L’Encyclopédie/1re édition/NOCES
NOCES, s. f. nuptiæ, (Jurisprudence.) se prend pour la célébration du mariage. On appelle don de noces celui qui est fait en faveur de mariage ; gain de noces & de survie celui que le survivant des conjoints gagne, soit en vertu de la loi ou usage, ou en vertu de la convention. Voyez Gain & Mariage.
On appelle premieres noces le premier mariage que quelqu’un a contracté ; mais on ne se sert de ce terme que par opposition à celui de secondes, troisiemes & autres noces, c’est-à-dire pour distinguer le premier mariage des autres mariages subséquens. (A)
Noces des Hébreux, (Hist. sacrée.) du latin nuptiæ, de nubere, couvrir d’un voile, parce que les nouvelles mariées se couvroient la tête par modestie. Ce mot dans l’Ecriture se prend pour les cérémonies qui se pratiquoient le jour du mariage, nuptiæ factæ sunt in Canâ Galilææ, Joan. ij. 1. 2°. pour le festin des noces, nuptiæ quidem paratæ sunt, Matth. xxij. 8. Ce festin signifie la gloire dont les saints jouissent dans le ciel ; ce qui est aussi marqué par la parabole des vierges qui attendoient la venue de l’époux, intraverunt cum eo ad nuptias, Matthieu, xxv. 10. 3°. Le lieu où se célebrent les noces : impletæ sunt nuptiæ discumbentium, Matth. xxij. 10. 4°. Pour le mariage & l’union de l’époux & de l’épouse, non est in loco nostro consuetudinis ut minores ante tradamus ad nuptias, Gen. xxjx. 26. 5°. Pour le droit acquis par le mariage, quod si alteram ei acceperit, providebit puellæ nuptias, Exod. xxj. 10. Si quelqu’un fait épouser à son fils une esclave, & que ce fils épouse encore une autre femme, il traitera cette premiere comme sa femme.
Les Hébreux se marioient de bonne heure, & dès l’âge de treize ans il étoit permis aux enfans de prendre femme ; ils ne passoient guere, sans l’avoir fait, la dix-huitieme année, & ils auroient cru pécher contre le précepte croissez & multipliez. Delà il est aisé de comprendre pourquoi le célibat & la stérilité étoient un opprobre dans Israël, & pourquoi ils avoient soin de faire épouser au frere du mari mort sans enfans la veuve qu’il avoit laissée. Les filles se marioient aussi-tôt après l’âge de puberté, c’est-à-dire à douze ans ; mais avant leur mariage elles ne paroissoient point d’ordinaire en public : on les appelloit alma, cachées.
On voit la maniere dont se faisoit la demande d’une fille dans celle que fit Sichem de Dina, Eliezer de Rebecca, & le jeune Tobie de Sara. Le mari donnoit la dot à sa femme, & sembloit acheter la personne qu’il vouloit épouser. Augmentez la dot que vous voulez qu’on lui donne, dit Hemor à Jacob ; demandez quel présent il vous plaira, je les donnerai volontiers, pourvu que vous veuilliez (à Sichem son fils) la lui donner pour épouse. Gen. xxxjv. 8. Jacob achete Lia & Rachel par 14 ans de service. Gen. xxjx. David donne cent prépuces de philistins pour Michols. 2. Reg. iij. 14. & Oze 15 pieces d’argent pour sa femme. Os. iij. 2.
Les fiançailles se faisoient ou par un écrit ou par une piece d’argent que l’on donnoit à la fiancée : Recevez cet argent pour gage que vous serez mon épouse, disoit le jeune homme à sa prétendue. Ils avoient dès-lors la liberté de se voir ; & si pendant le tems qui s’écouloit depuis les fiançailles jusqu’au mariage la fille commettoit quelqu’infidélité, elle pouvoit être traitée comme adultere.
Lorsque le tems de conclure le mariage étoit arrivé, on en dressoit le contrat, & au jour arrêté on conduisoit le fiancé & la fiancée dans une salle préparée, on les plaçoit sous un dais, & on leur mettoit un voile quarré que les Hébreux appellent teled ; ensuite le chantre de la synagogue ou le plus proche parent du marié, remplissoit une tasse de vin ; & ayant prononcé cette bénédiction : Soyez beni, seigneur, qui avez créé l’homme & la femme, & ordonné le mariage, il leur en donnoit à boire. Puis l’époux mettoit un anneau au doigt de son épouse en présence de deux témoins, & lui disoit : Par cet anneau vous êtes mon épouse, suivant l’usage de Moïse & d’Israël.
