Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 16.djvu/656

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Triomphe, jeu de la, s. f. ce jeu a diverses manieres de se jouer qui se ressemblent toutes en quelque chose, & different cependant par plusieurs points essentiels ; nous parlerons de chacune de ces manieres, voyez celle dont on le joue à Paris.

On prend un jeu de piquet ordinaire, dont les cartes conservent leur rang & leur valeur, à la reserve de l’as qui n’est supérieur qu’au dix & aux autres cartes au-dessous : ce jeu se joue un contre un, deux contre deux, trois contre trois, ou même plus. Ceux qui sont ensemble se mettent d’un côté de la table, & leurs antagonistes occupent l’autre. Ceux du même parti se communiquent leur jeu de la vue seulement, quoiqu’assez communément l’un désigne à l’autre la carte qu’il doit jouer, mais les bons joueurs ne le font pas. Quelquefois aussi les joueurs qui sont ensemble sont placés vis-à-vis l’un de l’autre à chaque coin de la table, & ne peuvent en aucune façon se découvrir leur jeu ni s’avertir de paroles ou de gestes. Mais soit que l’on joue de la sorte, à communiquer, ou un contre un, l’on bat d’abord les cartes, & l’on tire à la plus haute, ou à la plus basse, au gré des joueurs, pour voir à qui fera. Un parti ordonnant toujours à son adversaire de faire, s’il a droit, parce qu’il y a du désavantage. Après avoir battu & fait couper les cartes à l’adversaire, on les distribue jusqu’au nombre de cinq, de la maniere qu’il plaît à celui qui les donne, à deux d’abord, & trois ensuite ; ou à trois d’abord & deux ensuite, ou même encore autrement. Quand les joueurs & lui ont leurs cartes, il tourne la premiere du talon s’il en reste, & la derniere de celles qu’il se donne à lui-même, soit qu’il reste un talon ou non. Ensuite le premier jette telle ou telle carte de son jeu, dont les autres joueurs fournissent s’ils en ont de plus hautes, ou coupent avec de la triomphe faute de carte de la couleur de celle qu’on leur a joué, & celui des deux partis qui a fait trois levées marque un jeu, & deux s’il a les fait toutes. Voyez Vole.

Il est permis à un parti qui ne croit pas faire trois levées, & qu’il craigne que son adversaire ne fasse la vole, de lui offrir ou lui donner le jeu qu’il perd double s’il ne fait pas la vole qu’il a entreprise.

Lorsque le jeu est trouvé faux, on refait, mais les coups précédens sont bons. Celui qui donne mal démarque un jeu de ceux qu’il a, s’il n’en a point il ne compte point le premier qu’il fait, ou bien le parti contraire le marque. Celui qui ne leve pas quand il le peut perd un jeu ; de même que celui qui ne coupe pas quand il a de la triomphe, à moins qu’on n’en ait jetté une plus haute que la sienne. Celui qui renonce perd deux jeux. Celui qui change ses cartes avec son compagnon, ou en prend des levées dejà faites perd la partie : il en est de même de ceux qui quittent la partie avant qu’elle soit finie.

Autre maniere de jouer à la triomphe. Dans cette maniere de jouer à la triomphe, chaque joueur joue pour soi, mais les as sont les premieres cartes du jeu & enlevent les rois, ceux-ci les dames, & ainsi des autres ; celui qui fait a le privilege de prendre l’as s’il est triomphe en y mettant telle autre carte de son jeu à la place, & toutes les autres de la même couleur qui seroient au-dessous de cet as, pourvu qu’il y remit autant de cartes de son jeu. Les autres joueurs ont le même privilege à l’égard des autres triomphes qu’ils peuvent prendre avec l’as qu’ils ont dans la main, aux mêmes conditions & aux mêmes charges.

Autre maniere de jouer la triomphe. Ce jeu de la triomphe est plus connu dans les provinces que le précédent, il a les mêmes regles ; on le joue avec le même nombre de cartes ; ce qui le rend différent du premier, c’est qu’on y peut jouer cinq comme quatre, & trois comme deux, chacun jouant pour soi ; & lorsque deux des joueurs font deux mains, c’est

celui qui les a fait le premier qui compte le jeu, au préjudice de l’autre : ceux qui font des fautes les payent, comme dans le jeu précédent.

