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celui qui a mêlé en donne du dessus à chacun qui lui en demande, selon son rang, en commençant par sa droite. On ne donne qu’une carte à chacun des joueurs qui en demandent, & on ne recommence à en donner que lorsque le tour est fait ; celui qui mêle peut en prendre à son tour lorsqu’il trouve bon pour son jeu d’aller à fond. Voyez Aller a fond.

Les joueurs qui ont été à fond, ou qui sans y avoir été ont plus de trente-un, ne peuvent gagner ; mais celui qui a trente-un, ou si personne n’a ce point justement, c’est celui qui en approche de plus près qui gagne. Ce qui fait qu’on s’y tient lorsqu’on a vingt-huit, vingt-neuf, ou trente, on s’y tient plutôt que de risquer à prendre une carte qui fera passer le trente-un. Lorsqu’il y a plusieurs trente-un, c’est celui qui l’a plutôt eu qui gagne ; c’est pourquoi celui qui a trente-un le premier doit avertir qu’il l’a ; & si deux ou plusieurs l’avoient dans le même tour, personne ne gagneroit, & on renvoyeroit le coup au jeu suivant ; on feroit de même d’un point plus bas s’il étoit égal, & le gagnant ; telle est la maniere de jouer ce jeu, qui n’a rien que de fort aisé.

Trente-maille, s. m. (Pêche.) sorte de filet tramaillé ; le ret de trente-mailles ou ret à poisson plat, est une espece de trameau ou de picot dérivant ; les pêcheurs s’en servent de même que des brions ; mais quand le tems leur permet de descendre à la mer & de passer a barre de Bayonne, ils tendent alors leur ret en demi-cercle, & après qu’il est tendu de la même maniere que les picots sédentaires, ils battent l’eau pour faire donner le poisson dans le filet. Cette pêche tient ainsi des rets verquans aux aloses dans la riviere & des picots sédentaires à la mer ; on s’en sert en tout tems ; mais la meilleure saison pour faire la pêche du poisson plat à cette côte, est durant le mois de Septembre ; le ret a une brasse de haut sur soixante de long ; la maille du hameau ou de l’émail est de deux sortes ; la plus large a six pouces deux lignes ; la charte, nappe, ou flue, n’a que quinze lignes en quarré.

Trente, (Géog. mod.) ville d’Italie, capitale du Trentin, dans la Marche trévisane, elle est située sur la riviere d’Etsch ou Adige, qu’on y passe sur un pont, dans une plaine environnée de montagnes, qui sont presque toute l’année couvertes de neige, à 4 milles du lac de Garde, à 6 de Bolzene, à 8 de Vérone, & à 24 d’Inspruch.

La ville est séparée en deux quartiers, dont le plus grand est habité par les Italiens, & l’autre par les Allemands. Il y regne de grandes chaleurs en été, & pendant l’hiver un froid violent. La riviere & des torrens qui tombent des montagnes désolent souvent cette ville par des débordemens. On y compte huit églises, dont trois paroissiales. Le chapitre de la cathédrale est composé de nobles & de lettrés qui ont droit d’élire leur évêque. Long. 28. 36. lat. 46.

La ville de Trente est fort ancienne. Strabon, Pline & Ptolomée en font mention. Elle dérive son nom de trois ruisseaux qui des montagnes voisines entrent dans la ville, & sa fondation est attribuée aux anciens Toscans. Après ceux-ci les Cénomans la doivent avoir réparée & élargie. Elle a obéi successivement aux Goths, aux Lombards & aux empereurs romains. Ensuite elle a fait partie du domaine des ducs de Baviere. Aujourd’hui l’évêque de Trente en est le seigneur pour le temporel & le spirituel. Il est prince de l’empire, & possede toute la comté de Trente avec plusieurs bourgs & seigneuries, en vertu de la donation qui lui en fut faite l’an 1027, par l’empereur Conrad II. & confirmée par les empereurs Frédéric I. & II. Il reconnoît pourtant pour son protecteur le comte de Tirol, qui pendant la vacance du siege envoie à Trente un gouverneur qui commande jusqu’à ce que l’évêque soit élu.

