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mort de leurs maris, sous peine d’être déchues des avantages qu’ils leur ont faits. Voyez Deuil, Nôces, Secondes nôces, Peine de l’an du deuil.

On entend aussi par année ou droit de viduité, en pays de droit écrit, un droit établi en faveur de la femme survivante, qui consiste en une certaine somme d’argent qu’on lui adjuge, tant pour les intérêts de sa dot mobiliaire que pour les alimens qui lui sont dûs, aux dépens de la succession de son mari, pendant l’année du deuil. Voyez le traité des gains nuptiaux, chap. xij.

Dans la coutume de Normandie, il y a une autre sorte de droit de viduité, qui est particulier à cette province ; il consiste en ce que, suivant l’article 382. de cette coutume, le mari ayant un enfant né vif de sa femme, jouit par usufruit, tant qu’il se tient en viduité, de tout le revenu qui appartenoit à sa femme lors de son décès, encore que l’enfant soit mort avant la dissolution du mariage ; mais si le pere se remarie, il ne jouit plus que du tiers du revenu de sa femme décedée. Voy. les commentateurs sur cet article. (A)

VIE, s. f. (Physiolog.) c’est l’opposé de la mort, qui est la destruction absolue des organes vitaux, sans qu’ils puissent se rétablir, ensorte que la plus petite vie est celle dont on ne peut rien ôter, sans que la mort arrive ; on voit que dans cet état délicat, il est difficile de distinguer le vivant du mort ; mais prenant ici le nom de vie dans le sens commun, je la définis un mouvement continuel des solides & des fluides de tout corps animé.

De ce double mouvement continuel & réciproque, naît la nutrition, l’accroissement auquel succede le décroissement & la mort. Voyez tous ces mots. C’est assez de dire ici que de ce mouvement résulte la dissipation des parties aqueuses, mobiles, fluides, le reste devient impropre à circuler, & fait corps avec le tuyau qu’il bouche. Ainsi l’épaississement des humeurs, l’ossification des vaisseaux, sont les tristes mais nécessaires effets de la vie. La physiologie démontre comment la machine se détruit par nuances, sans qu’il soit possible de l’empêcher par aucun remede, & l’auteur des caracteres en a fait un tableau d’après nature. Le voici :

Irene se transporte à grands frais en Epidaure, voit Esculape dans son temple, & le consulte sur tous ses maux. D’abord elle se plaint qu’elle est lasse & recrue de fatigue ; & le dieu prononce que cela lui arrive par la longueur du chemin qu’elle vient de faire : elle dit qu’elle est le soir sans appetit ; l’oracle lui ordonne de diner peu : elle ajoute qu’elle est sujette à des insomnies ; & il lui prescrit de n’être au lit que pendant la nuit : elle lui demande pourquoi elle devient pesante, & quel remede ; l’oracle répond qu’elle doit se lever avant midi, & quelquefois se servir de ses jambes pour marcher : elle lui déclare que le vin lui est nuisible ; l’oracle lui dit de boire de l’eau : qu’elle a des indigestions ; & il ajoute qu’elle fasse diette : ma vue s’affoiblit, dit Irene ; prenez des lunettes, dit Esculape : je m’affoiblis moi-même, continue-t-elle, je ne suis ni si forte ni si saine que j’ai été ; c’est, dit le dieu, que vous vieillissez : mais quel moyen de guérir de cette langueur ? le plus court, Irene, c’est de mourir, comme ont fait votre mere & votre ayeule.

Vous trouverez le commentaire de ce tableau au mot Vieillesse. (D. J.)

