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més. On les payoit en armes, draps & chevaux, & pour ne rien déguiser, on leur donnoit aussi de l’argent ; mais pour rendre les récompenses des gens de qualité plus honnêtes & plus dignes d’eux, les princesses & les plus grandes dames y joignoient souvent leurs faveurs. Elles étoient fort foibles contre les beaux esprits ». Hist. du théatre franç. pag. 5 & 6, œuv. de M. de Fontenelle, tom. III.

Les plus célebres troubadours sont Arnaud Daniel, né dans le xij. siecle à Tarascon ou à Beaucaire ou à Montpellier, d’une famille noble, mais pauvre, auteur de plusieurs tragédies & comédies, & entr’autres d’un poëme intitulé, les illusions du paganisme, des poésies duquel Pétrarque a bien su profiter. Anselme Fay dit, Hugues Brunet, Pierre de Saint-Remi, Perdrigon, Richard de Noues, Luco, Parasols, Pierre Roger, Giraud de Bournel, Remond le Proux, Ruthebœuf, Hebers, Chrétien de Troies, Eustace li peintre, &c.

Ces troubadours brillerent en Europe environ 250 ans, c’est-à-dire, depuis 1120 ou 1130, jusqu’à la fin du regne de Jeanne I. du nom, reine de Naples & de Sicile, & comtesse de Provence, qui mourut en 1382. Alors défaillirent les Mécènes, & défaillirent aussi les poëtes, dit Nostradamus. D’autres voulurent suivre les traces des premiers troubadours, mais n’en ayant pas la capacité, ils se firent mépriser ; de sorte que tous ceux de cette profession se séparerent en deux différentes especes d’acteurs ; les uns sous l’ancien nom de jongleurs, joignirent aux instrumens le chant ou le récit des vers, & les autres prirent simplement le nom de joueurs, joculatores, ainsi qu’ils sont nommés dans les anciennes ordonnances.

M. l’abbé Goujet de qui nous empruntons ceci, remarque que parmi ces poëtes il y en eut qu’on nomma comiques, c’est-à-dire comédiens, parce qu’en effet ils jouoient eux-mêmes dans les pieces qu’ils composoient, & peut-être dans celles qu’ils débitoient à la cour des rois & des princes où ils étoient admis. Suppl. de Morery.

TROUBLE, s. m. (Gram.) état contraire à celui de paix, de tranquillité, de repos. On dit le trouble de l’air, le trouble des eaux, le trouble des provinces, les troubles d’une maison, le trouble des passions, de la conscience, du cœur, de l’esprit. Il y avoit dans toutes ses actions ce trouble que cause toujours l’amour vrai dans l’innocence de la premiere jeunesse : les discours de celui qui aime, sont accompagnés d’un trouble plus séducteur que tout ce qu’il dit.

Trouble, (Jurisprud.) est l’interruption qui est faite à quelqu’un dans sa possession.

Pour acquérir la prescription il faut entr’autres choses avoir joui sans trouble pendant le tems fixé par la loi.

Le trouble est de fait ou de droit.

On entend par trouble de fait celui qui se commet par quelque action qui nuit au possesseur, comme quand un autre vient prendre possession du même héritage, qu’il le fait labourer ou ensemencer, qu’il en fait recolter les fruits, ou lorsqu’il empêche le premier possesseur de le faire.

Le trouble de droit est celui qui sans faire obstacle à la possession de fait, empêche néanmoins qu’elle ne soit utile pour la prescription, comme quand on fait signifier quelque acte au possesseur pour interrompre sa possession.

Celui qui prétend avoir la possession d’an & jour, & qui intente complainte, déclare qu’il prend pour trouble en sa possession d’an & jour l’acte qui lui a été signifié, ou l’entreprise faite par son adversaire, il demande d’être maintenu dans sa possession ; & pour réparation du trouble, des dommages & intérêts. Voyez Complainte, Possession, Prescription. (A)

Trouble, (Pêcherie.) filet de pêcheurs dont on ne se sert guere qu’en hiver, pour aller pêcher le long des rivages en l’enfonçant sous les bordages, ce qui ne pouvant s’exécuter sans troubler l’eau, a donné le nom au filet. Il est fait en demi-rond, que forme un morceau d’orme autour duquel le filet de la trouble est attaché ; une fourchette de bois à deux ou trois fourchons soutient le morceau d’orme & sert de manche : on ne s’en sert que de dessus le bateau. Ce filet a ordinairement huit à neuf piés de hauteur. Savary. (D. J.)

TROUBLÉE, adj. (Mathémat.) on dit que des grandeurs sont en raison troublée, quand étant proportionnelles, elles ne le sont pas dans le même ordre où elles sont écrites. Supposons les trois nombres 2, 3, 9, dans un rang, & trois autres 8, 24, 36, dans un autre rang proportionnel aux trois précédens, mais dans un ordre différent ; en sorte que 2 soit à 3 ∷ 24 est à 36, & 3 est à 9 comme 8 est à 24, on dit en ce cas que ces grandeurs sont en raison troublée. Voyez Raison. Chambers. (E)

TROUCHET, (instrument de Tonnelier.) c’est une espece de gros billot de bois construit comme le moyeu d’une roue ; il est plat par en-haut, & porté par en-bas sur trois piés. Les tonneliers s’en servent pour doler leurs douves, c’est-à-dire pour les dégrossir.

TROUETTE, voyez Gardon.

TROUPE, BANDE, COMPAGNIE, (synon.) plusieurs personnes jointes pour aller ensemble font la troupe. Plusieurs personnes séparées des autres pour se suivre & ne se point quitter, font la bande. Plusieurs personnes réunies par l’occupation, l’emploi ou l’intérêt, font la compagnie.

On dit une troupe de comédiens, une bande de violons, & la compagnie des Indes.

Il n’est pas honnête de se séparer de sa troupe pour faire bande à part ; & il convient ordinairement de prendre le parti de la compagnie où l’on se trouve engagé. Girard. (D. J.)

Troupes, (Art. milit.) on appelle du nom général de troupes toutes sortes de gens armés & assemblés pour combattre.

Les troupes sont composées principalement de deux sortes de personnes ; savoir de simples combattans & d’officiers.

Les simples combattans sont ceux qui ne sont chargés d’aucune autre chose que d’employer leur personne & leur force dans les fonctions de la guerre.

Les officiers sont ceux qui outre l’obligation de simples combattans, doivent encore être employés à la conduite des troupes, & à y maintenir l’ordre & la regle.

Les troupes sont formées de gens destinés à combattre à pié, & d’autres à combattre à cheval. On ne mêle pas confusément ces deux especes de combattans. On fait combattre ensemble les gens de pié, de même que ceux de cheval ; on les partage en différens corps, appellés bataillons pour les premiers, & escadrons pour les seconds. Il y a des troupes qui combattent à pié & à cheval, suivant l’occasion ; voyez Infanterie, Cavalerie, Dragons, Escadron, Bataillon & Evolution.

Outre les troupes de cavalerie & d’infanterie dont on vient de parler, il y a des troupes légeres composées de l’une & l’autre espece, dont l’objet est d’aller à la découverte, de roder continuellement autour de l’ennemi pour épier ses démarches, le harceler, &c. Ces troupes différent des autres en ce qu’elles ne sont pas, comme celles-ci, destinées à combattre en ligne.

Les troupes d’un état sont nationales ou étrangeres. Il y a plusieurs inconveniens à en avoir un trop