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déesse ; & selon la coutume des anciens, il étoit placé dans la haute ville.

Les Romains sortis de la mine eurent encore différens combats à livrer ; mais ils furent vainqueurs, pillerent les maisons, & mirent le feu en différens quartiers. On vendit à l’enchere tous les prisonniers de condition libre ; & l’argent que l’on en tira, fut attribué au fisc. Camille, après le partage du butin fait dans les maisons, ordonna le dépouillement des temples, & forma le dessein de transporter religieusement à Rome la statue de Junon ; en conséquence il choisit dans son armée des jeunes gens bien faits, à qui il ordonna de se purifier par des ablutions & de se revêtir d’habits blancs.

Ce fut à eux qu’il confia le soin de porter à Rome le simulacre de la déesse, & les offrandes qu’on lui avoit faites de tout tems. La jeune troupe entra dans son temple avec un grand air de modestie & de vénération. D’abord Camille toucha la statue, liberté qui n’étoit permise, parmi les Etruriens, qu’à un seul prêtre d’une famille marquée. On dit qu’ensuite il lui demanda si elle consentoit de venir à Rome, & que la statue, selon les uns, lui fit signe, & selon les autres, lui répondit qu’elle partiroit volontiers. Elle fut placée sur le mont Aventin, où elle demeura longtems dans un temple.

Ainsi périt la fameuse ville de Veïes, qui fut dépouillée tout-à-la-fois de ses richesses, de ses habitans & de ses dieux. On peut juger de sa force par la difficulté que Rome eut à la soumettre. Dix ans suffirent à peine à la réduire. On n’en discontinua le siege ni pendant l’hiver, ni pendant l’été. Enfin elle fut prise par la sappe, & l’artifice y eut plus de part que la valeur même.

Les habitans de Veïes sont appellés Veïentes par Cicéron, l. I. de divinat. c. xliv. & Veïentani par Pline, l. III. c. v. C’étoit une colonie greque venue en Italie d’Argos, où Junon étoit particulierement adorée. Le pays des Veïens composoit un quartier de l’Etrurie, qui n’étoit séparé des Sabins & des Latins que par le Tibre ; c’est aujourd’hui la partie la plus orientale du patrimoine de S. Pierre.

Les Romains ne détruisirent pas entierement la ville de Veïes. Tite-Live, l. XXXIX. c. ix. fait entendre qu’elle subsistoit encore après la guerre punique ; & Rome y envoya une colonie que Frontin nomme Colonia vejus. Depuis elle tomba tellement en ruine, qu’on n’en reconnoissoit plus la place. Holstein a eu beaucoup de peine à en trouver quelques vestiges sur une colline escarpée, vis-à-vis de l’île Farnesia, aujourd’hui Isola ; cette position s’accorde avec celle que Denys d’Halicarnasse donne à la ville de Veïes. (D. J.)

VEILLANE, (Géog. mod.) ou plutôt Vigliana, petite ville d’Italie, dans le Piémont, au marquisat de Suze, près de la Doire, appellée Doria-Riparia, à 14 milles au nord-ouest de Turin. Long. 24. 55. latit. 44. 53. (D. J.)

VEILLE, s. f. (Physiolog.) dans l’économie animale, état du corps humain dans lequel les actions des sens internes & externes, & des muscles peuvent se faire facilement, sans trouver aucune résistance. Je suis sûr que je veille lorsque mes yeux ouverts apperçoivent les corps qui m’environnent ; car mes yeux voyent confusément quand j’ai envie de dormir, & je ne vois plus rien quand je dors. Je veille si j’entends les sons qui sont à la portée de mon oreille ; je dors si je ne les entends pas. Je veille lorsque je marche ou je parle à volonté ; je veille lorsque mon cerveau est dans cette disposition physique, au moyen de laquelle les impressions externes appliquées à mes organes excitent certaines pensées. Je veille enfin lorsque le principe moteur des muscles, au moindre changement du principe pensant, est prêt

à être déterminé vers les muscles, quoique souvent il n’y coule point actuellement.