On croit qu’avant la ruine du temple de Jérusalem, l’époux & l’épouse portoient des couronnes dans la cérémonie de leurs noces, & l’Ecriture fait mention de celle de l’époux : Je me réjouirai au Seigneur comme un époux orné de sa couronne. Isaïe, lxj. 10. Et dans le cantique : Filles de Jérusalem, venez voir le roi Salomon orné de la couronne que sa mere lui a mise le jour de son mariage. iij. 11. On apportoit ensuite une deuxieme fois du vin dans un vase fragile ; & après plusieurs bénédictions, on présentoit à boire aux mariés, & on jettoit le reste à terre en signe d’allégresse ; l’époux prenoit le vase & le cassoit avec force, pour marquer que les plus grandes joies sont suivies des plus grands chagrins. Alors tous les assistans souhaitoient aux nouveaux mariés mille prospérités, comme cela se fit au mariage d’Isaac & de Rebecca, imprecantes prospera sorori suæ, atque dicentes, soror nostra es, crescas in mille millia. Genese, xxjv. 60.
Le repas de la noce se faisoit avec beaucoup de bienséance : on chantoit à table des louanges & des cantiques en l’honneur de Dieu, pour imiter ce qui se passa dans le repas que donna Raguel quand il maria sa fille Sara au jeune Tobie. On voit par l’évangile que l’on donnoit à l’époux un paranymphe, que Jesus-Christ appelle l’ami de l’époux : son devoir étoit de faire les honneurs de la noce, d’exécuter les ordres de l’époux. Mais l’ami de l’époux, dit S. Jean Baptiste, qui est debout & qui obéit à la voix de l’époux, se réjouit d’obéir à sa voix. Joan. iij. 29.
L’époux avoit toujours auprès de lui un nombre de jeunes gens, & l’épouse de jeunes filles, qui les accompagnoient par honneur pendant les jours de la noce. On le voit dans l’histoire du mariage de Samson : ces jeunes gens prenoient plaisir à proposer des énigmes, & l’époux distribuoit des prix à ceux qui les expliquoient.
La cérémonie de la noce duroit sept jours pour une fille, & trois jours pour une veuve. Imple hebdomadam hujus copulæ, & hanc quoque dabo tibi, disoit Laban à Jacob, Gen. xxjx. 26. Nous voyons aussi que les noces de Samson & celles du jeune Tobie durerent sept jours entiers.
Les sept jours de réjouissance qui se faisoient dans la maison du pere de la fille étant passés, on conduisoit l’épouse dans la maison du marié ; on choisissoit le tems de la nuit, comme il paroît dans la parabole des dix vierges, qui allerent au-devant de l’époux & de l’épouse. Cette action se faisoit avec pompe : nous en avons un exemple dans les Macchabées, où il est dit que le fils de Jambri ayant fait des noces à Meduba, comme on menoit en grande solemnité l’épouse au logis de l’époux, & que les amis du mari venoient au-devant d’elle avec des instrumens de musique, les Macchabées tomberent sur eux & les dissiperent. Macch. xxxvij & seq. Voyez de plus grands détails dans Spencer, & les auteurs des cérémonies & coutumes des Hébreux. (D. J.)
Noce aldobrandine, la, (Peint. antiq.) morceau de peinture antique ; c’est une frise qu’on a trouvée dans les ruines de Rome, & qu’on a placée dans le palais Aldobrandin, avec la partie du mur sur laquelle elle étoit peinte. Cette frise représente une noce : la mariée est assise sur le bord du lit ; elle panche la tête, & fait, dit Misson, la difficile, pendant qu’une matrone la console d’un air riant, l’instruit & la persuade. L’époux couronné de lierre & tout deshabillé, est assis auprès du lit avec un certain air d’impatience. Quatre ou cinq femmes préparent en divers endroits des bains & des onguens aromatiques : une musicienne joue de la lyre ; une autre chante apparemment quelque épithalame.
Nous ignorons si la noce aldobrandine & les autres morceaux qui nous restent de la peinture antique, sont d’un grand coloriste ou d’un ouvrier médiocre de ces tems-là ; ce qu’on peut dire de certain sur leur exécution, c’est qu’elle est très-hardie. Ces morceaux paroissent l’ouvrage d’artistes autant les maîtres de leur pinceau que Rubens & que Paul Véronese l’étoient du leur. Les touches de la noce aldobrandine, qui sont très-heurtées, & qui paroissent même grossieres quand elles sont vûes de près, font un effet merveilleux lorsqu’on considere ce tableau à la distance de vingt pas ; & c’étoit apparemment de cette distance qu’il étoit vû sur le mur où le peintre l’avoit fait. (D. J.)