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toutes autres personnes, on défendit d’agir offensivement depuis le mercredi au soir jusqu’au lundi matin, par le respect particulier, disoit-on, qu’on devoit a ces jours que Jesus-Christ à consacrés par les derniers mysteres de sa vie, & c’est ce qu’on appella treve. On déclara excommuniés les violateurs de l’un ou l’autre de ces decrets, & l’on arrêta ensuite qu’ils seroient bannis ou punis de mort, selon la qualité des violences qu’ils auroient commises. Divers conciles approuverent ces résolutions, & entr’autres celui de Clermont en Auvergne tenu en 1095, qui aux quatre jours de la semaine affectés à la treve, ajouta tout le tems de l’avent jusqu’après l’octave de l’épiphanie, celui qui est compris entre la septuagesime & l’octave de pâques, & celui qui commence aux rogations & finit à l’octave de la pentecôte ; ce qui joint aux autres jours prescrits pour la treve dans les autres saisons, faisoit plus de la moitié de l’année. Il est étonnant que les évêques qui avoient intimidé les peuples par le motif de la religion pour les engager à suspendre leur vengeance pendant la moitié de chaque semaine & des intervalles assez considérables de l’année, ne pussent en obtenir la même chose ni pour la semaine ni pour l’année entiere, & il ne l’est pas moins que les peuples crussent tolérée & même permise à certains jours une vengeance qu’ils n’osoient prendre dans d’autres. Ce qu’il y a de certain, c’est que l’usage de ces petites guerres qui désoloient toutes les provinces du royaume, dura jusqu’au tems de Philippe-le-bel. Voyez Treve de Dieu.

TREVENTINATES, (Géog. anc.) peuples d’Italie, que Pline, l. III. c. xij. place dans la quatrieme région. Leur ville est nommée Tereventum par Frontin, p. 89, qui lui donne le titre de colonie. C’est aujourd’hui Trivento, sur le Trigno, dans le comté de Molisse. (D. J.)

TREVES, (Géog. mod.) ville d’Allemagne en deçà du Rhin, capitale de l’archevêché & électorat du même nom, au bord de la Moselle, qu’on y passe sur un pont, à dix lieues d’Allemagne au nord-est de Luxembourg, à treize au nord-est de Metz, & à dix-sept au sud de Mayence.

Quoiqu’elle ne soit plus si fameuse que lorsque cinq des principales villes situées sur le Rhin lui étoient soumises, elle tient pourtant encore son rang parmi les villes peuplées, à quoi la fertilité de son terroir, son vignoble & la Meuse qui y passe, contribuent beaucoup. Sa situation est au bord de la Moselle entre deux montagnes, & la petite riviere Olebia, en allemand Weberbach, passe au milieu de la ville. On y compte un grand nombre d’églises & plusieurs maisons religieuses. Long. 24. 15. latit. 49. 47.

Treves fut connue anciennement sous le nom de Trevirorum civitas, ou Treviti, du nom des peuples qui l’habitent. Après qu’Auguste l’eut érigée en métropole de la seconde Belgique, elle prit en son honneur le nom d’Augusta Trevirorum. Tacite fait beaucoup mention de cette ville. Ammien Marcellin l’appelle une seconde Rome, à cause de son autorité, de son pouvoir, de la magnificence de ses bâtimens à la romaine, & pour avoir été la plus grande ville en-deçà des Alpes. Quelques empereurs romains & ensuite quelques rois de France, y ont fait plusieurs fois leur séjour. On y voit encore des restes d’antiquité, entr’autres des piliers & des colonnes de son pont sur la Moselle, des vestiges d’anciennes tours & d’un amphithéatre ; mais les Huns, les Francs & les Normands ont détruit par leurs ravages ses autres monumens antiques.

