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golfes Singitique & Thermée par deux grandes péninsules. Ce golfe avoit pris son nom de la ville Torone qui étoit bâtie sur son rivage. (D. J.)

TORONE, (Géog. anc.) 1°. ville de l’Epire, selon Ptolomée, liv. III. c. xiv. Niger appelle cette ville Parga.

2°. Torone, ville de la Macédoine, sur le golfe Toronaïque auquel elle donne son nom. Le périple de Scylax, Diodore de Sicile, Thucydide & la plûpart des anciens parlent de cette ville.

3°. Torone, ville bâtie après la ruine de Troye, selon Etienne le géographe, qui ne dit point en quel endroit elle fut bâtie. (D. J.)

TORONS, (terme de Corderie.) ce sont des faisceaux composés d’autant de fils qu’on en a besoin, pour former les cordons d’un cordage un peu gros, & qui ont été tortillés par l’action du rouet.

Pour former les torons, on prend autant de fils qu’on croit en avoir besoin pour faire un cordon d’une grosseur proportionnée à celle qu’on veut donner à la corde ; on étend ces fils également, & on les tord ensemble au moyen du rouet ; ensuite on prend le nombre qu’on veut de ces torons pour les commettre ensemble & en fabriquer un cordage. Voyez l’article de la Corderie.

TORPIDI, (Géog. anc.) peuples de Thrace, au voisinage de la ville de Philippes, du côté de l’orient dans des détroits de montagnes que les Sapéens & eux occupoient. (D. J.)

TORPILLE, s. f. (Hist. nat. Ichthyolog.) l’engourdissement causé par ce poisson est une de ces merveilles qui ont cours depuis plusieurs siecles, qui ont été souvent célébrées, & que les esprits-forts en physique ont été tentés de ne pas croire ; en effet plusieurs anciens & modernes ont parlé de cet engourdissement avec des exagérations révoltantes. D’autres au contraire qui ont vu & manié ce poisson dans certaines circonstances, sans en ressentir d’engourdissement, en ont parlé comme d’un fait fabuleux ; mais il n’a plus été permis d’en révoquer en doute la réalité, après les témoignages de Lorenzini, de Redi & de Borelli ; quelque certain néanmoins que soit le fait, la cause n’en est pas évidente. On n’est point d’accord d’où dépend la stupeur que produit cet animal dans ceux qui le touchent, en quoi consiste précisément cette stupeur, & quelles sont les circonstances qui l’accompagnent. Entre les physiciens qui en ont écrit, les uns font imaginer l’engourdissement beaucoup plus fort, les autres beaucoup plus foible ; les uns veulent que le poisson ne l’opere que lorsqu’on le touche immédiatement ; d’autres prétendent que sa vertu soit même à craindre de loin. Nous verrons à quoi l’on peut s’en tenir sur cette matiere, après une courte description du poisson même.

Description de la torpille mâle & femelle. On la nomme torpille sur les côtes de Provence, tremble sur les côtes de Poitou, d’Aunis & de Gascogne. Les Anglois l’appellent the cramp-fish, & les Italiens torpilla. On sait que torpedo est le mot latin que lui donnent tous les anciens à commencer par Cicéron. Les modernes en font de même ; Aldrovand. de pisc. 415, Rondelet de pisc. 1. 358. Charleton pisc. 9, Salvianus de aquatilibus 142, Bellon de aquat. 988, Rai ichth. 81, Synop pisc. 28, &c.

Il suffiroit pour suggérer une idée de la torpille à ceux qui ne la connoissent point, de leur dire que c’est un poisson plat tout semblable à la raie, ou plutôt une espece de raie. Elle est mise au nombre des poissons plats & cartilagineux avec le turbot, la sole & la pastenaque. Son corps est à-peu-près rond, si on ôte la queue ; sa tête est tellement enfoncée entre ses épaules, qu’elle ne paroit aucunement. Elle a deux petits yeux & deux trous en forme de croissant toujours ouvert, une petite bouche garnie de dents ai-

guës, & au-dessus deux pertuis qui lui servent de naseaux.

