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Il harangua très-souvent, & il inséra dans son histoire romaine quelques-unes de ses harangues. Cette histoire, son ouvrage sur l’art militaire, & celui qu’il fit sur la Rhétorique ne nous sont point parvenus, mais ses livres d’agriculture se sont conservés. Au reste, il fut tout ensemble & grand orateur & profond jurisconsulte, deux qualités qui ne vont guere de compagnie. Cicéron dit de ce grand homme, l. III. de oratore : Nihil in hâc civitate, temporibus illis sciri discive potuit, quod ille non tum investigarit, & scierit, tum etiam conscripserit. On se formeroit de lui une fausse idée si l’on prétendoit que l’austérité seule se faisoit sentir dans ses harangues & dans ses conversations ; il savoit y mêler les agrémens & le badinage, mais il étoit bien-aise que l’on parlât souvent dans les entretiens ordinaires du mérite des hommes illustres.

Il fut accusé plusieurs fois en justice, & se défendit toujours avec une extrème force. « Comme il travailloit bien les autres, dit Plutarque, s’il donnoit la moindre prise du monde sur lui, il étoit incontinent mis en justice par ses malveuillans, de maniere qu’il fut accusé 44 fois, à la derniere desquelles il étoit âgé d’environ quatre-vingt ans ; & ce fut là où il dit une parole qui depuis a été bien recueillie » : qu’il étoit mal aisé de rendre compte de sa vie devant des hommes d’un autre siecle que de celui auquel on avoit vécu. Cependant il fut toujours absous, comme Pline nous l’apprend, liv. VII. ch. xxvij. Itaque sit proprium Catonis quater & quadragies causam dixisse, nec quemquam sæpius postulatum, & semper absolutum.

Il vécut 85 ans, & conserva jusqu’à la fin de sa vie une grande force de corps & d’esprit. Son tempéramment robuste fit qu’il eut besoin de femme dans sa vieillesse ; & parce que son concubinage avec une jeune fille ne put demeurer caché autant qu’il vouloit, il se remaria & épousa la fille de Salonius, qui avoit autrefois été son greffier ; il faut lire cette anecdote dans Plutarque. Il fut bon mari & bon pere, & aussi exact à entretenir la discipline dans sa maison, qu’à réformer les désordres de la ville.

« Pendant qu’il étoit préteur en Sardaigne, dit Plutarque (je me sers toujours de la version d’Amyot), au-lieu que les autres préteurs avant lui mettoient le pays en grands frais, à les fournir de pavillons, de lits, de robes & autres meubles, & chargeoient les habitans d’une grande suite de serviteurs, & grand nombre de leurs amis qu’ils traînoient toujours quant & eux, & d’une grosse dépense qu’ils faisoient ordinairement en banquets & festoyemens ; lui au contraire y fit un changement de superfluité excessive en simplicité incroyable : car il ne leur fit pas coûte rpour lui un tout seul denier, pource qu’il alloit faisant sa visitation par les villes à pié, sans monture quelconque, & le suivoit seulement un officier de la chose publique, qui lui portoit une robe & un vase à offrir du vin aux dieux ès sacrifices ».

L’inscription de la statue que le peuple romain lui érigea après sa censure, rendoit un témoignage bien glorieux à sa vertu réformatrice ; l’inscription étoit telle : A l’honneur de Marcus Cato censeur, qui par bonnes mœurs, saintes ordonnances & sages réglemens, redressa la discipline de la république romaine, qui commençoit déja à décliner & à se détruire. On sait bien cependant qu’insensible aux louanges & aux érections de statues, il répondit un jour à quelques-uns qui s’émerveilloient de ce qu’on dressoit ainsi des images à plusieurs petits & inconnus personnages, & à lui non : J’aime mieux, dit-il, qu’on demande pourquoi l’on n’a point dressé des statues à Caton, que pourquoi on lui en a dressé. Mais le lecteur aimera mieux lire cette belle réponse dans le latin d’Ammien Marcellin : Censorius Cato …… interrogatus quamobrem

inter multos nobiles statuam non haberet : malo, inquit, ambigere bonos quamobrem id non meruerim, quam quod est gravius, cur impetraverim necessitate. Amm. Marcell. lib. XI. cap. vj. Enfin, le lecteur trouvera l’éloge complet de Caton dans le meilleur des historiens latins, Tite-Live, liv. XXXIX. ch. lx & lxj. Sa vie a été donnée par Plutarque, & son article dans Bayle est extrèmement curieux. Je reviens à Tusculum.

