Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/217

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Aucune d’elles ne montoit au capitole qu’en une litiere, & avec un nombreux cortege de leurs femmes & de leurs esclaves. Rien ne toucha davantage Agrippine que la permission qu’elle obtint de Néron, de jouir de la même grace. En un mot, nos religieuses n’ont aucun des honneurs mondains dont les vestales étoient comblées. Continuons de le prouver par de nouveaux faits qui couronneront cet article.

Une statue fut déférée à la vestale Suffétia, pour un champ dont elle gratifia le peuple, avec cette circonstance, que sa statue seroit mise dans le lieu qu’elle choisiroit elle-même : prérogative qui ne fut accordée à aucune autre femme.

Les vestales étoient employées dans les médiations les plus délicates de Rome, & l’on déposoit entre leurs mains les choses les plus saintes. Leur seule entremise réconcilia Sylla à César ; ce qu’il avoit refusé à ses meilleurs amis, il l’accorda à la priere des vestales. Leur sollicitation l’emporta sur ses craintes, & sur ses pressentimens mêmes. « Sylla, dit Suétone, soit par inspiration, soit par conjecture, après avoir pardonné à César, s’écria devant tout le monde, qu’on pouvoit s’applaudir de la grace qu’on venoit de lui arracher, mais que l’on sût au moins que celui dont on avoit, si fort souhaité la liberté, ruineroit le parti des plus puissans de Rome, de ceux mêmes qui s’étoient joints avec les vestales pour parler en sa faveur ; & qu’enfin dans la personne de César, il s’élevoit plusieurs Marius ».

Une si grande déférence pour les vestales dans un homme tel que Sylla, & dans un tems de troubles, où les droits les plus saints n’étoient point à l’abri de sa violence, renchérissoient en quelque sorte sur cet extrème respect des magistrats pour les vestales, devant lesquelles, comme je l’ai remarqué, ils avoient accoutumé de baisser les faisceaux. Cet esprit d’injustice & de cruauté qui regna dans les proscriptions, respecta toujours les vestales ; le génie de Marius & de Sylla trembloit devant ce petit nombre de filles.

Elles étoient dépositaires des testamens & des actes les plus secrets ; c’est dans leurs mains que César & Auguste remirent leurs dernieres volontés. Rien n’est égal au respect religieux qui s’étoit généralement établi pour elles. On les associoit, pour ainsi dire, à toutes les distinctions faites pour honorer la vertu. Elles étoient enterrées dans le dedans de la ville, honneur rarement accordé aux plus grands hommes, & qui avoit produit la principale illustration des familles Valeria & Fabricia.

Cet honneur passa même jusqu’à ces malheureuses filles qui avoient été condamnées au dernier supplice. Elles furent traitées en cela comme ceux qui avoient mérité l’honneur du triomphe. Soit que l’intention du législateur eût été telle, soit que le concours des circonstances eût favorisé cet événement, on crut avoir trouvé dans le genre de leur mort le moyen de concilier le respect dû à leur caractere, & le châtiment que méritoit leur infidélité. Ainsi la vénération qu’on leur portoit, survivoit en quelque sorte à leur supplice. En effet, il étoit suivi d’une crainte superstitieuse, laquelle donna lieu aux prieres publiques qui se faisoient tous les ans sur leurs tombeaux, pour en appaiser les ombres irritées. (Le chevalier de Jaucourt.)

VESTALIES, s. f. pl. (Mythol.) vestalia ; fête que les Romains célébroient le 5 avant les ides de Juin, c’est-à dire le 9 de ce mois, en l’honneur de la déesse Vesta. On faisoit ce jour des festins dans les rues, & on choisissoit des mêts, qu’on portoit aux vestales pour les offrir à la déesse. On ornoit les moulins de bouquets & de couronnes ; c’étoit la fête des boulangers. Les dames romaines se rendoient à pié au temple de Vesta, & au capitole où il y avoit un autel

consacré à Jupiter pistor, c’est-à-dire protecteur des grains de la terre. On remarque dans l’histoire que Brutus se rendit maître de l’Espagne le jour de cette fête, & que M. Crassus fut défait par les Parthes dans ce même jour. (D. J.)

VESTE, s. f. (Gram.) vêtement qui se porte sous le justaucorps ou l’habit ; il a des manches, des basques & des poches, & se boutonne ; mais il ne descend que jusqu’au dessus du genou.

Veste de Mahomet, nom que les Francs donnent au présent que le grand seigneur envoie tous les ans à la Meque lors de la caravane.

VESTIAIRE, s. m. (Hist. monastiq.) du latin vestis, habit. C’est un lieu joignant une église où l’on garde les habits & ornemens sacerdotaux, les vases sacrés & l’argenterie qui sert à décorer les autels ou au sacrifice. Voyez Sacristie & Trésor.

Vestiaire se dit aussi parmi les religieux, de ce qui concerne leurs habits ; certaines communautés donnent telle ou telle somme à chaque religieux pour son vestiaire.

VESTIBULE, s. m. (Archit.) lieu couvert qui sert de passage à divers appartemens d’une maison, & qui est le premier endroit où l’on entre.

Il y a deux sortes de vestibules, les uns sont fermés du côté de l’entrée par des arcades accompagnées de chassis de verre, & les autres sont simples, garnis de colonnes ou pilastres, qui en les décorant, servent à soutenir le mur de face. Les premiers vestibules sont ordinairement ornés de colonnes ou de pilastres qui bordent des niches circulaires, dans lesquelles on met des figures. On dispose aussi des statues dans les angles ou au milieu, & ces ornemens forment la décoration d’un vestibule. On peut avoir un modele de cette décoration dans la Planche 78 du traité de la décoration des édifices, tom. II.

Chez les anciens, le vestibule étoit un grand espace vuide devant l’entrée d’une maison ; ils l’appelloient atrium propatulum & vestibulum, parce qu’il étoit dédié à la déesse Vesta, d’où Martinius fait dériver ce mot, qui signifie vestæ stabulum. La raison que donne de cela cet auteur, est qu’on s’y arrêtoit avant que d’entrer ; & comme les anciens avoient coutume de commencer leurs sacrifices publics par ceux qu’ils offroient à cette déesse, c’étoit aussi par le vestibule qui lui étoit consacré, qu’ils commençoient à entrer dans la maison. Voyez Vesta.

On appelle encore improprement vestibule une espece de petit antichambre qui sert d’entrée à un médiocre appartement.

Voici les différentes especes de vestibules proprement dits.

Vestibule à aîles. Vestibule qui outre le grand passage du milieu couvert en berceau, est séparé par des colonnes, des aîles ou bas côtés, plafonnés de sofits, comme le vestibule du palais Farnèse à Rome, ou voûtés comme celui du gros pavillon du Louvre.

Vestibule en péristyle. Vestibule divisé en trois parties avec quatre rangs de colonnes isolées. Tel est le vestibule du milieu du château de Versailles.

Vestibule figuré. Vestibule dont le plan n’est pas contenu entre quatre lignes droites, ou une ligne circulaire ; mais qui par des retours forme des avant-corps & des arriere-corps de pilastres & de colonnes avec symmétrie ; tel est le vestibule du château de Maisons.

Vestibule octostyle rond. Vestibule qui a huit colonnes adossées comme le vestibule du Luxembourg à Paris, ou isolées comme celui de l’hôtel de Beauvais, qui ont l’une & l’autre leurs colonnes doriques.

Vestibule simple. C’est un vestibule qui a ses faces opposées également, décorées d’arcades, vraies ou feintes ; tels sont les vestibules du palais des Tuileries