On prétend que Salvien, prêtre de Marseille au cinquieme siecle, étoit originaire de Treves ; ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il mourut à Marseille dans un âge fort avancé. Il nous reste de lui deux traités qui sont écrits d’un style assez orné, l’un sur la providence de

Dieu, & l’autre contre l’avarice. Les meilleures éditions des ouvrages de Salvien ont été données par M. Baluze à Paris, & par Conrad Ritterhusius à Nuremberg, en deux volumes in-8°.

Drusille (Julie), fille de Germanicus & d’Agrippine, naquit à Treves, & dégénera de l’exemple de ses pere & mere ; car sa vie fut très-scandaleuse. Elle épousa Lucius Cassius ; mais Caligula son frere l’enleva à ce mari, & vécut incestueusement avec elle comme avec sa femme légitime. Il l’aimoit déjà follement n’ayant pas encore la robe virile ; & quand elle fut morte l’an 791 de Rome, il fit des extravagances impies pour honorer sa mémoire. Il donna à ce sujet des decrets semblables à ceux que l’on avoit faits pour Livie femme d’Auguste, indépendamment de son decret public qui déclaroit Drusille au nombre des immortels.

On la mit en statue d’or dans le sénat : on lui éleva une autre statue dans le forum pareille à celle de Vénus, & sous les mêmes honneurs que l’on rendoit à cette déesse. On lui dédia un temple particulier : on ordonna que les hommes & les femmes lui consacreroient des images, que les femmes jureroient par son nom quand elles attesteroient quelque fait, & que son jour natal seroit destiné à des jeux tels que ceux de Cybele. Elle fut appellée la Panthéa, c’est à-dire, la toute-divine, & on lui rendit les honneurs divins dans tout l’empire. Caligula, dans les choses même de la derniere importance, ne juroit jamais ni au sénat ni à l’armée, que par la divinité de Drusille. Livius Geminus non content de déclarer qu’il l’avoit vu monter au ciel & converser avec les dieux, fit des imprécations contre lui-même & contre ses propres enfans, si ce qu’il disoit n’étoit pas véritable. Cette basse flatterie lui valut une grosse fortune ; les Romains se trouverent alors fort embarrassés ; car s’ils paroissoient tristes, on les accusoit de méconnoitre la divinité de Drusille ; s’ils paroissoient gais, on les accusoit de ne pas regretter sa mort. Enfin c’étoit un crime de pleurer Drusille, parce qu’elle étoit déesse, & de ne la pas pleurer, parce qu’elle étoit la sœur de Caligula. Voyez à ce sujet Dion, Suétone & Séneque. (D. J.)

Treves, archevêché de, (Géog. mod.) l’archevêché de Treves est un des électorats de l’empire. Il est borné par celui de Cologne au septentrion, par la Wetteravie à l’orient, par le palatinat du Rhin & par la Lorraine au midi, par le Luxembourg à l’occident.

Pepin, Charlemagne & Louis le débonnaire ayant enrichi considérablement l’église de Treves, ses archevêques commencerent sous le regne d’Othon II. vers l’an 976, à se gouverner en princes souverains ; & vers ce tems-là les chanoines las de vivre régulierement & en commun, partagerent les biens du chapitre en prébendes, & vécurent dans des maisons séparées. Ludophe de Saxe fut le premier électeur de Treves, suivant l’opinion de ceux qui attribuent l’institution du college électoral à Othon III. Les successeurs de Ludolphe aggrandirent insensiblement leur domaine par des acquisitions, des échanges, des donations, & des cessions que d’autres princes leur firent.

Le pays de l’archevêché de Treves est fertile, surtout en vins ; la Moselle le coupe en partie septentrionale & en partie méridionale ; la premiere est beaucoup plus agréable & mieux peuplée que la seconde, qui ne contient presque que des bois. Cet état est composé de vingt-cinq bailliages, dont celui de Treves capitale, fait le principal.

Les empereurs de la maison de Saxe soumirent la ville de Treves aux archevêques, & les empereurs de la maison de Franconie l’affranchirent de la domination de ces prélats qui s’y opposerent, & ne laisserent pas de reprendre quelquefois leur autorité, selon