Cette ville est encore célebre par les palais que plusieurs grands de Rome y éléverent à l’envi, mais surtout parce que Cicéron avoit dans son voisinage sa principale maison de plaisance. C’est dans cette aimable solitude que l’orateur de Rome oublioit ses triomphes & sa dignité. Tantôt il y assembloit une troupe d’amis choisis pour lire avec eux les écrits les plus rares & les plus intéressans ; tantôt il sondoit seul les secrets de la philosophie, & travailloit à enrichir son pays des lumieres des sages de la Grece. Rousseau le dit en de très-beaux vers :

C’est-là que ce romain, dont l’éloquente voix
D’un joug presque certain sauva la république,
Fortifioit son cœur dans l’étude des lois
Ou du Licée, ou du Portique ;
Libre des soins publics qui le faisoient réver,
Sa main du consulat laissoit flotter les rènes,
Et courant à
Tuscule, il alloit cultiver
Les fruits de l’école d’Athenes.

Tusculum fut ruiné par l’empereur Henri ; c’est sur ses ruines que l’on a bâti le bourg de Frascati à une lieue de l’ancien Tuscule dans la campagne de Rome ; & c’est sur les ruines de la maison de plaisance de Cicéron qu’on a élevé l’abbaye de Grotta-Ferrata. Voyez Frascati & Grotta-Ferrata. (Le chevalier de Jaucourt.)

TUSIN l’ordre de, (Hist. des ordres.) ordre d’Allemagne, dont l’abbé Justiniani attribue la fondation aux archiducs d’Autriche vers l’an 1562 ; il dit que ces chevaliers faisoient vœu de chasteté & d’obéissance au saint siége & à leur souverain. Ce qu’il y a de plus vrai, c’est que cet ordre n’a pas fait grande figure ; car non-seulement on ignore son origine & celle de son nom, mais même si un tel ordre a jamais existé. (D. J.)

TUSSILAGE, s. f. (Hist. nat. Botan.) il n’y a dans le système de Tournefort qu’une seule espece de ce genre de plante, tussilago vulgaris, I. R. H. 487. en anglois, the common coolts-foot. Sa racine est longue, menue, blanchâtre, tendre, rampante ; elle pousse plusieurs tiges à la hauteur d’environ un pié, creuses en-dedans, cotonnées, rougeâtres, revêtues de petites feuilles sans queue, pointues, placées alternativement ; elles soutiennent chacune en leur sommet une fleur, belle, ronde, radiée, jaune, ressemblante à celle de l’aster, avec cinq étamines capillaires & très courtes, à sommets cylindriques ; à quoi succedent plusieurs semences oblongues, applaties, garnies chacune d’une aigrette. Après les fleurs naissent les feuilles, & ces feuilles font grandes, larges, anguleuses, & presque rondes.

Cette plante croît aux lieux humides, comme aux bords des rivieres, des ruisseaux, des fontaines, des fossés, dans les terres grasses & un peu aquatiques. Elle fleurit au commencement de Mars, & sa fleur ne dure pas long-tems ; elle trace, & multiplie beaucoup dans les jardins. (D. J.)

Tussilage, ou Pas d’ane, (Mat. méd.) ce sont principalement les fleurs de tussilage qui sont d’usage en Médecine ; on se sert pourtant aussi quelquefois de ses feuilles, de ses racines, & de ses diverses parties, tant intérieurement qu’extérieurement.

Ces remedes tiennent un rang distingué parmi les béchiques ou pectoraux ; on les prescrit en infusion