TRIOMPHER, (Langue françoise.) ce verbe se dit élégamment au figuré pour subjuguer, surmonter, vaincre. La philosophie, dit M. de la Rochefoucaut, triomphe aisément des maux passés & des maux à venir, mais les maux présens triomphent d’elle. L’hypocrisie triomphe tous les jours de la vertu. Ce verbe s’emploie encore noblement pour exceller en quelque chose. Quand il est sur cette matiere il triomphe, c’est-à-dire il excelle. Il triomphe sur la générosité, sur la délicatesse des sentimens. Enfin triompher se prend aussi en mauvaise part pour tirer vanité des vices. Tibere à Rome, comme dans l’île de Caprée ; triomphoit de ses déreglemens & de sa persidie. (D. J.)

TRIONES, s. f. pl. en Astronomie, est une sorte de constellation ou assemblage de sept étoiles qui sont dans la petite ourse. Voyez Ourse.

Les septem triones ont donné au pole du nord la dénomination de septentrion. Voyez Nord, Pole, &c.

TRIONTO, le, (Géog. mod.) petite riviere d’Italie, au royaume de Naples, dans la Calabre citérieure. Elle a sa source près du bourg d’Acri, & se perd dans le golfe de Tarente, près du cap de Trionto : cette riviere est l’Hylias des anciens. (D. J.)

TRIONUM, s. m. (Hist. nat. Botan.) nom donné par Linnæus, au genre de plante que Ruppius appelle bammia ; en voici les caracteres. Le calice particulier de la fleur est double ; l’extérieur est composé de douze feuilles très-minces ; l’intérieur est formé d’une seule feuille en tuyaux, & qui se divise à l’extrémité en cinq quartiers. La fleur est à cinq pétales faites en cœur au sommet, & qui croissent ensemble au fond de la fleur ; les étamines sont nombreuses, formant d’abord un seul cylindre, & se séparant en plusieurs filets vers leur extrémité ; les bossettes sont faites en forme de rein ; le germe du pistil est arrondi ; le stile est fort délié, mais il se termine par cinq stigma obtus & recourbés ; le fruit est ovale, sillonné de cinq rayures, & composé de cinq loges ; les graines sont nombreuses & taillées en rein. Linnæi, Gen. plant. p. 383. Ruppii, Flora jenensis, pag. 16. (D. J.)

TRIOPION ou TRIOPIA, (Géog. anc.) c’est le premier nom qu’ait eu la ville de Gnide ; de-là vient que l’on trouve Apollo triopius, templum triopium, & mare triopium, pour l’Apollon de Gnide, le temple de Gnide, & la mer qui baigne le territoire de Gnide. Scylax parle aussi d’un promontoire sacré dans la Carie, qu’il nomme ἱερὸν Τριόπιον. Le scholiaste de Théocrite appelle ce même promontoire Tripon, & dit que les Doriens y tenoient une assemblée de religion & des jeux en l’honneur des nymphes, d’Apollon & de Neptune. Le promontoire Triopon ou le promontoire de Gnide fut ainsi nommé de Triopé, fils d’Abas ; il s’appelle présentement Capo-Erio. (D. J.)

TRIOPTERIS, s. f. (Hist. nat. Botan.) genre de plante ainsi nommée par Linnæus ; voici ses caracteres. Le calice est fort petit, mais durable ; il est composé d’une seule feuille découpée en cinq segmens. La fleur est formée de six pétales égaux, de forme ovale, entourée de trois autres petits pétales d’égale grandeur entre eux ; les étamines sont deux filets attachés au calice, & qui s’élevent au-dessus des pétales de la fleur ; leurs bossettes sont simples ; le germe du pistil est partagé en trois ; les stiles sont pareillement au nombre de trois, & simples ; les stigma sont obtus ; il n’y a point de fruit qui contienne les graines ; elles sont nues, au nombre de trois, creusées sur le dos, aîlées dans les bords, & ressemblant dans le commencement qu’elles sortent