Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 16.djvu/581

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

très-aisément feu, & qui produisent alors des effets aussi violens que ceux du tonnerre. Voyez Charbon minéral. Quelques-unes de ces vapeurs pour s’enflammer d’elles-mêmes, n’ont besoin que d’en rencontrer d’autres, ou même de se mêler avec l’air pur qu’elles mettent en expansion, & de cette maniere elles peuvent produire une espece de tonnerre souterrein. Ces vapeurs sont produites sur-tout par les pyrites qui se décomposent ; on sait que ces substances minérales se trouvent abondamment répandues dans toutes les parties de la terre ; les vapeurs qui en partent sont sulfureuses ou de l’acide vitriolique ; en rencontrant des émanations bitumineuses & grasses, elles peuvent aisément s’enflammer. Pour s’assûrer de cette vérité, on n’aura qu’à faire un mélange d’une partie de charbon de terre, & de deux parties de la pyrite qui donne du vitriol, on aura une masse qui mise en un tas s’allumera au bout d’un certain tems, & se consumera entierement. On a vu des terres d’ombre s’allumer d’elles-mêmes après avoir été broyées avec de l’huile de lin. Voyez Ombre (terre d).

Plusieurs physiciens ont voulu expliquer la formation des embrasemens souterreins, par une expérience fameuse qui est dûe à M. Lemery ; elle consiste à mêler ensemble du soufre & de la limaille de fer ; on humecte ce mélange, & en l’enterrant il produit en petit au bout d’un certain tems les phénomenes des tremblemens de terre & des volcans. Quelque ingénieuse que soit cette explication, M. Rouelle lui oppose une difficulté très-forte. Ce savant chimiste observe que dans son expérience M. Lemery a employé du fer véritable & non du fer dépouillé de son phlogistique, ou du fer minéralisé. D’où l’on voit que pour expliquer de cette maniere les embrasemens souterreins, il faudroit qu’il y eût dans le sein de la terre une grande quantité de fer pur ; ce qui est contraire aux observations, puisque le fer se trouve presque toujours ou minéralisé, ou sous la forme d’ochre, c’est-à-dire privé de son phlogistique dans le sein de la terre. Quant au fer pur ou fer natif qui se trouve par grandes masses, comme au Sénégal, on a lieu de soupçonner qu’il a été lui-même purifié & fondu par les feux de la terre.

De quelque façon que les embrasemens se produisent dans le sein de la terre, ils ont un besoin indispensable de l’air ; le feu ne peut point s’exciter sans le contact de l’air : or on ne peut point nier que la terre ne renferme une quantité d’air très-considérable ; ce fluide y pénetre par les fentes dont elle est traversée ; il est contenu dans les grottes & les cavités dont elle est remplie ; les ouvriers des mines, en frappant & en perçant les roches avec leurs outils, l’entendent quelquefois sortir avec un violent sifflement, & il éteint souvent les lampes qui les éclairent. On ne peut donc douter que la terre ne contienne une quantité d’air assez grande pour que les matieres susceptibles de s’enflammer puissent prendre feu ; ce même air qui est entré peu-à-peu, est mis en expansion ; les écroulemens de terre qui se sont faits au commencement de l’inflammation qui a du miner & excaver peu-à-peu les rochers, empêchent que l’air ne trouve d’issue ; alors aidé de l’action du feu qu’il a allumé, il fait effort en tout sens pour s’ouvrir un passage ; & ses efforts sont proportionnés à la quantité des matieres embrasées, au volume de l’air qui a été mis en expansion, & à la résistance que lui opposent les roches qui l’environnent. Personne n’ignore les effets prodigieux que l’air peut produire lorsqu’il est dans cet état ; il n’est pas besoin d’un grand effort pour concevoir que ces effets doivent s’opérer nécessairement dans l’intérieur de la terre.