Elle a cinq ouiës de chaque côté, & deux ailes sur la queue. La peau de dessus est molle, déliée, blanchâtre, celle de dessous jaunâtre, tirant sur la couleur du vin. Il y en a qui ont sur le dos des taches noires, rondes, disposées en pentagone, ou sans ordre.

On connoit plusieurs especes de torpilles ; nous ne nous arrêterons point à les décrire ; c’est assez d’observer que la petite espece pese peut-être six onces, tandis que celles de la grande vont depuis 18 jusqu’à 28 livres. On en voit communément sur nos côtes, qui ont un pié & demi de long ; on en pêche aussi quelquefois de plus grandes. Ce poisson se met au rang des vivipares, quoiqu’il ait des œufs. On trouve sa figure dans la plûpart des auteurs que j’ai cités ci-dessus, & en particulier dans l’excellent traité sur ce poisson par Lorenzini, imprimé à Florence en 1678 ; Rédi a fait de son côté une exacte description d’une torpille femelle qui pesoit 15 livres, & qu’on lui apporta vivante ; il remarque entr’autres particularités, que son cœur qui n’avoit qu’une oreillette, continua ses battemens sept heures après avoir été séparé du corps, & que cette torpille donna des signes manifestes de mouvement & de sentiment trois heures après qu’on lui eût arraché le cœur. Ses yeux étoient élevés en-dehors comme deux petites bouteilles malfaites, & sa prunelle n’étoit pas ronde ; elle avoit deux ovaires ou deux pépinieres d’œufs attachées immédiatement aux deux lobes du foie. Il y avoit dans chacune de ces pépinieres plusieurs œufs, dont les cinq plus gros pesoient chacun environ une once. C’en est assez pour faire connoître la torpille européenne ; venons aux effets qu’elle produit sur ceux qui la touchent, & à la cause dont ils dépendent.

De l’engourdissement que produit la torpille. Quand on touche la torpille avec le doigt, il arrive assez souvent qu’on sent une espece d’engourdissement douloureux dans la main & dans le bras jusqu’au coude, & quelquefois jusqu’à l’épaule. Sa plus grande force est dans l’instant qu’il commence ; il dure peu, diminue insensiblement, & se dissipe au bout de quelque tems. Il ressemble à cette sensation douloureuse qu’on éprouve dans le bras, lorsqu’on s’est frappé le coude un peu rudement contre quelque corps dur.

Si l’on ne touche point le tremble, quelque près qu’on en ait la main, on ne sent jamais rien ; si on le touche avec un bâton, on sent très-peu de chose ; si on le touche par l’interposition de quelque corps mince, l’engourdissement est assez considérable ; si on le presse en appuyant avec force, l’engourdissement en est moindre, mais toujours assez considérable pour obliger à lâcher prise ; si on le touche quand il est mort, il ne survient aucune stupeur. Mais comment ce poisson, quand il est en vie, opere-t-il l’engourdissement dont nous parlons ? c’est ce qu’il s’agit de rechercher.

Explication de la cause de cet engourdissement. On a entrepris jusqu’ici d’en rendre raison par deux explications différentes ; car il ne faut compter pour rien la plus ancienne explication, qui donne à la torpille une vertu torporifique ; si on peut compter cette opinion pour quelque chose, ce n’est qu’en cas qu’on veuille la faire revenir au même que la premiere des deux opinions ; je veux dire qu’en cas qu’on la confonde avec celle qui prétend que l’effet que produit la torpille, dépend d’une infinité de corpuscules qui sortent continuellement de ce poisson, & plus abondamment dans certaines circonstances que dans d’autres. C’est l’opinion qu’ont adoptée MM. Redy, Perrault & Lorenzini. Ils croyent que, comme le feu envoie une quantité de corpuscules propres à nous échauffer, de même la torpille envoie quantité de pe-