L’Encyclopédie/1re édition/VEILLE

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VEILLE, s. f. (Physiolog.) dans l’économie animale, état du corps humain dans lequel les actions des sens internes & externes, & des muscles peuvent se faire facilement, sans trouver aucune résistance. Je suis sûr que je veille lorsque mes yeux ouverts apperçoivent les corps qui m’environnent ; car mes yeux voyent confusément quand j’ai envie de dormir, & je ne vois plus rien quand je dors. Je veille si j’entends les sons qui sont à la portée de mon oreille ; je dors si je ne les entends pas. Je veille lorsque je marche ou je parle à volonté ; je veille lorsque mon cerveau est dans cette disposition physique, au moyen de laquelle les impressions externes appliquées à mes organes excitent certaines pensées. Je veille enfin lorsque le principe moteur des muscles, au moindre changement du principe pensant, est prêt à être déterminé vers les muscles, quoique souvent il n’y coule point actuellement.

Veille, (Antiq. rom.) vigilia, partie de la nuit. Les Romains divisoient la nuit en quatre parties égales. La premiere commençoit ordinairement depuis six heures du soir jusqu’à neuf ; la seconde depuis neuf jusqu’à minuit ; la troisieme depuis minuit jusqu’à trois heures du matin ; la quatrieme depuis trois heures jusqu’à six. La même chose se pratiquoit dans les villes de guerre, & par-tout où il y avoit des garnisons. (D. J.)

Veille, (Hist. ecclés.) on appelle veille le jour qui précede la fête de quelque saint. Ce nom signifioit autrefois non pas le jour, mais la nuit pendant laquelle les Chrétiens veilloient sur les tombeaux des martyrs, en chantant des hymnes à l’honneur de ceux dont on devoit solemniser la fête le lendemain. On appella ces sortes de veilles, natalitiæ, non par rapport au jour de la naissance, mais par rapport à une autre vie plus heureuse que celle qu’ils avoient perdue.

Plusieurs savans croyent qu’on commença les veilles dans le second siecle de l’église, & que ce fut pour célébrer le martyre de S. Polycarpe, évêque de Smyrne ; mais cette époque est fort contestée, & véritablement il est difficile de la fixer : ce qu’il y a de plus vrai, est que c’étoit sur le tombeau des martyrs que l’on solemnisoit la veille du jour du martyre du saint que l’on invoquoit.

On avoit accoutumé de publier la fête des martyrs que l’on devoit célébrer : cette publication se faisoit secretement dans les tems de persécution par un homme préposé pour cette fonction, & que l’on appelloit cursor. C’étoit principalement pendant la nuit que les assemblées se faisoient, comme nous l’apprenons de Tertullien & de Clément d’Alexandrie ; on éclairoit les lieux d’assemblée par le moyen des cierges & d’autres matieres qui produisoient une lumiere suffisante pour suppléer au défaut du jour.

Il est aisé de comprendre que dans la suite des tems cette pratique religieuse tomba dans plusieurs abus, & le scandale devint si public, que dans le septieme siecle on défendit les veilles nocturnes : ce qui fut confirmé par plusieurs conciles généraux & par des synodes particuliers. (D. J.)

Veille des armes la, (Hist. de la Chevaler.) ancienne cérémonie, qui consistoit en ce que la veille que quelqu’un devoit être fait chevalier, il passoit la nuit à veiller dans une chapelle où étoient les armes dont il devoit être armé le lendemain ; & en ce sens on disoit, faire la veille des armes. Voyez l’hist. de la Chevalerie par M. de Sainte-Palaye. (D. J.)

Veille-la-drisse, (Marine.) commandement de se tenir prêt à amener les huniers.

Veille-l’écoute-de-hune, (Marine.) commandement de tenir l’écoute de hune prête à être larguée.

Veille-les-huniers, (Marine.) c’est la même chose que veille-les-drisses. Voyez Veille-la-drisse.