Trente n’a guere qu’un mille d’Italie de circuit, & n’a rien dans son enceinte qui mérite d’être vu. Elle n’est fameuse que par le concile qui s’y est tenu dans le seizieme siecle. Il commença l’an 1545, & ne finit que l’an 1563. Fra-Paolo, Vargas, Ranchin & MM. Dupuy en ont dévoilé l’histoire. L’église où ce concile a tenu ses assemblées, s’appelle Sainte Marie-Majeure ; elle est petite, & bâtie d’un vilain marbre qui n’est que dégrossi. On y voit dans un grand tableau le concile représenté ; mais ce tableau n’est pas le pendant de la Messe Jules de Raphaël. Aucun des grands acteurs du concile n’y est caractérisé, pas même le cardinal de Lorraine, qui y joua le plus grand rôle, & qui s’y rendit avec un train magnifique composé d’une quarantaine d’évêques, & d’un grand nombre de docteurs. Le pape en conçut de l’ombrage, & saisi de crainte, pria Philippe de le soutenir ; mais la fortune le servit encore mieux, la mort du duc de Guise rabaissa le courage du cardinal. Il trouva convenable pour les intérêts de sa maison, de s’humaniser avec sa sainteté ; & relâchant de ses grands desseins, il ne soutint dans le concile ni les trente-quatre articles de réformation qu’il s’étoit proposé d’appuyer, ni les droits de la couronne, ni les libertés de l’église gallicane.

Aconce (Jacques), philosophe & théologien, naquit à Trente au xvj. siecle. Il embrassa la réformation, vint à Londres, & reçut mille marques de bonté de la reine Elisabeth, comme il le témoigne à la tête du livre qu’il lui dédia. C’est le fameux recueil des stratagemes du Diable, qui a été si souvent traduit & si souvent imprimé. L’auteur mourut peu de tems après la publication de cet ouvrage, dont la premiere édition est de Bâle en 1565.

Il n’adoptoit point les principes de Calvin, ce qui fit qu’on l’accusa de tolérantisme comme d’un crime ; mais il répondit aux Protestans, comme Jesus-Christ à ses disciples : Vous ne savez de quel esprit vous êtes. C’étoit alors une gloire rare qu’une ame éprise de la tolérance ; le contraire seroit de nos jours une chose odieuse.

Aconce n’étoit pas seulement théologien, mais un esprit exact, plein de discernement & de pénétration, qui prévoyoit déja qu’on alloit passer dans un siecle plus éclairé que le sien, & sa conjecture étoit bien fondée. Il est vrai que le seizieme siecle a produit un plus grand nombre de savans hommes que le dix-septieme ; cependant il s’en faut beaucoup que le premier de ces deux siecles ait eu autant de lumieres que l’autre. Pendant que le regne de la critique & de la philosophie a duré, on a vu par toute l’Europe plusieurs prodiges d’érudition. L’étude de la nouvelle philosophie, & celle des langues vivantes ayant introduit un autre goût, on a cessé de voir cette vaste & cette profonde littérature ; mais en récompense il s’est répandu dans la république des lettres un certain esprit plus fin, & accompagné d’un discernement plus exquis. Les gens sont aujourd’hui moins savans & plus habiles.

Le jésuite Martini (Martin) étoit aussi natif de Trente. Il fut envoyé par ses supérieurs à la Chine ; ses ouvrages sur ce royaume contiennent une description géographique de la Chine en latin. Ils ont été imprimés à Amsterdam en 1659, in-fol. avec quantité de cartes. (Le chevalier de Jaucourt.)

Trente, concile de, (Hist. ecclés.) la clôture de ce fameux concile qui avoit commencé en 1545, se fit en 1563. Du Ferrier, ambassadeur fit ses protestations contre ce qui s’étoit passé à ce concile. Nous voyons dans une lettre datée de Fontainebleau du 3 Mars, de Jean Morvilliers à son neveu l’évêque de Rennes, ambassadeur auprès de l’empereur : « Que sitôt que le cardinal de Lorraine fut de retour du concile, on envoya quérir les présidens de la cour