A l’égard de l’eau, toutes les observations prouvent que la terre en contient une quantité prodigieuse ; plus on s’enfonce dans les souterreins des mines,

plus on en rencontre ; & souvent on est forcé pour cette raison, d’abandonner des travaux qui promettoient les plus grands avantages ; les ouvriers des mines en perçant des rochers, en sont quelquefois noyés ou accablés. Voyez l’article Mines. L’eau contenue dans les profondeurs de la terre, peut contribuer de plusieurs manieres aux tremblemens de terre : 1°. l’action du feu réduit l’eau en vapeurs, & pour peu que l’on ait de connoissance en physique, on saura que rien n’approche de la force irrésistible de ces vapeurs mises en expansion, lorsqu’elles n’ont point d’issue ; les expériences faites avec la machine de Papin, celles de l’éolipyle, &c. nous en fournissent des preuves convaincantes : on peut donc concevoir que l’eau réduite en vapeurs par la chaleur, dans les cavités de la terre, fait effort pour sortir ; comme elle ne trouve aucun passage pour s’échapper, elle souleve les rochers qui l’environnent, & par-là elle produit des ébranlemens violens & qui se font sentir à des distances incroyables : 2°. l’eau produira encore des effets prodigieux, lorsqu’elle viendra à tomber tout d’un-coup dans les amas de matieres embrasées ; c’est alors qu’il se fera des explosions terribles ; pour se convaincre de cette vérité, l’on n’a qu’à faire attention à ce qui arrive lorsqu’on laisse imprudemment tomber une goutte d’eau sur un métal qui est entré parfaitement en fusion ; on verra que cela est capable de faire entierement sauter les atteliers, & de mettre la vie des ouvriers dans le plus grand danger. Ainsi les eaux concourent aux tremblemens de terre, augmentent la vivacité du feu souterrain, & contribuent à le répandre ; une expérience commune & journaliere peut encore nous donner une idée de la maniere dont ces phénomènes peuvent s’opérer : si dans une cuisine le feu prend à la graisse qu’on fait fondre dans un poélon, & qu’alors on y verse de l’eau pour l’éteindre, le feu se répand en tout sens, la flamme s’augmente, & l’on court risque de mettre le feu à la maison : 3°. les eaux peuvent encore contribuer à animer les feux souterreins, en ce que par leur chute, elles agitent l’air & font la fonction des soufflets des forges ; de cette maniere, l’eau peut encore étendre les embrasemens : 4°. enfin l’eau peut encore concourir aux ébranlemens de la terre, par les excavations qu’elle fait dans son intérieur, par les couches qu’elle entraîne après les avoir détrempées, & par les chutes & les écroulemens que par là elle occasionne.

On voit par tout ce qui précede, que les tremblemens de terre & les volcans, ou montagnes qui jettent du feu, sont dus aux mêmes causes ; en effet les volcans ne peuvent être regardés que comme les soupiraux ou les cheminées des foyers qui produisent les tremblemens de terre. Voyez l’article Volcan.

Après avoir exposé les causes les plus probables des tremblemens de terre, nous allons maintenant décrire les phénomènes qui les précédent & qui les accompagnent le plus ordinairement ; car en cela, comme dans toutes les opérations de la nature, les circonstances produisent des variétés infinies. On a souvent remarqué que les tremblemens de terre venoient à la suite des années fort pluvieuses : on peut conjecturer de-là que les eaux de la pluie, en détrempant les terres, bouchent les fentes & les ouvertures par lesquelles l’air & le feu qui sont sous terre, peuvent circuler & trouver des issues. Des feux follets, des vapeurs d’une odeur sulphureuse, un air rouge & enflammé, des nuages noirs & épais, un tems lourd & accablant, sont ordinairement les avant-coureurs de ces funestes catastrophes ; cependant on les a vu quelquefois précédées d’un calme très-grand, & d’une sérénité parfaite. Les animaux paroissent remplis d’une terreur qu’ils expriment par leurs mugissemens & leurs hurlemens ; les oiseaux voltigent çà & là,