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de la Vierge, de saint Michel, de saint Jean-Baptiste, de tous les apôtres & de tous les saints dont la solemnité étoit annoncée à l’église, de la Toussaint, le jour de la dédicace des églises, & le jour de la fête du patron des paroisses, &c.

Le reglement des rois Edouard & Guillaume II. sur la paix ou treve de Dieu, fut depuis confirmé dans un concile tenu à Lillebonne l’an 1080.

Plusieurs grands seigneurs adopterent aussi la treve de Dieu, tels que Raimond Berenger, comte de Barcelone en 1066, & Henri, évêque de Liege en 1071.

Ce que les évêques avoient ordonné à ce sujet à leurs diocésains, fut confirmé par Urbain II. au concile de Clermont en 1095.

Il y eut nombre d’autres conciles qui confirmerent la treve de Dieu ; outre le synode d’Elne en 1027, & le concile de Bourges en 1031, dont on a dejà parlé, on en fit aussi mention dans les conciles de Narbonne en 1054, d’Elne en 1065, de Troye en 1193, de Rouen en 1096, de Northausen en 1105, Reims en 1119 & 1136, de Rome dans la même année, de Latran en 1139, au troisieme concile de Latran en 1179, de Montpelier en 1195, & plusieurs autres.

On voit aussi par le chapitre premier du titre de treuga & pace aux décrétales, qui est tiré du concile de Latran de l’an 1179, sous Alexandre III. que la treve de Dieu, avec une partie des augmentations qu’Edouard-le-Confesseur y avoit faites, devint une regle générale & un droit commun dans tous les états chrétiens.

Cependant Yves de Chartres dit que cette treve étoit moins fondée sur une loi du souverain que sur un accord des peuples confirmé par l’autorité des évêques & des églises.

On faisoit jurer l’observation de cette treve aux gens de guerre, aux bourgeois, & aux gens de la campagne, depuis l’âge de quatorze ans & au-dessus ; le concile de Clermont marque même que c’étoit dès douze ans.

Ce serment fut la cause pour laquelle Gérard, évêque de Cambray, s’opposa si fortement à l’établissement de la treve de Dieu ; il craignoit que chacun ne tombât dans le cas du parjure, comme l’événement ne le justifia que trop.

La peine de ceux qui enfreignoient la treve de Dieu étoit l’excommunication, & en outre une amende, & même quelquefois une plus grande peine.

Cependant les treves étoient mal observées, & les guerres privées recommençoient toujours.

Pour en arrêter le cours, Philippe-Auguste fit une ordonnance, par laquelle il établit une autre espece de treve appellée la quarantaine le roi ; il ordonna que depuis le meurtre ou l’injure, jusqu’à quarante jours accomplis, il y auroit de plein droit une treve de par le roi, dans laquelle les parens des deux parties seroient compris ; que cependant le meurtrier ou l’agresseur seroit arrêté & puni ; que si dans les quarante jours marqués quelqu’un des parens étoit tué, l’auteur de ce crime seroit réputé traître & puni de mort.

Cette treve eut plus de succès que les précédentes, elle fut confirmée par saint Louis en 1245, par Philippe III. en 1257, par Philippe-le-Bel en 1296, 1303, & 1314, par Philippe-le-Long en 1319, & par le roi Jean en 1353, lequel en prescrivant l’observation ponctuelle de la quarantaine le roi, sous peine d’être poursuivi extraordinairement, mit presque fin à cet abus invétéré des guerres privées. Voyez le Glossaire de Ducange & celui de Lauriere, le Recueil des ordonnances de la troisieme race, & les mots Assurement, Guerre privée, Paix, Quarantaine le roi, Sauvegarde. (A)

Treve enfreinte ou brisée, c’étoit la même chose. Voyez ci-devant Treve brisée. (A)

Treve pêcheresse, est la faculté qu’une puissance souveraine accorde aux pêcheurs de quelque autre nation, de pêcher en toute liberté dans les mers de sa domination, nonobstant la guerre qui subsiste entre les deux nations.

Les puissances voisines qui ont pour limites des mers qui leur sont communes, ayant un égal intérêt de favoriser la pêche de leurs sujets respectifs en quelque tems que ce soit, rien ne seroit plus naturel que de convenir entr’elles de cette liberté de la pêche, au moins pour le poisson qui se mange frais, laquelle ne peut être faite que jour par jour. On devroit déroger en cette partie au droit de la guerre, suivant lequel les pêcheurs sont de bonne prise comme les autres navigateurs.

Aussi ces sortes de traités étoient ils anciennement d’une pratique assez commune : c’est ce qu’on appelloit treve pêcheresse.

De la part de la France, l’amiral étoit autorisé à les conclure : c’étoit une des prérogatives de sa charge ; il en est fait mention dans les ordonnances du mois de Février 1543 & Mars 1584. L’amiral avoit le droit d’accorder en tems de guerre de telles treves pour la pêche du hareng & autres poissons aux ennemis & à leurs sujets, pourvu que les ennemis la voulussent accorder de même aux sujets du roi ; & si la treve ne se pouvoit accorder de part & d’autre, l’amiral pouvoit donner aux sujets des ennemis des saufs-conduits pour la pêche, sous telles & semblables cautions, charges & précis que les ennemis les accordoient aux sujets du roi. L’amiral pouvoit en tems de guerre armer des navires pour conduire en sûreté les sujets du roi & autres marchands alliés & amis de la France.

Cet ordre a subsisté jusqu’en 1669, que la charge d’amiral qui avoit été supprimée en 1626, fut rétablie. Depuis ce tems il n’a plus été fait aucun traité, soit pour la liberté de la pêche ou autre cause, qu’au nom du roi ; de même aussi les escortes pour la liberté de la pêche n’ont été données que par ordre du roi. Le droit dont jouissoit l’amiral par rapport à ces deux objets n’ayant point été rappellé lors du rétablissement de cette charge, & ayant même été révoqué implicitement, tant par le dernier article du réglement du 12 Novembre 1669, que par l’ordonnance de la marine tit. de la liberté de la pêche, art. 14.

Au reste ces treves pêcheresses n’ont presque plus été pratiquées, même pour la pêche journaliere du poisson frais, depuis la fin du dernier siecle, par l’infidélité de nos ennemis qui enlevoient continuellement nos pêcheurs, tandis que les leurs faisoient leurs pêches en toute sûreté. Voyez l’ordonnance de la marine, liv. V. tit. 7, & le commentaire de M. Valin. (A)

Treve du seigneur, voyez ci-devant Treve de Dieu.

Treve et paix, (Hist. mod.) nom que l’on donna vers l’an 1020, à un decret porté contre les violences qui se commettoient alors publiquement de particulier à particulier. Les lois étoient alors si peu respectées, & les magistrats si foibles, que chaque citoyen prétendoit avoir droit de se faire justice à soi-même par la voie des armes, sans épargner le fer ni le feu contre les maisons, les terres & les personnes mêmes de ses ennemis. Pour remédier à ces désordres, les évêques & les barons, premierement en France, puis dans les autres royaumes, firent un decret par lequel on mettoit absolument à couvert de ces violences les églises, les clercs ou ecclésiastiques séculiers, les religieux & leurs monasteres, les femmes, les marchands, les laboureurs & les moulins : ce qu’on comprit sous le nom de paix. A l’égard de