Vie, durée de la vie, (Arithm. polit.) M. Derham tire des différentes durées de la vie, au commencement du monde, après le déluge, & de notre tems, un argument en faveur de la Providence divine. D’abord après la création, où il n’y avoit au monde qu’un seul homme & qu’une seule femme, l’âge ordinaire fut de neuf cens ans & plus ; immédiatement après le déluge, où il y avoit trois personnes pour

renouveller le monde, il ne lui fut accordé qu’un âge moins long, & de ces trois patriarches il n’y a eu que Sem qui soit arrivé à cinq cens ans ; dans le second siecle du monde nous ne voyons personne qui ait atteint deux cens quarante ans ; dans le troisieme, presque personne qui soit parvenu à deux cens ans ; le monde, ou au moins une partie, étant alors si bien peuplée qu’on y avoit déja bâti des villes & formé des établissemens à d’assez grandes distances les uns des autres. Peu-à-peu, & à mesure que les peuples se sont accrus en nombre, la durée de la vie a diminué jusqu’à devenir enfin de 70 ou 80 ans, & elle a resté à ce degré depuis Moise.

L’auteur trouve que par ce moyen le monde n’a dû être jamais ni trop ni trop peu peuplé, mais qu’il doit être né à-peu-près autant de personnes qu’il en est mort.

La durée ordinaire de la vie de l’homme, a été la même dans tous les âges, depuis que le monde a achevé de se peupler ; c’est une chose que l’histoire sacrée & l’histoire profane prouvent également. Pour n’en point rapporter d’autres preuves, Platon a vêcu quatre-vingt un ans, & on le regardoit comme un vieillard, & les exemples de longues vies que Pline produit comme très-extraordinaires, l. VII. c. xlviij. peuvent pour la plûpart se rencontrer dans les histoires modernes, & en particulier dans l’histoire naturelle du docteur Plott. Il parle entr’autres de douze vassaux d’un même seigneur, qui à eux douze faisoient plus de mille ans, pour ne rien dire du vieux Parrk qui a vêcu cent cinquante-deux ans neuf mois, ni de H. Jenkins, de Yorkshire, qui vêcut cent soixante neuf ans, ni de la comtesse de Demonde, ou de M. Teklestone, tous deux Irlandois, & qui passerent l’un & l’autre cent quarante ans. Chambers.

Vers la fin du dernier siecle, M. Guillaume Petit, Anglois, avoit essayé d’établir l’ordre de la mortalité des hommes par le moyen des registres mortuaires de Londres & de Dublin ; mais comme ces deux villes sont très-commerçantes, un grand nombre d’étrangers viennent s’y établir & y meurent ; ce qui fait que les registres mortuaires de ces villes ne peuvent servir à établir l’ordre de la mortalité générale du genre humain, parce qu’il faudroit, s’il étoit possible, un endroit d’où il ne sortît personne, & où il n’entrât aucun étranger. Le docteur Haley avoit choisi la ville de Breslaw pour composer une table des probabilités de la vie humaine, par la raison qu’il sort, ou du-moins qu’alors il sortoit peu de monde de cette ville, & qu’il y venoit peu d’étrangers. Il avoit déduit plusieurs usages de cette table, entre autres la maniere de déterminer la valeur des rentes viagere simples. M. Simpson a fait imprimer à Londres, en 1742. un ouvrage sur la même matiere ; mais il est parti d’après une table établie sur l’ordre de la mortalité des habitans de Londres ; ce qui fait qu’on doit peu compter sur les conséquences qu’il en tire, à cause des raisons que nous avons indiquées tout-à-l’heure. M. Kerseboom a travaillé sur le même sujet, & a fait plus de recherches qu’aucun autre ; il a composé une table pour établir l’ordre de mortalité des provinces de Hollande & de West-frise, par des observations faites depuis près d’un siecle. Voyez Mortalité.

Cependant ce que nous avons de plus achevé dans ce genre, c’est l’ouvrage de M. de Parcieux, de la société royale de Montpellier, intitulé, Essai sur les probabilités de la durée de la vie humaine, Paris 1745. in 4°. Ce dernier auteur a été beaucoup plus loin que tous les précédens, & il est en particulier le premier qui ait fait l’application de l’ordre de mortalité aux tontines simples, & à celles qui sont composées. Il y a de grands avantages à déterminer exactement l’ordre de mortalité ; lorsqu’un état ou des