Veille, (Antiq. rom.) vigilia, partie de la nuit. Les Romains divisoient la nuit en quatre parties égales. La premiere commençoit ordinairement depuis six heures du soir jusqu’à neuf ; la seconde depuis neuf jusqu’à minuit ; la troisieme depuis minuit jusqu’à trois heures du matin ; la quatrieme depuis trois heures jusqu’à six. La même chose se pratiquoit dans les villes de guerre, & par-tout où il y avoit des garnisons. (D. J.)

Veille, (Hist. ecclés.) on appelle veille le jour qui précede la fête de quelque saint. Ce nom signifioit autrefois non pas le jour, mais la nuit pendant laquelle les Chrétiens veilloient sur les tombeaux des martyrs, en chantant des hymnes à l’honneur de ceux dont on devoit solemniser la fête le lendemain. On appella ces sortes de veilles, natalitiæ, non par rapport au jour de la naissance, mais par rapport à une autre vie plus heureuse que celle qu’ils avoient perdue.

Plusieurs savans croyent qu’on commença les veilles dans le second siecle de l’église, & que ce fut pour célébrer le martyre de S. Polycarpe, évêque de Smyrne ; mais cette époque est fort contestée, & véritablement il est difficile de la fixer : ce qu’il y a de plus vrai, est que c’étoit sur le tombeau des martyrs que l’on solemnisoit la veille du jour du martyre du saint que l’on invoquoit.

On avoit accoutumé de publier la fête des martyrs que l’on devoit célébrer : cette publication se faisoit secretement dans les tems de persécution par un homme préposé pour cette fonction, & que l’on appelloit cursor. C’étoit principalement pendant la nuit que les assemblées se faisoient, comme nous l’apprenons de Tertullien & de Clément d’Alexandrie ; on éclairoit les lieux d’assemblée par le moyen des cierges & d’autres matieres qui produisoient une lumiere suffisante pour suppléer au défaut du jour.

Il est aisé de comprendre que dans la suite des tems cette pratique religieuse tomba dans plusieurs abus, & le scandale devint si public, que dans le septieme siecle on défendit les veilles nocturnes : ce qui fut confirmé par plusieurs conciles généraux & par des synodes particuliers. (D. J.)

Veille des armes la, (Hist. de la Chevaler.) ancienne cérémonie, qui consistoit en ce que la veille que quelqu’un devoit être fait chevalier, il passoit la nuit à veiller dans une chapelle où étoient les armes dont il devoit être armé le lendemain ; & en ce sens on disoit, faire la veille des armes. Voyez l’hist. de la Chevalerie par M. de Sainte-Palaye. (D. J.)

Veille-la-drisse, (Marine.) commandement de se tenir prêt à amener les huniers.

Veille-l’écoute-de-hune, (Marine.) commandement de tenir l’écoute de hune prête à être larguée.

Veille-les-huniers, (Marine.) c’est la même chose que veille-les-drisses. Voyez Veille-la-drisse.

VEILLER, v. act. & neut. (Gram. franç.) c’est être dans l’état qu’on désigne par veille. Voyez l’article Veille.

Veiller une personne, se dit en deux sens bien différens. Il signifie passer la nuit auprès d’un malade pour en avoir soin, comme, on le veille toutes les nuits : je l’ai déja veillé deux fois ; & il signifie aussi épier une personne, la suivre de près, comme, on le veille de près, on le veille avec tant de soin qu’il ne sauroit échapper.

Veiller sur les actions, sur la conduite de quelqu’un, se prend en bonne & en mauvaise part ; exemples : il veille sur toutes les actions de son ennemi ; un bon pere doit veiller sur la conduite de ses enfans.

Veiller à quelque chose, se prend toujours pour en