toutes les communions protestantes. A l’égard des autres sectaires, s’ils ont également eu en horreur les Sociniens, il ne paroît pas que ce soit sur une connoissance profonde & réfléchie de leur doctrine, qu’ils ne se sont jamais donné la peine d’étudier, vraissemblablement à cause de son peu d’importance : en effet, en rassemblant tout ce qu’ils ont dit du socinianisme dans leurs ouvrages polémiques, on voit qu’ils en ont toujours parlé sans avoir une intelligence droite des principes qui y servent de base, & par conséquent avec plus de partialité que de modération & de charité.

Au reste, soit que le mépris universel & juste dans lequel est tombée parmi les protestans cette science vaine, puérile & contentieuse, que l’on nomme controverse, ait facilité leurs progrès dans la recherche de la vérité, en tournant leurs idées vers des objets plus importans, & en leur faisant appercevoir dans les sciences intellectuelles une étendue ultérieure : soit que le flambeau de leur raison se soit allumé aux étincelles qu’ils ont cru voir briller dans la doctrine socinienne ; soit enfin que trompés par quelques lueurs vives en apparence, & par des faisceaux de rayons lumineux qu’ils ont vu réfléchir de tous les points de cette doctrine, ils aient cru trouver des preuves solides & démonstratives de ces théories philosophiques, fortes & hardies qui caractérisent le socinianisme ; il est certain que les plus sages, les plus savans & les plus éclairés d’entr’eux, se sont depuis quelque tems considérablement rapprochés des dogmes des antitrinitaires. Ajoutez à cela le tolérantisme, qui, heureusement pour l’humanité, semble avoir gagné l’esprit général de toutes les communions tant catholiques que protestantes, & vous aurez la vraie cause des progrès rapides que le socinianisme a fait de nos jours, des racines profondes qu’il a jettées dans la plûpart des esprits ; racines dont les ramifications se développant & s’étendant continuellement, ne peuvent pas manquer de faire bientôt du protestantisme en général, un socinianisme parfait qui absorbera peu-à-peu tous les différens systèmes de ces errans. & qui sera comme un centre commun de correspondance, où toutes leurs hypothèses jusqu’alors isolées & incohérentes, viendront se réunir, & perdre, si j’ose m’exprimer ainsi, comme les élémens primitifs des corps dans le système universel de la nature, le sentiment particulier du soi, pour former par leur copulation universelle la conscience du tout.

Après avoir lu & médité avec l’attention la plus exacte, tout ce qu’on a écrit de plus fort contre les sociniens, il m’a semblé que ceux qui ont combattu leur opinion ne leur ont porté que des coups très-foibles, & qu’ils devoient nécessairement s’embarrasser fort peu de parer. On a toujours regardé les Unitaires comme des théologiens chrétiens qui n’avoient fait que briser & arracher quel-