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menstrue toutes les dissolutions dont il est capable. La Chimie se sert de deux moyens, pour l’avoir dégagé de cette terre & de cette huile. Le premier est de le distiller. On a par cette opération une liqueur transparente beaucoup plus acide que n’est le vinaigre ordinaire, mais encore bien affoiblie par la grande quantité de phlegme qu’elle contient. On a donc imaginé une seconde méthode, qui consiste à prendre un sel neutre, dont l’acide est le vinaigre, à le dessécher, & en le décomposant distiller l’acide à un feu violent. Le vinaigre radical qui en résulte ne cede peut-être en rien aux autres acides pour sa force ; communément c’est du verdet qu’on le retire. Lorsqu’on veut concentrer le vinaigre sans le débarrasser de la terre & de l’huile dont la distillation le dépouille, on l’expose à une forte gelée : la partie phlegmatique se gele, tandis que l’acide conservant sa fluidité, s’écoule à-travers les lames de la glace.

Homberg & Neumann ont calculé que du fort vinaigre ne contient qu’une soixantieme partie d’acide, Boerhaave ne lui en accorde pas une quatre-vingtieme : nous sommes persuadés que si on débarrassoit encore cette quatre vingtieme partie de tout le phlegme superflu, elle se réduiroit à beaucoup moins.

Quoique les Chimistes ayent fait plusieurs expériences avec le vinaigre simple ou distillé, ils en ont peu fait avec le radical. Il reste donc encore bien des choses à éprouver & à découvrir sur cet acide, auquel les Chimistes n’ont peut-être pas donné toute l’attention qu’il méritoit. Geoffroy ne lui a accordé aucune colonne dans sa table des rapports ; M. Gellert omet plusieurs métaux & plusieurs terres dans la sienne. Il place l’or, l’argent, l’étain & le mercure comme indissolubles dans l’acide du vinaigre, & cependant le contraire vient d’être démontré au sujet du mercure ; il ne fait pas mention des terres calcaires : enfin il prouve combien peu on a fait de recherches sur un sujet aussi intéressant. En général on peut dire que cet acide est le plus foible de tous, que les sels qu’il forme avec les alkalis & les métaux sont décomposés par les acides minéraux. Quoique cet acide ne puisse pas dissoudre un grand nombre de métaux étant appliqué à nud, cependant il les dissout presque tous lorsqu’ils ont été précipités de leurs dissolvans propres. On peut le dulcifier avec l’esprit-de-vin, & en retirer un éther, suivant le procédé & la découverte de M. le comte de Lauragais.

Le vinaigre pris en petite quantité, délayé dans beaucoup d’eau, est, comme les autres acides, un tempérant propre à calmer la soif & la fievre ; mais il a une propriété singuliere, c’est qu’en même tems qu’il est un violent astringent, rafraîchissant & diurétique, il excite abondamment la transpiration, & par ces raisons il peut, étant pris immodérément, conduire à un desséchement, à un marasme général. L’assemblage de ces qualités le rend d’un très-grand secours dans les maladies pestilentielles, où il faut en même tems corriger la corruption de l’air infecté par la pourriture des cadavres, tempérer le mouvement du sang & exciter la transpiration. Il sert dans les tems de contagion à purifier les viandes, les habits, les appartemens, &c. Pour augmenter sa vertu, on le rend aromatique par l’infusion de quelques végétaux : les formules en sont sans nombre. Il est d’un très-grand usage dans la Pharmacie ; on en fait l’oxycrat, médicament souvent aussi utile que simple. On en compose l’oxymel, dont les anciens médecins faisoient un bien plus grand usage que nous ; extérieurement c’est un rafraîchissant, répercussif, astringent très-fort.

Lorsque dans les mets on emploie le vinaigre, on en compose toujours une espece de savon, puisque c’est avec des graisses ou des huiles & du sel qu’on le mêle. Quand le savon n’est ni trop huileux, ni trop

acide, il est à son point de perfection, & le mets préparé est au goût de tout le monde : les parties huileuses qui entrent dans la composition du vinaigre, facilitent le mélange savonneux.

Végétale, terre, (Hist. nat.) humus, humus vegetabilis ; c’est la terre qui se trouve à la surface, elle est plus ou moins noire ou jaune ; c’est cette terre qui contribue à la croissance des plantes qui, par leurs racines qui pourrissent, lui rendent continuellement une portion de ce qu’elles en ont reçu. On voit par-là que la terre végétale est bien éloignée d’être une terre simple ; elle doit être un mélange d’argille, de terre calcaire, de sable, de gravier, de parties ferrugineuses, &c. auquel s’est joint une portion de la partie terreuse, huileuse & saline, des végétaux qui s’y pourrissent & s’y décomposent. Une des principales qualités de cette terre est d’être bien divisée, afin d’être propre à se prêter, pour ainsi dire, aux racines jeunes encore des plantes, pour cela il faut qu’elle ne soit ni trop compacte, ni trop spongieuse. Quand elle est trop dense, elle serre trop fortement les racines des plantes & empêche de s’étendre ; joignez à cela qu’elle retient les eaux qui ne pouvant point la traverser assez promptement, ou y séjournant trop long tems, pourrissent & endommagent les végétaux. Une terre trop grasse & trop chargée de glaise est dans ce cas. Voyez Glaise.

D’un autre côté, si la terre végétale est trop poreuse & trop légere, l’eau, si nécessaire pour la végétation & qui est le véhicule qui doit porter le suc nourricier aux plantes, n’y séjourne point assez pour produire cet effet, elle passe comme au-travers d’un crible. Telle est une terre végétale, qui seroit trop sablonneuse ou trop remplie de craie.

Pour remédier à ces inconvéniens dans le premier cas, c’est-à-dire lorsque la terre sera trop grasse, il faudra la diviser & la rendre plus légere, en y joignant soit de la craie, soit du gravier, soit du sable. Quant au second inconvénient, c’est-à-dire lorsque la terre végétale sera trop maigre, on pourra y joindre une terre plus grasse, du fumier de la marne argilleuse, &c.

L’on voit donc que tout le mystere de la fertilisation des terres dépend de rencontrer la juste proportion qui est nécessaire, pour que les terres soient dans un état de division qui facilite la circulation des eaux, & qui ne les arrête ni trop ni trop peu. Voyez les articles Glaise & Marne.

La terre végétale s’appelle aussi terreau, terre franche, terre des jardins.

VÉGÉTATION métallique, (Chimie.) quoique le mot de végétation ne convienne proprement qu’aux végétaux, cependant il est en usage parmi les Chimistes pour exprimer certaines crystallisations particulieres, ou un arrangement de quelque matiere que ce puisse être, dont la figure extérieure ressemble assez sensiblement à celle des plantes ; c’est en ce sens que les Chimistes appellent arbre de Diane ou arbre philosophique une végétation d’argent, & arbre de Mars une autre végétation chimique, qui a de l’analogie avec la premiere ; cette derniere végétation est une dissolution de fer faite par le moyen de l’esprit-de-nitre.

Peu de chimistes ont travaillé avec plus de succès sur les végétations métalliques que M. Homberg. On a de lui, dans les mémoires de Mathématique & de Physique, année 1692, une observation, dans laquelle non-seulement il donne une maniere plus prompte que la commune de faire l’arbre de Diane, mais il enseigne encore de nouvelles méthodes pour la production d’autres végétations semblables, & il explique la formation de ces végétations par des raisons assez claires. Toutes ces végétations, à l’exception d’une pour laquelle il ne faut qu’une simple amalgamation